ARRET
N°
[F]
C/
[Y]
S.A. FINANCO
FLR
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 11 JUILLET 2024
N° RG 22/05045 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITKQ
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS EN DATE DU 22 JANVIER 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [N] [F]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Alexis DAVIS substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101
Ayant pour avocat plaidant, Me Axel de VILLARTAY, avocat au barreau de RENNES
ET :
INTIMES
Monsieur [G] [Y]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Assigné dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile, le 19 mai 2023
S.A. FINANCO, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emilie CHRISTIAN substituant Me Christian LUSSON de la SCP LUSSON ET CATILLION, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 21
Ayant pour avocat plaidant, Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Février 2024 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Avril 2024.
GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 11 juillet 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe
Le 11 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.
DECISION
Suivant offre acceptée le 10 juin 2016 la SA Financo a consenti à M. [G] [Y] et Mme [N] [F] un crédit affecté à l'achat d'un véhicule de marque Nissan modèle X trail immatriculé [Immatriculation 7] d'un montant de 34 400 € remboursable en 144 mensualités de 485,58 € hors assurance facultative au taux de 3,96 % l'an.
Se prévalant d'impayés la SA Financo après avoir délivré une mise en demeure de payer, a notifié la déchéance du terme le 25 juin 2019 à M. [Y] et le 8 août 2019 à Mme [F] et attrait les co-emprunteurs en paiement, par acte d'huissier du 29 septembre 2020, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Soissons, qui par jugement rendu par défaut le 22 janvier 2021 a :
- déclaré l'action de la SA Financo recevable ;
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;
- condamné solidairement M. [G] [Y] et Mme [N] [F] à payer à la SA Financo la somme de 24 951,82 € outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020 ;
- ordonné la restitution du véhicule aux fins de vente aux enchères publiques ; le prix de vente venant en déduction du montant des sommes dues ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code d procédure civile ;
- condamné M. [Y] et Mme [F] aux dépens.
Par déclaration en date du 18 novembre 2022 Mme [N] [F] a interjeté appel de ce jugement.
Elle a signifié sa déclaration d'appel à M. [Y] le 22 décembre 2022 dans les termes de l'article 659 du code de procédure civile.
Par conclusions remises par voie électronique le 31 mai 2023 signifiées le 14 février 2023 à M. [Y] selon les mêmes modalités que la déclaration d'appel, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés Mme [F] demande à la cour de réformer le jugement dont appel et en conséquence de :
- déclarer le contrat inopposable à Mme [F] ;
- condamner M. [Y] à supporter l'intégralité du prêt Financo à titre définitif ;
- condamner in solidum la société Financo et M. [Y] à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions remises par voie électronique le 5 mai 2023 signifiées le 19 mai 2023 dans les termes de l'article 659 du code de procédure civile à M. [Y], la SA Financo demande à la cour de confirmer le jugement dont appel sauf en ce que la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel a été prononcée et en conséquence de :
- condamner solidairement M. [Y] et Mme [F] à lui payer la somme de 28 248,64 € outre intérêts au taux contractuel de 3,96 % à compter du 1er juillet 2020.
A titre subsidiaire de :
- condamner M. [Y] à payer à la SA Financo la somme de
28 248,64 € outre intérêts au taux contractuel de 3,96 % à compter du 1er juillet 2020.
En tout état de cause de :
- condamner solidairement M. [Y] et Mme [F] à lui payer 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par la SCP Lusson Catillon en application de l'article 699 du code de procédure civil.
M. [Y] n'a pas constitué avocat.
SUR CE :
Sur l'appel principal de Mme [F]
Mme [F] demande que le contrat de prêt lui soit déclaré inopposable.
Elle explique qu'elle n'a eu connaissance du jugement dont appel et du contrat litigieux que lorsque la société Financo a exécuté le jugement à son endroit via une procédure de saisie attribution sur ses comptes bancaires, qu'elle est tiers au contrat à défaut de s'être engagée, que sa signature a été imitée, que M. [Y] l'a souscrit seul mais en se servant de ses documents personnels (CNI bulletins de salaire etc...), qu'il a remboursé seul ce prêt durant deux ans et demi et que les poursuites n'ont été engagées qu'en raison de sa défaillance de sorte qu'il doit seul en supporter l'exécution.
Elle dénie sa signature par comparaison avec des extraits de la sienne issus de documents signés en 2016 et affirme que les échéances du prêt étaient prélevées sur le compte de M. [Y].
La société Financo demande la confirmation du jugement dont appel ayant condamné solidairement Mme [F] aux côtés de M. [Y]. Elle fait valoir qu'une signature peut évoluer dans le temps et que Mme [F] ne rapporte pas la preuve que M. [Y] a signé à sa place dans l'encadré co-emprunteur.
A supposer que la cour considère que la preuve est rapportée que Mme [F] n'est pas signataire du contrat la SA Financo fait valoir qu'elle a exécuté le contrat pendant deux ans et demi.
Compte tenu de la date de signature du contrat il sera fait application des dispositions du code civil antérieures au 1er octobre 2016.
Selon l'article 1373 du code civil, la partie à laquelle on oppose l'acte sous signature privée, peut désavouer son écriture ou sa signature.
Il est admis que dans le cas où la signature est déniée, c'est à la partie qui se prévaut de l'acte qu'il appartient d'en démontrer la sincérité.
Selon l'article 1338 ancien du code civil l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.
La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.
La confirmation d'un acte nul exige la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer.
Ainsi l'exécution volontaire d'un acte nul doit traduire la connaissance du vice et l'intention de réparer cet acte nul et des actes d'exécution équivoques ne peuvent avoir un effet confirmatif.
Au soutien de sa demande en paiement la SA Financo produit le contrat, la copie des CNI des co-emprunteurs, leurs fiches de paie, une quittance EDF, un relevé CAF, un RIB au nom de M. [Y].
La comparaison de la signature de Mme [F] se trouvant sur sa CNI et sur les documents qu'elle produit en appel avec celle se trouvant sur le contrat dans la case co-emprunteur permet d'établir incontestablement que cette dernière ne peut lui être attribuée.
S' il ressort des pièces qu'elle demeurait à la même adresse que M. [Y] lors de la souscription du prêt destiné à l'achat d'un véhicule et qu'elle a reçu un courrier recommandé de la société Financo le 8 août 2019 dont elle a signé l'accusé de réception par lequel la société Financo notifiait la déchéance du terme sans marquer son étonnement, ces éléments ne suffisent pas à considérer qu'elle a ratifié le contrat à défaut d'avoir connaissance de son engagement en qualité de co-emprunteur solidaire dans la mesure où les mensualités étaient prélevées sur le compte de M. [Y].
Dans ces circonstances le contrat de prêt ne peut lui être opposé.
Sur l'appel incident de la SA Financo
La SA Financo fait grief au premier juge d'avoir prononcé la déchéance de son droit aux intérêts au taux contractuel à défaut d'avoir justifié avoir consulté le FICP dans les termes de l'article L.312-16 du code de la consommation.
Elle fait valoir qu'en cause d'appel elle rapporte la preuve qu'elle a procédé à la consultation du FICP à l'endroit des deux co-emprunteurs.
L'article L.312-16 du code de la consommation stipule qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu par l'article L.751-1.
Le contenu de ce fichier permet d'apprécier la solvabilité.
L'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers dispose que :
"Modalités de justification des consultations et conservation des données.
I. - En application de l'article L. 751-6 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l'article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. Ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l'intégrité des informations ainsi collectées. Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l'article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d'une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l'identique.
Le cas échéant, le résultat des consultations effectuées aux fins mentionnées au II de l'article 2 est conservé dans les conditions décrites ci-dessus.
II. - Les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er mettent en place des procédures internes leur permettant de justifier que les consultations du fichier ne sont effectuées qu'aux fins mentionnées à l'article 2 et à elles seules. (...)"
L'article L. 312-16 du code de la consommation n'impose aucun formalisme quant à la justification de la consultation du FICP par les prêteurs, et il est admis que la Banque de France ne délivre pas de récépissé de cette consultation.
Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge en application de l'article L.341-2 du code de la consommation.
La SA Financo produit un document intitulé 'suivi des demandes FICP en date du 30 juillet 2020" dans lequel il ressort qu'une consultation du fichier a été réalisée au nom de M. [G] [Y] le 10 juin 2016 à 18 h 05 et le 13 juin 2016 à 15 h 14.
Outre le fait que le motif de la consultation n'est pas mentionné, cette dernière a été faite à deux dates différentes, circonstances qui privent la cour de la possibilité d'apprécier que ces consultations ont été réalisées en vue de la souscription du crédit litigieux.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
Le montant de la condamnation en cas de déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel n'est pas critiqué par l'appelante incidente de sorte qu'il est confirmé.
Sur les demandes accessoires
La SA Financo qui succombe en majorité succombe les dépens d'appel et est condamnée à payer à Mme [F] la somme de 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le jugement est confirmé sur ces dispositions accessoires sauf en ce que la charge des dépens a également été prononcée à l'endroit de Mme [F].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe ;
Infirme le jugement sauf en ses dispositions rendues contre M. [G] [Y];
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
Déclare le contrat de prêt du 10 juin 2016 consenti par la SA Financo pour l'achat d'un véhicule de marque Nissan modèle X trail immatriculé [Immatriculation 7] d'un montant de 34 400 € remboursable en 144 mensualités de 485,58 € hors assurance facultative au taux de 3,96 % l'an, inopposable à Mme [N] [F];
Déboute la SA Financo de toutes ses demandes dirigées contre Mme [N] [F] ;
Dit que M. [G] [Y] supportera seul les dépens de première instance ;
Condamne la SA Financo aux dépens d'appel et à payer à Mme [N] [F] la somme de 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier, La Présidente,