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13/06/2024 | FRANCE | N°23/02506

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 13 juin 2024, 23/02506


ARRET







[V]





C/



S.A. CLESENCE













DB/SGS/DPC/VB





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU TREIZE JUIN

DEUX MILLE VINGT QUATRE





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/02506 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZDC



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L'EXECUTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU DEUX JUIN DEUX MILLE V

INGT TROIS





PARTIES EN CAUSE :



Madame [S] [V]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Sonia ABDESMED de la SELARL LAMARCK AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS



(bénéficie d'une aide juridicti...

ARRET

[V]

C/

S.A. CLESENCE

DB/SGS/DPC/VB

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU TREIZE JUIN

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/02506 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZDC

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L'EXECUTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

PARTIES EN CAUSE :

Madame [S] [V]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Sonia ABDESMED de la SELARL LAMARCK AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/001902 du 31/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS)

APPELANTE

ET

S.A. CLESENCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Amélie DATHY de la SCP DUSSEAUX-BERNIER-VAN WAMBEKE-DATHY, avocat au barreau d'AMIENS

INTIMEE

DEBATS :

A l'audience publique du 28 mars 2024, l'affaire est venue devant M. Douglas BERTHE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 juin 2024.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Douglas BERTHE, Président de chambre, Président, Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 13 juin 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Par acte sous seing privé en date du 15 février 2012, la SA d'[Adresse 3] a donné en location à Mme [S] [V] un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3] moyennant un loyer mensuel révisable de 495,96 euros.

Le 5 décembre 2016, la Maison du Cil a fait délivrer à la locataire un commandement de payer pour un arriéré de loyers en principal de 1'784,78 euros.

La bailleresse a assigné Mme [V] devant le président du tribunal d'instance d'Amiens qui a rendu, le 19 juin 2017, une ordonnance de référé ayant :

- Constaté la recevabilité des demandes de la SA d'[Adresse 3] ;

- Constaté que le bail conclu entre les parties le 15 février 2012 s'est trouvé de plein droit résilié le 5 février 2017 aux torts et griefs de Mme [S] [V] pour défaut de paiement des loyers, par application de la clause résolutoire contractuelle ;

- Dit que faute pour Mme [S] [V] de ne pas avoir quitté les lieux de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef, 2 mois après la notification d'un commandement d'Huissier de quitter les lieux portant mention de la présente décision, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique et au transport des meubles laissés dans les lieux, dans tout local qu'il plaira à la SA d'HLM la Maison du Cil aux frais et risques Mme [S] [V] ;

- Condamné Mme [S] [V] à payer à la SA d'HLM la Maison du Cil à titre provisionnel une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer (arrêté au jour de la résiliation) plus les charges commençant à courir à compter du 5 février 2017 jusqu'au départ effectif des lieux ;

- Condamné Mme [S] [V] à payer à la SA d'[Adresse 3] à titre provisionnel la somme de 3.904,01 euros au titre de la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation due au 30 avril 2017 et cela avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 5 décembre 2016 sur la somme de 1.784,78 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;

- Débouté Mme [S] [V] de sa demande de délais de paiement;

- Condamné Mme [S] [V] à payer à la SA D'HLM la Maison du Cil la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamné Mme [S] [V] aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer du 5 décembre 2016 et de la dénonciation de l'assignation au préfet mais réduit au coût d'une LRAR ;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Mme [S] [V] a interjeté appel de cette décision et par arrêt en date du 1er juin 2018, la cour d'appel d'Amiens a':

- confirmé l'ordonnance de référé rendue le 19 juin 2017 par le président du tribunal d'instance d'Amiens sauf en ce qu'elle a débouté Mme [V] de sa demande de délais de paiement, n'a pas suspendu les effets de la clause résolutoire, a ordonné l'expulsion de Mme [V] et tous occupants de son chef passé le délai de deux mois à compter de la notification d'un commandement d'huissier de quitter les lieux et a condamné Mme [V] à payer à titre de provision la somme de 3'904,01 euros au titre de la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation due au 30 avril 2017 et cela avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 5 décembre 2016 sur la somme de 1'784, 78 euros et à compter de l'arrêt pour le surplus;

L'infirmant sur ces points et statuant à nouveau,

- suspendu les effets de la clause résolutoire contractuelle ;

- condamné Mme [V] à payer à la SA [Adresse 3] à titre provisionnel la somme de 1'356,42 euros à titre de loyers et charges arriérés au 2 mars 2018 et cela avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 5 décembre 2016';

- autorisé Mme [V] à s'acquitter de cette dette en 19 versements mensuels de 70 euros et un 20ème versement soldant cette dette le premier devant intervenir au plus tard entre le 1er et le 10 du mois suivant la signification de l'arrêt et les suivants de mois en mois, aux mêmes dates, jusqu'à complet paiement ;

- dit que si Mme [V] se libère dans les conditions prévues, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué mais que dans le cas contraire, à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, cette clause reprendra ses effets avec toutes conséquences de droit ;

- dit qu'en ce dernier cas, la société d'HLM la Maison du Cil sera autorisée à faire procéder à l'expulsion des lieux loués de Mme [V] ainsi que celle de tous occupants de son chef, deux mois après la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, et si besoin est avec le concours de la force publique ;

Y ajoutant,

- débouté Mme [V] de sa demande tendant à voir ordonner à la SA d'HLM la Maison du Cil de communiquer un décompte actualisé ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Cet arrêt a été signifié à Mme [V] le 20 août 2018.

Le 5 décembre 2019, commandement de quitter les lieux a été signifié à Mme [S] [V].

Le 22 décembre 2022, la SA Clésence , venant aux droits de la SA [Adresse 5], a délivré à Mme [V] , un nouveau commandement de quitter les lieux.

Par requête en date du 6 février 2023, [S] [V] a sollicité un délai de 36 mois supplémentaire pour quitter ledit logement.

Par jugement du 2 juin 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Amiens a':

Rejeté la demande de délai d'avoir à quitter les lieux formulée par Mme [V] ';

Dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamné Mme [V] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 6 juin 2023, Mme [V] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2024, Mme [V] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du 2 juin 2023 en ce qu'il a rejeté la demande de délai d'avoir à quitter les lieux du local à usage d'habitation situé [Adresse 3], dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'et condamné Mme [V] aux entiers dépens de l'instance';

Statuant à nouveau,

Lui accorder les plus larges délais de grâce pour elle et ses enfants pour quitter le logement situé [Adresse 3]) ;

Débouter la SA Clésence de l'intégralité de ses demandes';

Condamner la SA Clésence aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le13 mars 2024, la SA Clésence demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Amiens le 2 juin 2023';

en tout état de cause,

Débouter Mme [V] de ses demandes plus amples ou contraires';

La condamner à lui verser la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance.

L'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 28 mars 2024, jour de l'ordonnance de clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des articles L412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d'exécution que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. La durée des délais pour quitter le logement ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant et du délai prévisible de relogement des intéressés.

La demande de délai pour quitter le logement ne se confond donc pas avec un demande de délai de paiement.

En l'espèce, la SA Clésence est un bailleur social.

En ce qui concerne Mme [V], il n'est pas contesté que cette dernière est âgée de 54 ans, divorcée depuis 2011 et a à sa charge ses deux fils âgés de 16 et 18 ans qui vivent avec elle dans le logement.

Ses fils sont tous les deux scolarisés. L'aîné a obtenu son baccalauréat et a intégré l'IUT d'[Localité 4] tandis que le benjamin est scolarisé en première au lycée [T] [R] à [Localité 4].

Mme [V] est agent titulaire des services hospitaliers au CHU d'[Localité 4].

Toutefois, en 2014, Mme [V] a été placée en arrêt maladie et l'intéressée a ensuite été placée en congé longue maladie.

Elle a repris une période d'activité fin 2021 mais a été de nouveau placée en arrêt depuis avril 2022 suite à ses problèmes de santé.

Elle justifie percevoir dorénavant :

- un traitement mensuel de 900 euros,

- 212,99 euros d'allocations familiales,

- une prime d'activité de 445,16 euros,

soit 1 558,15 euros par mois au total.

Mme [V] justifie avoir assuré le logement qu'elle occupe et régler sa cotisation à ce titre.

Les parties ont signé un protocole d'accord le 8 février 2021 au terme duquel Mme [V] s'est engagée à payer le loyer résiduel déduction faite des APL, outre la somme de 5 euros par mois au titre de l'apurement de la dette locative. Le protocole stipule qu'il peut avoir une durée maximale de 5 ans, ce protocole permettant au bailleur de percevoir les APL.

L'examen du compte locatif de Mme [V] démontre que celle-ci procède à des paiements mensuels réguliers, notamment par carte bancaire.

Il ressort cependant de l'examen du compte locatif une période d'interruption des versements de l'APL entre février 2019 et juin 2021.

Il est produit aux débats un échange de courriels entre la SA Clésence et la caisse d'allocations familiales de février 2020 à mars 2020 duquel il résulte que la SA Clésence a « oublié » de transmettre à la CAF les éléments permettant de liquider et servir les droits d'allocation logement, l'arriéré locatif ayant de ce fait été majoré de 748,18 euros à 8 800,17 euros entre février 2019 et juin 2021.

La bonne foi de Mme [V] n'est pas contestée.

Mme [V] a déposé le 16 avril 2023 une demande de logement social pour elle et ses enfants auprès du ministère chargé du logement et l'accusé d'enregistrement de sa demande en date du 5 mai 2023 lui a indiqué expressément que les délais pour obtenir un logement pour la ville d'[Localité 4] étaient alors de 22 mois.

Elle a également saisi la commission de logement DALO, la commune d'[Localité 4] ainsi que l'office national des anciens combattants (eu égard à la qualité d'ancien combattant de son père) de sa demande.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [V] a manifesté une bonne volonté certaine au regard du paiement régulier de son indemnité d'occupation courante et de l'arriéré locatif ainsi que de l'assurance du logement.

Elle justifie de revenus réguliers mais modestes, d'un état de santé précaire, avoir seule la charge de deux adolescents et avoir accompli plusieurs démarches afin d'obtenir le relogement de sa famille.

Compte-tenu de ces éléments, il y a lieu d'accorder à Mme [V] et aux occupants de son chef un délai d'un an pour quitter le logement à compter de la signification de la présente décision. La décision entreprise sera donc infirmée sur ce point.

La SA Clésence qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et la décision de première instance sera infirmée en ses dispositions afférentes aux dépens.

Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu d'indemniser la SA Clésence de ses frais de procédure et la décision de première instance sera confirmée en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Accorde à Mme [S] [V] et aux occupants de son chef un délai d'un an à compter de la signification de la présente décision pour quitter le logement situé au [Adresse 3]),

Condamne la SA Clésence aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette les autres demandes.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02506
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.02506 ?
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