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11/07/2024 | FRANCE | N°18/03988

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 11 juillet 2024, 18/03988


ARRET

























S.A.S. ALFI-ACC









C/







S.A.S. EREM



























VD



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 11 JUILLET 2024





N° RG 18/03988 - N° Portalis DBV4-V-B7C-HC6K

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 25 SEPTEMBRE 2018





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. ALFI-ACC agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

La société ALFI-FIMEC, S.A.S. venant aux droits de la société ALFI-ACC, suite à une fusion absorption publiée le 4 juillet 2020 au BODACC,

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par ...

ARRET

S.A.S. ALFI-ACC

C/

S.A.S. EREM

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 11 JUILLET 2024

N° RG 18/03988 - N° Portalis DBV4-V-B7C-HC6K

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 25 SEPTEMBRE 2018

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. ALFI-ACC agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

La société ALFI-FIMEC, S.A.S. venant aux droits de la société ALFI-ACC, suite à une fusion absorption publiée le 4 juillet 2020 au BODACC,

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Grégory LEFEBVRE de la SAS VAUBAN, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

S.A.S. EREM agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP GONZAGUE DE LIMERVILLE - AVOCAT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 15

Ayant pour avocat plaidant Monsieur le Bâtonnier MAHIU, membre de la SELARL de BÉZENAC et Associés, avocat au Barreau de Rouen

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Mai 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY- RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ

PRONONCE :

Le 11 Juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.

*

* *

DECISION

La société Alfi-ACC, spécialisée dans la fabrication ou la rénovation de lignes de production industrielles, a passé diverses commandes à la société Erem, qualifiée notamment dans l'usinage de précision de pièces mécaniques :

la commande n°AF500153, le 1er décembre 2016, révisée et ayant fait l'objet d'un protocole d'accord transactionnel,

la commande n°AF500481 du 19 mai 2017 qui a été remplacée par la commande n°AF500585 en date du 12 juillet 2017,

Par jugement du 25 septembre 2018, le tribunal de commerce de Compiègne, saisi sur opposition de la société Alfi ACC à l'ordonnance d'injonction de payer du 11 décembre 2017 lui enjoignant de régler à la société Erem 18.220,80 euros représentant le solde de la commande AF 500585 du 12 juillet 2017 livrée le 25 août 2017 et facturée le 31 août 2017, a :

Dit la société Alfi-ACC recevable mais mal fondée en son opposition, en conséquence confirmé l'ordonnance d'injonction de payer n°2017/00801 uniquement pour le principal et condamné la société Alfi-ACC à payer à la société Erem la somme de 18.220,80 euros correspondant au reliquat de la commande n°AF500585,

Dit la société Alfi-ACC recevable mais mal fondée en sa demande reconventionnelle au titre d'une commande n°AF500481 du 7 juillet 2017 (sic),

Dit la société Alfi-ACC recevable et bien fondée au titre de la restitution du trop-perçu sur la commande n°AF500153, en conséquence condamné la société Erem à établir un avoir et à restituer le trop-perçu d'un montant de 11.238,60 euros,

Ordonné que les condamnations réciproques entre la société Alfi-ACC et la société Erem se compensent conformément aux dispositions des articles 1347 et suivants du code civil,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Alfi-ACC aux dépens,

Liquidé les dépens du greffe à la somme de 108,17 euros dont TVA 20% comprenant les frais de mise au rôle et de la présente instance.

La SAS Alfi-ACC, par déclaration du 31 octobre 2018, a formé un appel partiel du jugement en ce qu'il l'a dit mal fondée en son opposition, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de la commande AF500481 et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens. Cette déclaration a été enregistrée sous le numéro de RG 18/3988.

Par jugement du 22 octobre 2019, le tribunal de commerce de Compiègne, saisi par l'opposition de la société Alfi ACC à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 24 septembre 2018 lui enjoignant de payer à la société Erem 33.919,80 euros en principal, outre intérêts et frais, au titre de la facture n°17100 relative à la commande AF 500153 du 1er décembre 2016, a fait droit à l'exception de litispendance et s'est dessaisie au profit de la présente cour.

Par ordonnance du 28 novembre 2019, la présidente de chambre chargée de la mise en état a ordonné une expertise relativement aux commandes AF 500481 et AF 500585 aux fins de relater les circonstances dans lesquelles la commande AF 500481 a été annulée et donner un avis sur les surcoûts pour la société Alfi-ACC éventuellement induits par la substitution des deux commandes litigieuses, décrire les prestations objet de la commande AF500585 et, après avoir identifié les palettes concernées par cette commande, se rendre sur le site de la société St-Gobain Isover avec l'autorisation de celle-ci, examiner les palettes visées par la commande AF500585, décrire les défauts de quelque nature affectant les prestations qui font l'objet de cette commande, en rechercher l'origine et la cause, donner un avis sur les solutions réparatoires, évaluer leurs conséquences dommageables pour la société Alfi-ACC, fournir tous éléments de faits de nature à permettre d'apprécier les responsabilités et les préjudices allégués.

L'expert désigné le 18 février 2022, M. [D] [L], a remis son rapport à la cour le 14 septembre 2022.

Il conclut, en retenant l'interprétation la plus vraisemblable des faits, que l'inexécution de la commande n°AF000481 du 19 mai 2017 a conduit à un surcoût de 32.533,40 euros HT, imputable à la société Erem à hauteur du tiers selon les usages dans l'industrie, soit 10.600 euros. Il indique qu'il ne peut décrire les défauts des palettes livrées à la société St Gobain Isover dans la mesure où cette dernière les a détruites.

Par arrêt avant-dire-droit du 21 mars 2024, la présente cour a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 7 décembre 2023 et la réouverture des débats à l'audience du 16 mai 2024 pour que les parties puissent faire toutes observations utiles sur les deux points suivants :

-la jonction d'office des deux affaires, par application de l'article 367 du code de procédure civile,

-la mise à néant de l'ordonnance d'injonction de payer n°2018/00566 du 24 septembre 2018 par l'opposition de la société Alfi ACC.

Par conclusions récapitulatives du 17 avril 2024 la SAS Alfi-Fimec venant aux droits de la société Alfi-ACC à la suite d'une fusion demande à la cour, au visa des articles 1231 et suivants et 1347 du Code civil notamment, des articles 328 et 329 du code de procédure civile :

- DIRE ET JUGER la société ALFI-FIMEC recevable et bien fondée en son intervention volontaire, venant aux droits de la société ALFI-ACC par fusion-absorption,

- DIRE ET JUGER Société ALFI-FIMEC (ex ALFI-ACC) recevable et bien fondée en son appel,

- DEBOUTER la Société EREM de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société Erem à établir un avoir et restituer le trop-perçu d'un montant de 11.238,60€,

- CONFIRMER qu'elle n'est pas redevable de la somme de 33.919,80€ eu égard à l'erreur matérielle affectant le protocole d'exécution conclu entre les parties,

- INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a dit la Société ALFI-ACC (désormais ALFI-FIMEC) mal fondée en son opposition et sa demande reconventionnelle au titre de la commande n° AF500481 ; l'en a déboutée et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

- DIRE que la Société ALFI-ACC (désormais ALFI-FIMEC) est redevable envers la Société EREM d'une somme de 15.184€ H.T. ,

- CONDAMNER à titre reconventionnel la Société EREM à verser à la Société ALFI-FIMEC (ex ALFI-ACC) la somme de 41.489,80€ H.T. au titre du préjudice résultant du surcoût des frais que la Société ALFI-ACC a dû engager en raison de l'annulation tardive de la commande du 19 mai 2017,

- CONDAMNER la Société EREM à verser à la Société ALFI-FIMEC (ex ALFI-ACC) la somme de 107.050€ au titre du préjudice résultat des malfaçons affectant les palettes livrées par EREM,

- ORDONNER que les créances réciproques entre la Société ALFI-FIMEC (ex ALFI-ACC) et la Société EREM se compenseront conformément aux dispositions des articles 1347 et suivants du Code civil.

Et statuant de nouveau,

- CONDAMNER la Société EREM au paiement de la somme de 5.000€ de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

- CONDAMNER la société EREM au paiement de la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 12 avril 2024 portant appel incident, la société Erem demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Alfi-ACC à lui verser 18200,80 euros correspondant au reliquat de la commande AF500585,

Y ajoutant, dire que ladite somme portera intérêts de droit à compter du jour de la mise en demeure, soit le 27 novembre 2017,

Dire et juger irrecevable la demande d'indemnisation présentée par la société Alfi-Fimec au titre de la commande AF 500585 du 12 juillet 2017 à hauteur de 107.050 euros comme étant nouvelle en cause d'appel, et l'en débouter,

Débouter l'appelante de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

Et réformant pour le surplus, dire et juger que la société Erem ne saurait être tenue de restituer un trop-perçu de 11.238,60 euros à la société Alfi-ACC,

Condamner cette dernière à lui verser 33.919,80 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 26 février 2018,

Condamner la même à lui payer 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais des procédures d'injonction de payer et les frais d'expertise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

SUR CE,

A titre liminaire : Sur la jonction des affaires et la mise à néant des ordonnances d'injonction de payer :

La cour constate que les parties n'ont émis aucune opposition sur ces deux points.

La cour est saisie de deux affaires :

L'appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal de commerce de Compiègne, saisi sur opposition de la société Alfi ACC à l'ordonnance d'injonction de payer du 11 décembre 2017 lui enjoignant de régler à la société Erem 18.220,80 euros au titre de la commande AF 500585, a non seulement statué sur cette commande mais également sur la commande n°AF000481 et la commande n°AF500153,

L'opposition de la société Alfi ACC à l'ordonnance d'injonction de payer du 24 septembre 2018 lui enjoignant de payer à la société Erem 33.919,80 euros en principal, outre intérêts et frais, au titre de la commande AF 500153, le tribunal de commerce de Compiègne ayant fait droit à l'exception de litispendance et s'étant dessaisi de cette opposition au profit de la présente cour par jugement du 22 octobre 2019.

Il y a lieu de joindre les deux affaires et de constater que par application de l'article 1420 du code de procédure civile, la décision de la cour se substitue de plein droit à la seconde ordonnance portant injonction de payer qui a été mise à néant par l'opposition, étant précisé que le jugement entrepris s'est substitué à la première ordonnance d'injonction de payer.

I-Sur la condamnation de la société Alfi-ACC à payer à la société Erem la somme de 18.220,80 euros correspondant au reliquat de la commande n°AF500585 du 12 juillet 2017 :

A défaut d'appel de ce chef, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé cette condamnation, sauf à y ajouter les intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 novembre 2017, par application de l'article 1231-6 du code civil.

Et sauf à rappeler que l'ordonnance d'injonction de payer n°2017/100801 a été remplacée par le jugement entrepris qui ne pouvait donc la confirmer, par application de l'article 1420 du code de procédure civile, le jugement étant réformé de ce chef.

II-Sur la demande de dommages et intérêts de la société Alfi-ACC au titre de malfaçons affectant les palettes livrées suivant la commande n°AF500585 du 12 juillet 2017 :

La société Alfi-Fimec demande une indemnisation de 107.050 euros en réparation du préjudice résultant des malfaçons affectant les palettes livrées par EREM.

La société Erem soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en appel.

L'appelante réplique que cette demande est recevable par application de l'article 565 du code de procédure civile car elle tend aux mêmes fins qu'en première instance, à savoir l'indemnisation des préjudices subis du fait de la mauvaise exécution par EREM de ses prestations dans le cadre du chantier St-Gobain Isover ; que d'ailleurs dans son ordonnance du 28 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise sur les deux commandes AF500481 et AF500585 et a précisé qu'un avis technique était nécessaire pour apprécier les circonstances dommageables du retard d'exécution de la commande AF500585.

La cour constate qu'en première instance la société Alfi-ACC n'avait pas sollicité de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de malfaçons des palettes livrées suivant la commande n°AF5000585 du 12 juillet 2017 remplaçant la commande n°AF 500481 du 19 mai 2017, mais seulement des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'annulation tardive de cette première commande. Or ces deux prétentions n'obéissent pas aux mêmes fins.

Sa demande nouvelle en cause d'appel sera donc déclarée irrecevable par la cour par application de l'article 564 du code de procédure civile.

III-Sur la demande de dommages et intérêts de la société Alfi-ACC au titre de l'annulation tardive de la commande n°AF000481 du 19 mai 2017 :

La société Alfi-ACC sollicite de nouveau en appel une indemnisation de 41.489,80 euros H.T. au titre des frais supplémentaires engagés en raison de l'annulation tardive de la commande du 19 mai 2017 par la société EREM qui ne l'a prévenue de cette annulation que le 6 juillet 2017 alors que les palettes auraient dû lui être livrées le lendemain 7 juillet 2017.

Pour débouter la société Alfi-ACC de cette demande indemnitaire, le premier juge a considéré qu'après l'annulation de la commande AF500481 par la société Erem, les parties sont convenues d'une nouvelle commande n°AF500485 le 12 juillet 2017 sans prévoir de réparation d'un quelconque préjudice au titre de cette annulation.

L'appelante fait valoir que :

-il y a lieu de retenir l'acceptation sinon expresse du moins tacite de sa commande par la société Erem qui a reconnu devant les premiers juges ne pas avoir pu satisfaire cette commande dans les délais demandés en raison de problèmes d'approvisionnement de matière ; elle ne l'a en tout état de cause pas refusée expressément,

-au regard de l'annulation tardive par la société Erem et du délai de livraison imposé par son propre client, elle n'a pas eu d'autre choix que d'accepter le nouveau devis du 6 juillet 2017 qui prévoyait une prestation moindre par rapport au premier, modifiant ainsi l'économie du contrat qu'elle avait souscrit avec son propre client la société St-Gobain Isover;

- la société Erem doit supporter la réparation intégrale du préjudice subi, prévisible ou non, par application de l'article 1231-3 du code civil compte tenu de sa faute particulièrement grave caractérisée par le fait qu'elle lui a fait croire jusqu'au dernier moment qu'elle pourrait honorer sa commande pour le 7 juillet 2017;

- elle n'a jamais renoncé à se prévaloir de son droit à réparation alors même qu'elle a dû supporter des surcoûts de fabrication des palettes par rapport au prix initialement prévu, du fait du prix de revient des matières qu'elle a dû se procurer ailleurs, des usinages et soudures qu'elle a dû faire faire ailleurs, du transport des âmes et palettes et des heures de suivi supplémentaires, pour un montant total de 86.801,80 euros au lieu de 45.312 euros, la commande de remplacement ne prévoyant que la fabrication des tôles perforées et la soudure des structures et tôles, au lieu de la fabrication de palettes complètes ;

- il n'y a pas lieu de suivre la proratisation proposée par l'expert dès lors que si la société Erem avait réalisé cette commande ou l'avait informée bien avant de l'impossibilité d'honorer la commande dans le délai demandé, la question des surcoûts ne se serait pas posée puisqu'elle aurait pu faire appel à un autre prestataire pour un coût similaire.

L'intimée fait valoir que :

- aux termes de l'article 1118 alinéa 3 du code civil, l'acceptation non conforme à l'offre est dépourvue d'effet et selon l'article 1120 du même code, le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières; 

-elle n'a jamais accepté les conditions posées par la société Alfi-ACC qui ne correspondaient ni à son devis du 28 mars 2017 par lequel elle s'engageait à un délai de livraison de 8 semaines, ni au demeurant aux demandes initiales (nombre de palettes, numéro de plan de fabrication qu'elle a dû se faire préciser le 29 mai 2017) ; elle ne lui a d'ailleurs pas adressé de facture d'acompte ;

-il n'existait pas de relations d'affaires entre elles hormis la première commande du 1er décembre 2016 qui avait donné lieu à une demande d'acompte; qu'il en a été de même lors de la commande postérieure;

- le délai de fabrication de 8 semaines tenait compte des délais d'approvisionnement des tôles commandées auprès de la société TCIN ;

- elle a informé très rapidement la société Alfi-ACC du fait qu'elle ne pouvait réaliser la commande dans les délais impartis, ce que M. [V], responsable commercial de cette société, a reconnu durant l'expertise indiquant que sa société en aurait été informée quelques jours après le 29 mai 2017, raison pour laquelle la société Alfi-ACC ne s'est jamais manifestée pour réaliser des contrôles de fabrication qui étaient à sa charge tout au long de cette dernière; en tout état de cause il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir manifesté un refus ;

- le prétendu préjudice de la société Alfi-ACC ne résulte que de sa faute puisqu'elle a tardé à passer commande, se trompant de référence de plan et augmentant le nombre de palettes, se plaçant elle-même dans une situation ne lui permettant pas de répondre dans les délais qui lui étaient impartis par la société St-Gobain Isover; que rien ne l'empêchait de recaler le planning de son projet, ce qu'elle n'a pas fait; qu'à titre subsidiaire, la perte de chance qui pourrait en résulter ne pourrait être arbitrée qu'à un maximum de 5300 euros.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Il est constant que la société Elfi-ACC a renoncé à la prestation ayant fait l'objet du devis du 28 mars 2017 (fabrication de 150 palettes) auquel elle a répondu par une commande du 19 mai 2017 (fabrication de 160 palettes), au profit d'une nouvelle prestation ayant fait l'objet d'un devis du 6 juillet 2017 (fabrication de 160 tôles perforées) et d'une commande du 12 juillet 2017, la société Erem ne pouvant honorer la première commande dans le délai demandé, à savoir le 7 juillet 2017, faute d'approvisionnement de matière dans les temps.

La société Elfi-ACC reproche à la société Erem de l'avoir informée tardivement du fait qu'elle ne pourrait honorer la commande dans ce délai, estimant que l'économie de son projet pour pouvoir elle-même livrer les palettes à la société St-Gobain Isover en a été bouleversée alors même qu'elle avait anticipé sa commande plusieurs mois à l'avance. Elle fait valoir que si elle avait été avisée plus tôt elle aurait pu trouver un autre cocontractant.

Or si par le devis émis le 28 mars 2017, la société Erem, qui avait reçu une demande de la part de la société Elfi-ACC de fabrication de 150 palettes à livrer sur son site le 7 juillet 2007, s'était bien engagée à fabriquer ces 150 palettes, en revanche elle y avait bien précisé un délai de 8 semaines, tenant compte du délai prévisible d'approvisionnement des tôles.

Ainsi, en passant commande seulement le 19 mai 2017 de 160 palettes toujours pour le 7 juillet suivant, soit 7 semaines après, imposant de ce fait à la société Erem un délai plus court, la société Elfi-ACC a pris le risque de ne pas voir sa commande satisfaite dans le délai voulu par son client et doit assumer ce risque sans pouvoir le faire peser sur son propre fournisseur.

Il importe peu dès lors de savoir à quelle date la société Erem a, devant l'insistance de la société Elfi-ACC à imposer son délai, répondu qu'elle était dans l'impossibilité de s'y soumettre, étant précisé que selon l'expert qui se fonde notamment sur les déclarations de M. [V] durant les opérations d'expertise, la société Elfi-ACC a reçu cette information avant le 6 juillet 2017.

En effet seul son propre fait, à savoir la tardiveté de sa commande à la société Erem, est à l'origine du bouleversement de l'économie du projet de la société Elfi-ACC et la société Erem ne saurait voir sa responsabilité engagée de ce fait.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

IV-Sur les demandes en paiement au titre de la commande n°AF500153 du 1er décembre 2016 ayant fait l'objet d'un protocole d'accord signé les 2 et 5 octobre 2017 :

Les parties ont signé un protocole d'accord transactionnel concernant l'exécution de cette commande.

Au titre des sommes restant dues et modalités de paiement, les parties sont convenues que :

('.)

« La réalisation complète de chacun des points clôturera l'exécution de la commande AF500153 révision A (552 palettes A0000224 pour un montant global de 155.760 euros HT soit 186.912 euros TTC) »

('.)

« Point n°3 :

Paiement par la société Alfi ACC des factures TTC du matériel déjà livré à la date du 28/09/2017 :

9.345,60 euros (TVA sur la facture n°16260 du 18/01/2017)

45.158,40 euros TTC (facture n°16429 du 31 mars 2017),

432 euros TTC (avoir n°107 du 23/06/2017),

40.953,60 euros TTC (facture n°16473 du 13/04/2017)

Soit un total à payer par la société Alfi ACC par la société Erem de 95.025,60 euros.

Echéance d'émission de virement par la société Alfi ACC à la société Erem : 24 heures après réception et validation par la société Alfi ACC des engagements décrits aux points n°1 et 2.

La société Alfi ACC devra fournir la preuve de l'avis de virement dès sa réalisation à la société Erem. »

(')

« Point n°6 :

Emission par la société Erem de la facture de fin d'exécution de la commande AF500153 rév. A d'un montant net de 33.919,80 euros TTC 

Commande AF500153 rév. A à 186.912 euros TTC

(Moins)- Premier paiement Alfi ACC (facture 16260) à 46.728 euros HT

(Moins)-second paiement Alfi ACC (voir § point n°3 ci-dessus) à 95.025,60 euros TTC

(Moins)-frais de gestion de la conformité d'exécution de la commande à 11.238,60 euros TTC

(ce dernier point devra apparaître sur votre facture sous forme de remise commerciale)

(Egale à ) = dernière facture de Erem à 33.919,80 euros.

Echéance d'émission de la facture par la société Erem à la société Alfi ACC : 24 heures après fin de montage du dernier lot de palettes dans les locaux Alfi Adler.

Point 7 :

Paiement par la société Alfi ACC à la société Erem de la dernière facture de fin d'exécution de la commande AF500153 rév.A de 33.919,80 euros TTC selon les termes de la commande (30JFM le 15) ».

Il se comprend des écritures de la société Alfi ACC qu'elle conteste devoir la totalité de la facture de fin d'exécution n°17100 de 33.919,80 euros, émise par la société Erem le 11 décembre 2017 en application de ce protocole transactionnel, au motif que ledit protocole comporte une erreur en ce qu'il a pris en compte la facture 16429 du 31 mars 2017 de 45.158,40 euros dans les 95.025,60 euros restant dus au 28 septembre 2017 alors même qu'elle avait réglé cette facture le 21 juin 2017.

Cependant, d'une part le protocole fait foi entre les parties de la reconnaissance par la société Elfi ACC du non-paiement de cette facture, d'autre part elle ne prouve pas le règlement qu'elle allègue qui aurait été fait antérieurement au protocole, puisqu'elle ne fournit pas, contrairement aux prévisions du protocole, la preuve de l'avis de virement à la société Erem, se contentant de produire un relevé de compte sur lequel il est indiqué au 21 juin « virement Sepa émis YCO301866 » en regard de la ligne débitrice de 45.158,40 euros sans l'identité du bénéficiaire, contrairement aux autres règlements non contestés des factures de 46.728 euros et de 95.025,60 euros pour lesquels les relevés de compte portent bien la mention d'Erem comme bénéficiaire des virements.

Dès lors, le jugement sera réformé de ce chef et la demande en paiement de 33.919,80 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2018 de la société Erem accueillie tandis que celle de la société Elfi ACC sera rejetée.

V-Sur la demande de compensation des condamnations réciproques entre la société Alfi-ACC et la société Erem conformément aux dispositions des articles 1347 et suivants du code civil :

Elle est sans objet compte tenu de ce qui précède.

VI- Sur la demande de la société Alfi-Fimec de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Alfi ACC succombant à la procédure sera déboutée de ses demandes de ses chefs et condamnée en tous les dépens d'appel y compris les frais d'expertise, ainsi qu'à payer 10.000 (dix mille) euros à la société Erem sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile eu égard à la longueur et aux difficultés particulières de la procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, et contradictoirement,

Ordonne la jonction de l'appel du jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 25 septembre 2018 statuant sur opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 11 décembre 2017 et de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 24 septembre 2018 dont s'est dessaisi le tribunal de commerce de Compiègne au profit de la présente cour par jugement du 22 octobre 2019 ;

Reçoit l'intervention volontaire de la SAS Alfi-Fimec, venant aux droits de la société Alfi-ACC,

Infirme le jugement rendu le 25 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Compiègne en ce qu'il a :

-confirmé l'ordonnance d'injonction de payer n°2017100801 uniquement pour le principal,

- Dit la société Alfi-ACC recevable et bien fondée au titre de la restitution du trop-perçu sur la commande n°AF500153, en conséquence condamné la société Erem à établir un avoir et à restituer le trop-perçu d'un montant de 11.238,60 euros,

-Ordonné que les condamnations réciproques entre la société Alfi-ACC et la société Erem se compensent conformément aux dispositions des articles 1347 et suivants du code civil,

-Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le confirme pour le surplus et, Y ajoutant,

-constate la mise à néant par opposition à l'ordonnance d'injonction de payer n°2017/00801 rendue le 11 décembre 2017 par le président du tribunal de commerce de Compiègne qui a enjoint à la société Alfi ACC de régler à la société Erem 18.220,80 euros (représentant le solde de la commande AF 500585 du 12 juillet 2017),

-constate la mise à néant par opposition à l'ordonnance d'injonction de payer n°2018/00566 rendue le 24 septembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Compiègne qui a enjoint la société Alfi ACC à payer à la société Erem 33.919,80 euros en principal, outre intérêts et frais, au titre de la facture n°17100 (représentant le solde de la commande AF 500153),

-assortit la condamnation de la société Alfi-ACC, aux droits de laquelle vient la société Alfi-Fimec, à payer à la société Erem la somme de 18.220,80 euros correspondant au reliquat de la commande n°AF5000585, des intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 novembre 2017,

-déclare irrecevable la demande de la société Alfi-ACC tendant à l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de malfaçons des palettes livrées suivant la commande n°AF5000585 du 12 juillet 2017 ;

-condamne la société Alfi-Fimec, venant aux droits de la société Alfi-ACC, à verser à la société Erem 33.919,80 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2018, au titre de la facture finale d'exécution de la commande « AF 500153 rév. A » selon protocole d'accord des 2 et 5 octobre 2017,

- déboute la société Alfi-Fimec venant aux droits de la société Alfi-ACC de toutes ses demandes,

-la condamne en tous les dépens d'appel y compris les frais d'expertise,

- la condamne à verser à la société Erem 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 18/03988
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;18.03988 ?
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