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30/05/2024 | FRANCE | N°23/02369

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 30 mai 2024, 23/02369


ARRET

























S.A.S. INFUSEO









C/







S.E.L.A.R.L. HERBAUT-PECOU

LA PROCUREURE GÉNÉRALE













VD





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 30 MAI 2024





N° RG 23/02369 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IY22





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 16 MAI 2023
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APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :







APPELANTE







S.A.S. INFUSEO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[A...

ARRET

S.A.S. INFUSEO

C/

S.E.L.A.R.L. HERBAUT-PECOU

LA PROCUREURE GÉNÉRALE

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 30 MAI 2024

N° RG 23/02369 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IY22

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 16 MAI 2023

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. INFUSEO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Louis TELLIER, de la SELARL ALPHA LEGIS, avocat au Barreau de SAINT MALO ' DINA

ET :

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. HERBAUT-PECOU ès qualités de liquidateur de la Société HERMES BOISSONS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me Gregory FLYE substituant La SELARL BERTHAUD & Associés, avocats au barreau de Beauvais, avocat plaidant.

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ

MINISTERE PUBLIC : Monsieur Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Le 30 Mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

La société Hermes Boissons (le bailleur), ayant pour objet social le conditionnement, l'emballage et le stockage de jus réfrigérés, de produits à base de gaspacho et autres boissons non alcolisées, est propriétaire d'un site industriel situé au [Adresse 2] dans lequel elle développe la production de jus de fruits.

Suivant acte sous seing privé du 1er mars 2022, elle a donné à bail à la société Infuseo (le locataire) ayant comme activités « Eaux et thés infusés à base de fruits, légumes et plantes aromatiques », une partie des locaux, à savoir un local de type laboratoire destiné à la préparation de produits alimentaires de 180 m² environ, un espace de stockage froid de 150 m² environ, de stockage emballage de 30 emplacements palettes, un bureau de production de 30 m², un bureau à l'étage de 15 m² et 12 vestiaires individuels, aux fins d'activité de production, de préparation à base de fruits et légumes, de boissons infusées à base de végétaux et leur stockage, moyennant un loyer hors taxes et hors charges de 27600 euros par an.

Le bail prévoyait la possibilité de sous-location au profit de la SAS Mandoline ayant le même président et comme activités « L'achat, la transformation, la vente, l'entreposage, l'importation et l'exportation par tous moyens, à destination de tout type de clientèle, de tous produits, biens de consommation et d'équipement non règlementés. »

Il stipulait une franchise de loyers de 3 mois de mars à mai pour permettre au locataire de préparer son installation dans les locaux.

Par jugement du 13 septembre 2022, le bailleur a été placé en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 4 mars 2022.

Puis par jugement du 18 novembre 2022 la procédure a été convertie en liquidation judiciaire autorisant le maintien de l'activité jusqu'au 22 novembre 2022.

Par courriel du 29 novembre 2022, la société Infuseo a sollicité du liquidateur le rétablissement de l'eau et de l'électricité.

Le liquidateur judiciaire a saisi le juge-commissaire d'une demande de résiliation du bail au motif qu'il ne pouvait assurer les facilités liées au bail, notamment la chambre froide, devant couper l'alimentation du site en eau et électricité du fait du manque de trésorerie.

Par ordonnance du 3 janvier 2023, le juge-commissaire, saisi par le liquidateur, a prononcé la résiliation du bail par application de l'article L.641-11-1 du code de commerce.

Par jugement du 16 mai 2023, le tribunal de commerce de Beauvais, saisi de l'opposition à cette ordonnance, a confirmé l'ordonnance et dit que les dépens resteront à la charge de la société Infuseo.

Le preneur à bail a formé appel de cette décision en toutes ses dispositions et par conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2023 demande à la cour de :

-réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant de nouveau,

-dire n'y avoir lieu à autoriser le liquidateur à résilier le bail commercial,

-débouter la SELARL HERBAUT PECOU ès qualités en toutes ses demandes,

-la condamner ès qualités à lui payer 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la SELARL HERBAUT PECOU ès qualités aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Aurélie GUYOT en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le mandataire liquidateur, par conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2024, demande à la cour, au visa des articles L.641-11 4ème du code de commerce et L.622-24 du même code, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, au visa de l'article L.622-26 du même code de constater que la société Infuseo n'a pas déclaré sa créance au passif de la liquidation dont fait l'objet la société Hermes Boissons et en tout état de cause débouter la société Infuseo, de toutes ses demandes et condamner la même à lui verser 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl LX Amiens Douai qui a avancé la plupart en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le ministère public, par avis du 4 août 2023 notifié aux parties, requiert la confirmation du jugement entrepris, la société bailleresse qui n'avait plus les moyens d'assurer la sécurité et le fonctionnement du site s'étant trouvée dans la nécessité de résilier le bail.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2024.

SUR CE,

L'article L.641-11-1, IV du code de commerce permet au juge-commissaire, à la demande du liquidateur, de prononcer la résiliation d'un contrat si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du contractant.

Ces deux critères ont un caractère cumulatif selon la cour de cassation (Com. 7 octobre 2020, 19-10685).

La locataire fait valoir d'une part que la première condition n'est pas démontrée ; que le liquidateur ne démontre pas que la poursuite du bail était impossible ni qu'elle était de nature à compromettre la cession de l'entreprise ou de l'actif immobilier ; que plus précisément le liquidateur ne démontre pas ne pas avoir eu les moyens financiers de poursuivre les abonnements d'eau et d'électricité a minima pour qu'elle poursuive son activité sur une partie du site, les assurances et la surveillance du site, dans l'attente de sa cession, étant précisé que les abonnements en fluides sont restés actifs et que le site est resté sous la surveillance d'une entreprise de gardiennage jusqu'à sa cession au groupe Intermarché et qu'elle soupçonne le liquidateur d'avoir souhaité présenter le site industriel libre de tout occupation en vue de sa cession.

Elle fait valoir d'autre part que la résiliation du bail a eu pour elle-même et sa sous-locataire et sous-traitante la société Mandoline des conséquences excessives du fait de la perte de sa propriété commerciale en ce compris son droit de préemption en cas de cession du site, l'interruption brutale de la production sur son unique site de production qui avait été choisi en raison de la présence d'une machine HPP permettant la conservation par haute pression, la nécessité de retrouver un local de production en urgence largement plus onéreux, avec frais de déménagement et réaménagement dans le Loir-et-Cher et nécessité de rachat de matériel et des frais de logistiques plus importants du fait de l'éloignement géographique du nouveau sous-traitant, la perte de ses clients par la société Mandoline et sa nécessité de licencier tous ses employés qui n'avaient pas démissionnés du fait de l'arrêt total de son activité.

Elle précise qu'elle espérait que le bail se poursuivre pour pouvoir continuer son activité, quitte le cas échéant à engager des pourparlers avec le nouveau propriétaire et de négocier une indemnité au cas où il aurait souhaité qu'elle quitte le site.

Le liquidateur rétorque que :

Les opérations de liquidation nécessitaient la résiliation du bail dès lors que l'arrêt de l'activité de la société Hermes boissons imposait la mise en arrêt de l'ensemble de la chambre froide de 2 à 3000 m² qui n'était occupée qu'à hauteur de 10% par la société Infuseo, le licenciement du personnel et la sécurisation du site classé ICTE par la purge et l'évacuation pour traitement des produits dangereux tels que l'ammoniac et le glycol, et que l'absence de trésorerie ne permettait pas de faire face au coût des factures d'énergie, entraînant de facto la coupure de l'eau et de l'électricité, ce dont il a avisé la société Infuseo

La société Infuseo ne démontre aucunement les conséquences excessives qu'elle allègue : le contrat de bail exclut le droit de préemption en cas de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux, elle n'a jamais manifesté d'intérêt pour la reprise du site ni justifié d'une déclaration de créance au titre d'une indemnité de résiliation ou d'éviction ; elle ne justifie pas de conséquence dommageable pour son activité qui n'avait débuté qu'en juin 2020 ; elle a pu retrouver très rapidement un local de production et ne justifie pas de la nécessité de racheter du matériel ; en tout état de cause elle n'aurait pu continuer à produire du fait de l'arrêt inéluctable de la chambre froide ; aucune clientèle n'était rattachée au site de production de Hermes son siège social étant à [Localité 6] ; la société Infuséo a transféré son activité sans réel impact pour son chiffre d'affaires ; l'activité de la société Mandoline est étrangère au débat.

C'est à juste titre que le premier juge a considéré que les deux conditions étaient remplies de sorte que le juge-commissaire avait pu valablement prononcer la résiliation du bail.

En effet, aux termes du jugement du 18 novembre 2022 convertissant la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la société Hermes boissons était contrainte de cesser toute activité à partir du 23 novembre 2022. Cette cessation imposait dès lors l'arrêt du fonctionnement de la chambre froide et du système de climatisation, la liquidation ne pouvant assumer financièrement, pour le site dans son entier, la charge d'abonnement et de fourniture des fluides, de surveillance et de maintenance des réseaux de fluides qui pour certains étaient polluants, sur une surface de plusieurs milliers de mètres carrés pour assurer la continuité de la seule exploitation par la société Infuséo qui n'occupait que 10% de la surface des locaux du site qui étaient indivisibles.

Par ailleurs, la société Infuseo ne démontre pas les conséquences excessives qu'elle déplore dans la mesure où elle ne produit aucunement les contrats de sous-location et de sous-traitance avec la société Mandoline, qu'en tout état de cause seule cette dernière a licencié en décembre 2022 du personnel de production dont il n'est au demeurant pas justifié qu'il était employé sur le site d'Hermes, les seuls établissements figurant au registre du commerce de ces deux entreprises étant situés à Rungis et les employés étant tous domiciliés à proximité, que la société Infuseo a retrouvé un local de production en sous-louant le 1er juin 2023 une partie des locaux à la société HPP centre dans le Loir-et-Cher à laquelle elle a sous-traité dès mi-décembre 2022 sa production des eaux infusées ; qu'elle ne démontre pas de perte d'exploitation ; qu'elle ne démontre pas de coût de production plus important du fait du transfert de sa production, le prix du nouveau loyer étant toutes charges comprises notamment d'eau et d'électricité comprises ce qui n'était pas le cas auparavant.

La résiliation du bail s'imposant donc du fait de la liquidation judiciaire de la société Hermes boissons, et n'entraînant pas de conséquences excessives pour la société Infuseo, de sorte que le jugement entrepris devra être confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute la société Infuseo de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à verser 5000 euros sur le même fondement à la SELARL HERBAUT PECOU ès qualités de mandataire liquidateur de la société Hermes boissons ainsi qu'aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de la Selarl LX Amiens Douai pour ceux qu'elle a avancés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/02369
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.02369 ?
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