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13/06/2024 | FRANCE | N°23/04025

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 13 juin 2024, 23/04025


ARRET

































S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE









C/







S.A.R.L. SLS INVEST

S.A.R.L. AYAB









OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 13 JUIN 2024





N° RG 23/04025 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I4CD





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D

E BEAUVAIS EN DATE DU 10 AOÛT 2023







PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité ausit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]





Représentée par Me Amélie WEIMANN substituant Me Fabr...

ARRET

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE

C/

S.A.R.L. SLS INVEST

S.A.R.L. AYAB

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 13 JUIN 2024

N° RG 23/04025 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I4CD

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 10 AOÛT 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité ausit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Amélie WEIMANN substituant Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 92

ET :

INTIMEES

S.A.R.L. SLS INVEST, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité ausit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Maud PHILIPPERON substituant Me Amandine SIEMBIDA de la SAS VAUBAN, avocats au barreau de COMPIEGNE

S.A.R.L. AYAB, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité ausit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Margot ROBIT substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

Ayant pour avocat plaidant, Me Charlotte WAMBERGUE, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER :

Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

et M. Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

Suivant promesse de cession de titres en date du 30 mars 2018 la société Ayab s'est engagée à céder la totalité des actions qu'elle détenait au sein du capital de la société SNPE à la société SLS Invest.

Il était prévu la délivrance par le cédant au cessionnaire le jour de la réalisation de la cession d'une garantie d'actif et de passif et afin de garantir ses engagements à ce titre la remise par le cédant d'une garantie à première demande ou une délégation sur contrat d'assurance-vie au jour de la cession.

Le 1er juin 2018 la cession a été réalisée et la société Ayab, cédante, a accordé une garantie d'actif et de passif à la société SLS Invest, cessionnaire, par acte sous seing privé du même jour.

Il était prévu au sein de cet acte que pour garantir ses engagements le garant donc la société Ayab remettait au bénéficiaire la société SLS Invest une garantie bancaire à première demande.

Il était par ailleurs prévu une clause attributive de compétence selon laquelle pour toutes les contestations qui s'élèveraient entre les parties relatives à l'interprétation de l'acte de garantie d'actif et de passif ou son exécution, le tribunal de commerce sera seul compétent pour en connaître.

La garantie autonome à première demande a été consentie le 1er juin 2018 par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France dénommée 'Le Garant' au profit de la société SLS Invest, dénommée 'Le Bénéficiaire' au titre des sommes qui lui seraient dues en considération du contrat de garantie d'actif et de passif régularisé avec la société Ayab désignée comme ' le donneur d'ordre' et ce à concurrence de 45000 euros.

Il était prévu au sein de cet acte que tout litige relatif à la garantie à première demande sera de la compétence exclusive du tribunal de commerce du ressort du siège du garant.

La société SLS Invest a entendu mettre en oeuvre la garantie d'actif et de passif et a mis en demeure la société Ayab par courriers recommandés des 10 et 31 mai et 26 juillet 2021 de lui régler une somme de 83281,76 euros au titre de la garantie.

Parallèlement elle a mis en oeuvre la garantie à première demande mais s'est heurtée au refus de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France au motif de la tardiveté de sa demande.

Après avoir mis en oeuvre une tentative de conciliation qui s'est avérée infructueuse, la société SLS Invest a, par exploit d'huissier en date du 1er août 2022, fait assigner la société Ayab et la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France devant le tribunal de commerce de Beauvais aux fins de voir condamner la société Ayab à lui payer la somme de 83281,76 euros à titre d'indemnisation résultant de la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif et de voir condamner la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France à garantir la société Ayab au titre des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans la limite de 45000 euros.

Par jugement en date du 10 août 2023 le tribunal de commerce de Beauvais saisi d'une exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Lille par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France et la société Ayab, s'est déclaré compétent pour juger le litige dans son intégralité et a renvoyé la procédure devant le juge chargé d'instruire l'affaire, en réservant les dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 septembre 2023 la SA Caisse d'épargne et de prévoyance a interjeté appel de cette décision et par requête en date du 19 septembre 2023, a demandé à être autorisée à assigner les intimées à jour fixe en application des articles 84 et suivants du code de procédure civile .

Autorisée par ordonnance en date du 3 octobre 2023, la société SLS Invest a par exploit d'huissier en date du 18 octobre 2023 fait assigner la société Ayab et la SA Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts de France à l'audience en date du 11 avril 2024.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 14 décembre 2023 la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de dire le tribunal de commerce de Beauvais incompétent pour statuer sur la demande en paiement sollicitée à son encontre sur le fondement de la garantie autonome à première demande en application des articles 42, 46 et 48 du code de procédure civile et 101 du code civil et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.

Elle a demandé la condamnation de la SLS Invest au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 11 janvier 2024 la SARL SLS Invest demande à la cour de confirmer le jugement entrepris , de débouter la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France de l'ensemble de ses demandes et la société Ayab de sa demande d'indemnité de procédure et de condamner l'appelante à lui régler la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 15 novembre 2023 la société Ayab demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société SLS Invest ou l'appelante à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de réserver les dépens.

SUR CE ,

Pour retenir leur compétence les premiers juges ont considéré que la garantie à première demande en dépit de son caractère juridiquement distinct était accessoire et dépendante de la convention de garantie et de passif conclue entre les sociétés Ayab et SLS Invest à raison de sa nature même de contre-garantie et qu'une bonne administration de la justice justifiait que le litige soit examiné globalement par la juridiction saisie.

La SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France soutient que la garantie autonome à première demande est indépendante du contrat de base et que les obligations de couverture et de règlement propres au cautionnement ne lui sont pas applicables dès lors qu'elle ne présente pas un caractère accessoire.

Elle fait observer que la garantie souscrite prévoit que les engagements pris par le garant sont inconditionnels et autonomes du contrat.

Elle rappelle que toutes les parties en la cause sont commerçantes et que la clause stipulée dans la garantie autonome à première demande donne compétence au tribunal de commerce de Lille dans le ressort duquel se trouve son siège social.

Elle soutient que cette clause d'attribution de compétence est opposable à la société SLS Invest dès lors que la convention de garantie de passif et d'actif régularisée le 1er juin 2018 indique la remise de la garantie à première demande qui est acceptée dans son intégralité et mode de fonctionnement sans que puisse être invoquée une indivisibilité, la garantie à première demande n'étant pas l'accessoire d'un autre rapport de droit.

La société SLS Invest soutient qu'elle a assigné les parties devant le tribunal de commerce de Beauvais en raison de la clause attributive de compétence figurant dans le contrat principal soit la convention de garantie d'actif et de passif convenue antérieurement à la contre-garantie.

Elle fait valoir que la garantie à première demande a nécessairement un caractère accessoire par rapport au contrat principal, la convention de garantie d'actif et de passif .

Elle fait valoir qu'ainsi dans un souci de sécurité juridique et de bonne administration de la justice l'indivisibilité du litige permet de faire échec à la clause attributive de juridiction contenue dans la garantie à première demande qui vient en contradiction avec la clause attributive de compétence visée dans le contrat principal qui seule doit s'appliquer et permet également de ne pas disjoindre les demandes qui ont un lien suffisant pour être jugées ensemble.

La société Ayab fait valoir qu'en cas de pluralité de défendeurs le demandeur ne peut attraire tous les défendeurs devant la juridiction désignée par une clause qui ne lie qu'un seul codéfendeur mais qu'en cas d'indivisibilité du litige le demandeur peut assigner tous les défendeurs devant la même juridiction du lieu où demeure l'un d'eux malgré la clause attributive de compétence.

Elle fait valoir que les demandes formées à l'encontre des deux sociétés défenderesses ont un lien juridique évident rendant nécessaire qu'elles soient examinées ensemble et qu'il ne serait pas d'une bonne administration de la justice de les disjoindre.

Il convient de rappeler en premier lieu que si elle tend à garantir le créancier de la bonne exécution d'un contrat principal, la garantie à première demande s'exécute indépendamment du contrat principal dont elle est indépendante et ne constitue aucunement l'accessoire.

Ainsi le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie et doit payer en se référant aux seules conditions fixées dans son engagement de garantie.

Ainsi la garantie d'actif et de passif et la garantie à première demande sont deux conventions distinctes dans lesquelles le garant n'est pas le même et qui répondent à des conditions de mise en oeuvre spécifiques.

La garantie à première demande peut être activée par le cessionnaire simplement en respectant le formalisme prévu à l'acte quand bien même il existe un désaccord avec le cédant sur l'application de la garantie d'actif et de passif.

Il n'existe donc aucune indivisibilité entre le litige opposant le cédant et le cessionnaire au sujet de la garantie d'actif et de passif et le litige opposant le cessionnaire bénéficiaire de la garantie à première demande au garant de celle-ci.

En application de l'article 42 du code de procédure civile la juridiction territorialement compétente est sauf disposition contraire celle du lieu où demeure le défendeur et s'il y a plusieurs défendeurs la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.

Selon l'article 48 du code de procédure civile toute clause qui directement ou indirectement déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à laquelle elle est opposée.

Il convient de relever qu'un demandeur ne peut se prévaloir de la prorogation de compétence autorisée par l'article 42 alinéa 2 que s'il exerce une action directe et personnelle contre chacune des parties assignées et si la question à juger est la même pour toutes les parties et que ne peut être choisi en application de cet article le tribunal désigné par une clause attributive de compétence.

Dès lors que tous les défendeurs ne sont pas liés par la clause attributive de compétence désignant le même tribunal il convient de saisir pour tous la juridiction compétente en vertu de la loi si l'action est indivisible.

Il existe en l'espèce une convention de garantie d'actif et de passif liant la société Ayab et la société SLS Invest seulement et la clause attributive de compétence figurant dans cette convention n'est opposable qu'à ces deux sociétés et non pas à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France.

En l'espèce le tribunal de commerce de Beauvais n'est pas le tribunal du lieu où demeure l'un des défendeurs et la société SLS Invest n'a assigné la société Ayab dont le siège social est à Vannes devant le tribunal de commerce de Beauvais qu'en exécution de la clause attributive de compétence figurant à la convention de garantie d'actif et de passif les liant qui ne peut cependant être opposée à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France .

La société SLS Invest ne pouvait assigner la société Caisse d'épargne et de prévoyance devant le tribunal désigné par la clause attributive de compétence qui ne lui était pas opposable sur le fondement de l'article 42 alinéa 2.

Il sera relevé qu'il ne peut être fait échec à une clause attributive de compétence que si elle n'est pas opposable à tous les défendeurs et si le litige est indivisible.

En l'espèce le litige n'étant pas indivisible la société SLS Invest était fondée à assigner la société Ayab devant le tribunal désigné par la clause les liant mais se devait d'assigner la société Caisse d'épargne devant le tribunal du lieu de son siège social soit le tribunal de commerce de Lille qui est en l'espèce le tribunal désigné par la garantie à première demande aux termes d'une clause attributive de compétence dont l'opposabilité à la société SLS Invest est discutable mais qui en tout état de cause désigne le tribunal du lieu où demeure le garant et défendeur.

Il convient en conséquence de faire droit à l'exception d'incompétence soulevée par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance,de disjoindre la procédure et de renvoyer le litige relatif à la garantie à première demande opposant la société Invest à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance devant le Tribunal de commerce de Lille métropole.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner la société Invest aux entiers dépens de première instance et d'appel et de la condamner à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la société Ayab de sa demande sur le même fondement à l'encontre de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Caisse d'épargne et de prévoyance de son exception d'incompétence ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Dit le tribunal de commerce de Beauvais incompétent pour statuer sur la mise en oeuvre de la garantie à première demande consentie par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France au bénéfice de la société SLS Invest au profit du tribunal de commerce de Lille Métropole ;

Ordonne la disjonction des procédures ;

Renvoie la procédure opposant la société SLS Invest à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France devant le tribunal de commerce de Lille Métropole ;

Dit que la présente décision sera notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;

Condamne la société SLS Invest aux entiers dépens d'appel ;

Condamne la société SLS Invest à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Ayab de sa demande sur le même fondement.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/04025
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.04025 ?
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