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13/06/2024 | FRANCE | N°22/04448

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 13 juin 2024, 22/04448


ARRET







S.A.S. REH ENERGIE BATIMENT





C/



[Adresse 5]













DB/SGS/DPC/VB





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU TREIZE JUIN

DEUX MILLE VINGT QUATRE





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04448 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISFZ



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU VINGT NEUF JUILLET D

EUX MILLE VINGT DEUX





PARTIES EN CAUSE :



S.A.S. REH ENERGIE BATIMENT agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Anissa ABD...

ARRET

S.A.S. REH ENERGIE BATIMENT

C/

[Adresse 5]

DB/SGS/DPC/VB

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU TREIZE JUIN

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04448 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISFZ

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU VINGT NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S. REH ENERGIE BATIMENT agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anissa ABDELLATIF substituant Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS

APPELANTE

ET

Madame [X] [R] [T] [O]

née le 14 Novembre 1962 à [Adresse 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Hélène CAMIER substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS

Plaidant par Me Véronique GRAMOND, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

DEBATS :

A l'audience publique du 28 mars 2024, l'affaire est venue devant M. Douglas BERTHE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 juin 2024.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Douglas BERTHE, Président de chambre, Président, Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 13 juin 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [X] [R] [T] [O] a passé commande auprès de la SASU REH Énergie Bâtiment (ci-après REH) le 7 mai 2018 d'une pompe à chaleur pour équiper son logement à [Adresse 4].

La commande portait sur :

- une pompe à chaleur air/eau 24 kW triphasée au prix de 28'200 euros TTC,

- un ballon thermodynamique 240/REH au prix de 4 000 euros TTC,

- la pose et la mise en service de la pompe à chaleur et du ballon thermodynamique au prix de 5 000 euros TTC,

soit un prix total : 37'200 euros TTC payable comptant à la livraison, cette dernière étant prévue le 7 juillet 2018.

Une visite technique était effectuée en mai 2018 par le technicien de la SASU REH et les matériels étaient livrés le 20 juin 2018.

Le 24 juillet 2018, une réception de l'installation est intervenue, mais la mise en service de la pompe à chaleur a été retardée à raison de la nécessité de faire remanier par un électricien l'installation électrique existante.

Le 25 juillet 2018, des factures de 36'700 et 500 euros ont été établies et un règlement de 35'500 euros a été effectué par Mme [X] [R] [T] [O].

L'installation complète a été finalisée le 28 septembre 2018 et une nouvelle mise en service après intervention a été réalisée le 11 octobre 2018.

Mme [R] [T] [O] s'est ensuite plainte à plusieurs reprises d'une température insuffisante dans son habitat, ce qu'elle a fait constater par exploit d'huissier du 30 janvier 2019.

Mme [Z] a mis la SASU REH en demeure d'intervenir par lettre recommandée du 27 avril 2019.

Le 7 juin 2019, la SASU REH s'est déplacée pour une intervention technique à son domicile et a argué que la cause des problèmes ne provenait pas de la pompe à chaleur mais des radiateurs et du chauffage par le plancher préexistants.

Mme [R] [T] [O] a sollicité, par assignation en date du 23 juin 2020, la désignation d'un expert, ordonnée en référé le 30 juillet 2020.

L'expert désigné, M. [F] [M] a déposé son rapport d'expertise le 27 août 2021.

Il a retenu que l'installation de chauffage réalisée était impropre à l'usage auquel était destinée.

L'expert a chiffré les travaux de mise en conformité incluant les travaux accessoires et indispensable à la somme de 78 724,50 euros TTC .

Il a également évalué le préjudice de jouissance « pour inconfort et inhabitabilité partielle pendant les hivers 2018-2019 et 2019-2020 à 3 900 euros (60 jours x 65 euros).

Il ajoute que la modification de l'installation électrique et les frais de raccordement par Enedis en triphasé constitue une dépense imprévue s'élevant à 2 695, 66 euros TTC ( 482,46 + 557,70 + 1 655.50 euros).

Mme [R] [T] [O] a assigné la SASU REH devant le tribunal judiciaire de Beauvais qui, par jugement du 29 juillet 2022, a :

Déclaré la SASU REH Énergie Bâtiment responsable du dysfonctionnement de la pompe à chaleur qu'elle a installée dans la maison de Mme [X] [R] [T] [O] ;

Condamné la SASU REH Énergie Bâtiment à payer à Mme [X] [R] [T] [O] la somme de 37'602,86 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel et la somme de 7 500 euros au titre de la réparation de son préjudice de jouissance avec intérêts légaux à compter du 29 juillet 2022 ;

Condamné la SASU REH Énergie Bâtiment aux dépens comprenant les frais de la procédure de référé et de l'expertise judiciaire avec distraction outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 septembre 2022, la SASU REH a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 5 mai 2023 par lesquelles la SASU REH demande à la cour de :

Infirmant en toutes ses dispositions la décision entreprise et déboutant l'intimée de son appel incident,

- Dire et juger que les déficits de chauffage invoqués par Mme [R] [T] [O] ne trouvent pas leur origine dans un dysfonctionnement du matériel fourni par elle ni de l'installation,

- Dire et juger qu'elle ne saurait être tenue responsable des déperditions anormales de chaleur du bâtiment relevées par l'expert, pas plus que des anomalies de fonctionnement de l'existant qui

ont notamment nécessité un désembouage et l'intervention d'une société spécialisée,

- Dire et juger que l'intimée ne justifie pas de son occupation permanente de ce logement, disposant d'une domiciliation à [Localité 6], ne démontrant pas avoir subi effectivement un préjudice de jouissance,

- Dire et juger que la SASU REH ne saurait être tenue, au titre de la réparation du préjudice à la fourniture d'un matériel de puissance et de coût très supérieur au matériel installé, ce qui constituerait un enrichissement sans cause,

- Dire et juger que l'expertise ne détermine pas que le matériel n'est pas adapté aux volumes à chauffer, mais évalue les besoins en fonctions des déperditions de chaleur du logement et de l'insuffisance des radiateurs,

- Dire et juger en conséquence que la SASU REH n'a pas manqué à son devoir de conseil et de manière générale à ses obligations,

En conséquence,

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter Mme [X] [R] [T] [O] de l'intégralité de ses demandes,

- Débouter l'intimée de son appel incident,

- Condamner Mme [R] [T] [O] à la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction et comprenant notamment les dépens de l'instance de référé, les frais d'huissier et les frais d'expertise judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 24 octobre 2023 par lesquelles Mme [X] [R] [T] [O] demande à la cour de :

- Dire l'appel de la SASU REH dépourvu de fondement, la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- La dire recevable et fondée en son appel incident,

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la responsabilité décennale de la SASU REH n'était pas engagée et en ce qu'il a limité la condamnation de la SASU REH au paiement des sommes en principal de 37 602, 86 euros au titre de la réparation du préjudice matériel et de 7 500 euros au titre de la réparation de son préjudice de jouissance et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- La dire recevable et fondée en ses demandes,

- Condamner la SASU REH à lui régler les sommes suivantes :

- au titre des travaux de reprise, la somme de 88 096,50 euros TTC en principal, indexée sur l'indice du coût de la construction, l'indice de référence étant le dernier indice publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire, et jusqu'à complet paiement,

- au titre dépenses imprévues exposées du fait du défaut de conseil imputable à REH 2 695, 66 euros TTC,

- à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, la somme de 15 000 euros,

Subsidiairement, confirmer le jugement dont appel,

En tout état de cause :

- Condamner la SASU REH à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront les dépens de l'instance de référés et les frais d'expertise avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Rejeter toute demande plus ample ou contraire.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture a été prononcée le 24 janvier 2024 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 28 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire et par application de l'article 954 du code de procédure civile, il convient de rappeler que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater », « dire » ou « juger » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués. 

Il résulte des articles 1710, 1787, 1792, 1792-1 et 1792-4-1 du code civil que le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles, que lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière, que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination, que cependant, une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère, qu'est réputé constructeur de l'ouvrage tout entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage et enfin que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du code civil est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, après dix ans à compter de la réception des travaux.

En l'espèce, il résulte du bon de commande souscrit entre les parties le 7 mai 2018 que la SASU REH s'est engagée vis-à-vis de Mme [R] [T] [O] à la fourniture, la pose et la mise en service d'un système de chauffage type pompe à chaleur triphasée de 24 kW ainsi que d'un ballon thermique de 240 litres.

La SASU REH bénéficie de la certification RGE QualiPAC, soit reconnue garant de l'environnement pour les installations de pompes à chaleur.

Il n'est pas contesté que tout professionnel disposant du label Qualipac est signataire de la charte qui l'engage sur dix obligations et notamment :

- posséder au sein de son entreprise les compétences professionnelles nécessaires, acquises par la formation initiale ou continue, et par une pratique confirmée. Etre à jour de ses obligations légales, et disposer des garanties légales couvrant explicitement l'ensemble des activités et travaux qu'elle réalise,

- préconiser des matériels de pompe à chaleur respectant les mêmes exigences,

- en amont, assurer auprès du client un rôle de conseil, l'assister dans le choix des solutions les mieux adaptées à l'aide d'une étude thermique et compte tenu des contraintes du site, de la taille du foyer, et des énergies d'appoint disponibles,

- après visite sur site, soumettre au client un devis descriptif écrit, détaillé et complet, de l'installation d'un système de pompe à chaleur, en fixant un délai de réalisation, des termes de paiement et des conditions de garantie légale,

- une fois l'accord du client obtenu (devis co-signé), réaliser l'installation commandée dans le respect des règles professionnelles, normes et textes réglementaires applicables, selon les prescriptions prévues,

- régler et mettre en service l'installation, puis procéder à la réception des travaux en présence du client. Lui remettre les notices et tous documents relatifs aux conditions de garantie et d'entretien/maintenance de la pompe à chaleur et lui proposer systématiquement un contrat d'entretien,

- remettre au client une facture descriptive détaillée (qui distingue a minima le poste « fourniture des équipements », et le poste « main d''uvre ») et complète de la prestation, conforme au devis (avec désignation précise des matériels installés et références exactes de leur certification). Lui fournir en outre toute attestation signée dont celui-ci aurait besoin pour faire valoir ses droits aux aides publiques,

- en cas d'anomalie ou d'incident de fonctionnement de l'installation signalé par le client, s'engager à intervenir sur le site dans des délais rapides, et procéder aux vérifications et remises en état nécessaires, dans le cadre des obligations d'intervention attachées à la garantie de bon fonctionnement.

Un procès-verbal de réception des travaux a été signé entre les parties le 24 juillet 2018, ce dernier mentionnant explicitement que « L'entrepreneur [...] demeure propriétaire de l'ouvrage exécuté jusqu'à l'entier paiement de sa créance née du marché de travaux. Les présentes dispositions ne modifient pas ses obligations telles que fixées aux articles 1788, 1792 et suivants et 2270 du code civil ».

Les deux factures subséquentes adressées par la SASU REH à sa cliente le 25 juillet 2018 et dont elle s'est acquitté comportent les mêmes mentions et rappellent en outre la certification RGE QualiPAC de la SASU REH sous le n° QPAC/51409.

Au regard de sa qualité d'installateur certifié, de ses obligations en découlant, des stipulations du bon de commande portant sur la pose et la mise en service d'une installation de chauffage, du procès-verbal de réception de l'installation et des mentions portées tant à ce dernier qu'aux factures qu'elle a elle-même émise, la SASU REH ne peut donc affirmer que la convention entre les parties se bornait à un simple vente de matériels au risque de la cliente pour nier être intervenue au titre d'un contrat d'entreprise.

Il résulte du procès-verbal de constat du 30 janvier 2019 que la SASU REH a posé chez Mme [R] [T] [O] une pompe à chaleur non pas monophasée mais triphasée, matériel totalement incompatible avec le logement monophasé de cette dernière et qu'afin que la pompe fonctionne, elle a dû convertir l'installation électrique de son logement en triphasé.

Par la production de deux factures datées des 11 et 28 septembre 2018, Mme [R] [T] [O] justifie avoir eu recours à l'entreprise d'électricité générale Cb2e pour un coût de 2 213,20 euros comprenant la modification de son installation électrique et l'équilibrage des phases. Elle a dû préalablement solliciter son raccordement Enedis en triphasé pour un coût de 482,46 euros (suivant facture du 24 juillet 2018) , soit un coût total 2 695,66 euros pour permettre le fonctionnement du matériel posé et qu'elle avait déjà réglé.

L'huissier de justice qu'elle a mandaté constate par ailleurs les températures suivantes dans la maison, le chauffage étant en sollicitation maximale :

- salle à manger : 16°,

- salon : 14,5°.

L'huissier constate en outre :

- un historique de messages d'interruption par mise en sécurité du chauffage,

- que la pompe extérieure était fortement bruyante lorsqu'elle était en fonction (60 décibels), le niveau sonore étant audible par le voisinage et depuis l'intérieur de la maison.

Un autre constat était établit le 6 janvier 2023.

L'huissier relevait :

- une température 12° dans l'escalier, de 12,3° dans la chambre sud, de 11,4° dans le coin repas, de 11,4° dans la chambre est, de 11,3° dans le salon, de 15,7° dans la chambre au rez-de-chaussée,

- que les pâles du bloc externe étaient endommagées et fortement bruyantes,

- une plainte par SMS émanant d'une voisine à raison du caractère très fortement bruyant de l'installation,

- la continuation de mise en sécurité du système avec interruptions suite à une série d'alarmes.

L'expert judiciaire a quant à lui relevé :

- que le technicien de la SASU REH n'a émis aucune réserve sur la faisabilité de l'installation des matériels commandés ni leur adaptation aux particularités du logement lors de sa visite fin mai 2018,

- que l'équilibrage des phases réalisé par l'électricien mandaté par Mme [R] [T] [O] n'a aucune incidence sur le fonctionnement de l'équipement,

- un déficit des caractéristiques dimensionnelles des radiateurs et du plancher chauffant, notamment dans les salons,

- que l'installation préconisée par la SASU REH présente un déficit global de puissance de 22,5 kW,

- qu'il est impossible d'obtenir une température de confort de 19° dans la maison et que l'immeuble est en déficit de chauffage de 37% en période hivernale,

- que la pompe est bruyante (73 dB) et que le bruit s'intensifie lorsque le mode dégivrage s'active.

L'expert conclut que la SASU REH a procédé à une mauvaise estimation du bâti et du volume à chauffer, n'a pas vérifié la puissance installée des équipements existants, n'a pas réalisé d'étude thermique pour connaître les déperditions exactes du logement et que ces manques ont conduit à l'impropriété de l'installation réalisée par la SASU REH à sa destination.

L'expert s'est adjoint comme sapiteur thermique le cabinet Études techniques conseils qui a relevé une mauvaise isolation de la maison qui est ancienne. Le cabinet expose que le bon dimensionnement de la pompe à chaleur était primordiale en ce cas. Il constate en conséquence que la pompe préconisée par la SASU REH est moitié moins puissante que ce dont la maison a besoin pour être chauffée à 19°.

La SASU REH ne peut utilement soutenir qu'il appartenait à sa seule cliente, profane en la matière, de procéder à des études thermiques préalables de la maison ainsi que des caractéristiques dimensionnelles des radiateurs et du plancher chauffant.

En sa qualité de professionnelle installatrice de pompe à chaleur et comme relevé par l'expert, il appartenait à la SASU REH de s'assurer de la compatibilité de son matériel avec l'installation électrique de sa cliente, de procéder à une étude thermique et du réseau de radiateurs afin de définir en amont de sa prestation les besoins de l'immeuble compte-tenu de ses caractéristiques, de ses volumes et des déperditions d'énergie afin de proposer une pompe à chaleur présentant une puissance adaptée à tous ces éléments.

Ainsi le matériel posé était :

- incompatible avec l'installation électrique de la maison,

- sous dimensionné pour assurer un chauffage à une température de confort de 19° dans la maison,

- bruyant et s'est avéré par la suite défectueux.

Il s'en infère que l'installation s'avère impropre à sa destination et que dès lors, la SASU REH engage sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme [R] [T] [O], celle-ci justifie avoir dû exposer un dépense de 2 695,66 euros pour permettre le fonctionnement électrique du matériel posé et la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a indemnisée à raison de ce poste de préjudice.

Pour ce qui est des travaux de mise en conformité de l'installation, Mme [R] [T] [O] a confié à la SASU REH l'étude et l'installation d'un système de chauffage fonctionnel de type « pompe à chaleur » pour son logement en substitution de son précédent système de chauffage au fioul, qu'elle a dû déposer et dont il n'est pas contesté qu'il était parfaitement opérationnel.

À cette fin d'une installation adaptée aux caractéristiques exactes du logement et aux prescriptions du plan local d'urbanisme, l'expert a retenu à juste titre un devis du 31 mai 2021 de la SARL GPS et un autre devis du 2 juin 2021 (travaux extérieurs) qui a chiffré les travaux nécessaires à la somme totale de 78 714,50 euros à la date de l'expertise et au titre de la mise en conformité de l'installation de chauffage.

Cette estimation résulte de l'évaluation d'une partie du préjudice résultant de la substitution au système de chauffage préexistant d'un système de chauffage de l'entier logement impropre à sa destination et ne saurait donc être considéré comme un enrichissement sans cause.

S'il est exact que l'évaluation de l'expert et les devis qu'il a retenu sont anciens et que cette estimation peut souffrir de l'augmentation du coût de la vie, la cour ne dispose pas d'éléments permettant de réactualiser ou de modifier cette estimation. Il n'y a pas non plus lieu de substituer l'indice du coût de la construction à l'intérêt légal.

La SASU REH sera donc condamnée à payer la somme de 78 714,50 euros à Mme [R] [T] [O] au titre de la mise en conformité de l'installation de chauffage assortie de l'intérêt légal à compter de la décision de première instance qui sera infirmée dans son estimation de ce poste de préjudice.

En revanche et en ce qui concerne la dépense de rajout de radiateurs, l'expert retient à juste titre que celui-ci n'aurait pour objet que d'améliorer une installation existant antérieurement à l'intervention de la SASU REH, alléguée comme précédemment fonctionnelle mais à laquelle a été raccordé un système de chauffage insuffisamment puissant.

Cette dépense ne présente donc pas de lien avec la garantie due par la SASU REH et la demande de Mme [R] [T] [O] sera rejetée sur ce point.

En ce qui concerne le préjudice de jouissance, Mme [R] [T] [O] a établi son domicile au [Adresse 4] en application du principe du libre choix du domicile personnel. Il n'est établi par aucun élément de la procédure que ce domicile serait fictif ou que celle-ci n'y résiderait pas.

Elle est donc fondée, comme cela a été reconnu à juste titre par la juridiction du premier degré à se prévaloir d'un trouble de jouissance de son logement résultant du déficit de chauffage et des nuisances sonores relevés par l'expert judiciaire, son sapiteur et les procès-verbaux de constat.

Sur la base du préjudice journalier de 65 euros relevé par l'expert et des nuisances relevées à hauteur de 60 jours sur chaque période hivernale, la somme de 15 000 euros sollicitée par Mme [R] [T] [O] au titre de son préjudice de jouissance depuis 2018 apparaît justifiée et la décision entreprise qui a accordé la réparation de ce préjudice de jouissance sur ces bases sera confirmée en son principe mais actualisée.

La SASU REH, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'appel et la décision de première instance, qui avait condamné la SASU REH aux dépens de première instance comprenant les frais de la procédure de référé et de l'expertise judiciaire avec distraction outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée sur ces points.

Il conviendra également d'autoriser le recouvrement direct contre les parties condamnées des dépens dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner la SASU REH Énergie Bâtiment à payer à Mme [X] [R] [T] [O] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SASU REH Énergie Bâtiment à payer à Mme [X] [R] [T] [O] la somme de 37'602,86 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel et la somme de 7 500 euros au titre de la réparation de son préjudice de jouissance avec intérêts légaux à compter du 29 juillet 2022,

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SASU REH Énergie Bâtiment à payer à Mme [X] [R] [T] [O] la somme de 78 714,50 euros au titre de la mise en conformité de l'installation de chauffage assortie de l'intérêt légal à compter du 29 juillet 2022,

Condamne la SASU REH Énergie Bâtiment à payer à Mme [X] [R] [T] [O] la somme de 2 695,66 euros au titre des dépenses imprévues permettant le fonctionnement électrique du matériel,

Condamne la SASU REH Énergie Bâtiment à payer à Mme [X] [R] [T] [O] la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,

Condamne la SASU REH Énergie Bâtiment aux dépens de l'appel et autorise leur recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SASU REH Énergie Bâtiment à payer à Mme [X] [R] [T] [O] la somme de 2 000 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés par cette dernière en appel,

Rejette les autres demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04448
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.04448 ?
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