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11/07/2024 | FRANCE | N°23/01883

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 11 juillet 2024, 23/01883


ARRET

































[Z]

[D]









C/







[G]

[P]









OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 11 JUILLET 2024





N° RG 23/01883 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IX3B





JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE SOISSONS EN DATE DU 16 MARS 2023



APRES COMMUNICATI

ON DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTS



Monsieur [X] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Charle...

ARRET

[Z]

[D]

C/

[G]

[P]

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

N° RG 23/01883 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IX3B

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE SOISSONS EN DATE DU 16 MARS 2023

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Charles HECART, avocat au barreau de SOISSONS

Madame [W] [D] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Charles HECART, avocat au barreau de SOISSONS

ET :

INTIMES

Monsieur [H] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Ludovic BROYON de la SELARL LEFEVRE-FRANQUET ET BROYON, avocat au barreau de SOISSONS

Madame [O] [P] épouse [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Ludovic BROYON de la SELARL LEFEVRE-FRANQUET ET BROYON, avocat au barreau de SOISSONS

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER :

Madame Diénéba KONÉ

MINISTERE PUBLIC : M Wilfrid GACQUER, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

et Mme Gladys DORSEMAINE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les conseils des parties ont été informé du prorogé du délibéré au 11 juillet 2024.

Le 11 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.

DECISION

En juillet 2006 M. [H] [G] a été embauché au sein de la société Limex sur proposition de M. [X] [Z] directeur général au sein de cette société.

Le 31 janvier 2008, Monsieur [H] [G] ainsi que sa femme Madame [O] [P] épouse [G] ont reçu du compte courant de Monsieur [X] [Z] ainsi que de sa femme Madame [W] [D] épouse [Z] la somme de 110.000 euros.

Le même jour, Monsieur [G] a souscrit auprès de la banque CIC Assurances un contrat Plans Prévoyance d'un montant de 350.000 euros, dont les bénéficiaires étaient les époux [Z] en cas de décès de Monsieur [G].

Le 10 février 2009, les époux [Z] ont reçu du compte courant des époux [G] la somme de 4.950 euros.

Par lettres recommandées en date du 14 avril 2009 et du 6 mai 2009, puis par sommation interpellative signifiée par huissier en date du 10 juillet 2009, les époux [Z] ont demandé aux époux [G] de leur rembourser la somme d'argent litigieuse.

En l'absence de réponse à ces diverses mises en demeure, les époux [Z] ont assigné les époux [G] en référé au paiement de cette somme par devant le tribunal de grande instance de Soissons, qui a rendu une ordonnance de désistement d'instance le 16 octobre 2009.

Par ordonnance en date du 6 octobre 2009, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Soissons a autorisé l'inscription d'une hypothèque judiciaire conservatoire sur un bien immobilier des époux [G] en garantie du prêt allégué par les époux [Z], avant d'ordonner une mainlevée de l'hypothèque le 12 mars 2010, ce qui a été confirmé par la cour d'appel d'Amiens par un arrêt du 30 août 2011.

Convaincus que les époux [G] avaient produit de faux documents dans le cadre de cette précédente procédure judiciaire, les époux [Z] ont porté plainte contre eux pour faux en écriture et escroquerie à juridiction.

Par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens en date du 12 décembre 2017, confirmé en cassation le 5 avril 2018, les époux [G] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Soissons qui les a condamnés le 28 janvier 2019 du chef d'escroquerie à la juridiction et de tentative d'escroquerie, ce qui a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens le 15 mars 2021.

Par acte extra-judiciaire en date du 15 octobre 2009, Monsieur [Z] ainsi que son épouse avaient assigné les époux [G] devant le tribunal judiciaire de Soissons aux fins de demander, sous le bénéfice de l'exécution provisoire qu'ils soient condamnés solidairement à leur verser la somme de 110.000 euros au taux annuel de 4,5% avec intérêts capitalisables depuis le 1er février 2009, soit 194.941,57 euros en décembre 2021, et à titre subsidiaire la somme de 110.000 euros au taux annuel de 9,6% avec intérêts capitalisables depuis le 1er février 2009, soit 252.890 euros en décembre 2021 sans intérêts capitalisables ou 357.234,20 euros avec intérêts capitalisables.

En réponse, les époux [G] ont demandé au tribunal judiciaire de Soissons que les époux [Z] soient déboutés de leurs demandes et qu'ils soient condamnés à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à titre subsidiaire que soit limité le montant de leur éventuelle condamnation à 105.050 euros sans intérêts, avec les plus larges délais de paiement par versement de 24 mensualités de 4.377,08 euros.

Par jugement en date du 17 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Soissons a rejeté la demande d'écarter des débats les pièces n°7, 13, 9 et 14 produites par les époux [G], écarté des débats la pièce n°39 produite par les époux [Z] et l'ensemble des pièces relatives à l'enregistrement sonore.

Il a par ailleurs condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 110.000 euros au titre du contrat de prêt, dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, rejeté la demande de délais de paiement émise par les époux [G], condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 1.491 euros en réparation de leur préjudice matériel occasionné par les frais de l'hypothèque judiciaire conservatoire du prêt ainsi que la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice matériel général rejeté toutes les autres demandes  et enfin condamné les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux paiement des dépens de la procédure recouvrés par Maitre HECART selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 16 mars 2023 après requête formée par les époux [Z], le tribunal judiciaire de Soissons a rectifié le jugement rendu le 17 novembre 2022 comme suit en complétant la mention page 8 :

'En revanche, le montant de 4.950 euros, qui doit dès lors être appréhendé comme un remboursement partiel, devra venir en soustraction du montant réclamé et accordé de 110.000 euros. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner le moyen subsidiaire tiré de la répétition de l'indus.'

Avec la mention suivante page 8 :

'En conséquence, les époux [G] seront condamnés solidairement à payer aux époux [Z] la somme de 110.000 euros - 4.950 euros = 105.050 euros.'

Et en remplaçant la mention page 10 :

'Condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 110.000 euros au titre du contrat de prêt,'

Par la mention suivante page 10 :

'Condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 105.050 euros au titre du contrat de prêt,'

Tout en rejetant la demande de rectification d'erreur matérielle pour le surplus ainsi que toutes les autres demandes.

Les époux [Z] ont interjeté appel des deux jugements rendus par le tribunal judiciaire de Soissons le 17 novembre 2022 et le 16 mars 2023 selon déclarations du 18 avril 2023 et 12 juillet 2023, les deux procédures ayant fait l'objet d'une ordonnance de jonction du 19 septembre 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelants remises le 22 novembre 2023, les époux [Z] demandent à la cour :

- D'infirmer le jugement du 17 novembre 2022, rectifié par jugement rectificatif du 16 mars 2023, en ce qu'il :

Ecarte des débats la pièce n°39 produite par les époux [Z] et l'ensemble des pièces relatives à l'enregistrement sonore ;

Condamne solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 105.050 euros au titre du contrat de prêt ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice matériel général ;

Rejette toutes les autres demandes des époux [Z].

Statuant à nouveau,

- De dire n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°39 produite par les époux [Z] ;

- De débouter les époux [G] de leur appel incident ;

- De juger que la somme de 4.950 euros ne vient pas en soustraction du montant réclamé de 110.000 euros ;

- De condamner à titre principal solidairement les époux [G] envers les époux [Z] au paiement de la somme de 110.000 euros au taux annuel de 4,5% contractuel convenu avec intérêts capitalisables depuis le 1er février 2009 (soit 209.061 euros à juillet 2023), à défaut à partir du 14 avril 2009, à défaut à partir du 15 octobre 2009 ;

- De condamner à titre subsidiaire solidairement les époux [G] envers les époux [Z] au paiement de la somme de 110.000 euros au taux annuel de 9,6% légal avec intérêts capitalisables depuis le 1er février 2009 (soit 407.374 euros à juillet 2023) au titre de la répétition de l'indu, à défaut à partir du 14 avril 2009, à défaut à partir du 15 octobre 2009 ;

- De condamner solidairement les époux [G] envers les époux [Z] au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de la réparation de leur préjudice matériel depuis 15 ans ;

- De confirmer le jugement entrepris pour le surplus, notamment en ce qu'il a :

Rejeté la demande de délais de paiement des époux [G] ;

Condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 1.491 euros en réparation de leur préjudice matériel occasionné par les frais de l'hypothèque judiciaire conservatoire ;

- De débouter les époux [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- De condamner solidairement les époux [G] à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 et aux dépens d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions d'intimée remises le 23 août 2023 formant appel incident, les époux [G] demandent à la cour :

A titre principal,

- De confirmer les jugements rendus les 17 novembre 2022 et le 16 mars 2023 en ce qu'ils ont écarté des débats la pièce adverse n°39 et l'ensemble des pièces relatives à l'enregistrement audio ;

- D'infirmer les jugements rendus les 17 novembre 2022 et 16 mars 2023 en ce qu'ils ont :

Condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 105.050 euros au titre du contrat de prêt ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la décision ;

Condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 1.491 euros en réparation de leur préjudice matériel occasionné par les frais de l'hypothèque judiciaire conservatoire du prêt ;

Condamné solidairement les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice matériel général ;

Rejeté toutes les autres demandes ;

Condamné les époux [G] à payer aux époux [Z] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- De débouter les époux [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- De condamner solidairement les époux [Z] à leur verser la somme de 10.000 à titre de dommages et intérêts résultant du caractère abusif de la présente procédure.

A titre subsidiaire,

- De confirmer les jugements rendus les 17 novembre 2022 et le 16 mars 2023 en ce qu'ils ont limité le montant de la condamnation à la somme de 105.050 euros sans intérêt ;

- De débouter les époux [Z] du surplus de leurs demandes.

En tout état de cause,

- De condamner solidairement les époux [Z] à leur verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024, l'affaire ayant été renvoyée pour plaider à l'audience du 18 avril 2024.

SUR CE

Sur la recevabilité de la pièce n°39 fournie par les époux [Z]

Les époux [Z] soutiennent que la pièce n°39 qu'elle fournit dans le cadre du présent litige ne peut souffrir d'aucune irrecevabilité et n'est couverte d'aucun secret, aux motifs que les juridictions pénales devant lesquelles ils se sont constitués partie civile dans le cadre d'un précédent litige n'ont pas écarté cette même pièce des débats après l'avoir expertisée.

Les époux [G] rétorquent que la pièce n°39 est le fruit d'un procédé déloyal et qu'elle doit être écartée des débats dans la mesure où il s'agit de l'enregistrement de plusieurs conversations téléphoniques entre Monsieur [X] [Z] et Monsieur [H] [G], enregistrées à l'insu de ce dernier.

Il est constant au titre de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

S'agissant plus spécifiquement des enregistrements, il est admis par la jurisprudence qu'en matière civile, l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal.

La pièce n°39 fournie par les époux [Z] et dénommée 'conversations téléphoniques enregistrées sur compact disque et leur transcription' est une retranscription d'un disque contenant plusieurs enregistrements sonores de conversations téléphoniques entre Monsieur [X] [Z] et Monsieur [H] [G], et que Monsieur [X] [Z] reconnait dans ses conclusions avoir enregistré compte tenu du changement d'attitude de Monsieur [H] [G].

Partant, il est incontestable que ces échanges téléphoniques ont été enregistrés à l'insu de Monsieur [H] [G].

Il est tout aussi incontestable que ces enregistrements ont été vérifiés expertisés et ont été reproduits et transcrits dans le cadre de l'information judiciaire à l'encontre des époux [G] poursuivis et condamnés pour avoir eux-mêmes gravement manqué à la loyauté dans l'établissement de la preuve de leurs allégations.

La pièce n°39 résulte d'un procédé déloyal mais surtout n'est manifestement pas utile à la solution du litige dès lors que l'information judiciaire a permis d'établir que les attestations produites par les époux [G] contiennent un contenu faux contraire à la réalité et que les époux [G] ont usé de manoeuvres frauduleuses devant la juridiction de Soissons pour tenter de nier l'existence d'un contrat de prêt et qu'aux termes des dernières conclusions des époux [Z] ceux-ci développent leur entière argumentation sans faire état ou presque de ces enregistrements qui ne sont cités qu'en toute fin de démonstration pour appuyer d'autres éléments de preuve.

C'est donc à bon droit que le tribunal judiciaire de Soissons a écarté des débats la pièce n°39, et le jugement sera de ce fait confirmé sur ce point.

Sur l'existence d'un prêt

A titre liminaire, il convient de souligner que le contrat de prêt allégué par les époux [Z] ayant été conclu au début de l'année 2008, les dispositions anciennes du code civil antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 doivent s'appliquer au cas d'espèce.

Il est établi et non contesté que la somme de 110000 euros a été virée depuis le compte des époux [Z] vers le compte des époux [G].

A partir de ce fait deux versions sont opposées par les parties.

Celle des époux [Z] selon laquelle ce virement correspond à un prêt au taux de 4,5% consenti à leurs amis en difficultés financières devant le refus des établissements bancaires de les soutenir et celle des époux [G] selon laquelle les fonds provenaient d'un prêt consenti à M. [G] par la société Limex l'employant et n'ont fait que transiter par le compte de M. [Z] et ce afin d'éviter les questions du fisc.

Sur l'impossibilité d'établir un écrit

Il ressort du présent litige qu'aucun écrit n'a été établi dans le cadre du prêt allégué par les époux [Z], et ce alors même que l'article 1341 ancien du code civil impose que doit être passé acte devant le notaire ou sous signatures privées toute chose excédant une somme ou une valeur fixée par décret, en l'ocurrence 1.500 euros au titre du décret 80-553 du 15 juillet 1983.

Les époux [Z] justifient l'absence d'un écrit par une impossibilité tant morale tendant aux liens affectifs et professionnels liant les époux [G] et les époux [Z], que matérielle compte tenu du fait que Monsieur [H] [G] avait besoin de la somme d'argent litigieuse sous 15 jours et qu'il se trouvait à ce moment en Afrique.

Les époux [G] contestent l'existence d'une impossibilité d'établir un écrit, les liens d'amitié ne constituant nullement une impossibilité morale, tout comme la possibilité d'effectuer une reconnaissance de dette et d'user de moyens informatiques et électroniques démontrent l'absence d'impossibilité matérielle.

L'article 1348 ancien du code civil prévoit qu'il est fait exception à l'article 1341 ancien du code civil précédemment cité lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique.

S'agissant de l'impossibilité matérielle, le fait que Monsieur [H] [G] se trouve au moment des faits en Afrique ainsi que le court délai de quinze jours pour établir un écrit ne résistent pas aux moyens numériques et technologiques instantanés dont disposaient les parties pour établir un écrit, quelque soit la forme de celui-ci.

S'agissant de l'impossibilité morale, il est avéré que les époux [Z] et les époux [G] étaient liés au moment des faits par des liens d'amitié et de confiance indéniables, et ce d'autant plus que Monsieur [X] [Z] et Monsieur [H] [G] ont travaillé ensemble, nouant à ce titre également des liens professionnels étroits.

Néanmoins, l'existence incontestable de ces liens d'amitié ne saurait caractériser l'impossibilité morale d'établir un écrit compte tenu d'une part du montant de la somme d'argent prêté, ainsi que d'autre part du contexte dans lequel celui-ci s'est effectué, dans la mesure où l'argent transféré provient initialement de la société Limex au sein de laquelle étaient employés Monsieur [X] [Z] et Monsieur [H] [G] et qui elle-même procédait à un versement direct à M. [G], ce qui induit qu'il pouvait y être procédé dans le cadre d'une procédure formelle et écrite, en dépit des liens d'amitié précédemment évoqués.

C'est donc à tort que les époux [Z] soutiennent l'existence d'une impossibilité d'établir un écrit.

Sur l'aveu judiciaire des époux [G]

Les époux [Z] soutiennent que les époux [G] ont procédé à un aveu judiciaire de l'existence du prêt en marge de leurs conclusions dans le cadre du litige opposant les deux parties devant le tribunal judiciaire de Soissons suite à la requête en rectification d'erreur matérielle, par le biais de la phrase suivante :

'Il y a donc bien une erreur matérielle qu'il convient de corriger en indiquant la mention suivante : condamne solidairement Monsieur [H] [G] et Madame [O] [G] à payer à Monsieur [X] [Z] et Madame [W] [Z] la somme de 105.050 euros au titre du contrat de prêt.'

En réponse, les époux [G] affirment que cette phrase est sortie de son contexte et qu'il ne s'agit en aucun cas d'un aveu judiciaire, mais simplement d'une demande inscrite dans le cadre d'une rectification d'erreur matérielle d'un jugement existant.

Il est vrai que l'article 1361 du code civil dispose qu'il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire.

En outre, l'article 1383-2 du code civil définit l'aveu judiciaire comme étant la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté, cette déclaration faisant foi contre celui qui l'a fait, ne pouvant être divisé contre son auteur, et étant irrévocable sauf en cas d'erreur de fait.

Il est constant que la phrase qualifiée par les époux [Z] d'aveu judiciaire s'inscrit dans le cadre d'une requête de rectification d'erreur matérielle à l'initiative de ces derniers.

L'objet du litige ne portait de ce fait plus sur l'existence ou non d'un contrat de prêt et n'avait pas vocation à trancher en droit le litige d'ores et déjà tranché par le tribunal judiciaire de Soissons le 17 novembre 2022, mais simplement de réparer celui-ci.

Or, en demandant que soit indiquée une mention évoquant explicitement l'existence d'un contrat de prêt, les époux [G] ont simplement émis une demande de rectification d'erreur matérielle d'un jugement ayant reconnu l'existence dudit contrat prêt, et auquel ils devaient ainsi nécessairement faire référence dans le cadre de leur demande.

Partant, la déclaration litigieuse ne peut être qualifiée d'aveu judiciaire au sens de l'article 1383-2 du code civil.

Sur le commencement de preuve par écrit

Les époux [Z] font valoir que l'ensemble des pièces versées au débat permet d'établir un commencement de preuve par écrit du contrat de prêt, qui fait exception à la nécessité d'établir un écrit au titre de l'article 1347 ancien du code civil.

Ils considèrent que les contrats d'assurance et courriers électroniques envoyés par M. [G] qui émanent bien de celui-ci constituent des commencements de preuve par écrit rendant vraisemblable la conclusion du contrat de prêt ce qui est confirmé par la comparaison des dates dès lors que l'attestation remise par les époux [G] pour garantir le prêt est du 8 avril 2008 le début de la garantie étant en date du 31 janvier 2008 date du virement.

Ils font valoir que ce commencement de preuve par écrit est conforté par des élements extrinsèques comme le paiement de la somme de 4950 euros qui constitue la rémunération du prêt et un commencement d'exécution du prêt, ou la déclaration des 120000 euros à l'administration fiscale ou encore les attestations d'amis communs.

Enfin ils font valoir que la démonstration de la fausseté des arguments des époux [G] est parfaitement réalisée et repose sur l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'apple d'Amiens en date du 15 mars 2021 et les contradictions flagrantes des époux [G].

Les époux [G] répliquent que n'est pas caractérisé de commencement de preuve par écrit au cas d'espèce.

Ils soutiennent à cet égard que l'écrit de la compagnie CIC Assurances n'émane pas des époux [G] ni de leur représentant et qu'il ne démontre pas l'existence d'un quelconque prêt ni même le fait qu'il garantisse un prêt.

Ils considèrent également que les courriels établis par M. [G] ne mentionnent pas l'existence d'un prêt.

Par ailleurs ils font valoir qu'il n'est versé aux débats aucun élément extrinsèque.

Ils soutiennent que le virement de 4950 euros intervenu plus d'un an après le prêt ne démontre rien en l'absence de virements réguliers et qu'il correspond en réalité à un prêt des époux [G].

Ils font observer que la déclaration du contrat de prêt n'est ni datée ni signée et n'a été établi que pour les besoins de la cause et que leur avis d'imposition est établi sur leurs seules déclarations. Ils font observer qu'au demeurant une somme de 120000 euros est déclarée alors qu'il est fait état d'un prêt de 110000 euros. Ils ajoutent que les attestations produites sont de pure complaisance.

En premier lieu, selon l'article 1347 ancien du code civil susmentionné constitue un commencement de preuve par écrit tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

En l'espèce, et comme l'a relevé le tribunal judiciaire de Soissons en première instance, le contrat d'assurance décès souscrit par Monsieur [H] [G] à hauteur de 350000 euros a une date d'effet identique à celle virement de 110.000 euros, et indique comme bénéficiaires en cas de décès et en premier lieu les époux [Z].

A suivre la version des époux [G] ce sont les liens d'amitié et de confiance avec les époux [Z] qui ont conduit M. [G] à contracter un tel contrat au bénéfice d'un ami qui aurait pour tâche de gérer le capital en cas de décès mais alors cela dénoterait une telle confinace et des liens si étroits qu'il conviendrait de retenir une impossibilité morale de se procurer un écrit pour les époux [Z].

Plus sérieusement la souscription de ce contrat dont la date d'effet est concomittante au virement des fonds par les époux [Z] et qui désigne ceux-ci comme bénéficiaires de l'assurance à la demande même de M. [G] constitue un commencement de preuve par écrit.

Il importe peu à cet égard que le contrat d'adhésion soit formalisé par un tiers, à savoir la banque CIC ASSURANCES, dès lors qu'apparaissent au titre des bénéficiaires les époux [Z] désignés par M. [G], tout comme il est inopérant de retenir que le montant du contrat d'adhésion ne coïncide pas avec le montant du prêt litigieux, dans la mesure où ledit contrat intervient manifestement en réponse au virement de 110.000 euros et que les deux éléments forment un ensemble. La nécessité de prévoir un garantie révèle que le virement de 11000 euros constitue bien un prêt.

Par ailleurs, les différents échanges de mails entre Monsieur [H] [G] et Monsieur [X] [Z] précédant le virement litigieux, tout comme le mail envoyé par Monsieur [X] [Z] à son conseiller bancaire le 31 janvier 2008, évoquent de manière explicite que la somme de 110.000 euros avait pour but d'aider financièrement Monsieur [H] [G] et qu'elle était sujette à un remboursement ultérieur de la part de ce dernier, éléments permettant de démontrer le lien entre le prêt allégué et le commencement de preuve par écrit.

Plus particulièrement le mail de M. [G] en date du 28 janvier 2008 adressé à M. [X] [Z] fait état du montant renégocié de sa dette et de la répartition du paiement de cette dette attribuant une somme de 110000 euros à M. [Z].

En second lieu, il convient de déterminer s'il existe des preuves complémentaires extrinsèques permettant de caractériser le commencement de preuve par écrit.

A ce titre, les trois attestations de tiers établissant de manière circonstanciée avoir recueilli les confidences de M. [G] qui se félicitait du prêt accordé par M. [Z] permettent de démontrer l'existence du prêt passé avec les époux [G].

Il ressort également de la pièce n°43 fournie par les époux [Z], à savoir un procès-verbal de confrontation en date du 13 mai 2015, que Monsieur [H] [G] reconnait à plusieurs reprises l'existence d'un prêt, arguant que celui-ci provient de la société Limex et que l'argent dudit prêt a simplement transité sur le compte personnel des époux [Z].

Cependant, compte tenu de la condamnation au pénal des époux [G] pour usage et production de faux documents dans le cadre d'une procédure judiciaire, les pièces n°5,6,10 et 11 qu'ils produisent visant à démontrer que la société Limex a octroyé un prêt de 145.000 euros à Monsieur [H] [G] et que le virement de 110.000 euros ne faisait que transiter sur le compte personnel de Monsieur [X] [Z], disposent d'une faible force probante et n'emportent pas la conviction de la cour.

Par ailleurs, l'explication selon laquelle Monsieur [X] [Z] aurait demandé à ce que transite l'argent sur son compte en banque et que cela a été accepté du fait de ses compétences et de son niveau de responsabilité ou pour des raisons fiscales n'est pas crédible dès lors que Monsieur [X] [Z] n'a pas reçu l'intégralité de la somme versée, à savoir 145.000 euros, et que cela est contredit par les échanges de mails précédemment évoqués faisant état de la contribution directe et personnelle de Monsieur [X] [Z].

En outre, le virement effectué le 10 février 2009 par les époux [G], soit près d'un an après le virement litigieux, et d'un montant de 4.950 euros, soit 4,5% du prêt allégué, constitue un acte d'exécution partielle du contrat de prêt, sans que les allégations des époux [G] consistant à dire que ce virement avait pour objet pour les époux [Z] de faire l'acquisition d'une parcelle de bois alors même que ces derniers ne connaissaient pas de difficultés financières particulières soient établies.

Enfin les tentatives des époux [G] de nier la réalité d'un prêt par l'emploi de manoeuvres frauduleuses soit l'utilisation en justice de documents dont ils connaissait le caractère erroné du contenu ayant conduit à leur condamnation pour escroquerie, sans pour autant renverser la charge de la preuve renforcent les éléments extrinsèques établissant l'existence du prêt.

Par conséquent, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat de prêt entre les parties caractérisé par un commencement de preuve par écrit et corroboré par des éléments de preuve extrinsèques.

L'existence d'un contrat de prêt étant établie, il n'est pas nécessaire d'examiner le moyen subsidiaire des époux [Z] tiré de la répétition de l'indu.

Sur le taux d'intérêt du prêt

Les époux [Z] demandent à la cour de fixer le taux d'intérêt du prêt à 4,5% au motif qu'il s'agissait du taux défini avec les époux [G] et que ce taux correspond aux 4.950 euros payés par ces derniers en février 2009.

Ils font valoir en tout état de cause que les intérêts au taux légal sont dus de plein droit et qu'ils courent à compter de la date de la mise en demeure ou à tout le moins à la date de l'assignation.

Les époux [G] contestent l'application d'un quelconque taux d'intérêt au prêt dans la mesure où aucun taux n'a été fixé par écrit et que les époux [Z] sont incapables de démontrer l'existence d'un accord sur le montant du taux à appliquer au prêt.

Au titre de l'article 1907 du code civil, l'intérêt est légal ou conventionnel. Tandis que l'intérêt légal est fixé par la loi, l'intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, sans que cette dernière ne le prohibe, et doit être fixé par écrit.

Il est constant qu'aucun écrit n'a fixé de taux d'intérêt au contrat de prêt litigieux.

A ce titre, si le virement de 4.950 euros des époux [G] pour les époux [Z] en date du 10 février 2009 permet de corroborer l'existence d'un contrat de prêt comme il l'a été démontré précédemment, il ne permet en aucun cas de prouver l'existence même d'un taux d'intérêt au prêt.

De la même manière, aucune pièce fournie au présent débat ne permet d'affirmer que le contrat de prêt était assorti d'un taux conventionnel de 4,5%, les époux [Z] échouant ainsi à apporter la preuve de ce qu'ils allèguent sur ce point.

C'est donc à bon droit que le tribunal judiciaire de Soissons n'a pas retenu le taux de 4,5% au contrat de prêt.

En l'absence de taux conventionnel écrit, il convient de considérer qu'aucun taux d'intérêt n'a été assorti au contrat de prêt liant les parties.

La condamnation des époux [G] ne sera assortie que des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris.

Il convient de considérer que les époux [G] ont commencé à rembourser le prêt par le virement de 4.950 euros en date du 10 février 2009, somme qu'il conviendra de déduire du montant à rembourser et de confirmer en cela le jugement rectifié.

Sur les demandes en dommages et intérêts

Les époux [Z] demandent à la cour de condamner solidairement les époux [G] au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de la réparation de leur préjudice matériel subi consistant en la privation durant plus de quatorze annéesdu fruit de leur travail.

En réponse, les époux [G] demandent de débouter les époux [Z] de leur demande de réparation du préjudice matériel subi faisant observer qu'aucun terme n'était fixé pour le remboursement et de les condamner solidairement à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts résultant du caractère abusif de la présente procédure.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par les époux [Z], ils n'ont obtenu aucun remboursement postérieur au 10 février 2009 suite au prêt octroyé aux époux [G] malgré différentes mises en demeure et procédures.

Il sera retenu que leur préjudice matériel relatif aux frais des procédures engagées a été réparé par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens en date du 15 mars 2021 à hauteur de 28828,91 euros . Il convient dès lors, comme l'a retenu le tribunal de première instance, d'indemniser les époux [Z] à hauteur cependant de la somme de 10.000 euros au titre du préjudice financier subi du fait de la seule privation de la somme de 110000 euros durant plus d'une décennie.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par les époux [G], rien en l'espèce et au regard de la présente décision ne permet de caractériser l'aspect abusif de la procédure.

Les époux [G] seront par conséquent déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La décision entreprise sera confirmée du chef des frais irrépétibles et du chef des dépens.

Les époux [G], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel.

Enfin, il sera accordé aux époux [Z] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris excepté sur le point de départ des intérêts et le montant des dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Condamne solidairement M. [H] [G] et Mme [O] [P] épouse [G] à payer à M. [X] [Z] et Mme [W] [D] épouse [Z] la somme de 105050 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

Condamne solidairement M. [H] [G] et Mme [O] [P] épouse [G] à payer à M. [X] [Z] et Mme [W] [D] épouse [Z] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [H] [G] et Mme [O] [P] épouse [G] à payer à M. [X] [Z] et Mme [W] [D] épouse [Z] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [H] [G] et Mme [O] [P] épouse [G] aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/01883
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.01883 ?
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