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11/07/2024 | FRANCE | N°22/04980

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 11 juillet 2024, 22/04980


ARRET



















[Y]





C/



Société CREDIT AGRICOLE DU NORD EST









FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 11 JUILLET 2024





N° RG 22/04980 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITGU



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 14 OCTOBRE 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsie

ur [B] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représenté par Me Jérome LAVALOIS de la SCP LAURENT-LAVALOIS-AKTAN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN







ET :





INTIMEE





Société CREDIT AGRICOLE DU NORD EST, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualit...

ARRET

[Y]

C/

Société CREDIT AGRICOLE DU NORD EST

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

N° RG 22/04980 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITGU

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 14 OCTOBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [B] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérome LAVALOIS de la SCP LAURENT-LAVALOIS-AKTAN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMEE

Société CREDIT AGRICOLE DU NORD EST, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-françois DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2024 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Avril 2024.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 11 juillet 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe

Le 11 Juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.

DECISION

M. [B] [Y] exploitant en nom propre d'un commerce de bar brasserie journaux jeux et pmu, est titulaire d'un compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX03] au sein de la Caisse régionale de crédit agricole du Nord-est.

Prétendant avoir déposé des espèces dont le montant n'aurait pas été crédité sur son compte à hauteur de 3 140 €, M. [Y] après diverses démarches amiables, a mis en demeure la banque de créditer cette somme, a saisi le médiateur de la banque en vain et a attrait la Caisse régionale de crédit agricole du Nord-est, pour obtenir réparation du préjudice subi par sa faute, par acte d'huissier du 31 mars 2021, devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin qui par jugement contradictoire en date du 14 octobre 2022 l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par déclaration en date du 14 novembre 2022 M. [B] [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises par voie électronique le 3 août 2023 auxquelles il convient de reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau de condamner la Caisse régionale de crédit agricole du Nord-est à lui payer la somme de 3 140 € outre 2 000 € de dommages et intérêts, 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par conclusions remises par voie électronique le 2 novembre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la Caisse régionale de crédit agricole du Nord-est demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

SUR CE :

M. [Y] prétend à l'infirmation du jugement au motif que la banque a commis une faute engageant sa responsabilité pour ne pas avoir crédité sur son compte une somme de 3 140 € déposée via un automate, dépôt dont il rapporte la preuve selon lui, par la production de tickets, et que cette preuve associée à des éléments extrinsèques est suffisante.

Il ajoute que l' huissier mandaté par la banque afin de visionner le film se trouvant dans les caméras de vidéo surveillance de la banque, a dressé procès-verbal le 4 mars 2022 et qu'il en ressort qu'il s'est présenté avec son épouse le 25 août 2020 après 20 h pour effectuer trois dépôts en espèce.

Il explique que les opérations de dépôt donnent lieu à la délivrance de deux tickets (un ticket contenant le montant de la remise et un ticket attestant du dépôt de l'enveloppe) que le 25 août il a accompagné son épouse qui a effectué trois dépôts et que c'est le troisième qui n'a pas été crédité sur son compte.

Il affirme qu'il rapporte la preuve par un procès verbal de constat qu'il a fait établir par huissier le 16 janvier 2023 qu'il ne peut être en possession d'un ticket dépôt s'il n'a pas fait de dépôt car dans le cas inverse le ticket émis par l'établissement porte la mention dépôt annulé.

Compte tenu de ce modus operandi il considère qu'en produisant 6 tickets concernant les 3 opérations de dépôt effectuées le 25 août et le relevé de banque sur lequel seules deux opérations sont créditées, il rapporte la preuve de la défaillance de la banque.

La banque demande la confirmation de la décision au motif que la preuve du dépôt repose sur le déposant, qu'il est défaillant à faire la démonstration du dépôt en se contentant de produire un ticket et des documents constituant des preuves à soi-même.

Elle fait valoir que le visionnage du film issu de la caméra de vidéo surveillance démontre qu'il y a un doute sur la seconde opération à défaut de pouvoir visionner clairement la remise de l'enveloppe dans la trappe.

Elle fait remarquer que commerçant M. [Y] ne peut se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation.

Les parties, conformément aux règles admises en la matière, s'entendent sur le fait que la preuve du dépôt pèse sur le déposant.

Il est admis qu'il peut remplir son devoir probatoire par tous moyens.

Il est stipulé au contrat d'ouverture de compte qu'à moins qu'une convention contraire n'existe entre la caisse et le titulaire, le constat de l'opération et de son montant par un représentant de la caisse ou par un automate de reconnaissance d'espèces fait foi sauf preuve contraire.

Le contrat fait la loi des parties.

Il ressort des pièces du dossier que M. [Y] en sa qualité de commerçant effectue très régulièrement des dépôts d'espèce pour des sommes importantes auprès de l'agence bancaire du Crédit agricole de [Localité 4] hôtel de ville du fait de l'activité du commerce qu'il exploite avec son épouse.

Il produit un procès-verbal de constat dressé par maître [H] huissier de justice, à sa demande, en date du 16 janvier 2023 dans lequel elle décrit la procédure à laquelle elle a assisté :

'M. [Y] me désigne un automate réservé aux professionnels, il me remet sa CB, à 18 h 37 il présente sa carte à l'automate et tape son code confidentiel, il sélectionne la fonction versement de billets et espèces, il sélectionne le numéro de compte, il saisi le montant des espèces qu'il va déposer et un premier ticket sort de l'automate. Il valide l'opération, la trappe s'ouvre et M. [Y] y jette une enveloppe d'espèces, la trappe se referme et un second ticket sort de l'automate, je réalise un cliché photographique de ces deux tickets portant la mention 'dépôt'.

M. [Y] procède à un deuxième essai, il choisi comme montant de dépôt la somme de 5 euros, un premier ticket sort de l'automate, il valide l'opération et la trappe de l'automate s'ouvre, il ne met rien dans la trappe, cette dernière se referme, l'opération est annulée et un ticket sort 'dépôt annulé'.

De ce constat il est établi que si le déposant ne dépose pas dans un second temps une enveloppe après avoir réalisé la première étape consistant à saisir le montant à déposer, l'opération est annulée et cette annulation est portée sur le second ticket.

En l'espèce, M. [Y] produit 6 tickets relatifs aux opérations du 25 août 2020 :

- opération 033563 du 25 août 2020 à 20.27. 37, dépôt night safe 3 210 € (sous réserve d'acceptation, introduisez ce ticket dans l'enveloppe ou le sac)

- opération 033563 du 25 août 2020 à 20.27. 37, dépôt night safe 3 210 € (sous réserve d'acceptation ticket à conserver)

- opération 033564 du 25 août 2020 à 20.28. 09, dépôt night safe 3 810 € (sous réserve d'acceptation, introduisez ce ticket dans l'enveloppe ou le sac)

- opération 033564 du 25 août 2020 à 20.28. 09, dépôt night safe 3 810 € (sous réserve d'acceptation ticket à conserver)

- opération 033565 du 25 août 2020 à 20.28. 37, dépôt night safe 3 140 € (sous réserve d'acceptation, introduisez ce ticket dans l'enveloppe ou le sac)

- opération 033565 du 25 août 2020 à 20.28. 37, dépôt night safe 3 140 € (sous réserve d'acceptation ticket à conserver).

Conformément au contrat ces pièces font foi à défaut de convention contraire.

Ces reçus remis aux déposants, comme le stipule le contrat, constituent l'unique façon pour eux de garder la preuve de la réalisation des dépôts de sorte qu'ils constituent une présomption de remise de fonds.

Ils renseignent en l'espèce sur le fait que le 25 août 2020 M. [Y] a effectué 3 dépôts d'espèces alors que les relevés du compte renseignent sur le fait que seules les deux premiers ont été crédités le 26 août 2020.

Ces éléments peuvent être associés à des éléments extrinsèques comme la copie du livre de compte du mois d'août 2020 contenant toutes les opérations enregistrées par le commerce du 1er au 31 août au titre des ventes de tabac, jeux, pmu, bar pour corroborer cette présomption, rappelant que la preuve est libre en matière commerciale.

Le livre de compte renseigne sur des opérations en espèces à hauteur de 3 410 € le 24 août 2020, 3210 et 3810 le 25 août 2020.

Du procès-verbal de constat produit par la Caisse de crédit agricole dans lequel l'huissier mandaté a visionné les films de la vidéo surveillance, il ressort que le couple s'est présenté le 25 août 2020, que l'homme a introduit la carte et que c'est la femme l'accompagnant qui a procédé aux opérations de dépôt, que pour la première elle a sorti un paquet blanc de son sac, que la trappe s'est ouverte et que le paquet blanc y était visible.

Il a constaté également qu'elle a sorti un second paquet blanc mais n'a pas pu constater sa présence dans la trappe.

Puis il a constaté que la femme a de nouveau frappé le clavier en tenant un paquet à la main et qu'elle a mis ce paquet dans la trappe.

Contrairement à ce que soutient l'intimée l'appelant rapporte la preuve des trois dépôts et il est établi du propre constat que la banque a fait dresser par un huissier qu'une troisième opération a été réalisée et que cette dernière n'apparaît pas au crédit du compte.

Si cette troisième opération avait échoué, ou même une des opérations réalisées le 25 août par le titulaire du compte, l'automate aurait émis un ticket 'dépôt annulé'.

Alors que M. [Y] rapporte la preuve qui lui incombe de ce qu'il a réalisé le 25 août 2020, 3 opérations de dépôt, la banque ne s'explique pas sur le traitement qu'elle a réservé à la troisième opération litigieuse ayant fait l'objet des deux reçus édités à 20.28. 37 de sorte qu'elle est défaillante à contredire les éléments de preuve apportés par l'appelant.

En conséquence il convient d'infirmer le jugement dont appel et de condamner la Caisse de crédit agricole du Nord-est à payer à M. [Y] la somme de 3 140 €.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En ne s'expliquant pas sur le traitement du troisième dépôt litigieux qui n'a pourtant pas fait l'objet de l'édition d'un ticket 'dépôt annulé' et en déclarant en septembre 2020 que le film de vidéo surveillance ne pouvait être visionné que sur réquisition judiciaire alors qu'elle l'a fait visionner dans le cadre de la présente instance, la Caisse régionale de crédit agricole a résisté abusivement aux demandes de M. [Y] qui a pourtant tenté à plusieurs reprises de trouver une issue amiable à l'affaire.

Il convient donc d'allouer à M. [Y] la somme de 1 500 € de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les demandes accessoires

La SA Crédit agricole du Nord-est qui succombe supporte les dépens de première instance et d'appel et est condamnée à payer à M. [Y] 2 500 € sur le fondement da l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement dont appel est infirmé en totalité sur ces dispositions également.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement en totalité ;

Statuant à nouveau :

Condamne la Caisse de crédit agricole du Nord-est à payer à M. [B] [Y] la somme de 3 140 € au titre des sommes non créditées sur son compte ;

Condamne la Caisse de crédit agricole du Nord-est à payer à M. [B] [Y] la somme de 1 500 € de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne la Caisse de crédit agricole du Nord-est à supporter les dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [B] [Y] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/04980
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.04980 ?
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