ARRET
N°
[AL]
[PZ]
[V]
[VB]
[Z]
[S]
[D]
[Y]
[B]
[U]
[UU]
[OP]
[J]
[I]
[BO]
C/
[IC]
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
MS/MC/VB/DPC
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT TROIS JUILLET
DEUX MILLE VINGT QUATRE
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/01809 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INFD
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS DU DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [F] [AL]
né le 10 Septembre 1949 à [Localité 25]
[Adresse 6]
[Localité 25]
Monsieur [H] [PZ]
né le 19 Septembre 1976 à [Localité 27]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [ME] [V] épouse [PZ]
née le 02 Mars 1976 à [Localité 18]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Monsieur [K] [VB]
né le 09 Février 1988 à [Localité 16]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Madame [KV] [AI] [A] [Z]
née le 19 Mai 1989 à [Localité 19]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Monsieur [G] [S]
né le 01 Décembre 1966 à [Localité 21] (MAROC)
[Adresse 9]
[Localité 25]
Madame [X] [D] épouse [S]
née le 01 Juillet 1973 à [Localité 13] (MAROC)
[Adresse 9]
[Localité 25]
Monsieur [R] [T] [Y]
né le 04 Avril 1974 à [Localité 26] (HAITI)
Chez Madame [FR] [B] [Adresse 3]
[Adresse 3]
Madame [GT] [B] épouse [Y]
née le 06 Juillet 1977 à [Localité 14]
Chez Madame [FR] [B] [Adresse 3]
[Adresse 3]
Monsieur [O] [E] [EH] [U]
né le 07 Mai 1985 à [Localité 17]
[Adresse 5]
[Localité 25]
Madame [M] [JL] [W] [UU] épouse [U]
née le 16 Mars 1984 à [Localité 12]
[Adresse 5]
[Localité 25]
Monsieur [YW] [OP]
né le 13 Mai 1977 à [Localité 20] (SRI LANKA)
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Madame [L] [J]
née le 04 Septembre 1979 à [Localité 17]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Monsieur [N] [I]
né le 19 Avril 1971 à [Localité 15] (COTE D'IVOIRE)
[Adresse 11]
[Adresse 11]
Madame [M] [BO] épouse [I]
née le 18 Juin 1980 à [Localité 22]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentés par Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS
APPELANTS
ET
Monsieur [P] [IC]
né le 07 Décembre 1959 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représenté par Me Florence BROCHARD BEDIER de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Xavier IOCHUM de la SCP IOCHUM GUISO HURAULT, avocat au barreau de METZ
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représenté par Me Jean-François CAHITTE, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMES
DEBATS :
A l'audience publique du 14 mai 2024, l'affaire est venue devant Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, magistrat rapporteur siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 juillet 2024.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Mathilde CRESSENT, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la Cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, présidente, Mme Glawdys DORSEMAINE et Mme Myriam SEGOND, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 23 juillet 2024 par sa mise à disposition au greffe.
Le 23 juillet 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la présidente étant empéchée, la minute a été signée par Mme Myriam SEGOND, Conseillère, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
* *
DECISION :
Courant 2012, la société civile de construction vente des Tertres-Domaine (la SCCV des Tertres) a acquis de M. [AL] un ensemble de parcelles pour y entreprendre la construction de logements destinés à être vendus en l'état futur d'achèvement.
Le prix de vente a été fixé à la somme de 470 000 euros, dont une somme de 400 000 euros devait être payée par dation de deux lots de l'ensemble immobilier.
Par actes notariés signés courant 2012, la SCCV des Tertres a vendu à M. [AL], M. et Mme [PZ], M. et Mme [U], M. et Mme [Y], M. [VB] et Mme [Z], M. et Mme [S], M. [OP] et Mme [J] ainsi qu'à M. et Mme [I], en l'état futur d'achèvement, des lots de l'ensemble immobilier.
Par acte du 12 mars 2012, la société Elite insurance company, basée à Gibraltar, a, par l'intermédiaire de la société European insurance services Ltd (EISL), consenti à la SCCV des Tertres une garantie financière d'achèvement de l'immeuble en se portant caution solidaire avec elle des sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
Les travaux n'ont jamais été achevés.
Par actes des 4 février 2015, 26 février 2015, 23 août 2015 et 4 novembre 2015, M. [AL], M. et Mme [PZ], M. et Mme [U], M. et Mme [Y], M. [VB] et Mme [Z], M. et Mme [S], M. [OP] et Mme [J] ainsi que M. et Mme [I] (les acquéreurs) ont fait assigner la SCCV des Tertres et la société ACJN, exerçant sous l'enseigne European insurance services Ltd (EISL), aux fins de résolution judiciaire des contrats de vente et indemnisation.
La SCCV des Tertres a été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugements des 15 mars 2016 et 2 mai 2017.
Les acquéreurs n'ayant pu obtenir la garantie de la société Elite insurance company, mise sous administration par jugement de la Cour suprême de Gibraltar le 11 décembre 2019, ils ont fait assigner, par acte du 17 septembre 2020, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), puis ont recherché la responsabilité personnelle de M. [IC], gérant de la SCCV des Tertres.
Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Senlis a :
- constaté que les acquéreurs ne forment aucune demande à l'encontre de la société Elite insurance company et à l'encontre de la société ACJN exploitant sous l'enseigne EISL aux termes de leurs dernières conclusions,
- déclaré irrecevables les demandes formées à l'encontre du FGAO,
- alloué à M. [AL] la somme de 462 134,13 euros, à M. et Mme [PZ] la somme de 282 334,13 euros, à M. [VB] et Mme [Z] la somme de 295 034,13 euros, à M. et Mme [Y] la somme de 285 534,13 euros, à M. et Mme [U] la somme de 285 534,13 euros, à M. [OP] et Mme [J] la somme de 282 334,13 euros, à M. et Mme [I] la somme de 282 334,13 euros et à M. et Mme [S] la somme de 285 534,13 euros,
- dit que la SCCV des Tertres et M. [IC] sont solidairement redevables de ces sommes,
- fixé les créances de dommages et intérêts au passif de la liquidation judiciaire de la SCCV des Tertres comme suit :
créance de M. [AL] : 462 134,13 euros,
créance de M. et Mme [PZ] : 282 334,13 euros,
créance de M. [VB] et Mme [Z] : 295 034,13 euros,
créance de M. et Mme [Y] : 285 534,13 euros,
créance de M. et Mme [U] : 285 534,13 euros,
créance de M. [OP] et Mme [J] : 282 334,13 euros,
créance de M. et Mme [I] : 282 334,13 euros,
créance de M. et Mme [S] : 285 534,13 euros,
- condamné M. [IC] à payer à :
M. [AL] la somme de 462 134,13 euros,
M. et Mme [PZ] la somme de 282 334,13 euros,
M. [VB] et Mme [Z] la somme de 295 034,13 euros,
M. et Mme [Y] la somme de 285 534,13 euros,
M. et Mme [U] la somme de 285 534,13 euros,
M. [OP] et Mme [J] la somme de 282 334,13 euros,
M. et Mme [I] la somme de 282 334,13 euros,
M. et Mme [S] la somme de 285 534,13 euros,
- débouté les acquéreurs du surplus de leurs demandes,
- débouté la société Elite insurance company de sa demande d'inscription au passif de la SCCV des Tertres des créances relatives à l'achèvement de l'entier programme immobilier,
- débouté la SCCV des Tertres de sa demande de garantie des condamnations formée à l'encontre de la société Elite insurance company,
- condamné M. [IC] à verser au titre des frais irrépétibles à :
M. [AL] la somme de 800 euros,
M. et Mme [PZ] la somme de 800 euros,
M. [VB] et Mme [Z] la somme de 800 euros,
M. et Mme [Y] la somme de 800 euros,
M. et Mme [U] la somme de 800 euros,
M. [OP] et Mme [J] la somme de 800 euros,
M. et Mme [I] la somme de 800 334,13 euros,
M. et Mme [S] la somme de 800 euros,
- condamné M. [AL], M. et Mme [PZ], M. [VB] et Mme [Z], M. et Mme [Y], M. et Mme [U], M. [OP] et Mme [J], M. et Mme [I] et M. et Mme [S] à payer la somme de 2 000 euros au FGAO sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SCCV des Tertres, la société Elite insurance company et M. [IC] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,
- condamné conjointement M. [IC] et la SCCV des Tertres, représentée par la SCP Noel-Nodee-Lanzetta, ès qualités, aux entiers dépens, qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective dont distraction au profit de Me Cahitte,
- rejeté la demande de distraction des dépens au profit de Me [Localité 23].
Par déclaration du 14 avril 2022, les acquéreurs ont fait appel des chefs du jugement ayant déclaré irrecevables leurs demandes formées à l'encontre du FGAO, les ayant déboutés du surplus de leurs demandes et les ayant condamnés au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration du 3 février 2023, M. [IC] a fait appel des dispositions l'ayant condamné.
Les instances ont été jointes.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 20 octobre 2023, les acquéreurs demandent à la cour de :
- infirmer le jugement,
- condamner le FGAO dans la limite posée par l'article R. 421-24-3 du code des assurances, dans sa version antérieure à 2018, à leur payer les sommes suivantes :
M. [AL] : 462 134,13 euros,
M. et Mme [PZ] : 282 334,13 euros,
M. [VB] et Mme [Z] : 295 034,13 euros,
M. et Mme [Y] : 285 534,13 euros,
M. et Mme [U] : 285 534,13 euros,
M. [TK] et Mme [J] : 282 334,13 euros,
M. et Mme [I] : 282 334,13 euros,
M. et Mme [S] : 285 534,13 euros,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour s'interrogeait sur les conditions d'application des règles du traité de l'Union européenne, en application de l'article 55 de la Constitution, dans le cadre de l'application de l'article L 421-9 du code des assurances, alors renvoyer sur question préjudicielle pour avis à la Cour de justice de l'Union européenne,
- condamner le FGAO en tous les dépens, outre une indemnité de 2 000 euros pour chacun des concluants,
- débouter M. [IC] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner M. [IC] à leur verser 5 000 euros à chacun.
Par conclusions du 27 avril 2023, M. [IC] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné,
- de condamner chacun des acquéreurs à lui payer la somme de 3 000 euros outre les dépens.
Par conclusions du 4 février 2024, le FGAO demande à la cour de :
- déclarer qu'il n'est pas concerné par l'appel limité de M. [IC] aux seules dispositions relatives aux condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des acquéreurs,
- dire et juger tant irrecevable que mal fondé l'appel des acquéreurs,
- confirmer le jugement,
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement par substitution de motifs en déclarant mal fondés et non irrecevables en leurs demandes les appelants, et statuant à nouveau débouter les acquéreurs de leurs demandes dirigées à son encontre,
- condamner les acquéreurs à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Cahitte,
A titre très subsidiaire,
- surseoir à statuer sur les demandes chiffrées des acquéreurs, dans l'attente du dépôt d'un rapport d'expertise ayant pour objet de chiffrer les coûts d'achèvement de chaque lot dans le cadre d'une garantie d'achèvement excluant les dépenses découlant des motifs exclus de la garantie,
- débouter les acquéreurs de toute demande de condamnation à son encontre, l'arrêt ne pouvant lui être déclaré qu'opposable.
Vu l'avis notifié aux parties le 28 juin 2024 les invitant à :
- justifier une demande préalable faite auprès du liquidateur désigné par l'autorité compétente de l'Etat membre qui a prononcé la décision de retrait de l'agrément de la société Elite insurance company,
- présenter leurs observations sur l'irrecevabilité des acquéreurs en leurs demandes à l'encontre du fonds tirée de l'absence de demande préalable faite auprès du liquidateur de la société Elite insurance company, de l'absence de mise en cause de ce liquidateur dans le cadre de la présente instance et de l'absence de toute demande de fixation de créance au passif de l'entreprise d'assurance défaillante,
- en tout état de cause, présenter leurs observations sur l'irrecevabilité des acquéreurs en leurs demandes à l'encontre du fonds tirée du principe d'interdiction des poursuites à l'encontre du fonds, posé par l'article R. 421-24-7 du code des assurances, dans sa rédaction issue du décret n°2004-176 du 17 février 2004, désormais abrogé mais repris à l'article R. 421-56 du même code dans sa rédaction issue du décret n°2018-612 du 16 juillet 2018 ;
Vu les réponses notifiées par les parties les 8 et 9 juillet 2024 ;
MOTIVATION
1. Sur la demande en garantie du FGAO
Les acquéreurs soutiennent que l'article L. 421-9 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1069 du 27 novembre 2017, est inconventionnel et que la cour doit donc en écarter l'application au présent litige. Ils soulignent que ce texte limite la garantie du FGAO, en cas de défaillance d'une entreprise d'assurance, aux bénéficiaires d'une assurance obligatoire souscrite auprès d'une entreprise d'assurance agréée en France et soumise au contrôle de l'Etat français et qu'il opère donc une discrimination à l'encontre des entreprises établies sur le territoire d'un Etat membre autre que la France, ce qui constitue, selon un avis motivé de la Commission européenne du 18 juin 2015, une atteinte prohibée à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services garanties par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
En réponse à l'avis à parties, les acquéreurs font valoir que les dispositions applicables au litige ne prévoyaient pas les modalités de gestion d'un sinistre lié à la défaillance d'une entreprise d'assurance établie sur le territoire d'un Etat membre autre que la France. Ils n'avaient donc pas l'obligation de saisir les administrateurs de la société Elite insurance company et la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine de ces derniers ne peut être accueillie. Ils indiquent qu'en tout état de cause, ils ont saisi les administrateurs de l'entreprise défaillante qui leur ont notifié un refus de garantie du FGAO. Ils ajoutent qu'aucune règle n'impose aux créanciers d'une entreprise en difficulté de mettre en cause celle-ci dans le cadre d'une action dirigée contre son garant. Ils concluent, enfin, que la règle résultant de l'article R. 421-24-7 du code des assurances applicable au litige et interdisant toute condamnation du fonds par la juridiction ne peut leur être opposée car l'application de cette règle les priverait de tout recours en garantie contre le fonds et donc priverait d'effet utile les principes posés par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Le FGAO sollicite sa mise hors de cause. Il indique que le liquidateur de l'entreprise défaillante a la charge de l'instruction des dossiers et c'est à lui qu'il appartient de demander l'intervention du FGAO le cas échéant ainsi que le prévoit le dispositif du code des assurances. Il fait remarquer que les requérants ont abandonné leur demande auprès du liquidateur. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation interdit toute poursuite à l'encontre du fonds au visa de l'article R421-24-7 (ancien ou R421-56 nouveau). Il soutient, ensuite, que la garantie financière d'achèvement ayant été souscrite en mars 2012, l'article L.421-9 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1069 du 27 novembre 2017, est applicable et exclut du périmètre d'intervention du fonds les contrats souscrits auprès d'entreprises établies sur le territoire d'un Etat membre autre que la France. Il ajoute que le droit postérieur issu de cette ordonnance de 2017 a certes élargi la protection du FGAO à la défaillance des sociétés domiciliées hors de France, mais tout en diminuant le périmètre des risques couverts, seules les assurances automobile et dommages-ouvrage étant désormais concernées, et que son article 15 prévoit qu'elle est applicable aux contrats souscrits à compter de son entrée en vigueur, soit le 1er juillet 2018, de sorte que la nature du contrat souscrit et sa prise d'effet rendent irrecevables et mal fondées les demandes formulées par les acquéreurs.
Sur ce, la loi n°2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière a confié au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages le soin de « protéger les personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations de contrats d'assurance dont la souscription est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, contre les conséquences de la défaillance des entreprises d'assurance agréées en France » (article L. 421-9 du code des assurances).
L'article R. 421-24-2, 5°, du code des assurances précisait que les engagements de caution octroyés par une entreprise d'assurance agréée en France et soumise au contrôle de l'État étaient couverts par le fonds, et notamment la garantie financière d'achèvement.
La mission du FGAO était ainsi limitée à la défaillance des seules entreprises d'assurances agréées en France et soumises au contrôle de l'État français. Les entreprises d'assurances exerçant en France en libre prestation de services étaient exclues du dispositif de protection du fonds, puisqu'ayant fait l'objet d'un agrément par leur Etat membre d'origine, elles n'étaient pas soumises au contrôle de l'Etat français.
A la suite d'une plainte en 2013, estimant cette mesure contraire aux dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la liberté d'établissement (article 49) ou de la liberté de prestation de services (article 56), la Commission européenne a sommé la France de « conformer son assurance construction au droit de l'Union » et de modifier une disposition jugée « discriminatoire pour les assureurs des autres pays de L'UE » (avis motivé du 18 juin 2015).
Une ordonnance n°2017-1069 du 27 novembre 2017 a donc étendu la mission défaillance du FGAO à tous les assureurs couvrant un risque sur le territoire de la République française, y compris les entreprises d'assurance agréées dans un autre Etat membre, tout en limitant sa mission à deux assurances obligatoires : l'assurance des véhicules terrestres à moteur et la dommages-ouvrage.
Les nouvelles dispositions issues de cette ordonnance s'appliquent, selon son article 15, aux « contrats d'assurances conclus ou renouvelés à compter de sa date d'entrée en vigueur », soit le 1er juillet 2018.
S'agissant, par ailleurs, des modalités d'intervention du FGAO, les décrets d'application, pris avant comme après cette ordonnance, prévoient que la gestion de ces sinistres appartient au liquidateur de l'entreprise d'assurance défaillante.
Ainsi, il résulte des articles R. 421-24-1, R. 421-24-4 et R. 421-24-6 du code des assurances, dans leur rédaction issue du décret n°2004-176 du 17 février 2004, abrogée mais reprise par les articles R. 421-53 à R. 421-55 du même code, et dans leur rédaction issue du décret n°2018-612 du 16 juillet 2018, que le liquidateur désigné par l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou par les autorités compétentes de l'État d'origine d'une entreprise d'assurance dont le siège social est situé sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne autre que la France « saisit le fonds de garantie des demandes de prise en charge des assurés, souscripteurs de contrat, adhérents et bénéficiaires des prestations prévues au contrat dès qu'il a connaissance de celles-ci ». Il effectue, sur demande et pour le compte du fonds, les enquêtes et formalités nécessaires à l'exercice des actions prévues au dernier alinéa de l'article R. 211-13 ainsi que, le cas échéant, à l'exercice des recours contre les coresponsables et les personnes mentionnées aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 421-9-4. Les sommes récupérées par le fonds à la suite de ces recours lui sont directement versées et viennent en déduction de sa créance sur la liquidation. Le liquidateur « gère, avec l'accord du fonds de garantie, » les dossiers relatifs à l'indemnisation des dommages couverts par une assurance obligatoire notamment. Dans tous les cas, l'accord du fonds de garantie doit être demandé par ce liquidateur ; il ne peut ainsi seul acquiescer à une décision de justice, conclure une transaction ou opposer une exception au tiers lésé. Puis dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande du liquidateur, le fonds de garantie met à sa disposition les sommes nécessaires au paiement des indemnités. Le montant de ces sommes est inscrit au passif de la liquidation. Conformément à l'article R. 421-50, alinéa 2, le fonds ne prend en charge que 90 % de l'indemnité qui aurait été versée par l'assureur, sauf si le dommage résulte d'un accident de la circulation.
En outre, aux termes de l'article R. 421-24-7 du code des assurances, dans sa rédaction issue du décret n°2004-176 du 17 février 2004, désormais abrogé mais repris à l'article R. 421-56 du même code dans sa rédaction issue du décret n°2018-612 du 16 juillet 2018, pour la détermination du principe ou de l'étendue de leur droit à indemnisation, les tiers lésés ne peuvent citer le fonds de garantie en justice, notamment en déclaration de jugement commun. Il en est de même des assurés pour leurs actions en revendication de garantie lorsque cette décision ou cette transaction concerne un contrat pris en charge par le fonds.
La Cour de cassation a jugé, en application de l'article R. 421-24-7 précité, qu'en aucun cas l'intervention du FGAO ne peut motiver sa condamnation (Ch. mixte., 28 mai 1990, pourvoi n°88-86.030, publié ; 2e Civ., 24 octobre 2019, pourvoi n° 18-16.257, diffusé).
Enfin, aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l'occurrence, la garantie financière d'achèvement de l'immeuble a été souscrite par la SCCV des Tertres auprès de la société Elite insurance company le 12 mars 2012 et n'était plus en cours au 1er juillet 2018.
Les dispositions antérieures à l'ordonnance n°2017-1069 du 27 novembre 2017 sont donc applicables.
Selon ces dispositions, les acquéreurs ne bénéficient pas de la garantie du FGAO puisque la garantie financière d'achèvement a été souscrite auprès d'une société basée à Gibraltar, non soumise au contrôle de l'Etat français.
La question de la conventionnalité du droit français antérieur à l'ordonnance n°2017-1069 du 27 novembre 2017 au regard des dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la liberté d'établissement (article 49) ou de la liberté de prestation de services (article 56), est donc susceptible de se poser.
Préalablement à l'examen de cette question de fond, il convient cependant de vérifier que la procédure d'intervention du fonds a bien été respectée.
Or cette procédure, prévue par les décrets d'application pris avant comme après l'ordonnance n°2017-1069 du 27 novembre 2017, n'a pas été respectée.
Ainsi, les acquéreurs ne justifient pas avoir fait une demande auprès des administrateurs de la société Elite insurance company désignés par la Cour suprême de Gibraltar à la suite de sa mise sous administration le 11 décembre 2019.
Aucune demande n'a été formulée à l'encontre de la société Elite insurance company ou de ses administrateurs dans le cadre de la présente instance, comme l'a constaté le premier juge.
En tout état de cause, la cour ne peut prononcer de condamnation du fonds en vertu du principe d'interdiction des poursuites à l'encontre du fonds, posé par l'article R. 421-24-7 du code des assurances, dans sa rédaction issue du décret n°2004-176 du 17 février 2004, désormais abrogé mais repris à l'article R. 421-56 du même code dans sa rédaction issue du décret n°2018-612 du 16 juillet 2018.
Enfin et contrairement à ce que soutiennent les acquéreurs, ces textes ne privent pas les tiers lésés de tout recours puisqu'ils peuvent agir en responsabilité contre le liquidateur qui a la charge de gérer les sinistres liés à la défaillance d'une entreprise d'assurance.
Les acquéreurs sont, par conséquent, irrecevables à agir à l'encontre du fonds.
Le jugement est confirmé sans qu'il n'y ait lieu d'ordonner un renvoi préjudiciel.
2. Sur la responsabilité personnelle de M. [IC]
Les acquéreurs soutiennent que M. [IC] a commis une faute en omettant de déclarer dans les délais légaux la cessation des paiements de la SCCV des Tertres, caractérisant sa défaillance, ce qui les a privés de la mise en oeuvre de la garantie financière d'achèvement alors que la société Elite insurance company était in bonis.
M. [IC] réplique que le lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et les dommages supportés par les acquéreurs n'est pas établi.
Sur ce, en application des articles 1240 et 1850 du code civil, le gérant d'une société civile qui commet une faute intentionnelle d'une particulière gravité, séparable de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a causé un préjudice.
M. [IC] ne discute aucune des caractéristiques de la faute, notamment le fait qu'il a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, soit en octobre 2014, la SCCV des Tertres ayant été mise en redressement par jugement du 15 mars 2016 et la date de cessation des paiements ayant été fixée au 14 septembre 2014, et qu'il s'agit d'une faute séparable de ses fonctions sociales.
Il ne conteste pas davantage les dommages subis par les acquéreurs, qui ont été privés de la mise en oeuvre de la garantie financière d'achèvement de la société Elite insurance company, laquelle n'est possible qu'en cas de défaillance financière du vendeur, caractérisée par une absence de disposition des fonds nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
Seul le lien de causalité entre la faute et les préjudices subis par les acquéreurs est nié par M. [IC]. Il est cependant établi que du fait de l'omission de déclaration par M. [IC] de l'état de cessation des paiements de la SCCV des Tertres, la défaillance de celle-ci n'a pu être constatée qu'à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire le 15 mars 2016, retardant ainsi la mise en oeuvre de la garantie financière d'achèvement de la société Elite insurance company. L'omission de déclaration de l'état de cessation des paiements de la SCCV des Tertres est donc en relation de causalité directe et certaine avec le défaut de mise en oeuvre de la garantie financière d'achèvement, aucun élément ne permettant de douter de la solvabilité de la société Elite insurance company en octobre 2014, celle-ci ayant été mise sous administration par jugement de la Cour suprême de Gibraltar du 11 décembre 2019.
Le jugement est confirmé.
3. Sur les frais du procès
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles, sauf en celle ayant condamné M. [IC] à payer à M. et Mme [I] la somme de 800 334,13 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette condamnation étant ramenée à la somme de 800 euros.
Parties perdantes en cause d'appel, les acquéreurs et M. [IC] seront condamnés aux dépens d'appel avec paiement direct au profit de M. [C], avocat.
Les acquéreurs seront condamnés à payer au FGAO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et M. [IC] sera condamné à leur payer à chacun la somme de 600 euros sur le même fondement. Les autres demandes à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt par défaut, rendu par mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,
Confirme le jugement en ses dispositions critiquées, sauf en ce qu'il a condamné M. [P] [IC] à payer à M. [N] [I] et Mme [M] [I] la somme de 800 334,13 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau du chef infirmé :
Condamne M. [P] [IC] à payer à M. [N] [I] et Mme [M] [I] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
Y ajoutant :
Condamne M. [F] [AL], M. [H] [PZ] et Mme [ME] [PZ], M. [O] [U] et Mme [M] [U], M. [R] [Y] et Mme [GT] [Y], M. [K] [VB] et Mme [KV] [Z], M. [G] [S] et Mme [X] [S], M. [YW] [OP] et Mme [L] [J], M. [N] [I] et Mme [M] [I] ainsi que M. [P] [IC] aux dépens d'appel avec paiement direct au profit de M. Cahitte, avocat,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [F] [AL], M. [H] [PZ] et Mme [ME] [PZ], M. [O] [U] et Mme [M] [U], M. [R] [Y] et Mme [GT] [Y], M. [K] [VB] et Mme [KV] [Z], M. [G] [S] et Mme [X] [S], M. [YW] [OP] et Mme [L] [J], M. [N] [I] et Mme [M] [I] à payer au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 2 000 euros,
- condamne M. [P] [IC] à payer à M. [F] [AL], M. [H] [PZ] et Mme [ME] [PZ], M. [O] [U] et Mme [M] [U], M. [R] [Y] et Mme [GT] [Y], M. [K] [VB] et Mme [KV] [Z], M. [G] [S] et Mme [X] [S], M. [YW] [OP] et Mme [L] [J], M. [N] [I] et Mme [M] [I] la somme de 600 euros chacun,
Rejette les autres demandes à ce titre.
LA GREFFIERE P/ LA PRESIDENTE EMPECHEE