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27/06/2024 | FRANCE | N°22/02091

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 27 juin 2024, 22/02091


ARRET



















S.A. CREDIT LOGEMENT





C/



[F]

[E]

S.A. SOCIETE GENERALE









FLR



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 27 JUIN 2024





N° RG 22/02091 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INVI



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE BEAUVAIS EN DATE DU 21 MARS 2022





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A. CREDIT LOGEMENT

, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Bénédicte CHATELAIN substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 06



ET :



INTI...

ARRET

S.A. CREDIT LOGEMENT

C/

[F]

[E]

S.A. SOCIETE GENERALE

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 27 JUIN 2024

N° RG 22/02091 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INVI

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE BEAUVAIS EN DATE DU 21 MARS 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. CREDIT LOGEMENT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Bénédicte CHATELAIN substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 06

ET :

INTIMES

Monsieur [J] [F]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Madame [B] [E] épouse [F]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentés par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

Ayant pour avocat plaidant, la SELARL d'avocats POULAIN DE SAINT-PERE, avocats au barreau de Paris

S.A. SOCIETE GENERALE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Xavier PERES de la SELARL MAESTRO AVOCATS, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

               A l'audience publique du 23 Janvier 2024 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le  09 Avril 2024.    

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 27 juin 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe

               Le 27 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.

DECISION

Suivant offre du 12 septembre 2008 acceptée le 29 septembre 2008, la SA Société générale a consenti à M. [J] [F] et Mme [B] [E] épouse [F], un prêt immobilier d'un montant de

213 000 €, à taux fixe remboursable en 240 mensualités dont 12 de 988,51 € et 228 de 1 539,67 €, mensualité ramenée à 1 441,60 € dans le cadre d'une renégociation.

Le même jour, elle a consenti un second prêt de 72 000 € dénommé 'casanova' à taux variable remboursable en 240 mensualités dont 12 de 354,54 € et 228 de 534,02 €, mensualité ramenée à 494,68 €.

La SA Crédit logement s'est engagée à garantir le remboursement de ces prêts par un acte de cautionnement en date du 12 septembre 2008.

La SA Société générale a actionné la garantie.

La SA Crédit logement qui a payé diverses sommes selon quittances en 2016 et 2018, a, par acte d' huissier du 9 mai 2019, attrait en paiement M. [J] [F] et Mme [B] [E] épouse [F] devant le tribunal de grande instance de Beauvais.

Par acte d'huissier en date du 17 avril 2020, M et Mme [F] ont assigné la SA Société générale pour contester la validité du contrat de prêt et rechercher subsidiairement sa responsabilité à divers titres.

Les affaires ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 21 mars 2022, le tribunal judiciaire de Beauvais a :

-déclaré irrecevable comme prescrite la demande de nullité des actes de prêt et de cautionnement

- rejeté la demande tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts ;

-rejeté les demandes formées par la SA Crédit logement et la SA Société générale à l'endroit de M et Mme [F] ;

-condamné la société Crédit logement et la SA Société générale à payer à M et Mme [F] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

- autorisé la SELARL Maestro avocats à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance.

La SA Crédit Logement a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 28 avril 2022.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 1er mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Crédit logement demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et de condamner solidairement M et Mme [F] à lui payer la somme de 137 712,35 € au titre du prêt à taux fixe et 46 917,77 € au titre du prêt à taux variable outre intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement.

Subsidiairement, elle demande que M et Mme [F] soient condamnés solidairement à lui payer 47 échéances au titre du premier prêt et 47 échéances au titre du second prêt le tout assorti de l'intérêt au taux légal à compter de la date d'exigibilité et jusqu'à complet paiement.

En tout état de cause, elle demande d'écarter l'argumentation des époux [F].

A titre infiniment subsidiaire en cas de nullité des prêts de prononcer la restitution qui s'impose.

Aux termes de ses dernières conclusions remises par voie électronique le 10 novembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Société générale demande à la cour de confirmer le jugement dont appel dans les dispositions rendues à son endroit et de l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en cas d'infirmation de déclarer M et Mme [F] irrecevables en leur demande de nullité ou en tous cas mal fondés en leurs demandes et plus subsidiairement de limiter sa garantie au montant équivalent à la perte de chance de ne pas contracter, de les condamner au paiement de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par la SELARL Maestro.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 27 février 2023 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile M et Mme [F] demandent à la cour de :

- juger irrecevable la demande la demande de la société Crédit logement tendant au paiement des échéances de prêt depuis le 24 décembre 2018 avec intérêt légal sur chaque échéance à compter de sa date d'exigibilité et jusqu'au complet paiement, à parfaire des échéances postérieures au mois de mai 2022 ;

- débouter la société Crédit logement de toutes ses demandes ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Beauvais le 21 mars 2022 ;

Y ajoutant

- condamner la société Crédit logement et la SA Société générale à verser à M et Mme [F] la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Crédit logement et la SA Société générale à supporter la charge des dépens de la présente instance ;

- autoriser Maître Florence Gacquer-Caron à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

En cas d'infirmation :

- juger M et Mme [F] recevables et bien fondés en leur appel incident ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Beauvais le 21 mars 2022 en ce

qu'il a :

-déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité des actes de prêts et de cautionnement ;

- rejeté la demande formée par M et Mme [F] tendant à prononcer la déchéance du recours de la société Crédit logement à leur encontre :

Et statuant à nouveau :

A titre principal

- déclarer recevable et bien fondée la demande en nullité des actes de prêts et de cautionnement

- condamner la Société générale à leur restituer la somme de

170 206,96 € qu'ils ont payée pour le prêt de 213 000 € et de celle de 58 886.96 € qu'ils ont payée pour le prêt de 72 000 €, ainsi que les frais de caution de 2 204 € et celle de 1 076 € ; (2 fois)

- ordonner la compensation de ces sommes avec celles à restituer à la Société générale

- autoriser M et Mme [F] à se libérer de la somme restant due de 52 626.08 € à la Société générale dans un délai de 24 mois à compter de la signification de la décision à intervenir.

A titre subsidiaire :

- juger que la société Crédit logement n'a pas de recours contre M et Mme [F] pour les sommes qu'elle réclame au titre du prêt de

213 000 € et de celui de 72 000 € ;

- débouter la société Crédit logement de ses demandes de paiement au titre de la quittance subrogative du 23 novembre 2016, de sa demande de paiement au titre de l'échéance de septembre 2018 au titre du prêt de 213 000 € ;

- débouter la société Crédit logement de sa demande de paiement correspondant aux échéances des mois de juillet à septembre 2018 au titre du prêt de 72 000 € ;

- débouter la société Crédit logement de ses demandes de paiement au titre des sommes rendues exigibles en vertu de la clause « exigibilité anticipée-défaillance de l'emprunteur » :

- débouter la société Crédit logement de sa demande de paiement pour les échéances des prêts antérieures au 30 mai 2020 ;

- condamner la Société générale à garantir M et Mme [F] des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la société Crédit logement et autoriser la société Crédit logement à solliciter directement le paiement de sa créance auprès de la Société générale ;

A défaut :

-condamner la Société générale à payer à titre de dommages-intérêts à M et Mme [F] une somme équivalente à celle qui leur est réclamée par la société Crédit logement, et lui enjoindre de régler cette somme à la société Crédit logement pour le compte de M et Mme [F] ;

A titre très subsidiaire :

-juger le paiement fautif de la société Crédit logement inopposable à M et Mme [F] ;

-autoriser M et Mme [F] à reprendre le paiement des échéances mensuelles de chacun des prêts à compter de la décision à intervenir ;

-autoriser M et Mme [F] à se libérer au terme de chacun des prêts, des échéances non prescrites qui n'ont pas été réglées ;

Dans tous les cas :

- débouter la société Crédit logement et la SA Société générale de toutes leurs demandes ;

- condamner la Société générale à régler à titre de dommages-intérêts à M et Mme [F] pour le préjudice moral subi la somme de

15 000 € ;

-condamner la société Crédit logement et la SA Société générale à verser à M et Mme [F] la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par maître Gacquer-Caron.

SUR CE :

La validité des contrats de prêt conditionnant la demande en paiement de la SA Crédit logement il sera au préalable abordé la prétention de M et Mme [F] portant sur l'appel incident de la disposition du jugement ayant déclaré irrecevable la demande tendant au prononcé de leur nullité.

Sur la validité des contrats de prêt consentis par la SA Société générale

M et Mme [F] prétendent être recevables et bien fondés à demander que soit prononcée la nullité des contrats de prêts consentis par la SA Société générale pour faire l'acquisition d'un bien immobilier au motif que leur consentement a été vicié par dol.

Ils font valoir que la SA Société générale a commis un dol en leur cachant lors de l'émission de l'offre qu'elle était actionnaire et administrateur de la société Crédit logement, que s'ils avaient eu connaissance de cette information ils n'auraient pas contracté en raison du risque de ne pas pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation et de voir limiter leurs moyens de défense à défaut de pouvoir opposer les exceptions inhérentes à la dette.

Ils font valoir qu'ils n'ont eu connaissance de cette structure capitalistique que via leur conseil qui s'est étonné de l'absence de lettre signée entre les 2 sociétés pour la mise en jeu de la garantie et de la communication le 7 juin 2021 avec ses conclusions d'une quittance rééditée de sorte qu'ils sont recevables.

La SA Société générale demande la confirmation du jugement ayant déclaré irrecevable cette demande. Elle fait valoir d'une part que M et Mme [F] ne sont pas recevables à opposer l'exception de nullité qui ne peut jouer que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte non encore exécuté et que d'autre part cette demande est irrecevable comme prescrite.

Elle fait remarquer que M et Mme [F] omettent volontairement de préciser qu'ils connaissaient bien le fonctionnement de la garantie Crédit logement car ils y avaient déjà eu recours lors d'une précédente opération immobilière.

La SA Crédit logement s'en rapporte sur les mérites de cette demande en sa qualité de tiers.

En l'espèce, M et Mme [F] n'opposent pas l'exception de nullité pour mettre en échec une demande de la banque.

Ils ont pris l'initiative d'assigner la banque pour faire échec à la demande de la caution.

Leur demande de nullité n'est pas irrecevable de ce premier chef.

Il résulte de l'article 1304 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé, la charge de la preuve incombe à celui qui demande l'annulation.

Il pèse donc sur les demandeurs à la nullité du contrat de prêt de démontrer les manoeuvres frauduleuses commises par la banque en fraude de leurs droits pour les obliger à contracter et la date à laquelle ils les ont découvertes.

Il ressort de l' offre de prêt d'un montant de 213 000 € que dans un tableau se trouvant en page 9/10 est portée la mention : garantie constatée par acte séparé : caution crédit logement dont le coût était le suivant :

- commission de caution 300 €

- participation au fond mutuel de garantie 1 904 €.

Conformément aux termes de l'offre est joint une annexe intitulée 'vos conditions de cautionnement crédit logement', ses références et que la SA Crédit logement déclare se porter caution en faveur de l'établissement prêteur pour le remboursement du prêt (...), que ce cautionnement est donné avec les effets résultant (...) des conventions et protocoles signés entre le Crédit logement et l'établissement prêteur.

Outre le fait que M et Mme [F] ne contestent pas avoir déjà eu recours à ce type de garantie dans le cadre d'un précédent prêt immobilier, sauf à dire que cette garantie n'a pas été mise en oeuvre, il ressort de l'offre dont les termes sont repris plus haut, que la garantie proposée par la banque et acceptée par M et Mme [F] est celle de la société Crédit logement qui se soumet au droit commun du cautionnement, qu'est jointe à cette offre une annexe qu'ils ont accepté l'un et l'autre comprenant des références de contrat et les coordonnées de la société Crédit logement associées au numéro de RCS en caractères plus grands que les autres et dans laquelle il est fait état dans un paragraphe distinct, de conventions et protocoles signés entre les deux structures notamment.

M et Mme [F] avaient donc connaissance des liens qu'ils déplorent aujourd'hui dès la souscription du contrat de prêt et ont été placés en position de demander au besoin plus d'informations voir de chercher une autre garantie.

De sorte que le point de départ du délai pour agir est la date de souscription des contrats en 2008.

Il est faux de prétendre que ces manoeuvres ont été découvertes par leur conseil en étudiant les pièces communiquées par la caution alors qu'il s'est contenté de vérifier les conditions de mise en oeuvre de cette garantie comme pour n'importe quel autre engagement de caution.

Outre le fait que la preuve d'un dol n'est pas rapportée, M et Mme [F] disposaient d'un délai de 5 ans à compter de la souscription du prêt pour en demander la nullité.

Ils n'ont présenté cette demande comme l'a souligné le premier juge que dans des conclusions datées du 11 mars 2021 après avoir assigné la banque le 17 avril 2020.

Ayant souscrit les contrats de prêts en 2008, M et Mme [F] n'étaient plus recevables à en demander la nullité comme prescrits.

Sur la demande en paiement de la SA Crédit logement

La SA Crédit logement fait valoir qu'agissant sur le fondement du recours personnel prévu à l'article 2305 du code civil, les emprunteurs ne peuvent lui opposer les défaillances de la banque.

Elle prétend à l'infirmation du jugement dont appel et demande que M et Mme [F] soient condamnés à lui payer les sommes qu'elle a payées en sa qualité de caution à la SA Société générale. Elle fait grief au tribunal de l'avoir déboutée de sa demande en paiement au motif qu'elle a payé une créance non exigible alors que la non exigibilité d'une créance ne peut être que la conséquence d'une faute de la banque, qui le cas échéant peut se résoudre en dommages et intérêts dans la relation entre les parties au contrat.

Elle explique que cette faute n'est pas une cause d'extinction de l'obligation de M et Mme [F] et qu'elle ne peut lui être opposée lorsqu'elle agit sur le fondement de l'article 2305 du code civil.

Elle souligne que, tout au plus, M et Mme [F] peuvent se prévaloir de l'article 2308 du code civil, que cependant ils ne remplissent pas les conditions pour en bénéficier à défaut notamment pour ces derniers de démontrer qu'ils auraient eu des moyens pour faire déclarer la créance de la banque éteinte si la caution les avait avertis qu'elle était poursuivie par le prêteur et qu'elle allait payer.

A supposer qu'ils démontrent avoir eu des moyens pour voir déclarer la dette éteinte, la SA Crédit logement déclare que les choses doivent être remise dans l'état initial à savoir que M et Mme [F] doivent restituer le capital emprunté et qu'en tout état de cause elle peut prétendre à une action en répétition de l'indu à leur endroit et que cette action est recevable comme non prescrite et recevable également devant la cour en application de l'article 566 du code de procédure civile.

M et Mme [F] prétendent à la confirmation du jugement au motif que la SA Crédit logement avant de payer devait s'assurer de l'exigibilité de la créance de la banque, rappelant que la caution n'est tenue de garantir la banque qu'en cas de défaillance de l'emprunteur en l'espèce à savoir qu'il soit débiteur d'une dette arrivée à terme.

Ils considèrent qu'en l'espèce la caution a payé sans s'assurer qu'ils étaient dans l'obligation de payer leur dette à la Société Générale alors que la dette de la caution est l'accessoire de la dette principale.

Ils affirment que seule l'exigibilité conditionne la prise d'effet des obligations.

Aux termes de l'article 2305 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, la caution dispose d'un recours personnel contre le débiteur principal que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur.

Si en application de l'article 2305 du code civil la caution qui a payé à son recours contre le débiteur principal et que dans ce cas le débiteur principal ne peut opposer les exceptions inhérentes à la dette, c'est à dire celles affectant son existence, sa validité, son étendue ou ses modalités, qu'il aurait opposées au créancier, le débiteur peut néanmoins contester les circonstances dans lesquelles l'exigibilité anticipée a pu être prononcée.

Le créancier ne peut donc engager des poursuites à l'égard de la caution tant que la dette de celle-ci n'est pas exigible. La date d'exigibilité du cautionnement est généralement calquée sur celle de la dette principale de sorte que l'obligation de la caution est exigible lorsque celle du débiteur principal l'est aussi du fait du caractère accessoire du cautionnement.

L'exigibilité de la dette principale est une condition de l'obligation au paiement de la caution.

Ainsi, la faute du prêteur quant aux modalités entreprises afin de prononcer la déchéance du terme du crédit consenti, en ce qu'elle entraîne des conséquences sur l'exigibilité de la créance du débiteur principal, peut utilement être opposée à la caution qui s'est acquittée d'une dette qui n'était pas exigible.

Le défaut d'exigibilité de la dette principale n'est aucunement une cause d'extinction de la dette privant définitivement la caution de son recours à l'encontre du débiteur, néanmoins tant que la dette de celui-ci n'est pas exigible la caution qui a néanmoins payé n'est pas fondée à exercer son recours même personnel.

Par ailleurs, l'article 2308 alinéa 2 du même code dispose que lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu les moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier.

En l'espèce, il ressort de la chronologie des faits et plus particulièrement des pièces produites par M et Mme [F] que les prêts litigieux ont été remboursés à compter de leur souscription en 2008 par prélèvement sur le compte bancaire ouvert à leurs deux noms auprès de la Société générale (ci-après SG) et qu'à compter de juillet 2016 le compte présentait régulièrement une situation ne permettant pas un prélèvement total des échéances et que des premiers incidents de paiements ont été enregistrés.

En l'espèce, il est produit deux courriers recommandés avec accusé de réception reçu par M et Mme [F] que ces derniers ont été mis en demeure le 30 août 2016 de payer l'arriéré du prêt immobilier principal à hauteur de 2 499,10 € puis le 15 novembre 2016 de payer ledit arriéré qui s'élevait à 5 836,46 € sous peine de se prévaloir de l'exigibilité anticipée s'agissant du prêt de 213 000 €.

La SA Crédit logement justifie suffisamment par différents envois à compter du 16 novembre 2016, qu'elle a informé M et Mme [F] de ce qu'il convenait qu'ils régularisent auprès de la SG leur situation sans quoi elle serait amenée à faire droit à la demande de garantie de la banque.

Ils n'ont jamais réagi à ces envois et ne justifient pas qu'au mois de novembre ils se trouvaient en situation de pouvoir régulariser les impayés.

C'est dans ce contexte que la SA Crédit logement à payer à la SG les mensualités impayées à hauteur de 5 836,46 € qui étaient exigibles à défaut d'avoir pu être prélevées à bonne date en exécution du contrat et que cette dernière a émis une quittance subrogative le 23 novembre 2016.

Cette somme a été portée au crédit du compte de M et Mme [F] ouvert auprès de la SG.

La société Crédit logement rapporte la preuve qu'elle a mis en demeure dès le 3 janvier 2017 M et Mme [F] de payer cette somme et au moins à deux reprises les 13 juillet et 27 septembre 2017 et que les emprunteurs n'ont pas pris la peine d'aller retirer les courriers.

Par ailleurs les décomptes de la SG renseignent sur le fait que M et Mme [F], à compter du 7 décembre 2016, ont effectué régulièrement des paiements, supérieurs souvent aux mensualités.

Ces règlements expliquent sans doute, la raison pour laquelle, alors que la SG avait la possibilité de notifier l'exigibilité anticipée du prêt du fait des mensualités impayées en 2016 elle ne l'a pas fait et M et Mme [F] ont pu légitimement penser qu'elle avait renoncé à s'en prévaloir.

Il ressort aussi bien des pièces de la SG que de M et Mme [F] que ces derniers ont poursuivi les règlements par envoi de chèques, au point de presque apurer l'arriéré, dans la mesure où au 9 octobre 2018 M et Mme [F] ne restaient devoir à la SG que 142,76 € de retard au titre du prêt principal

La SA Crédit logement produit la copie d'une quittance subrogative éditée par la SG dans laquelle cette dernière atteste avoir reçu de sa part le 24 décembre 2018 la somme de 137 163,10 € correspondant au capital restant dû et à une échéance impayée partiellement de 142,76 € mais ne justifie pas avoir été poursuivie par la banque ni de la demande en paiement présentée par cette dernière ni avoir informé les débiteurs qu'elle allait payer cette somme alors que ces derniers étaient en capacité de mettre en échec l'exigibilité anticipée en raison de la modicité de la somme.

D'ailleurs, lorsque la SG a notifié l'exigibilité anticipée du prêt à M et Mme [F] le 9 octobre 2018 il ne lui était dû qu'une somme de 142,76 € et elle ne justifie pas avoir préalablement permis à M et Mme [F] de la mettre en échec à défaut de produire le courrier du 26 juin 2018 dont elle se prévaut.

La situation est la même pour le second prêt de 72 000 € à taux variable.

La SA Crédit logement produit la copie d'une quittance subrogative éditée par la SG dans laquelle cette dernière atteste avoir reçu de sa part le 24 décembre 2018 la somme de 48 770,20 € correspondant au capital restant dû de 46 589,08 € et à 4 échéances impayées de 494,68 € et une de 186,25 € mais ne justifie pas avoir été poursuivie par la banque ni de la demande en paiement présentée par cette dernière ni avoir informé les débiteurs qu'elle allait payer cette somme alors que ces derniers étaient en capacité de mettre en échec l'exigibilité anticipée.

D'ailleurs, lorsque la SG a notifié l'exigibilité anticipée du prêt à M et Mme [F] le 9 octobre 2018 il ne lui était dû qu'une somme de

2 164,97 € et elle ne justifie pas avoir préalablement permis à M et Mme [F] de la mettre en échec à défaut de produire le courrier du 26 juin 2018 dont elle se prévaut.

De ce qui précède, il est établi que la SA Crédit logement a payé en décembre 2018 deux créances non exigibles sans avoir informé les débiteurs qu'elle allait payer cette somme alors que ces derniers étaient en capacité de mettre en échec l'exigibilité anticipée.

Dans ces circonstances, le recours de la SA Crédit logement est limité à la somme de 5 836,46 € au titre de la quittance de novembre 2016 et il convient donc de la débouter pour le surplus en application de l'article 2 308 alinéa 2 du code civil notamment.

La société Crédit logement ne pouvant agir en répétition de l'indû que contre le créancier à savoir la SG, elle est mal fondée à demander sur ce fondement le paiement des sommes servies, à M et Mme [F].

Subsidiairement la SA Crédit logement soutient qu'elle est recevable et bien fondée à demander le remboursement des échéances impayées depuis le mois de décembre 2018 à savoir 27 échéances au titre du premier prêt et 47 échéances au titre du second prêt soit 67 755,20 € et 23 249,96 €.

Elle soutient que sa demande est recevable au motif qu'elle n'est pas nouvelle car il s'agit d'une demande en paiement au même titre que celle présentée sur le fondement de l'article 2305 du code civil en première instance.

M et Mme [F] s'opposent à cette demande comme irrecevable au motif que les sommes dont il est demandé paiement ne sont pas de même nature.

La société Crédit logement a exercé son recours sur le fondement de l'article 2305 du code civil pour les sommes qu'elle a payé à la SG au titre du premier prêt, à hauteur de 137 163,10 € correspondant au capital restant dû à hauteur de 137 019,45 € et à une échéance impayée partiellement en octobre 2018 de 142,76 € et à hauteur de 48 770,20 € correspondant au capital restant dû de 46 589,08 € et à 4 échéances impayées de 494,68 € et une de 186,25 € arrêtées à octobre 2018.

Elle présente pour la première fois en cause d'appel une demande en paiement de 27 échéances au titre du premier prêt et 47 échéances au titre du second prêt soit 67 755,20 € et 23 249,96 € comme dues à compter de décembre 2018.

Ces demandes ne correspondent pas aux sommes servies au titre du capital restant dû ni aux mensualités impayées arrêtées à octobre 2018 mais aux sommes théoriquement dues à la banque en exécution du prêt amortissable.

Ces demandes en paiement de sommes de nature différente de celles servies ayant fondé le recours en première instance doivent être qualifiées de nouvelles et partant sont irrecevables.

En conséquence, les demandes subsidiaires de la société Crédit logement sont irrecevables.

Compte tenu de la solution du litige, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes développées par les parties à titre très subsidiaire.

Sur les demandes de dommages et intérêts

La SA Crédit logement étant déboutée de la quasi totalité de ses demandes dirigées contre M et Mme [F], il n'y a pas lieu d'allouer à ces derniers des dommages et intérêts pour procédure abusive à défaut pour eux de caractériser un préjudice distinct non indemnisé par la solution du litige.

Il est établi que la SG, avant de notifier l'exigibilité anticipée du prêt et contrairement à ce qu'elle soutient dans son envoi, n'a pas mis M et Mme [F] en position de pouvoir faire échec à cette dernière alors que les sommes dues étaient modiques.

Cette situation a causé un préjudice à M et Mme [F] qu'il convient de réparer par l'allocation de 5 000 € de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution du litige, les dispositions du jugement dont appel au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées même à l'endroit de la SA Société générale dans la mesure où cette dernière a été attraite au litige de façon opportune afin de comprendre les relations contractuelles entretenues avec M et Mme [F] à compter de la souscription des prêts et notamment sur les conditions de mise en oeuvre de l'exigibilité anticipée.

La société Crédit logement et la SG qui succombent majoritairement supporte in solidum les dépens d'appel et sont condamnées chacune à payer à M et Mme [F] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter la SA Société générale de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mis à disposition au greffe ;

Déclare irrecevable la demande subsidiaire de la société Crédit logement tendant au remboursement des échéances du prêt à compter de décembre 2018 ;

Confirme le jugement sauf en ce que la société Crédit logement a été déboutée de toutes ses demandes ;

Statuant du chef infirmé et y ajoutant ;

Condamne solidairement M. [J] [F] et Mme [B] [E] épouse [F] à payer à la société Crédit logement la somme de 5 836,46 15 € outre intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2019 ;

Condamne la SA Société générale à payer à M et Mme [F] la somme de 5 000 € de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum la société Crédit logement et la SA Société générale aux dépens d'appel dont recouvrement direct par maître Gacquer Caron et à payer chacune à M et Mme [F] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'endroit de la SA Société générale.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/02091
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.02091 ?
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