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30/05/2024 | FRANCE | N°21/02432

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 30 mai 2024, 21/02432


ARRET

























S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS









C/







[V]

[P]

S.E.L.A.R.L. BRUNO RAULET













OG



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 30 MAI 2024





N° RG 21/02432 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IC56

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON EN DATE DU 02 MARS 2021

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PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]



Représentée par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d...

ARRET

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

C/

[V]

[P]

S.E.L.A.R.L. BRUNO RAULET

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 30 MAI 2024

N° RG 21/02432 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IC56

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON EN DATE DU 02 MARS 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Christofer CLAUDE, avocat au Barreau de PARIS

ET :

INTIMES

Monsieur [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Signifié à personne, le 01/07/21

Madame [B] [P] épouse [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Signifié à domicile , le 01/07/21

S.E.L.A.R.L. BRUNO RAULET agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [M] [V]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS et ayant pour avocat

plaidant Me Jessica WOZNIAK-FARIA, avocat au barreau de REIMS

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 30 Mai 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe

Le 30 Mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

Selon contrat en date du 5 septembre 2012 la Caisse d'épargne Lorraine Champagne Ardenne a accordé à M. [M] [V] et Mme [B] [V] née [P] un prêt immobilier d'un montant de 110 000 euros au taux de 4,75 %.

La Compagnie européenne de garanties et cautions ( CEGC) s'est portée caution solidaire des époux [V] pour la totalité du prêt.

A la suite d'échéances impayées, la Caisse d'épargne a prononcé la déchéance du terme par courriers recommandés en date du 22 juillet 2014 puis mis en oeuvre le cautionnement garanti par la CEGC qui lui a réglé le montant de sa créance soit 91 963,89 euros selon quittance subrogative du 25 février 2015.

Par courriers recommandés en date du 2 mars 2015, la CEGC a mis en demeure les époux [V] de lui régler la somme de 98 441,04 euros.

Par acte en date du 18 janvier 2016, la CEGC a fait assigner les époux [V] devant le tribunal de grande instance de Laon qui, par un jugement en date du 25 avril 2017, a condamné solidairement les époux [V] à lui payer la somme de 94 512,52 euros avec intérêts au taux conventionnel de 3,150% sur la somme de 91 963,89 euros à compter du 2 mars 2015.

Toutefois, M. [V] exerçant une profession de commerçant avait été placé en redressement judiciaire le 11 juin 2013, procédure convertie en liquidation judiciaire le 11 juin 2014.

Par exploit d'huissier en date du 19 mars 2019, la SCP Bruno Raulet ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [V] a formé une tierce opposition au jugement en date du 25 avril 2017 sollicitant sa rétractation totale et la mainlevée de l'hypothèque inscrite sur le bien immobilier des époux [V] par la CEGC ainsi que du commandement aux fins de saisie immobilière délivré à l'encontre des époux [V] par la CEGC.

Par jugement en date du 2 mars 2021 le tribunal judiciaire de Laon a dit la tierce opposition du liquidateur judiciaire recevable et bien fondée et statuant à nouveau a débouté la CEGC de l'ensemble de ses demandes, a déclaré la décision opposable à l'ensemble des parties, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir quant à la demande de mainlevée des inscriptions hypothécaires et du commandement aux fins de saisie immobilière et enfin a condamné la CEGC aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 avril 2021, la CEGC a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 12 janvier 2022 et signifiées aux époux [V] le18 janvier 2022 par acte d'huissier remis en l'étude, la CEGC demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant de nouveau, à titre principal de débouter la SCP Bruno Raulet de sa demande de rétractation, la dette ayant été souscrite à titre personnel par les époux [V], à titre subsidiaire s'agissant de M. [V] de prononcer non pas le débouté mais l'irrecevabilité de sa demande à l'encontre de M. [V] et s'agissant de Mme [V] de rejeter partiellement la rétractation en ce que la rétractation ne peut avoir pour effet de remettre en cause le jugement de chef de la condamnation de Mme [V].

En tout état de cause, elle demande le débouté de l'appel incident formé par la SCP Bruno Raulet et de condamner la SCP Bruno Raulet à lui payer une somme de 3500 euros sur le fondement de l'artice 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions remises le 14 octobre 2021 signifiées aux époux [V] le 25 octobre 2021 par acte d'huissier remis en l'étude et de ses dernières conclusions remises le 29 juillet 2022, la SELARL Bruno Raulet ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [V] demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit recevable et bien fondée sa tierce opposition et débouté la CEGC de ses demandes, dit la décision opposable aux parties et condamné la CEGC aux entiers dépens mais y ajoutant d'ordonner la rétractation du jugement du 25 avril 2017 en toutes ses dispositions, de suspendre l'exécution du jugement du 25 avril 2017 et déclarer la CEGC irrecevable en toutes ses demandes.

Elle demande, par ailleurs, que la décision entreprise soit infirmée en ce que les parties ont été renvoyées à mieux se pourvoir sur les demandes de mainlevée des inscriptions hypothécaires et du commandement aux fins de saisie immobilière et en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau d'ordonner la mainlevée des inscriptions suivantes :

- une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire enregistrée le 25 janvier 2016 sous le numéro 2016V n°87 en garantie d'une créance en principal de 105 000 euros selon ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de Laon

- une hypothèque judiciaire définitive enregistrée le 4 septembre 2017 sous le numéro 2017 V n° 1226 en garantie d'une créance en principal de 101 750,71 euros selon jugement du tribunal de grande instance de Laon du 25 avril 2017

- un commandement de payer valant saisie immobilière publié au service de la publicité foncière le 24 octobre 2018 sous le n° 2019D n°7232

et ce aux frais exclusifs de la CEGC sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

Elle demande, en outre, la condamnation de la CEGC à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et une somme de 4000 euros pour ceux exposés en appel et sa condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La déclaration d'appel a été notifiée aux époux [V] par acte d'huissier de justice en date du 1er juillet 2021 remis à personne pour M. [V] et à domicile pour Mme [V].

Les époux [V] n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2023.

SUR CE,

Il convient de relever que la recevabilité de la tierce opposition du liquidateur judiciaire n'est plus discutée à hauteur d'appel.

En application de l'article 582 du code de procédure civile, la tierce opposition remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique pour qu'il soit à nouveau jugé en fait et en droit

Le jugement du 25 avril 2017 dont la rétractation est sollicitée a fait droit au recours personnel de la caution à l'encontre des codébiteurs solidaires dans l'ignorance de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de l'un des débiteurs.

Il convient de relever qu'en l'espèce la caution a procédé au paiement de la dette après l'ouverture de la procédure collective à l'égard de M. [V] et qu'il n'a pas été procédé par le créancier, la caisse d'épargne, à une déclaration de sa créance ni par la caution elle-même au titre de son recours personnel, étant rappelé que la créance de remboursement de la caution nait au jour de son engagement et non au jour du paiement.

En application de l'article L 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers de créances antérieures tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Cette règle de l'arrêt des poursuites individuelles consécutives à l'ouverture d'une procédure collective constitue une fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause.

En l'espèce, au regard de la date d'ouverture de la procédure de liquidation de M. [V] il ne peut être tenu compte que d'une unicité de patrimoine et la dette bien que souscrite pour les besoins personnels des époux [V] est soumise à l'arrêt des poursuites.

Dès lors, le jugement entrepris en date du 2 mars 2021 doit être infirmé en ce que rétractant le jugement du 25 avril 2017 il a purement et simplement débouté la CEGC de ses demandes.

S'agissant du recours personnel de la caution à l'encontre du débiteur en procédure collective M. [V], l'action était à ce stade irrecevable, quand bien même le créancier et la caution n'auraient pas été informés de l'ouverture de la procédure étant observé qu'ils ont été déboutés de leur relevé de forclusion.

S'agissant de Mme [V] qui est à la fois l'épouse in bonis commune en bien et la débitrice de la CEGC, il convient de relever qu'en application des articles 1413 et 1418 du code civil figurent à l'actif de la procédure collective les biens propres du débiteur et les biens communs à l'exception des biens propres du conjoint in bonis.

Dès lors, si le créancier du conjoint in bonis entend poursuivre les biens communs il est également tenu à la déclaration de sa créance au passif de la procédure collective du conjoint et est également frappé par l'arrêt des poursuites.

L'absence de cette déclaration a pour conséquence l'interdiction pour le conjoint in bonis de régler sa créance personnelle avec les deniers ou biens communs.

En revanche, le créancier est fondé à poursuivre le règlement de sa créance sur les biens propres du conjoint in bonis.

Ainsi, la caution était recevable à obtenir un titre et une condamnation à l'encontre de Mme [V].

Seule l'exécution de cette condamnation sur les biens communs ne pouvait intervenir.

Dès lors, contrairement aux allégations de la CEGC, le liquidateur avait bien intérêt à agir en rétractation du jugement qui condamnait Mme [V] au paiement de sa créance afin que celle-ci lui soit inopposable et que durant la procédure de liquidation judiciaire aucune poursuite ne puisse intervenir sur les biens communs des époux.

Le jugement entrepris ne pouvait ainsi pas purement et simplement débouter la CEGC de sa demande formée à l'encontre de Mme [V].

Il convenait simplement de maintenir la condamnation personnelle de Mme [V] en précisant que cette décision ne pourrait être exécutée sur les biens communs.

La décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant, le jugement primitif conservant ses effets entre les parties, même des chefs annulés.

Le seul effet d'une tierce opposition est de rendre la décision attaquée inopposable au tiers opposant.

Toutefois, la chose jugée sur tierce opposition l'est à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties soit si l'exécution des deux décisions simultanément est impossible juridiquement.

Dès lors, il convient de rétracter le jugement entrepris sur les chefs préjudiciables au liquidateur qui sont la condamnation solidaire des époux au paiement du créancier postérieurement à l'ouverture de la procédure collective au mépris de la règle de l'article L 622-21 du code ce commerce et statuant à nouveau de dire irrecevable l'action de la CGEC à l'égard de M. [V] et de maintenir la condamnation de Mme [V] en précisant qu'elle ne pourra être exécutée sur les biens communs dès lors que la CEGC peut poursuivre Mme [V] sur ses biens propres, ces dispositions étant opposables à l'ensemble des parties.

L'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question relativement à son auteur des points jugés qu'elle critique et n'autorise pas les parties à former des demandes nouvelles

Il convient de relever que la juridiction ayant rendu le jugement du 25 avril 2017 n'avait aucunement statué sur les mainlevées sollicitées par le liquidateur dans le cadre de l'instance en rétractation, ni sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En conséquence ces demandes doivent être déclarées irrecevables et le jugement confirmé par substitution de motif .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel et de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision rendue par défaut par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable la tierce opposition du liquidateur ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevable la demande en paiement formée par la CEGC à l'encontre de M. [M] [V] ;

Maintient la condamnation de Mme [B] [P] épouse [V] au paiement à la CEGC de la somme de 94 512,52 euros avec intérêts au taux conventionnel de 3,150% sur la somme de 91 963,89 euros à compter du 2 mars 2015 ;

Dit que cette condamnation ne pourra être exécutée sur les biens communs soumis à la procédure collective ;

Dit ces dispositions opposables à l'ensemble des parties ;

Dit irrecevables les demandes formées au titre de la mainlevée des mesures hypothécaires et du commandement de payer aux fins de saisie immobilière et au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/02432
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.02432 ?
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