ARRET
N°
[D]
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[PS]
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[D]
[D]
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Association DE DEFENSE DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES
S.A.S. AMIRAL GESTION
Société AMIRAL GROWTH OPPORTUNITIES
Société ESTRELLAS.A.S. MONETA ASSET MANAGEMENT
S.A.S. ONE STONE
Société ARBITER PARTNERS QP LP
Société SC FUNDAMENTAL VALUE FUND LP
Société TYNDALL PARTNERS LP
S.A. VALUE SQUARE FUND
S.A. XIX-INVEST
Société ARBITER SPECIAL OPPORTUNITIES FUND II LP
C/
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ILLE ET VILAIN E
S.A.R.L. GAV
copie exécutoire
le 27 juin 2024
à
Me Parleani
Me Casanova
FLR
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 27 JUIN 2024
N° RG 21/03148 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IEJC
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE AMIENS EN DATE DU 21 AVRIL 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Monsieur [GP] [D]
[Adresse 31]
[Localité 29]
Madame [Z] [R]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Monsieur [O] [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Madame [TM] [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Madame [DH] [U] épouse [I]
[Adresse 1]
[Localité 29]
Monsieur [F] [M]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Madame [IN] [M]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Monsieur [JB] [E]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
Madame [X] [E]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
Monsieur [XW] [E]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Madame [N] [E]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Monsieur [DV] [A]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
Madame [P] [BX] divorcée [A]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
Madame [B] [S]
[Adresse 17]
[Localité 35]
Monsieur [SP] [J]
[Adresse 19]
[Localité 27]
Madame [HD] [J]
[Adresse 19]
[Localité 27]
Monsieur [FF] [W]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
Monsieur [OH] [L]
[Adresse 20]
[Adresse 20]
Monsieur [UN] [T]
[Adresse 38]
[Adresse 38]
Madame [MJ] [T]
[Adresse 38]
[Adresse 38]
Monsieur [AB] [ZU]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Monsieur [AY] [NU]
[Adresse 32]
[Adresse 32]
Madame [RF] [NU]
[Adresse 32]
[Adresse 32]
Monsieur [AZ] [HR]
[Adresse 21]
[Adresse 21]
Monsieur [VY] [JO]
[Adresse 39]
ROYAUME-UNI
Monsieur [ZG] [KZ]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
Monsieur [VK] [KZ]
[Adresse 23]
[Adresse 23]
Monsieur [BX] [UA]
[Adresse 28]
[Localité 27]
Monsieur [V] [AN]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Monsieur [C] [OV]
[Adresse 30]
[Adresse 30]
Monsieur [G] [PS]
[Adresse 15]
[Localité 34]
Monsieur [Y] [D]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
Madame [FT] [D]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
Monsieur [VK] [D]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
Madame [KL] [D]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
Association DE DEFENSE DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par sa Présidente Mme [K] [XI], présente
[Adresse 25]
[Adresse 25]
S.A.S. AMIRAL GESTION
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège[Adresse 5]
[Localité 34]
Société AMIRAL GROWTH OPPORTUNITIES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 34]
Société ESTRELLA agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 34]
S.A.S. MONETA ASSET MANAGEMENT agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 22]
[Localité 35]
S.A.S. ONE STONE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Société ARBITER PARTNERS QP LP agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 18]
[Adresse 18] ETATS-UNIS
Société SC FUNDAMENTAL VALUE FUND LP agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 33]
[Adresse 33] ETATS-UNIS
Société TYNDALL PARTNERS LP agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7] ETATS-UNIS
S.A. VALUE SQUARE FUND agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 37]
[Adresse 37] BELGIQUE
S.A. XIX-INVEST agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 36]
[Adresse 36] BELGIQUE
Société ARBITER SPECIAL OPPORTUNITIES FUND II LP agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 18]
[Adresse 18] ETATS-UNIS
Représentés par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, ayants pour avocat plaidant Maître Gilbert PARLEANI, de la société APG AVOCATS AARPI,avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMEES
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ILLE ET VILAINE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 24]
[Adresse 24]
Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS, et pour avocats plaidants Me Pierre Casanova et Me Nicolas Mennesson, avocats au Barreau de PARIS
S.A.R.L. GAV agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 26]
[Localité 35]
Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS,
ayant pour avocat plaidant Maître Gilbert Parleani, de la société APG AVOCATS AARPI,avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2024 devant :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Diénéba KONÉ
PRONONCE :
Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 27 Juin 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe
Le 27 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ Greffier.
DECISION
En février 2016, dans le cadre d'une opération dénommée 'Eureka', la société CASA ( Crédit agricole SA, organe central du réseau Crédit agricole) a annoncé la cession de sa participation, constituée de certificats coopératifs d'investissement (CCI) et de certificats coopératifs d'associés (CCA) qu'elle détenait dans une majorité de caisses régionales, à la SA CAM mutualisation détenue conjointement par ces dernières.
Considérant que cette opération devait faire l'objet de la procédure d'offre publique de retrait au profit des actionnaires minoritaires des caisses, l'association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM) comprenant des titulaires de certificats, a saisi l'autorité des marchés financiers (AMF) pour contester la régularité de l'opération.
Dans un avis du 18 avril 2016, l'AMF a dit n'y avoir lieu au dépôt d'une offre publique de retrait.
Estimant être privés de leur droit sur l'actif net prévu par la loi, des titulaires minoritaires de CCI, comme les ayant souscrit auprès de la CRCAM d'Ille et Vilaine, ont demandé amiablement à bénéficier d'un droit à résiliation ou de retrait ou de rachat des certificats litigieux au même titre que CASA afin d'en obtenir la contrepartie constituée selon eux de leur droit sur l'actif net de chaque caisse majoré de 5 % en vain.
Par acte d'huissier en date du 30 mai 2017, les titulaires de certificats, se prévalant des mêmes droits, ont attrait la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine devant le tribunal de grande instance de Rennes afin d'obtenir sa condamnation à leur payer la contrepartie de leurs droits comme sus-décrit.
Par ordonnance du 21 décembre 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Rennes saisi d'une exception de connexité, a constaté cette dernière avec une affaire pendante devant le tribunal de grande instance d'Amiens et dit qu'il fallait renvoyer l'affaire devant ladite juridiction.
Par jugement du 21 avril 2021, le tribunal de grande instance d'Amiens a :
- reçu l'intervention volontaire de la SARL GAV ;
- déclaré recevables mais mal fondées les prétentions des demandeurs et de la SARL GAV et les a rejetées ;
- condamné in solidum les demandeurs et la SARL GAV aux dépens et à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-rejeté leurs propres demandes fondées sur le même texte.
Par déclaration en date du 16 juin 2021, la totalité des demandeurs ont interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 juin 2022, les appelants ont été déboutés de leur demande de communication de pièces.
Par arrêt du 23 mars 2023, la cour d'appel a rejeté la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'association de défense des actionnaires minoritaires, réservé la demande au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Par conclusions n° 3 remises par voie électronique le 29 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement dont appel et en conséquence de :
-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré recevables l'action des concluants et l'intervention volontaire de la SARL GAV ;
-l'infirmer en ce qu'il :
-déclare mal fondée les prétentions des demandeurs et de la SARL GAV ;
-rejette les prétentions des demandeurs et de la SARL GAV ;
-les condamne du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau :
-dire que les concluants, en qualité de titulaires de certificats coopératifs d'investissement émis par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine, disposent d'un droit sur l'actif net de ladite caisse sans limitation, comme il est dit à l'article 19 duovicies de la loi de 1947;
-dire que les concluants disposent de droits qu'ils ont valablement exercé (i) le droit de mettre fin unilatéralement au contrat d'émission les liant à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Ille et Vilaine ou (ii), le droit de retrait prévu à l'article L. 231-6 du code de commerce ou, (iii) le droit au rachat évoqué à l'article 19 sexdecies de la loi de 1947, ensemble l'article L. 211-2 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable aux émissions litigieuses de « CCI» ;
-dire que les certificats coopératifs d'investissement doivent être évalués sur la base de l'actif net de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Ille et Vilaine au prorata de la proportion du capital qu'ils détiennent conformément au droit à l'actif net prévu à l'article 19 duovicies de la loi de 1947 ;
-rejeter l'intégralité des fins, moyens et prétentions de la Caisse ;
En conséquence :
A titre principal,
condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine à payer à chaque appelant la valeur des certificats coopératifs d'investissement qu'il détient, calculée (i) selon la méthode appliquée en 2016 pour la sortie du Crédit agricole SA, (ii) à partir des comptes du dernier exercice de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine clôturé à la date de l'arrêt à intervenir et du nombre de certificats détenus à cette date, (iii) la participation de la Caisse dans SACAM Mutualisation étant évaluée par transparence ;
Subsidiairement,
condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine à payer à chaque appelant la valeur des certificats coopératifs d'investissement qu'il détient, calculée (i) selon la méthode appliquée en 2016 pour la sortie du Crédit agricole SA, (ii) à partir des comptes du dernier exercice de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine clôturé à la date de l'arrêt à intervenir et du nombre de certificats détenus à cette date, (iii) la participation de la Caisse dans SACAM Mutualisation étant retenue pour sa valeur comptable ;
Plus subsidiairement,
condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine à payer aux appelants les sommes suivantes au titre de l'exercice de (i) leur droit de mettre fin unilatéralement au contrat d'émission les liant à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine ou (ii) de leur droit de retrait prévu à l'article L. 231-6 du Code de commerce ou encore (iii) de leur droit au rachat évoqué à l'article 19 sexdecies de la loi de 1947 :
Concluant
Nombre de CCI détenus
Montant du droit sur l'actif net (en €)
ADAM
1
353
AMIRAL GESTION
47 735
16 832 793
AMIRAL GROWTH OPPORTUNITIES
1 231
434 088
ARBITER PARTNERS QP
155 049
54 674 929
ARBITER SPECIAL OPPORTUNITIES
68 075
24 005 287
[D] [Y] & [FT]
405
142 815
[D] [VK]
123
43 373
[D] [KL]
85
29 974
[D] [GP]
27
9 521
[R] [Z]
275
96 973
[H] [O] et [TM]
300
105 789
[U] [DH]
135
47 605
[M] [F] et [IN]
560
197 473
[E] [JB] & [X]
40
14 105
[E] [XW] & [N]
100
35 263
[A] [DV] et [P]
679
239 436
[S] [B]
450
158 684
[J] [SP] et [HD]
50
17 632
[W] [FF]
2 479
874 170
[L] [OH]
280
98 736
[T] [UN] et [MJ]
500
176 315
ESTRELLA
2 479
874 170
[ZU] [AB]
820
289 157
[NU] [AY] et [RF]
100
35 263
[HR] [AZ]
377
132 942
MONETA
17 518
6 177 372
[JO] [VY]
656
231 325
[KZ] [ZG]
125
44 079
[KZ] [VK]
97
34 205
ONE STONE
700
246 841
[UA] [BX]
300
105 789
[AN] [V]
462
162 915
SC FUNDAMENTAL
2 192
772 965
[OV] [C]
141
49 721
TYNDALL
7 901
2 786 130
VALUE SQUARE FUND
26 191
9 235 732
[PS] [G]
1 600
564 208
XIX-INVEST
2 700
952 101
GAV
121
42 713
En toute hypothèse,
-annuler les certificats coopératifs d'investissement émis par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine au titre desquels les condamnations sollicitées ci-dessus auront été prononcées et exécutées ;
-condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine à payer à chacun des concluants la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions n°4 remises par voie électronique le 5 mars 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
SUR CE :
La cour observe qu'il n'y a plus de débat sur la recevabilité de l'intervention de la SARL GAV.
Les moyens des appelants
Les appelants, titulaires de CCI prétendent au visa de l'article 4 de la DDHC, 1832 du code civil, la loi de 1947 portant statut de la coopération, L.231-1 du code de commerce et L.512-21 du code monétaire et financier, à un droit immédiat sur l'actif net comme constituant la rémunération qu'ils peuvent percevoir en application de l'article 19 duovicies de la loi de 1947 du fait qu'ils ont un droit sur les réserves qu'ils peuvent exercer durant la vie sociale.
Ils considèrent que ce droit n'est pas un droit préférentiel et au maintien de la quote-part dans le capital car il existe une disposition distincte à cet effet dans l'article 19 unvicies de la loi de 1947.
Ils estiment qu'il importe peu que la loi ne prévoit pas les modalités d'exercice de ce droit qui ne peut être limité.
Ils ajoutent que ce droit sur l'actif net s'explique d'autant plus, qu'exposés aux éventuelles pertes de la société coopérative et ne disposant ni du droit de participer aux assemblées générales ni du droit d'y voter, ils doivent pouvoir se retirer et en percevoir la contre partie dans ce cas.
Dans ces circonstances, ils estiment que leur droit de sortie est permanent et que les premiers juges l'ont limité à tort qu'au cas de dissolution de la société ou d'émission de parts sociales ou d'incorporation de réserves.
A supposer que le droit de sortie ne soit pas permanent, ils estiment avoir été trompés lors de la souscription et au regard du contenu des notes d'information diffusées par les caisses.
Ils prétendent donc, à raison de la nature des certificats sus-décrite, dont ils sont porteurs, à différents droits dont :
- un droit de résiliation unilatérale des CCI ;
ou à :
-un droit de retrait en qualité d'associé
ou à :
- un droit de rachat.
Ils affirment que leur droit sur l'actif net n'est que la conséquence de la nature contractuelle de l'émission des titres et valeurs mobilières dans la mesure où l'émission des titres s'analyse comme une offre de contracter et que dans ce cas l'émetteur s'engage unilatéralement et de manière irrévocable au profit des souscripteurs potentiels, que la relation contractuelle doit être équilibrée de sorte qu'ils ne peuvent être privés de leur droit sur l'actif net.
Tenant compte de cette analyse, ils considèrent que le contrat d'émission est un contrat à durée indéterminée qui peut être rompu unilatéralement et non un contrat à exécution instantanée dont les effets seraient épuisés par le simple fait de l'émission. Ils rappellent que ces contrats sont émis pour la durée de la société qui est illimitée et que dans ce cas la résiliation unilatérale est possible en application de l'article 4 de la DDHC qui prohibe les engagements perpétuels.
Ils considèrent que le caractère négociable de leurs certificats sur le marché réglementé ne les prive pas de leur droit permanent sur l'actif net, qu'il s'agit de contrats et non de biens meubles.
Outre la possibilité de rompre le contrat, ils se prévalent au titre de leur qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil, d'une faculté de retrait en application de l'article L.231-6 du code de commerce, même s'ils ne disposent pas d'un droit de vote, dans la mesure où ils ne sont pas expressément exclus du bénéfice de ce droit de retrait.
Ils font valoir qu'ils ont apporté leurs biens à une entreprise commune en vue de partager les bénéfices de sorte qu'ils disposent d'un droit à rémunération, à l'information et sur l'actif net dans la proportion du capital qu'ils représentent en exécution de leur droit de sortie prévu à l'article 19 duodevicies.
Ils considèrent que la durée illimitée de la société justifie leur possible retrait et que les premiers juges ont affirmé à tort que la loi de 1947 prime sur les dispositions spéciales du droit des sociétés.
Ils font également valoir que l'opération Eureka a eu pour objet de contourner leur droit au rachat dont ils bénéficiaient à l'endroit des caisses émettrices en générant une rupture d'égalité entre eux et la CASA.
Ils affirment que les caisses régionales leur ont refusé l'exercice de leur droit de rachat dans les mêmes conditions que celles offertes à CASA alors qu'ils pouvaient bénéficier du même prix de cession, faisant observer que les caisses pour racheter ces certificats ont dû à travers la SA CAM mutualisation réaliser un prêt de 11 milliards d'euros.
Ils constatent selon eux que si le droit en vigueur au moment de l'émission des certificats en cause ne prévoyait pas légalement de droit au rachat le principe d'identité des droits entre tous les porteurs était explicite dans la loi.
Ils ajoutent qu' un rachat légal obligatoire a été imposé en 2008 sans rétroactivité, qu'en l'état ils sont face à une rupture évidente de l'identité légale des droits par une opération horizontale organisée à l'avance dont il convient de tirer les conséquences.
Les moyens de l'intimée
La Caisse régionale de crédit agricole prétend à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que les porteurs de CCI ne disposent pas de droit à la rupture unilatérale, ni de droit de retrait ni de droit au rachat.
Elle expose que les appelants ne peuvent prétendre à un droit de résiliation à défaut pour ces derniers d'avoir la nature de contrat à durée indéterminée. Elle explique que leur nature est spécifique et prévue par la loi en ses articles 19 novodecies de la loi de 1947 et l'article L.512-28 du code monétaire et financier à savoir qu'ils sont émis pour la durée de la société qui est illimitée.
A défaut d'être un contrat, elle explique que les CCI sont des valeurs mobilières qui résultent de la loi et non du contrat d'émission, utilisé dans ces termes pour désigner les caractéristiques d'une valeur mobilière décrite par un prospectus d'émission et qui à l'instar des stipulations contractuelles engagent l'émetteur vis à vis des porteurs successifs et ne peuvent être modifiés qu'avec leur consentement.
Elle fait remarquer que ces certificats ne mettent aucun engagement à la charge de leur porteur et ne confèrent que des droits.
Elle soutient également que les porteurs de CCI ne disposent pas de droit au retrait à défaut d'avoir le statut d'associé, mais également du fait que la loi de 1947 les a exclus du champ des dispositions sur la variabilité du capital en prévoyant qu'ils sont émis pour la durée de la société et dans la mesure où 'le droit au retrait' visé dans le rapport de l'assemblée nationale cité par les appelants ne s'applique que lorsque l'émetteur des certificats est une société coopérative européenne qui décide de transférer son siège social.
S'agissant du droit au rachat, elle fait valoir que la demande présentée au visa de l'article L.211-2 du code monétaire et financier est mal fondée à défaut pour les appelants de démontrer que ce texte était en vigueur lors de la création des CCI et d'en faire une bonne lecture car il ne consacre pas de droit au rachat.
Elle affirme que les dispositions dont les appelants se prévalent dorénavant ne consacrent aucun droit au rachat lorsqu'un porteur cède ses droits.
La Caisse régionale de crédit agricole d'Ille et Vilaine explique que l'opération Eureka est sans incidence sur la liquidité des CCI qui n'ont pas la même nature que les parts sociales, qu'ils confèrent à leur titulaire des droits pécuniaires attachés à une part du capital, qu'ils sont librement négociables, cotés en bourses et partant cessibles à tout moment.
***
Si les appelants font état d'une information trompeuse délivrée lors de l'émission des CCI ils n'en tirent pas les conséquences au dispositif de leurs conclusions de sorte qu'il ne sera pas répondu à ce point.
Sur l'actif net
Il est admis que le droit sur l'actif net attaché aux CCI se manifeste sous la forme de trois prérogatives qui s'exercent lors de la dissolution de la société ou en cours de vie sociale.
Lors de la dissolution, les titulaires reçoivent le montant nominal de leurs titres, un boni de liquidation qui est constitué des excédents de gestion non répartis sous forme de dividendes ou de ristournes.
En cours de vie sociale, le droit sur l'actif net ouvre aux sociétés coopératives la faculté de procéder à une incorporation de réserves au capital se traduisant par une augmentation nominale des titres ou une attribution gratuite de certificats.
Il se manifeste également dans la reconnaissance d'un droit préférentiel de souscription au profit des titulaires de CCI.
C'est à l'aune de ce rappel que le sort des CCI et les prétentions des appelants qui en sont porteurs doivent être appréciés.
Sur le droit de résiliation unilatérale.
Aux termes de l'article 19 novodecies de la loi n° 47 1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, les certificats coopératifs d'investissement sont émis pour la durée de la société et sont librement négociables.
Selon le même article en ces dispositions duovicies et par dérogation à l'alinéa 3 de l'article 16, les titulaires de certificats coopératifs d'investissement disposent du droit sur l'actif net dans la proportion du capital qu'ils représentent.
L'article L.512-28 du code monétaire et financier prévoit que la durée des caisses de crédit agricole mutuel est illimitée.
Le certificat coopératif d'investissement constitue donc une valeur mobilière émise par une société coopérative et décidée en assemblée générale extraordinaire des associés. Il représente les droits pécuniaires de l'investisseur ; il ne lui confère toutefois pas de droit de vote.
Il s'agit de biens incorporels qui n'ont pas d'existence matérielle.
Les valeurs mobilières, nommées 'instruments financiers', sont des titres et des contrats financiers définis à l'article L.211-1 du code monétaire et financier qui peuvent être acquis sur les marchés financiers.
En application de l'article L.211-17 du code monétaire et financier, l'acheteur et le vendeur d'instruments financiers mentionnés au I de l'article L. 211-1 sont, dès l'exécution de l'ordre, définitivement engagés, le premier à payer, le second à livrer, à la date mentionnée au III de l'article L. 211-17.
De la combinaison de ces dispositions il s'infère que les certificats coopératifs d'investissement sont des titres négociables par contrat à exécution instantanée, dont la durée est prévue par la loi à savoir 'la durée de la société' qui en l'espèce est illimitée, et il importe peu qu'ils soient issus d'un contrat d'émission, cette circonstance ne leur conférant pas la nature de contrat à durée indéterminée ouvrant droit au profit de leurs titulaires à un droit à résiliation, le droit sur l'actif net ne s'entendant qu'en cas de dissolution de la société coopérative.
Dans ces conditions, les porteurs de CCI ne sont pas privés de l'exercice de leurs droits sur ces titres et sont mal fondés à se prévaloir de l'article 4 de la DDHC.
D'ailleurs, les appelants ne contestent pas l'existence d'un marché réglementé de la place sur lequel ils peuvent céder à tout moment leur titre et en obtenir contrepartie. Les appelants produisent des attestations de leurs gestionnaires de patrimoine (Meeschaert, Barclays etc...) caractérisant que ces CCI composent pour partie leur portefeuille au même titre que d'autres valeurs mobilières et qu'ils en connaissent la nature.
Pour soutenir leurs prétentions, les appelants font volontairement une confusion entre leur droit sur l'actif net dont ils bénéficient en cas de dissolution de la société coopérative si durant le temps entre leur acquisition et la dissolution de la société coopérative ils n'ont pas cédé leur CCI sur le marché boursier, et leurs droits s'ils les cèdent ou leurs mandataires pour eux.
Dans ces circonstances, de par la nature des certificats litigieux, leurs titulaires ne sont pas fondés à invoquer un droit à résiliation unilatérale, leur droit sur l'actif net ne s'entendant notamment qu'en cas de dissolution de la société coopérative.
Sur le droit au retrait
Aux termes des articles 1, 3 et 7 de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération rappelés par les premiers juges :
- la coopérative est une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires ;
-les statuts des coopératives fixent...les conditions d'adhésion, le cas échéant d'agrément, de retrait, de radiation et d'exclusion des associés ;
-les coopératives peuvent admettre comme associés non coopérateurs des personnes physiques...qui entendent contribuer par l'apport de capitaux à la réalisation des objectifs de la coopérative à la condition qu'elles ne puissent détenir ensemble plus de 49 % du total des droits de vote et avec la précision que l'article 19 sexdecies prévoit que les certificats ne confèrent pas de droit de vote à leurs titulaires à la différence des coopérateurs.
De ces dispositions spéciales qui dérogent aux dispositions générales du code civil, relatives aux droits des associés dans une société ou à celles du code de commerce relatives aux sociétés commerciales à capital variable des articles L. 231-1 et suivants, il se déduit que le droit de retrait n'est ouvert qu'aux associés coopérateurs ou non et non aux porteurs de ces certificats litigieux qui ne disposent pas de droit de vote.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les titulaires de CCI n'ont pas la qualité d'associés ou d'actionnaires des organismes qui ont émis ces titres.
Ces dispositions s'expliquent à raison de la durée illimitée de la société.
Par ailleurs, si l'article L.512-31 du code monétaire et financier prévoit que les statuts des caisses déterminent le siège, la circonscription territoriale et le mode d'administration des caisses de crédit agricole mutuel mais également qu'ils fixent la nature et l'étendue de leurs opérations, les règles à suivre pour la modification des statuts, la dissolution de la société, la composition du capital, la proportion dans laquelle chacun des membres peut contribuer à la constitution de ce capital et les conditions dans lesquelles il peut se retirer, ces dispositions ne sont pas applicables aux titulaires des certificats litigieux qui ne disposent pas de droit de vote de sorte qu'ils ne disposent pas plus en application de ces dispositions d'un droit de retrait.
Enfin, la cour observe que les appelants font une analyse erronée du droit de retrait visé dans un rapport de l'assemblée nationale qui ne vise que les sociétés coopératives européennes qui décident de transférer leur siège social, circonstance imposant de prévoir le sort des CCI.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré que les titulaires de ces certificats ne bénéficient pas du droit de retrait prévu pour les associés coopérateurs ou non.
Sur le droit au rachat
La cour observe que les appelants prétendent dorénavant que l'article 19 sexdecies dans sa rédaction issue de la loi du 3 juillet 2008 prévoyant que le contrat d'émission des CCI prévoit les modalités de rachat des titres, entre dans la définition des titres visés aux articles L.221-2 du code monétaire et financier et L.228-1 du code de commerce de sorte qu'ils bénéficient d'un droit au rachat considérant que toutes les valeurs mobilières de même nature et de même catégorie doivent être indifférenciées et entraîner les mêmes prérogatives sans conséquence de leur titulaire du fait de la fongibilité.
Les appelants ne remettent pas en cause la motivation des premiers juges qui ont considéré que le rachat est 'l'action de racheter' qui ne peut être que le fait du vendeur, ni celle aux termes de laquelle cette faculté n'est pas conférée par la loi aux titulaires de CCI.
Ils ne contestent pas plus le contenu du traité de fusion et les prospectus d'émission en leur temps qui ne contenaient pas de modalités de rachat des CCI.
Ils modifient leurs moyens en se prévalant dorénavant d'autres dispositions se trouvant dans le code monétaire et financier et dans le code de commerce.
Aux termes de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, les titres financiers, qui comprennent les valeurs mobilières au sens du deuxième alinéa de l'article L. 228-1 du code de commerce, ne peuvent être émis que par l'Etat, une personne morale, un fonds commun de placement, un fonds de placement immobilier, un fonds professionnel de placement immobilier, un fonds de financement spécialisé, ou un fonds commun de titrisation.
Aux termes de l'article L.228-1 du code de commerce, les sociétés par actions émettent toutes valeurs mobilières dans les conditions du présent livre. Les valeurs mobilières sont des titres financiers au sens de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, qui confèrent des droits identiques par catégorie.
Ces dispositions ne consacrent pas expressément de droit au rachat des titulaires de CCI.
Ces dispositions signifient que les valeurs mobilières sont des titres financiers fongibles de sorte qu'un titre peut toujours être remplacé par un autre de la même catégorie et les appelants ne démontrent pas en quoi ces dispositions consacrent leur droit au rachat de leurs CCI lorsqu'un autre porteur cède les siens à savoir la CASA au profit de la SA CAM mutualisation.
Ce droit au rachat pour obtenir l'actif net litigieux durant la vie sociale n'est pas prévu par les textes dans la mesure où le droit sur l'actif net se caractérise au cours de la vie sociale par la faculté de procéder à une incorporation de réserves au capital se traduisant par une augmentation nominale des titres ou une attribution gratuite de certificats.
Il se manifeste également dans la reconnaissance d'un droit préférentiel de souscription au profit des titulaires de CCI.
Si lors de l'opération Eureka les porteurs de CCI ont eu le sentiment d'être exclus de cette opération à défaut de disposer d'un droit de vote, ils ne démontrent pas qu'elle a eu pour conséquence une rupture d'égalité entre eux et les caisses (ensemble au sein de CASA) ayant cédé les leurs à la SA CAM mutualisation.
Ils ne font pas la démonstration que la valeur sur le marché boursier, des CCI qu'ils détiennent en portefeuille, est préjudiciable à leur endroit par comparaison avec les cessions qu'ils déplorent dont la loi les prive selon eux.
La rupture d'égalité n'est pas établie.
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En somme, si les titulaires de CCI disposent d'un droit sur l'actif net en application de l'article 16 alinéa 3 et 19 de la loi du 10 septembre 1947 comme l'a rappelé le conseiller de la mise en état, ce droit ne peut s'exercer dans le cadre d'un droit à résiliation unilatérale de contrat à durée indéterminée, d'un droit au retrait en qualité d'associé ou de rachat en qualité de titulaire de valeurs mobilières au cours de la vie sociale comme les appelants le demandent.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
Les demandes accessoires
Les appelants qui succombent supportent les dépens d'appel et sont condamnés à payer à la Caisse régionale de crédit agricole d'Ille et Vilaine la somme de 18 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne les appelants aux dépens et à payer à la Caisse régionale de crédit agricole d'Ille et Vilaine la somme de 18 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,