COUR D'APPEL D'ANGERS 3ème CHAMBRE YLG/SM ARRET N 583
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AFFAIRE N : 98/02661 AFFAIRE : SA CANNELLE Maître BACH ès-qualités S.A CANNELLE PECHE C/ X... Marylène, Maître MARTIN TOUCHAIS ès-qualités C G E A de RENNES Jugement du C.P.H.d'ANGERS du 24 Novembre 1998
ARRÊT RENDU LE 03 Octobre 2000
APPELANTS : SA CANNELLE 11 rue Boutreux 49135 LES PONTS DE CE Maître BACH ès-qualités d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la SA CANNELLE PECHE 8 Rue Fernand Forest BP 128 49002 ANGERS CEDEX S.A. CANNELLE PECHE 11 rue Boutreux Port des Noues 49130 LES PONTS DE CE Convoqués, Représentés par Maître PEDRON substituant Maître Gérard SULTAN, avocat au barreau d'ANGERS, INTIMES : Madame Marylène X... 9 rue des Ormeaux 49610 MOZE SUR LOUET Convoquée, Représentée par Maître Philippe GOUPILLE, avocat au barreau d'ANGERS, Maître MARTIN-TOUCHAIS ès-qualités de Représentant des Créanciers de la SA CANNELLE 41 Avenue du Grésillé BP 222 49135 ANGERS CEDEX Convoqué, Non comparant, ni représenté, L'A.G.S. dont le siège est 3, rue Paul Cézanne 75008 PARIS, agissant par le CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA du CENTRE OUEST), délégation régionale AGS CENTRE OUEST, son mandataire Immeuble Le Magister 4, Cours Raphaùl Binet 35069 RENNES CEDEX Convoqué, Représenté par Maître VALADE substituant Maître FOLLEN, avocat au barreau d'ANGERS, COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Monsieur le Président LE GUILLANTON a tenu seul l'audience, conformément aux articles 786, 910 et 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile. GREFFIER lors des débats et lors du prononcé :
Madame Y..., COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Madame Z... et Monsieur GUILLEMIN, Conseillers, DEBATS : A l'audience publique du 05 Septembre 2000 ARRET : réputé contradictoire Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au
délibéré, à l'audience publique du 03 Octobre 2000, date indiquée par le Président à l'issue des débats. ******* EXPOSE DU LITIGE
Madame X..., à la suite de son licenciement pour faute grave le 28 février 1996 par son employeur la SA CANNELLE, a engagé une procédure devant le Conseil de Prud'hommes d'Angers pour demander d'une part sa réintégration dans l'entreprise et d'autre part la condamnation de l'entreprise à payer les sommes de 150.000 Francs pour licenciement abusif, 132.072 Francs pour licenciement irrégulier d'un salarié protégé, 11.006 Francs d'indemnité de préavis, 42.735,90 Francs d'indemnité de licenciement et 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Au cours de l'instance devant le Conseil de Prud'hommes d'Angers, la SA CANNELLE a été placé en redressement judiciaire, Maître BACH étant nommé Administrateur Judiciaire et Maître MARTIN-TOUCHAIS représentant des créanciers.
Lors de l'instance, Madame X... a renoncé à sa demande de réintégration.
L'AGS a été appelée à la cause.
La SA CANNELLE demandait au Conseil de Prud'hommes de débouter Madame X... de ses demandes ainsi que de la condamner au paiement de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 24 novembre 1998, le Conseil de Prud'hommes D'ANGERS a déclaré que le licenciement de Madame X... était irrégulier et de nul effet, a fixé sa créance aux sommes requises par celle-ci, a constaté que sa rémunération mensuelle brute pour les trois derniers mois était de 5.802,50 Francs, a dit que l'exécution provisoire était de droit selon l'article R 516-37 du Code du Travail, a condamné solidairement Maître BACH ès-qualités et Maître MARTIN-TOUCHAIS ès-qualités à verser la somme de 6.000 Francs au titre de l'article
700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a donné acte au CGEA de Rennes de son intervention dans la limite de sa garantie légale, a condamné solidairement la SA CANNELLE et Maître MARTIN-TOUCHAIS ès-qualités de représentant des créanciers, à régler les dépens et a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
La SA CANNELLE et Maître BACH ès-qualités ont interjeté appel de ce jugement.
Le 4 mars 1998, la mission de représentant des créanciers de Maître MARTIN-TOUCHAIS a pris fin par ordonnance du Juge Commissaire. Cette dernière demande sa mise hors de cause.
La Société Anonyme CANNELLE, Maître BACH ès-qualités d'Administrateur Judiciaire puis de Commissaire à l'exécution du plan de la Société CANNELLE sollicite l'infirmation de la décision attaquée et le débouté des demandes de Madame X...;
Ils font valoir :
Que Madame X... a été licenciée pour faute grave par lettre du 28 février 1996 ;
Que l'organisation d'élections des délégués du personnel a été sollicitée à la seule initiative de celle-ci et non pas d'une organisation syndicale ; qu'elle ne peut en conséquence, bénéficier de la protection instituée par l'article L 425 alinéa 8 du Code du Travail ;
Que Madame X... ne justifie pas d'une protection en qualité de membre du CHSCT, en raison du non respect de la procédure de désignation, de l'absence de convocation du Comité d'Entreprise et de l'absence du Président de l'entreprise ainsi que de l'absence d'ordre du jour ayant pour objet la désignation des membres de cet organisme; Qu'en tout état de cause, le licenciement de l'intimée repose sur des motifs réels et sérieux et que celle-ci se verra déboutée de sa
demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et licenciement abusif ;
La Société Nouvelle CANNELLE PECHE sollicite sa mise hors de cause, en faisant observer qu'elle n'a aucun lien de droit avec Madame X... ;
Madame Marylène X... conclut à la confirmation du jugement déféré ainsi qu'à l'octroi d'une somme de 7.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Elle proteste de sa qualité de salariée protégée et de l'absence de fautes pouvant justifier son licenciement ;
Le CGEA de Rennes demande à la Cour de dire et juger Madame X... mal fondée en toutes ses demandes et subsidiairement de limiter sa garantie aux plafonds légaux et réglementaires ;
Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux écritures des parties ; MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du Comité d'Entreprise en date du 13 février 1996 que Madame X... a été élue membre du CHSCT ;
Que le renouvellement du CHSCT était prévu à l'ordre du jour de la réunion du 13 février 1996 ainsi qu'il résulte du document signé par le secrétaire Monsieur A...;
Que les salariés, représentants du personnel, présents à la réunion du 13 février 1996 ont confirmé que le renouvellement du CHSCT était bien à l'ordre du jour et que Madame X... avait été élue par consensus en qualité de membre du CHSCT (attestations de Mesdames Arlette PION, Chantal PAVOISNE ET DE Monsieur ROBERT A...) ;
Que du procès-verbal de la réunion du 13 février 1996 et des attestations sus-mentionnées il résulte que les élections se sont déroulées régulièrement et que le Collège électoral a désigné à
l'unanimité les membres du CHSCT comme la loi l'y autorise ;
Qu'un procès verbal de ces élections a été dressé par Monsieur A..., membre du Comité d'Entreprise de la SA CANNELLE, et qu'un exemplaire a été adressé à l'Inspecteur du Travail ;
Que le procès-verbal du 13 février 1996, dûment régulier, a toute valeur juridique et qu'il n'a pas fait l'objet d'une contestation selon les voies de droits par l'employeur ;
Attendu que la Société CANNELLE ne saurait contester l'existence du CHSCT élu régulièrement le 13 février 1996 puisqu'elle reconnaît que le CHSCT, dont elle se prévaut, ne bénéficie pas du cadre réglementaire ;
Qu'en effet, dans le courrier adressé par les dirigeants de la Société CANNELLE au Comité d'Entreprise le 15 février 1996, il est expressément consigné : "Par lettre recommandée en date du 13 février 1996, adressée à Monsieur B..., vous avez désigné arbitrairement trois personnes Mesdames X... et LIOPPE Monsieur C... comme membre du CHSCT ;
Nous considérons cette nomination comme nulle et non avenue pour la raison suivante :
Un CHSCT existe actuellement et fonctionne normalement. Si son renouvellement n'a pas été fait dans le cadre réglementaire il remplit néanmoins sa mission et dans de bonnes conditions" ;
Attendu qu'en tout état de cause, si l'employeur entendait contester les élections au CHSCT, il devait saisir le Tribunal d'Instance dans les quinze jours de la désignation par déclaration au Greffe, conformément aux dispositions de l'article R 236-5-1 du Code du Travail ;
Que l'employeur n'ayant pas agi dans les délais légaux, le CHSCT doit être considéré régulièrement constitué et Madame X... régulièrement élue en son sein;
Qu'un employeur ne peut, en cette matière d'ordre public, contester les élections professionnelles, et même avec l'accord des organisations syndicales, se faire juge de leur validité et déclarer nulle une désignation des membres du CHSCT (Cassation Sociale 12 mars 1991) ;
Attendu que dès lors, le licenciement de Madame X..., salariée protégée, est irrégulier, faute d'autorisation de l'Inspection du Travail ;
Qu'il est, en outre abusif ; que les faits reprochés dans la lettre de licenciement du 28 février 1996 (manque de productivité et défaut de surveillance de l'état de fonctionnement des machines de production placées sous la responsabilité du salarié) ont déjà été sanctionnés par l'avertissement du 19 février 1996 ; que ces faits ne peuvent faire l'objet d'une double sanction, en vertu de la règle non bis in idem ;
Qu'au surplus, leur matérialité n'est pas prouvée et se trouve formellement contestée par l'intéressée ;
Que la salariée avait une grande ancienneté dans l'entreprise ; que son licenciement, notamment en raison du contexte dans lequel il est intervenu, lui a occasionné un indéniable préjudice matériel et moral ;
Attendu qu'il convient de confirmer par adoption de motifs, le jugement déféré ;
Que toutefois, Maître MARTIN-TOUCHAIS, qui n'est plus l'un des organes de la procédure collective, se verra mettre hors de cause ;
Attendu qu'en revanche, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la Société Nouvelle CANNELLE, partie au plan de cession de la SA CANNELLE ;
Attendu que la SA CANNELLE et Maître BACH, ès-qualités, devront rembourser aux organismes concernés, les indemnités de chômage
éventuellement allouées à la salariée, dans la limite de 3 mois à compter du licenciement ;
Attendu que le jugement déféré sera seulement réformé en ses dispositions relatives à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure et aux dépens, du fait de la mise hors de cause de Maître MARTIN-TOUCHAIS et pour faire droit à la demande de Madame X... sur ces points ;
Que l'équité commande de lui allouer une somme de 7.000 Francs en compensation de l'ensemble de ses frais non répétibles de procédure (3.000 Francs pour ceux de première instance et 4.000 Francs pour ceux d'appel) ;
Attendu que le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA de Rennes qui devra sa garantie dans les limites légales et plafonds réglementaires ; PAR CES MOTIFS
Prononce la mise hors de cause de Maître MARTIN-TOUCHAIS ;
Réformant le jugement entrepris ;
Condamne la SA CANNELLE et Maître BACH ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette Société à payer à Madame X... une somme de 3.000 Francs au titre des frais non répétibles de première instance ;
Les condamne aux dépens exposés devant la juridiction du premier degré ;
Confirme le dit jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la SA CANNELLE et Maître BACH ès-qualités à payer à Madame X... une somme de 4.000 Francs au titre des frais non répétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Ordonne à la SA CANNELLE et à Maître BACH ès-qualités de rembourser aux organismes concernés le montant des indemnités de chômage
éventuellement alloués à la salariée, dans la limite de trois mois à compter de son licenciement ;
Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de Rennes ;
Dit que la garantie de cet organisme s'effectuera dans les limites prévues par l'article L 143-11-1 du Code du Travail et les plafonds prévus par les articles L 143-11-8 et D 143-2 du même Code ;
Condamne la SA CANNELLE et Maître BACH ès-qualités aux dépens d'appel;
Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,