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04/06/2024 | FRANCE | N°23/03850

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 04 juin 2024, 23/03850


ARRET



















E.A.R.L. LES BATIS





C/



E.A.R.L. DE L'EPINE









OG



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 04 JUIN 2024





N° RG 23/03850 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I3WA

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL JUDICAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 20 JUILLET 2023





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



E.A.R.L. LES BATIS, agissant p

oursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Naldi VARELA FERNANDES de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d'AMIENS,

Plaidant par Me Pierre-Louis OLIVO substituant Me ...

ARRET

E.A.R.L. LES BATIS

C/

E.A.R.L. DE L'EPINE

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 04 JUIN 2024

N° RG 23/03850 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I3WA

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL JUDICAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 20 JUILLET 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

E.A.R.L. LES BATIS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Naldi VARELA FERNANDES de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d'AMIENS,

Plaidant par Me Pierre-Louis OLIVO substituant Me Fabien CHIROLA, avocats au barreau de LILLE

ET :

INTIMEE

E.A.R.L. DE L'EPINE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric MANGEL de la SELARL MANGEL AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Mars 2024 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024.

GREFFIER : Madame Diénéba KONÉ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE , Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 04 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

L'EARL Les Batis est une société d'exploitation agricole à responsabilité limitée gérée par M. [B] [H] et ayant pour activité l'élevage de vaches laitières.

L'EARL de L'Epine est une société d'exploitation agricole à responsabilité limitée gérée par M. [A] [X] ayant pour activité principale la culture de céréales, légumineuses et de graines.

Elle a établi au nom de l'EARL Les Batis trois factures :

- une facture n° 14 en date du 14 septembre 2022 pour la vente de 75 boules de paille de 450 kg pour un montant de 1113,70 euros

- une facture n° 15 en date du 1er janvier 2022 pour la vente de maïs ensillage et 120 boules de 450 kg pour un montant de 5560 euros

- une facture n° 21 en date du 20 novembre 2022 sur la vente de maïs sur pied pour un montant de 16 500 euros.

Par lettre recommandée en date du 9 février 2023 elle a mis en demeure l'EARL Les Batis de lui régler ces trois factures pour un montant total de 23173,70 euros.

Par exploit d'huissier en date du 24 avril 2023, l'EARL de L'Epine a fait assigner en référé l'EARL Les Batis devant la présidente du tribunal judiciaire de Saint-Quentin aux fins de la voir condamner par provision à lui payer le montant des factures outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure ainsi qu'une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture impayée et une somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement.

Elle a en outre sollicité une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

Par ordonnance de référé en date du 20 juillet 2023, la présidente du tribunal judiciaire de Saint-Quentin a condamné L'EARL Les Batis à payer à la SARL de L'Epine la somme de 23 173,10 euros par provision ainsi qu'une somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Mangel Avocats.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 16 août 2023, l'EARL Les Batis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions remises le 20 décembre 2023, l'EARL Les Batis demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris du chef de ses condamnations et statuant de nouveau de dire n'y avoir lieu à référé l'existence de son obligation au paiement se heurtant à de multiples contestations sérieuses. Elle demande ainsi que l'EARL de L'EPine soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et frais exposés à hauteur d'appel.

Aux termes de ses conclusions remises le 5 mars 2024, l'EARL de L'Epine demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé et y ajoutant de condamner l'EARL Les Batis au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ainsi qu'au paiement des entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2024.

SUR CE,

Le premier juge a retenu qu'en matière de vente de produits agricoles et notamment d'aliments pour bétail il est d'usage que les contrats soient conclus verbalement et sans écrit et qu'ainsi l'absence de contrat écrit entre les parties n'impliquait pas l'absence de contrat conclu entre elles.

Il a considéré que les messages électroniques échangés entre les parties constituaient une preuve suffisante de l'engagement de l'EARL Les Batis de régler les factures litigieuses et a relevé que ces factures n'ont pas été contestées à réception ou ultérieurement et jugé qu'en conséquence l'obligation au paiement de l'EARL Les Batis n'était pas sérieusement contestable.

L'EARL Les Batis soutient que depuis plusieurs décennies l'EARL de L'Epine lui donnait des plants de maîs en grains verts inexploitables dans le cadre de son activité de vente en grain mais qui pour elle servait de fourrage afin de nourrir son cheptel et ce en contrepartie du

prêt de matériel agricole.

Elle précise ainsi avoir prêté à l'EARL de L'Epine jusqu'en octobre 2022 une faucheuse agricole, un plateau fourrager, une faneuse agricole et une benne agricole avec remorque autopilotée.

Elle fait valoir que brutalement destinataire de trois factures déposées dans la boîte aux lettres de son représentant M. [H], celui-ci a invité en vain le représentant de l'EARL de L'Epine pour s'expliquer sur ces factures et le revirement de situation après trente ans d'échanges et faire le compte entre les parties s'estimant légitime à facturer dès lors le prêt de matériel.

Elle soutient qu'il existe des contestations sérieuses tenant à l'existence même d'un accord contractuel et à l'absence de toute acceptation formelle.

Elle fait valoir qu'outre l'incohérence dans la numération et les dates des factures il n'existe aucun écrit préalable nécessaire en application de l'article L 631-24 du code rural dans sa version applicable du 20 octobre 2021 au 1er avril 2023 selon lequel tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu sous forme écrite le principe étant la contractualisation et le contrat verbal l'exception depuis la loi Egalim 2 du 18 octobre 2021.

Elle fait observer que l'EARL de L'Epine qui est dans l'obligation de prouver l'existence de sa créance par écrit ne produit que des factures par elle établies et un échange de sms ce qui est insuffisant à établir cette créance.

Elle soutient par ailleurs que les sms ont une valeur probatoire toute relative dès lors que le constat du commissaire de justice fait l'économie d'une vérification détaillée du paramétrage des messages et du cache de l'appareil et qu'il n'est pas justifié que l'échange ait été établi dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

Elle fait valoir que ces sms ne peuvent constituer qu'un commencement de preuve par écrit insuffisant pour prouver de surcroît une acceptation claire et non équivoque d'un contrat entre les parties.

Elle ajoute qu'en tout état de cause les messages ne constituent à aucun moment une quelconque reconnaissance d'une obligation au paiement litigieux mais au contraire démontrent la volonté d'établir de nouvelles bases d'une relation commerciale.

L'EARL de L'Epine soutient que l'EARL Les Batis a passé commande auprès d'elle de marchandises agricoles, maïs sur pied et boules de paille et que malgré plusieurs relances elle reste redevable de trois factures.

Elle indique qu'elle justifie des sommes dues par l'EARL Les Batis et que les prestations dont il est demandé le paiement ont été régulièrement exécutées sans qu'aucune contestation ne soit portée.

Elle conteste l'argumentation désormais portée par l'EARL Les Batis selon laquelle celle-ci lui aurait prêté du matériel agricole contre la fourniture de marchandises agricoles et fait observer que l'EARL de l'Epine n'a jamais contesté avoir reçu les marchandises ni les avoir commandées et n'a jamais contesté devoir les régler estimant devoir faire les choses en bonne et due forme.

Elle rappelle que les sms sont une moyen de preuve recevable et qu'ils constituent à tout le mois un commencement de preuve par écrit.

Elle soutient que le constat de commissaire de justice fait preuve du respect des dispositions de l'article 1366 du code civil en identifiant l'inter locuteur et le fait que les échanges sont établis et conservés dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

Elle soutient par ailleurs que la contractualisation par écrit de la vente de produits agricoles n'est applicable qu'aux ventes de produits destinés à la revente en l'état ou à la transformation en vue de sa revente et qu'au demeurant la loi Egalim 2 n'était pas entrée en vigieur à la date des factures litigieuses excepté pour les ventes de bovins, porcs, lait de vache et de chèvre cru.

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable accorder une provision au créancier.

En l'espèce, il n'est pas justifié par les parties de la nature de leurs relations dans les années précédentes et notamment il n'est établi ni les échanges habituels de matériels agricoles contre des produits agricoles, ni la facturation habituelle de produits agricoles.

La loi Egalim 2 et l'article L 631-24 du code rural n'avaient vocation à s'appliquer que pour les ventes de produits destinés à la revente ou la transformation en vue de la revente avec l'application de surcroît de différents seuils.

Il échet d'observer qu'en l'espèce il n'est produit aucune commande préalable aux factures.

Ces factures dont le paiement est refusé n'ont pas été établies dans un ordre chronologique la facture n° 15 portant une date plus ancienne que la facture n° 14.

L'obligation au paiement de la SARL Les Batis ne repose que sur des échanges de sms dont la valeur probatoire est discutée.

Toutefois, il est versé aux débats un constat de commissaire de justice qui permet d'authentifier l'appareil à l'origine de l'envoi des messages et leur destinataire mais également le récepteur des messages et le contact à l'origine de l'envoi.

Au demeurant, le représentant de la société Les Batis ne conteste pas avoir reçu les messages et ne conteste pas la teneur des messages en retour suggérant simplement qu'ils pouvaient avoir été envoyés par son épouse ce que dément la nature et le nombre de ces messages.

Il n'y a pas lieu d'écarter ces messages des débats et au contraire il convient de les retenir comme moyen de preuve.

Ces messages établissent de manière évidente qu'au mois de novembre 2022 les parties avaient convenu de l'achat de maîs par l'EARL Les Batis, que la société de L'Epine devait lui facturer.

Il est versé aux débats une facture du 20 novembre 2022 portant sur 10 ha de maïs pour 16500 euros.

Le représentant de l'EARL Les Batis ne va jamais contester devoir payer le maïs demandant le RIB de son interlocuteur, proposant un virement que la société de L'Epine attendra en vain et répondant en janvier 2023 à l'interpellation selon laquelle il avait dit qu'il paierait le maïs : 'Oui je tiens ma parole'.

Ainsi, le représentant de l'EARL Les Batis a reconnu être obligé au paiement du maïs et n'a pas contesté la facture établie en novembre 2022.

Il a simplement entendu que des comptes soient faits entre les parties.

Il ne s'explique pas cependant sur le montant de la créance qu'il considère détenir contre l'EARL de l'Epine.

Au regard de ces éléments qui établissent simplement la créance due par l'EARL Les Batis au titre de la facture en date du 20 novembre 2022, il convient de faire droit à la demande de provision formée par l'EARL de l'Epine mais de limiter le montant de la provision à la facture du 20 novembre 2022 corrrespondant aux échanges intervenus entre les parties, soit la somme de 16 500 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de confirmer la décision entreprise du chef des dépens et des frais irrépétibles et de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

Il convient de juger n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décisoon au greffe,

Confirme la décision entreprise excepté sur le quantum de la provision accordée ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne l'EARL Les Batis à verser à l'EARL de L'Epine une provision de 16 500 euros correspondant au montant en principal de la seule facture du 20 novembre 2022 ;

Y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera ses propres dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/03850
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.03850 ?
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