COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale PG/SM ARRET REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AFFAIRE N0 99/00836 AFFAIRE:
Y... Marcel C/ Maître D..., ès- quaIités CGEA UNEDIC AGS de RENNES. Jugement du C.P.H. LE MANS du 05 Mars 1999. ARRÊT RENDU LE 09 Janvier 2001 APPELANT: Monsieur Marcel Y... Le Rose ... EN VALLEE AIDE JURIDICTIONNELLE PARTIELLE (70%) du 23 octobre 2000. Convoqué, Comparant et assisté de Maître Isabelle X..., avocat au barreau du MANS. INTIMES: Maître D... ès-qualités de Liquidateur de la SARL C.G.T.M. ... Convoqué Non comparant, Ni représenté. L'AGS dont le siège est ..., agissant par le CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA du CENTRE OUEST), délégation régionale AGS CENTRE OUEST, son mandataire, Immeuble Le Magistère ZAC Arsenal 35000 RENNES Convoqué, Représenté par Maître LORRAIN substituant Maître B..., avocat au barreau du MANS. COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS:
Monsieur GUILLEMIN, Conseiller, a tenu seul l'audience, conformément aux articles 786, 910 et 945-I du Nouveau Code de Procédure Civile. GREFFIER lors des débats et lors du prononcé Madame C.... COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ: Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Monsieur A... et Monsieur GUILLEMIN, Conseillers. DEBATS A l'audience publique du 27 Novembre 2000. ARRET réputé contradictoire. Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 09 Janvier 2001, date indiquée par le Président à l'issue des débats. Marcel Y... a été embauché par la société CGTM, le 3 février 1997, sans contrat écrit, pour commercialiser ses produits ; la qualité de V.R.P. statutaire étant revendiquée par lui et contestée. Licencié pour motif économique, le 18 avril 1998, avec préavis d'un mois, et contestant cette mesure, Marcel Z..., le 29 avril 1998, a saisi le Conseil de
Prud'hommes du MANS en sollicitant la condamnation de la société CGTM à lui verser, avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, les sommes de 12 000 Francs à titre de rappel de salaire du 1er mars au 18 avril 1998, 8 250 Francs à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 7 500 Francs à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 7 500 Francs au titre d'un préavis du 18 avril au 18 mai 1998 ainsi que 750 Francs pour les congés payés y afférents, 90 000 Francs à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L. 122-14-5 du Code du travail, 109 200 Francs à titre de remboursement de frais kilométriques, 15 324,37 Francs au titre des dispositions de l'article 5 de la convention collective ainsi que 1 532,44 Francs pour les congés payés y afférents, 6 548,85 Francs au titre des cotisations salariales payées en trop ainsi que 654,88 Francs pour les congés payés y afférents et 4000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il demandait en outre, la remise sous astreinte de 100 Francs par jour de retard des bulletins de paie de février, mars avril et mai 1998, de la convention de conversion, de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail. Le 7 octobre 1998, la société CGTM a été mise en redressement judiciaire, converti, le 4 novembre 1998, en liquidation judiciaire ; Maître D... ayant été désigné comme liquidateur et ce dernier, ainsi que l'A.etamp;S., appelés à la cause. Par jugement du 5 mars 1999, le Conseil de Prud'hommes du MANS a dit que Marcel Y... n'avait pas la qualité de V.R.P. statutaire, fixé sa créance sur la liquidation judiciaire de la société CGTM aux sommes de 12 000 Francs à titre de rappel de salaires, 8 250 Francs à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 7 500 Francs au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 750 Francs pour les congés payés y afférents, 7 500
Francs à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure et 1 000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté Marcel Y... du surplus de ses demandes, dit que sa décision était opposable au C.G.E.A . de RENNES dans les limites légales de sa garantie, condamné Maître D..., ès qualités de mandataire liquidateur aux dépens et ordonné l'exécution provisoire sauf pour ce qui concerne l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens. Marcel Y... a relevé appel de ce jugement en limitant son recours aux prétentions dont il avait été débouté. en conséquence, il demande à la Cour par voie de réformation, de dire qu'il a la qualité de V.R.P. statutaire, de fixer sa créance complémentaire sur la liquidation judiciaire de la société CGTM aux sommes de 15 324,37 Francs à titre de rappel de salaire conventionnel ainsi que 1 532,43 Francs pour les congés payés y afférents, 109 200 Francs à titre de remboursement de frais kilométriques, 6 548,85 Francs au titre des remboursements de cotisations salariales ainsi que 654,88 Francs pour les congés payés y afférents, de dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence, de fixer sa créance, à titre principal, à 90 000 Francs au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, à titre subsidiaire, à 90 000 Francs à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive sur le fondement de l'article L. 122-14-5 du même Code, de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande pour les créances salariales et de la décision à intervenir pour les créances à caractère indemnitaire, et de condamner Maître D..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société CGTM à lui verser la somme de 6 000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel. Maître D..., ès qualités de liquidateur à la
liquidation judiciaire de la société CGTM, bien que régulièrement convoqué, ne comparait pas. L'A.G.S., agissant par le CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA de RENNES), son mandataire, demande à la Cour. au principal, de confirmer la décision entreprise, subsidiairement et quel que soit le fondement retenu (article L 122-14-4 ou L. 122-14-5 du Code du travail) de limiter le montant des dommages et intérêts et que l'ouverture de la procédure collective a bloqué le cours des intérêts, plus subsidiairement, de dire que si une créance était fixée au profit de Marcel Y... à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société CGTM, cette créance ne lui serait opposable et qu'elle ne serait tenue de la garantir que dans les limites et les plafonds résultant de l'application des dispositions des articles L. 143-11-1 et suivants ainsi que L. 143-11-8 et D. 143-2 du Code du travail. SUR QUOI, LA COUR sur la qualité de V.R.P. statutaire et les demandes liées à cette qualité Attendu que si l'article L. 751-4 du Code du travail prévoit bien qu'en l'absence de contrat écrit, ce qui est le cas en l'espèce, tout représentant est présumé satisfaire aux conditions du statut de V.R.P., il s'agit d'une présomption simple que I'A.G.S. peut renverser en apportant la preuve que Marcel Y... ne réunit pas les conditions nécessaires à la reconnaissance du dit statut, que, selon les dispositions de l'article L. 751-1 du Code du travail, la qualité de V.R.P. statutaire résulte, quelle que soit la dénomination donnée au contrat par les parties et donc a fortiori en cas d'absence de contrat écrit, de l'existence d'un secteur de prospection, d'une clientèle auprès de laquelle l'intéressé prend des commandes et de l'exercice, en fait, de cette profession de façon exclusive, qu'en l'espèce, s'il n'est pas discuté que Marcel Y... exerçait sa profession de façon exclusive, l'A.G.S. fait exactement observer que Marcel Y... n'avait pas de secteur déterminé, qu'en effet, les
carnets de rendez-vous qu'il verse aux débats permettent de constater que Marcel BLiN a prospecté dans la région parisienne, puis concomitamment et successivement dans la région Centre, dans la région Bretagne et dans la région Aquitaine ; ce qui prouve que Marcel Y... a changé constamment de secteur, ou, au mieux et si tant est qu'un secteur défini verbalement ait existé, que celui-ci a été modifié à plusieurs reprises dans un temps de travail très court (14 mois), ce qui entraîne une absence de stabilité et de contour géographique de secteur écartant, en l'absence par ailleurs de délimitation se rapportant à des catégories de clients et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres conditions précitées, l'application du statut de V.R.P. à Marcel Z... lequel, comme l'indiquent ses bulletin de paie et la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, était "vendeur V.R.P.", "V.R.P. salarié", c'est à dire représentant salarié ordinaire (représentant non statutaire), qu'il convient, dès lors, de débouter Marcel Y... de sa demande de requalification correspondante ainsi que, par voie de conséquence, de ses demandes relatives, d'une part, au minimum de salaire conventionnel attaché à la qualité de V.R.P., ainsi que d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, et, d'autre part, à un remboursement des cotisations salariales, ainsi que de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, qu'il y a donc lieu de confirmer sur ces points la décision entreprise, sur la motivation de la lettre de licenciement Attendu que, selon les dispositions de l'article L. 122-14-2 du Code du travail, l'employeur est tenu d' énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et, qu'en application de celles de l'article L. 321-1 du même Code, est un motif économique celui, non inhérent à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives
à des difficultés économiques, des mutations technologiques ou une réorganisation de l'entreprise, qu'il en résulte, d'une part, que la lettre de licenciement donnée pour motif économique doit mentionner les raisons économiques prévues par la loi ainsi que leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail, d'autre part, que l'énoncé d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif, qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée le 17 avril 1998 à Marcel Y... par la société CGTM, après que celui-ci ait refusé la modification de son contrat de travail qui lui avait été proposée le 4 mars 1998, dont celui-ci ne reproduit dans ses écritures qu'une partie tronquée, était non seulement rédigée en ces termes: "Cette décision a été prise, uniquement en raison des difficultés financières que rencontre notre société, dont vous êtes informé, depuis plusieurs mois," mais poursuivait: "Encore une fois, nous regrettons cette situation qui ne nous permet plus de vous garder, comme salarié de notre société", qu'il en résulte que ces motifs contenant à la fois l'élément causal économique (difficultés financières) et sa traduction sur l'emploi (suppression du poste occupé par -Marcel Y...) ne peuvent, contrairement à ce que soutient ce dernier, être considérés comme imprécis et n'avaient pas besoin d'être détaillés ou expliqués davantage à ce stade de la procédure, qu'ils satisfont donc aux conditions posées par les textes précités et que le moyen tiré d'une non-satisfaction à ceux-ci, non évoqué devant les premiers juges, doit être écarté, sur les circonstances de la rupture Attendu qu'en revanche, c'est à juste titre que Marcel Y... soutient que, ni Maître D..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société CGTM, non comparant, ni l'A.G.S., ne prouvent que les difficultés économiques alléguées aient été réelles et sérieuses au jour du licenciement ; aucun élément n'étant apporté à ce sujet et le fait que la société CGTM ait déposé son bilan six mois après le
licenciement ne pouvant y suppléer, qu'il convient donc de dire que le licenciement de Marcel Y... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de réformer sur ce point la décision entreprise, sur les conséquences de la rupture Attendu que Marcel Y... expose exactement que la lettre du 7 avril 1998, qu'il produit, le convoquant à l'entretien préalable à son licenciement ne précisait pas que celui-ci pouvait se faire assister, comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article L. 122-14 du Code du travail, par un conseiller de son choix inscrit sur une liste dressée dans les conditions indiquées par ce texte, qu'il fait pertinemment observer que, dans un pareil cas, il résulte de l'article L. 122-14-5 du même Code, pris dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 1991, que tes sanctions édictées par l'article L. 122-14-4 du Code du travail sont, par exception, applicables aux salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, ce qui est son cas, qu'ainsi, alors que 1'A.G.S. et Maître D..., ès qualités, ne font valoir aucun moyen opposant, eu égard aux éléments fournis sur ce point à la Cour par Marcel Y..., il est alloué à ce dernier, au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts, par application des dispositions de l'article L. 122-14-4 précité et en l'absence de tout élément utile permettant de dépasser le minimum prévu par ce texte, qu'il convient de fixer à la somme de 45 000 Francs dans les conditions indiquées ci-après, qu'il y a donc lieu de réformer la décision entreprise en ce qutelle a débouté Marcel Y... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappeler que cette créance n'est opposable à l'A.G.S. que dans les limites et les plafonds légaux, que, toutefois, les dommages et intérêts alloués à Marcel Y..., selon la propre demande de ce dernier, dans le cadre des dispositions de l'article L. 122-14-4 précité, au titre de son licenciement sans cause réelle et
sérieuse ne peuvent se cumuler avec les dommages et intérêts fixés à son profit, par les premiers juges, en raison de l'irrégularité de la procédure de licenciement pour un motif non contesté en cause d'appel par les intimés, qu'il est alors précisé que les dommages et intérêts alloués par la présente décision sont globalement fixés à la somme de 45000 Francs qui tient compte tant de l'irrégularité de procédure que de l'irrégularité de fond, et que, dès lors, la créance de 7 500 Francs allouée par les premiers juges au titre du non-respect de la procédure de licenciement étant incluse dans cette somme, il convient de la supprimer en tant que créance particulière et de réformer sur ce point la décision entreprise, sur la demande de remboursement de frais kilométriques Attendu qu'à l'appui de sa demande de remboursement de frais kilométriques Marcel Y..., comme le fait exactement remarquer l'A.G.S.: - d'une part, ne verse aucun élément permettant de conclure, voire même de supposer, que la société CGTM et lui-même aient convenu que l'employeur, qui n'est tenu par aucun texte d'assurer le remboursement de tels frais à un représentant salarié ordinaire, les prendrait en charge, - et, d'autre part, à supposer même qu'une telle convention ait existé (alors que l'on puisse s'étonner de ce que, si elle avait été prévue, celle-ci n'ait jamais été mise en oeuvre ou fait l'objet d'une réclamation au long des quatorze mois de travail de Marcel Y... au sein de la société CGTM) Marcel Y... ne fournit aucun décompte probant au sujet de la somme dont il réclame le paiement, qu'il convient donc de le débouter de la demande correspondante et de confirmer sur ce point la décision entreprise, sur les demandes annexes Attendu que Maître D..., ès qualités, succombant partiellement, les dépens d'appel doivent être employés en frais privilégiés de la procédure collective sans que l'équité impose, Marcel Y... succombant également dans une partie de ses prétentions, qu'il soit fait application en cause d'appel des
dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, PAR CES MOTIFS Réformant partiellement la décision déférée dans ses dispositions critiquées, Dit que le licenciement pour motif économique de Marcel Y... par la société CGTM ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, Fixe, en conséquence et par application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, le montant de la créance de Marcel Y... à la liquidation judiciaire de la société CGTM à la somme de 45 000 Francs correspondant à des dommages et intérêts couvrant les irrégularités tant de forme que de fond constatées, Confirme, pour le surplus, la décision déférée, Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société CGTM. LE PRESIDENT LE GREFFIER