COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale PG/SM ARRET
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS AFFAIRE N0 00/01584. AFFAIRE S.A. ETABLISSEMENTS FRIEDRICH C/ X... Philippe. Jugement du Conseil de Prud'hommes d'ANGERS du 20 Octobre 1999. ARRET RENDU LE 17 Janvier 2002 APPELANTE: S.A. ETABLISSEMENTS FRIEDRICH 106 rue de la Basse lie BP 135 44403 REZE CEDEX Convoquée, Représentée par Maître BODIN, avocat au barreau de NANTES. INTIME: Monsieur Philippe X... 141 rue Volney 49000 ANGERS Convoqué, Présent, assisté de Maître Jean-Pierre BOUGNOUX, avocat au barreau d'ANGERS. COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS: Monsieur GUILLEMIN, Conseiller, a tenu seul l'audience, sans opposition des parties et a rendu compte à la Cour dans son délibéré, conformément aux articles 786, 910 et 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile. GREFFIER lors des débats et lors du prononcé: Monsieur Y.... COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE: Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Monsieur Z... et Monsieur GUILLEMIN, Conseillers. DEBATS : A l'audience publique du 10 Décembre 2001. ARRET:
contradictoire. Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à ll'audience publique du 17 Janvier 2002, date indiquée par le Président à l'issue des débats.
Philippe X... a été embauché, le 16 mars 1992, par la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH, en qualité de responsable d'exploitation des vergers arboricoles, suivant contrat de travail régi par la convention collective des salariés arboricoles de l'Ouest de la France. Le 16 juillet 1997, Philippe X... a été licencié pour motif économique, étant précisé que" le point de départ du préavis de trois mois était fixé à la date de présentation de la lettre de licenciement". Par lettre du 29 juillet 1997, Philippe X... a contesté la durée du préavis accordé et demandé l'application du préavis conventionnel de 12 mois. Le 30 juillet 1997, la société
ETABLISSEMENTS FRIEDRICH lui a répondu qu'il n'avait pas été dispensé de l'exécution de son préavis et devait se présenter à son poste, le 25 août 1997, à l'issue de la période de congés payés. Saisi par Philippe X... pour se voir dispenser d'effectuer son préavis, le bureau de référé du Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, par ordonnance du 14 octobre 1997, a constaté qu'en vertu de la lettre de licenciement, le préavis de Philippe X... prenait fin le 16 octobre 1997, que si l'entreprise lui confirmait le préavis de trois mois à effectuer avec le terme indiqué ci-dessus, il n'empêchait que celle-ci, au vu de sa convention collective, lui devait douze mois de préavis et que seul le différentiel serait dû à Philippe X.... Cette ordonnance n'a fait l'objet d'aucun recours. Par lettre du 16 octobre1997, la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH a informé Philippe X... qu'elle ne confirmait pas le préavis de trois mois, que son préavis était de douze mois et le sommait de reprendre le travail. Sur saisine de Philippe X..., par ordonnance du 2 décembre 1997, le bureau de référé du Conseil de Prud'hommes d'ANGERS a condamné la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à lui verser la somme de 29 000 Francs à titre de provision sur l'indemnité compensatrice de préavis la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH a interjeté appel de cette décision qui a été infirmée par arrêt de cette Cour du 20janvier 1998, au motif qu'une contestation sérieuse était élevés au sujet de la dispense de préavis alléguée. Le 20 octobre 1997 la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH, constatant que Philippe X... n'avait pas repris son travail le 17 octobre, l'a mis en demeure de "travailler normalement jusqu'à l'expiration de ce préavis de douze mois", puis, le 17 novembre 1997, lui a notifié l'interruption immédiate de son contrat de travail et a saisi le Conseil de Prud'hommes d'ANGERS aux fins de voir condamner Philippe X... à lui verser les sommes de 230 972,67 Francs à titre de dommages et intérêts sur le fondement de
l'article 49 de la convention collective du 28 novembre 1983 ainsi que de 15 000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Parallèlement, le 28 novembre 1997, Philippe X... a saisi le Conseil de Prud'hommes d'ANGERS aux fins de voir condamner la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à lui verser les sommes de 229 500 Francs à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 22 950 Francs pour les congés payés y afférents, 76 500 Francs au titre de l'indemnité de licenciement, 306 000 Francs à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et 10 000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par jugement du 20 octobre 1999, rendu sur départition, le Conseil de Prud'hommes d'ANGERS a ordonné la jonction des deux affaires, constaté que le salaire brut moyen mensuel de Philippe X... était de 25 500 Francs, dit que la rupture du contrat de travail de Philippe X..., notifiée le 15juillet 1997, reposait sur un motif économique, débouté Philippe X... de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et absence de cause réelle et sérieuse, condamné la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à verser à Philippe X... les sommes de 252 450 Francs au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés compris, 76 500 Francs au titre de l'indemnité de licenciement, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 1997, débouté la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH de sa demande fondée sur l'article 49 de la convention collective, constaté que l'exécution provisoire était de droit s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement, ordonné l'exécution provisoire pour le surplus, condamné la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à payer à Philippe X... la somme de 4 000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté chacune des parties de
toutes leurs autres demandes respectives et condamné la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH aux dépens. La société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH a interjeté appel de cette décision en demandant qu'il lui soit donné acte de son absence d'opposition à sa condamnation au règlement de l'indemnité de licenciement allouée par les premiers juges dont elle a réglé le montant et en limitant son recours à sa demande de dommages et intérêts formulée par application des dispositions de l'article 49 de la convention collective précitée, tout en sollicitant le paiement par Philippe X... à son profit de la somme de 25 000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Philippe X... sollicite la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à lui verser la somme de 50 000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Formant appel incident, il demande en outre de dire que son licenciement est abusif et la condamnation, en conséquence, de la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à lui verser la somme de 306 000 Francs à titre de dommages et intérêts. SUR QUOI, LA COUR sur l'indemnité de licenciement Attendu que la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle s'est exécutée de la condamnation prononcée contre elle par les premiers juges au titre de l'indemnité de licenciement ainsi que de ce qu'elle ne la conteste pas, que Philippe X... ne contestant pas le montant, il convient de constater que ce point ne fait plus litige en cause d'appel et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point, sur la dispense de préavis et ses conséquences Attendu qu'il appartient au salarié, qui entend se prévaloir d'une dispense d'exécution de tout ou partie de son préavis par l'employeur, d'en apporter la preuve s'il veut échapper au paiement d'une indemnité compensatrice lorsqu'elle est réclamée,
qu'en l'espèce, la lettre du 4juillet1997 de la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH indiquait seulement à Philippe X... qu'il "n'était pas nécessaire qu'il reste en raison de la décision envisagée et que sa rémunération était maintenue en l'attente de la décision définitive", ce qui ne constitue pas une dispense de préavis en soi, et en outre, puisque son licenciement n'était pas encore prononcé, que, précisément, cette décision définitive a été prise par la lettre de licenciement du 16juillet1997, dont les termes lient le débat, qui ne dispensait pas Philippe X... d'exécuter son préavis (fixé à trois mois en méconnaissance ou violation de la convention collective applicable), qu'ultérieurement la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH: -
a confirmé à Philippe X..., le 1er août 1997 qu'elle ne l'avait pas dispensé de l'exécution de son préavis et, à la suite de l'ordonnance de référé du 14 octobre 1997, s'est inclinée, par lettre du 18 octobre, sur la durée d'un préavis de douze mois, -
puis, par lettre du 20 octobre, a fait à nouveau une mise au point quant à sa position et mis Philippe X... "en demeure de travailler normalement jusqu'à l'expiration de ca préavis de douze mois, lequel ne pourra être rémunéré qu'à cette seule condition", -
et, enfin, le 17novembre 1997 lui a notifié "l'interruption immédiate de (son) contrat de travail... motivée par (son) refus d'effectuer le préavis conventionnel de douze mois", qu'il s'ensuit qu'à aucun moment, et quelle que soit la portée, d'ailleurs discutable, tant de l'attestation de Dominique COURTABESSERIE (qui n'est pas claire sur ce sujet) que des tableaux de congés, la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH n'a entendu explicitement dispenser Philippe X... de l'exécution de son préavis, qu'en conséquence, ce dernier n'apporte pas la preuve mise à sa charge, qu'il convient donc de le débouter de sa demande de paiement de complément d'indemnité compensatrice de
préavis, de faire droit, sur le principe à la demande de dommages et intérêts formulée par la société ETABLISSEMENTS FR1 EDRICH pour non-exécution du préavis et de réformer sur ces points la décision entreprise, Attendu que si l'article 49 de la convention collective applicable, intitulé dommages et intérêts, prévoit bien, en cas de non-exécution par le salarié de son préavis, une indemnisation de l'employeur "correspondant aux salaires ... qui aurait été versés pendant la durée du préavis restant à courir", il y a lieu de constater, comme l'admet d'ailleurs la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH dans ses écritures, qu'il s'agit d'une clause pénale, qu'en conséquence, si son application intégrale conduirait à accorder à la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH la somme de 230 972.67 Francs, compte tenu de son caractère manifestement excessif et en raison de l'incertitude dans laquelle se sont trouvées les parties à la suite de leurs discussions dont l'existence n'est niée par aucune d'elles ainsi que de l'issue des différends qui n'ont même pas trouvé leur épilogue intégral dans les diverses instances de référé, il y a lieu de ramener à 153 000 Francs, soit 23 325 E, le montant que Philippe X... devra verser à la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à ce titre, sur les circonstances de la rupture des relations de travail Attendu que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir, en cas de suppression d'emploi, que si son reclassement dans l'entreprise et, le cas échéant, dans le groupe auquel appartient l'entreprise parmi les entités de celui-ci dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettant d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel se révèle impossible, que l'employeur doit prendre l'initiative de proposer au salarié, en lui assurant l'adaptation éventuellement nécessaire, des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification du contrat de travail,
qu'en l'espèce, alors, d'une part, qu'il est établi que le licenciement de Philippe X... est bien intervenu dans le cadre d'un licenciement pour motif économique et est sans liaison avec la maladie de celui-ci et, d'autre part, que si la lettre de licenciement indiquait qu' "il n'existe malheureusement aucune possibilité de reclassement au sein de l'entreprise ou des autres entreprises du groupe ni à un poste comportant des responsabilités équivalentes ni même à un poste de qualification inférieure", force est de constater que la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH, qui ne discute d'ailleurs pas son appartenance à un groupe important, n'apporte aucun élément à l'appui de ces pures affirmations, qu'il s'ensuit que la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH ne rapporte pas la preuve qu'elle ait tenté de procéder au reclassement de Philippe X... ou que celui-ci se soit refusé à envisager toute possibilité de reclassement, c'est à tort que les premiers juges ont énoncé, sans aucune motivation, qu'il "apparaît que les recherches de reclassement effectuées au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe ne permettaient pas de proposer un autre poste équivalent ou d'une moindre qualification au salarié", que la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH n'a donc pas satisfait à son obligation de reclassement, qu'en conséquence et sous cet aspect, le licenciement de Philippe X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, que, dès lors, il convient de réformer sur ce point la décision entreprise, sur les conséquences de la rupture Attendu que, de ce fait, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, de condamner la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à verser à Philippe X... des dommages et intérêts correspondant à six mois de salaire celui-ci ne fournissant aucun élément permettant de dépasser le minimum prévu par ce texte et se bornant à indiquer, sans apporter aucune pièce à l'appui son affirmation, que son
licenciement "l'amena à connaître une période d'inactivité fort préjudiciable" dont il n'indique même pas la durée, qu'il convient donc de fixer à la somme de 153 000 Francs, soit 23 325E, le montant des dits dommages et intérêts, qu'il convient, en outre et par application des dispositions de l'article L. 122-14-4 précité, d'ordonner le remboursement par la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à Philippe X... et ce, dans la limite de deux mois à compter de son licenciement, que la décision entreprise sera ainsi réformée, sur les demandes annexes Attendu que l'issue du litige par laquelle chacune des parties succombe partiellement dans ses prétentions conduit à écarter l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre d'entre elles et à laisser à chacune d'elles la charge de ses propres dépens d'appel, PAR CES MOTIFS Réformant, dans ses dispositions critiquées, la décision déférée, Dit que la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH n'avait pas dispensé Philippe X... de l'exécution de son préavis, Condamne, en conséquence, Philippe X... à verser à la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH la somme de 23 325 E à titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis conventionnellement prévu, Dit que le licenciement de Philippe X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, Condamne, en conséquence, la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH à verser à Philippe X... la somme de 23 325 E à titre de dommages et intérêts, Ordonne le remboursement par la société ETABLISSEMENTS FRIEDRICH aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à Philippe X... et ce, dans la limite de deux mois à compter de son licenciement, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile, Confirme , en tant que de besoin et pour le surplus, la décision déférée, Laisse à
chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel. LE GREFFIER,
LE PRES