COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE A FV/IM X... N 214 AFFAIRE No : 04/01052 Jugement du 16 Février 2004 du Tribunal de Grande Instance d'ANGERS no d'inscription au RG de première instance 02/02809
X... DU 24 MAI 2005
APPELANTE : LA S.A. ASSURANCES GENERALES DE FRANCE IART (AGF IART) 87 rue de Richelieu - 75002 PARIS représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me Patrick BEUCHER, avocat au barreau d'ANGERS INTIME : Monsieur Rémi Y... 11 rue du Vivier - 49320 BRISSAC QUINCE représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Albert FUHRER, avocat au barreau d'ANGERS COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Avril 2005 à 13 H 45, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 15 décembre 2004, pour exercer les fonctions de Président
Madame BLOCK, conseiller Madame VERDUN, conseiller
Qui en ont délibéré Greffier lors des débats : Madame LEVEUF X... : contradictoire
Prononcé publiquement le 24 mai 2005 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Madame CHAUVEL, président et par Madame LEVEUF, greffier lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur Rémi Y..., artisan menuisier, est bénéficiaire d'un contrat Tonus souscrit auprès des AGF le 20 juillet 1999, qui lui garantit le versement d'indemnités journalières pendant une durée maximale d'un an en cas d'ITT.
Victime d'un accident cardiaque le 29 octobre 2000, il a été placé en arrêt de maladie de manière ininterrompue jusqu'au 29 janvier 2001, date à laquelle son organisme de sécurité sociale, les Assurances Vieillesses des Artisans Maine et Loire, lui a attribué une pension d'invalidité.
Les AGF lui ont versé les indemnités journalières prévues au contrat jusqu'au 13 janvier 2001 puis, au résultat d'une expertise réalisée par son médecin conseil, ont invoqué la nullité du contrat souscrit le 20 juillet 1999, pour fausse déclaration intentionnelle, et exigé le remboursement des indemnités perçues.
Par acte d'huissier de justice du 27 septembre 2002, Rémi Y... a fait assigner les AGF en exécution forcée du contrat d'assurance.
Par jugement du 16 février 2004, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance d'ANGERS a écarté l'exception de nullité invoquée par les AGF et les a condamnées à payer à Rémi Y... la somme de 22 292,48 euros au titre des indemnités journalières dues depuis le 13 janvier 2001, outre intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2002, avec exécution provisoire, ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les AGF ont relevé appel de cette décision par déclaration du 21
avril 2004.
Les parties ont conclu. La clôture de l'instruction a été prononcée le 31 mars 2005. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions déposées par les AGF le 30 mars 2005, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles elles demandent à la cour :
d'infirmer le jugement entrepris,
de prononcer la nullité du contrat d'assurance en application de l'article L. 113-8 du Code des assurances,
de condamner Rémi Y... à lui restituer les indemnités perçues, soit la somme de 3 022,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2001,
de la décharger des condamnations prononcées en faveur de Rémi Y...,
subsidiairement, de dire que la compagnie ne saurait être tenue au versement d'une indemnité au-delà du 19 février 2001,
d'ordonner en tant que de besoin une expertise médicale de Rémi Y..., afin de déterminer s'il se trouve bien en état d'ITT au sens du contrat,
de condamner Rémi Y... à leur verser une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions déposées par Rémi Y... le 24 mars 2005, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, aux termes desquels il sollicite :
le débouté de l'appel et la confirmation du jugement déféré,
à titre infiniment subsidiaire, l'application de la règle proportionnelle prévue à l'article L. 113-9 du Code des assurances et l'injonction de produire les renseignements nécessaires à l'application de ce texte dans le délai de quinzaine au delà duquel il sera passé outre,
le donné acte de ce qu'il offre de produire telle autre pièce médicale nécessaire à la mise en jeu de la garantie au delà du 19 février 2001,
l'octroi d'une somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
la condamnation des AGF aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité du contrat d'assurance Tonus dont Rémi Y... poursuit l'exécution, le tribunal a retenu que les omissions figurant dans le questionnaire de santé rempli lors de la souscription de la police ne lui étaient pas imputables dès lors qu'il n'était pas le signataire de ce document, rempli et signé par son épouse ;
Que Rémi Y... reprend cette analyse, en invoquant les dispositions de l'article L. 112-1 du Code des assurances aux termes duquel l'assurance peut être contractée en vertu d'un mandat général ou spécial et même sans mandat, pour le compte d'une personne
déterminée et que, dans ce dernier cas, l'assurance profite à la personne pour le compte de laquelle elle a été conclue, alors même que la ratification n'aurait lieu qu'après sinistre ; qu'il en déduit que le contrat souscrit pour son compte mais sans mandat, par son épouse lui profiterait dans la mesure où il l'a ratifié en réglant les primes, et que les erreurs commises par la souscriptrice en remplissant le questionnaire de santé, lequel ne serait pas une pièce contractuelle, n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article L. 113-8 du Code des assurances, qui ne sanctionne que les fausses déclarations de l'assuré lui-même ;
Attendu que la souscription d'une assurance pour le compte d'autrui, que prévoit l'article L. 112-1 du Code des assurances, ne concerne que le mécanisme de formation du contrat, et permet, lorsque la souscription est faite sans mandant en faveur d'une personne déterminée, de faire produire effet au contrat bien que celle-ci n'en ait accepté les termes qu'après le sinistre ; qu'il ne règle pas les conséquences d'une fausse déclaration intentionnelle du souscripteur sur l'existence du lien assuranciel avec l'assuré ;
Attendu que le contrat Tonus souscrit pour le compte de Rémi Y..., alors artisan menuisier, est un contrat de prévoyance volontaire relevant de l'assurance de personne ; qu'il n'est pas contesté qu'il a été établi à partir d'une proposition d'assurance datée du 20 juillet 1999 et signée par Madame Y... laquelle a également renseigné le questionnaire de santé relatif à la personne à assurer ; que, contrairement à ce qu'affirme Rémi Y..., cette pièce revêt un caractère contractuel puisqu'elle participe de la proposition d'assurance et constitue la base d'appréciation des risques qu'il était demandé à l'assureur de garantir ;
Qu'à l'ensemble des 10 questions que comportait ce questionnaire, Madame Y... a répondu par la négative, renseignant ainsi
faussement l'assureur sur au moins trois éléments : l'existence d'une hospitalisation, d'une maladie et d'un traitement en rapport avec celle-ci ; que les questions, rédigées en termes clairs, sans périphrase ni terme technique -la personne a-t-elle été hospitalisée , est-elle atteinte ou a-t-elle été atteinte de maladie - et comportant une liste explicitant les maladies susceptibles d'atteindre certains organes (c.ur), tissus (peau) ou systèmes (métabolique : par exemple, le diabète), n'induisait aucun doute sur la nature du renseignement attendu ; que Madame Y... ne pouvait, sans avoir conscience de mentir, y répondre négativement dès lors que son époux :+
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avait été hospitalisé pour des examens durant plusieurs jours au mois de mai 1999, soit quelques semaines seulement avant la souscription du contrat Tonus , à la suite de douleurs thoraciques dont l'origine restait indéterminée (comptes rendus du Dr Z... du 26 mai 1999),
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qu'il souffrait de diabète insulino-dépendant, maladie expressément visée dans le questionnaire, et traitée depuis plusieurs années,
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qu'il présentait une dislipidémie et une hypertension artérielle nécessitant un traitement,
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qu'il prenait des antidépresseurs ;
Que la confidentialité de ces informations ne pouvait faire que Madame Y..., qui partageant la vie quotidienne de son mari, était en mesure de constater l'importance de ses prises médicamenteuses journalières, les ignore ; que la mauvaise foi de la souscriptrice se déduit également de l'intérêt manifeste qu'elle avait à dissimuler de telles informations dans le contexte évoqué, quelques semaines plus tôt, d'une affection cardiaque laquelle, au demeurant, allait se révéler médicalement dès le 19 octobre 2000 et conduire à une incapacité de travail totale, puis une invalidité ; qu'enfin, les renseignements ainsi dissimulés ont incontestablement influé sur l'appréciation des risques santé qu'il était demandé à l'assureur de garantir ;
Attendu que les effets conjugués des articles L. 112-1 et L. 113-8 du Code des assurances ne sauraient permettre à l'assuré d'échapper aux conséquences d'une fausse déclaration intentionnelle commise par le souscripteur, et d'obtenir ainsi la garantie de risques pour lesquels il n'aurait pas été couvert, ou du moins pas aux mêmes conditions, s'il avait souscrit lui-même le contrat dans les conditions de bonne foi qu'exige l'article 1134 du Code civil ;
Qu'ainsi, la discussion qu'entretient Rémi Y... sur le fait qu'il n'aurait pas mandaté son épouse est inopérante ; qu'il n'importe, en effet, que Madame Y... ait agi comme mandataire -générale en application de l'article 220 du Code civil, ou spéciale-, ou encore sans mandat, en qualité de gérante d'affaire, dès lors que les fausses déclarations intentionnelles qu'elle a commises ont mis obstacle à la formation régulière du contrat ; qu'au demeurant, Rémi Y... ne peut sérieusement prétendre avoir tout ignoré du questionnaire de santé et de l'incidence des réponses apportées sur la validité du contrat, les conditions particulières du
contrat, dont il reconnaît avoir eu connaissance, mentionnant expressément que la garantie lui était accordée sur la base de ses réponses aux différentes rubriques (en particulier celles du questionnaire médical) de la proposition d'assurance qu'il avait signée et que toute omission ou déclaration inexacte emporterait l'application des sanctions prévues par les articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances, dispositions reprises aux conditions générales de la police ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments, le contrat souscrit par Madame Y... pour le compte de son époux ne peut qu'être annulé, par application des articles L. 113-8 du Code des assurances et 1134 du Code civil, dont il n'est qu'une application, la preuve n'étant nullement apportée que ces fausses déclarations aient été provoquées par l'agent d'assurance ni même connues de lui ;
Que le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions, Rémi Y... débouté de sa demande et condamné à rembourser les indemnités journalières indûment perçues, soit la somme de 3 022,68 euros ; qu'elle ne portera intérêts au taux légal qu'à compter du 23 juin 2003, date des premières conclusions sollicitant la restitution de cette somme, les lettres préalables de réclamations ne mentionnant pas qu'elle aient été adressées en recommandé ;
Que les sommes à restituer versées en application du jugement assorti de l'exécution provisoire produiront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt infirmatif ;
Attendu qu'enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge des AGF les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer pour défendre à cette procédure ; qu'il convient, en conséquence, de faire droit à leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sauf à la limiter à la somme de 2 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
ANNULE, pour fausse déclaration intentionnelle, le contrat de prévoyance TONUS souscrit le 20 juillet 1999 pour le compte de Rémi Y... ;
CONDAMNE Rémi Y... à restituer aux AGF l'ensemble des indemnités perçues en exécution de ce contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2003 sur celle de 3 022,68 euros, et de la signification du présent arrêt sur le solde ;
CONDAMNE Rémi Y... à payer aux AGF une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE Rémi Y... aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
C. LEVEUF
S. CHAUVEL