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23/05/2024 | FRANCE | N°22/05250

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 23 mai 2024, 22/05250


ARRET

























S.A. AXERIA IARD









C/







S.A.S. MENNET













OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 23 MAI 2024





N° RG 22/05250 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITWY





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 08 NOVEMBRE 2022







PARTIES EN

CAUSE :





APPELANTE



S.A. AXERIA IARD agissant poursuites et diligence s de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas CROZIER ...

ARRET

S.A. AXERIA IARD

C/

S.A.S. MENNET

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 23 MAI 2024

N° RG 22/05250 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITWY

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 08 NOVEMBRE 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. AXERIA IARD agissant poursuites et diligence s de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas CROZIER substituant Me Fabrice de COSNAC de la SCP RAFFIN et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. MENNET agissant poursuites et diligence s de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

Ayant pour avocat plaidant Me Raphaël CATHOU substituant Me Juliette BARRÉ de la SCP Normand & Associés, avocats au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Diénéba KONÉ

PRONONCE :

Le 23 Mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Malika RABHI, Greffier.

DECISION

La société Mennet, créée le 1er décembre 2017, exploite en qualité de franchisé un restaurant Quick situé à [Localité 3].

Pour les besoins de son activité elle a souscrit auprès de la SA Axeria IARD une police d'assurance n° CIRDE052538 dénommée Agapes.

Par exploit d'huissier en date du 9 février 2021, la société Mennet a fait assigner la SA Axeria Iard devant le tribunal de commerce de Compiègne aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses pertes d'exploitation subies à compter du 15 mars 2020 dans le cadre des mesures intervenues durant la crise sanitaire en fondant sa demande à titre principale sur la garantie dite 'Tout risque sauf' et à titre subsidiaire au titre de la clause d'extension de garantie prévue en cas d'impossibilité d'accès.

Par jugement en date du 8 novembre 2022, le tribunal de commerce de Compiègne a dit la société Mennet recevable et bien fondée en sa demande de garantie au titre de la perte d'exploitation, a dit que le plafond de l'indemnisation était fixé à 18 mois maximum et 100% du chiffre d'affaires, a ordonné une expertise judiciaire à l'effet d'évaluer l'indemnisation au titre des pertes d'exploitation et enfin a condamné la SA Axeria Iard à payer à la société Mennet une provision d'un montant de 10000 euros .

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 1er décembre 2022, la SA Axeria Iard a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions remises le 26 février 2024, la SA Axeria Iard demande à la cour d'infirmer la décision entreprise et statuant de nouveau, à titre principal de rejeter la demande fondée sur la garantie 'tout risque sauf' ainsi que celle fondée sur l'existence d'une impossibilité d'accès et de débouter la société Mennet de l'ensemble de ses demandes et à titre subsidiaire de considérer que les exclusions contractuelles de garantie doivent conduire à rejeter ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire elle demande de fixer la perte d'exploitation de la société Mennet à la somme de 66536 euros et de faire application d'une décote de 40% en application de la clause 'tendances générales' et de la prise en compte des facteurs extérieurs ainsi que de la franchise d'un montant de 1375 euros et de limiter en conséquence l'indemnisation à la somme de 38546,60 euros.

Elle demande en toute hypothèse la condamnation de la société Mennet au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions remises le 29 janvier 2024, la société Mennet demande à la cour de confirmer le jugement entrepris à titre principal en application de la garantie 'Tous risques sauf' avec un plafond d'indemnisation de 18 mois maximum 100% du chiffre d'affaires et la fixation de la période garantie du 15 mars 2020 à la réouverture sans restriction du fonds de commerce puis du 19 octobre 2020 à la réouverture sans restriction du fonds de commerce pour la seconde période et à titre subsidiaire en application de l'extension de garantie ' Impossibilités d'accès'.

En tout état de cause elle demande la condamnation de la SA Axeria Iard à lui payer une indemnité de 66536 euros et la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2024.

SUR CE

Sur la nature du contrat d'assurance

La société Axeria Iard soutient que le contrat d'assurance souscrit par la société Mennet est un contrat de gré à gré qui a été négocié par le courtier en assurances Gras Savoye pour le compte d'un groupe de restauration Agapes Restauration et dont il a fait bénéficier ensuite les franchisés Burger King ex Quick et que cela résulte de l'en-tête des conditions particulières de la police et des termes d'un courrier de la société Gras Savoye indiquant être le rédacteur de la police et du courrier adressé aux souscripteurs de la police Agapes indiquant que le texte de garantie s'appuiera désormais sur un texte contractuel de la compagnie.

Elle considère qu'en conséquence ce contrat doit s'interpréter en faveur du débiteur de l'obligation et donc de l'assureur.

La société Mennet soutient pour sa part qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion estimant qu'il n'est pas justifié que la police a été négociée par le courtier représentant les intérêts de la société Mennet et que l'intermédiation d'un courtier n'a pas pour conséquence de transformer un contrat d'adhésion en contrat de gré à gré.

Elle ajoute que l'ensemble des documents contractuels ont été établis par la seule société Axeria à l'égard de la société Mennet et d'autres restaurateurs et que la société n'a pas eu la faculté de négocier librement les termes du contrat et n'a pas donné mandat pour le faire au courtier.

Elle fait observer que l'intitulé même de la police démontre que cele-ci a été créée pour le groupe Agapes avec lequel la société Mennet n'a aucun lien et qu'en conséquence les conditions générales et particulières ont été soustraites à la négociation et déterminées à l'avance par Axeria.

Le contrat d'adhésion, par opposition au contrat de gré à gré qui est un contrat dont les stipulations sont librement négociées entre les parties, est le contrat dont le contenu est déterminé par l'une des parties et imposé à l'autre ou en tout état de cause celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties.

En l'espèce, si la société Mennet a fait appel à un courtier en assurance la société Gras Savoye pour être conseillée et si le devis a été établi sur la base d'une proposition du courtier et si les conditions particulières portent la désignation de la société Gras Savoye, il n'est aucunement contesté que la police d'assurance AGAPES souscrite auprès d'Axeria proposé à la société Mennet par le courtier car adapté à l'activité professionnelle assurée n'a pas été négociée par ou pour la société Mennet mais négociée par la société Gras Savoye pour le compte d'un groupe de restauration sans aucun lien avec la société Mennet. Cette dernière s'est vue simplement proposer la police d'assurances sans qu'il soit aucunement établi qu'elle ait été en mesure de discuter les clauses de cette police ni que ces clauses aient été négociées à son intention par le courtier.

Il s'agissait dès lors bien pour la société Mennet d'un contrat d'adhésion.

Sur la garantie 'Tous risques sauf'

La SA Axeria Iard soutient qu'en retenant que le dommage déclaré par la société Mennet était un dommage matériel les premiers juges ont dénaturé son argumentation dès lors qu'elle n'a fait état que de pertes d'exploitation consécutives aux décisions administratives restreignant l'accès à son établissement.

Elle soutient que la garantie 'Tous risques sauf' est subordonnée pour son application à la survenance préalable d'un dommage matériel ainsi qu'il résulte de l'objet du contrat selon lequel sont garantis les dommages matériels causés aux biens garantis et les pertes d'exploitation consécutives à ces dommages matériels sauf application des exclusions énoncées.

Elle ajoute que les dispositions spécifiques de la garantie pertes d'exploitation confirment la volonté des parties de circonscrire la mise en oeuvre de la garantie pertes d'exploitation à la survenance d'un dommage matériel.

Elle fait valoir qu'en l'espèce la garantie n'a vocation à s'appliquer qu'en présence d'un dommage matériel non exclu alors que la société Mennet ne fait état d'aucun dommage matériel.

La société Mennet fait valoir qu'il convient de distinguer les garanties dénommées dont l'objet est énoncé grâce à une liste d'activités d'évènements ou de dommages qui sont présumés garantis alors que les risques omis sont présumés se trouver hors du champ de la garantie et les assurance dites 'Tout sauf ou 'tous risques sauf' pour laquelle tous les risques qui entrent dans la définition générale de l'objet sont présumés garantis sauf exclusion et c'est alors à l'assureur de démontrer que l'événement qu'il n'entend pas prendre en charge entre dans le cadre d'une exclusion, une telle exclusion devant de surcroît être limitée et libellée en caractères très apparents.

Elle fait valoir qu'en l'état tant le devis que la police précise qu'il s'agit d'une assurance 'tous risques sauf' et que la police a bien pour objet de garantir les pertes d'exploitation dès lors qu'elles surviennent à la suite d'un événement non exclu mais que ni le devis ni la police ne limitent la notion d'événement non exclu aux seuls dommages matériels et donc aux seuls dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel.

Elle souligne que l'objet du contrat défini aux conditions générales ne remet pas en cause le principe de la garantie tous risques sauf dès lors que s'il indique que sont garanties les pertes d'exploitation consécutives à des dommages matériels il précise 'sauf dispositions contraires' dans la police.

Elle ajoute que l'objet du contrat ne peut ainsi être limité aux seules pertes immatérielles consécutives à un dommage matériel puisque le chapitre 2 définit l'événement non exclu comme la cause génératrice du dommage sans restriction quant au caractère matériel ou immatériel du dommage, que le chapitre 4 prévoit la garantie des frais pertes et honoraires liés à un dommage dès que le risque n'est pas exclu et que le chapitre 7 prévoit une extension de garantie dite impossibilité d'accès mobilisable en cas d'événement non exclu ou suite à une décision administrative et non pas en cas de dommage matériel préalable.

Elle soutient qu'ainsi la garantie au titre des pertes d'exploitation est une garantie tous risques sauf et le risque litigieux est présumé garanti sauf à la SA Axeria de démontrer que le sinistre se situait en dehors de l'objet du contrat.

Elle soutient que cette démonstration fait défaut dès lors que le chapitre sur les pertes d'exploitation ne prévoit aucune exclusion et que les exclusions générales ne comportent pas la fermeture administrative en cas d'épidémie ou de pandémie.

Elle ajoute que la clause d'exclusion relative à la contamination ne peut exclure le risque de fermeture administrative ordonnée en raison d'une crise sanitaire.

Il convient de rappeler que les clauses claires précises et licites doivent recevoir application.

Toutefois, en cas de contradiction entre les conditions générales et les conditions particulières celles-ci doivent prévaloir.

Par ailleurs, toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'ensemble.

Enfin, s'agissant d'un contrat d'adhésion le contrat, en l'espèce, doit être interprété contre celui qui l'a proposé en l'espèce l'assureur.

Il ressort très clairement des conditions générales en leur chapitre 1 et leur chapitre 3 relatif aux dommages matériels et 7 consacré aux pertes d'exploitation, que l'objet du contrat est de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité de l'assuré du fait des locaux avant livraison et après livraison et l'interruption d'activité consécutive à une maladie ou une personne de la personne clé déclarée et ce dans la limite des dispositions, montants de garantie et franchises figurant aux conditions particulières, mais également de garantir l'assuré dans le cadre des activités déclarées contre les dommages matériels causés aux biens garantis lorsqu'ils sont consécutifs à un événement non exclu et les frais consécutifs à ces dommages matériels les conséquences pécuniaires des responsabilités encourues par l'assuré du fait de ces dommages matériels et les pertes d'exploitation consécutives à ces

dommages matériels. Sous réserve de stipulations contraires dans la police et de l'application des exclusions stipulées au chapitre Exclusions Générales.

La garantie 'tous risques sauf' ne concerne que la garantie des dommages matériels causés aux biens garantis consécutifs à un événement non exclu et des pertes d'exploitation qui sont la conséquence de ces dommages matériels non exclus aux biens assurés.

Dès lors, en l'absence d'un dommage matériel causé aux biens garantis les pertes d'exploitation subies ne sont pas garanties sauf stipulations contraires de la police et cas d'extension.

En l'espèce, les pertes d'exploitation ne sont nullement la conséquence d'un dommage matériel subi par les biens assurés et la garantie pertes d'exploitation ne peut trouver à s'appliquer hors extension à tout le moins.

Sur l'extension de la garantie au titre de l'impossibilité d'accès

La SA Axeria Iard rappelant que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier soutient qu'il résulte de façon cohérente et dénuée d'ambiguïté des dispositions de la police Agapes que la survenance d'un dommage matériel est une condition sine qua non de mise en oeuvre des garanties, fait valoir qu'en l'espèce la perte d'exploitation invoquée n'est pas la conséquence d'un dommage matériel causé aux biens assurés et n'est donc pas mobilisable.

Elle soutient de surcroît que cette garantie ne peut être mobilisée dès lors qu'aucune des mesures des autorités n'est venue interdire l'accès à l'établissement assuré et que si ces mesures restreignaient l'accueil du public elles n'empêchaient pas l'accès aux locaux, la poursuite de l'activité de restauration étant possible selon les modalités de vente à emporter et de livraison à domicile et tant le personnel que les livreurs et clients venus récupérer leurs commandes pouvant accéder aux locaux.

La société Mennet soutient qu'il est prévu aux conditions générales sept cas d'extension de garantie dont l'une est intitulé 'impossibilité d'accès' dont la rédaction permet de considérer que la garantie est due non seulement en cas de survenue d'un évènement non exclu empêchant l'accès aux biens assurés mais aussi en cas d'impossibilité d'accès résultant d'une décision administrative.

Elle fait valoir que la pandémie constitue bien la survenance d'un évènement non exclu survenu dans le voisinage et qu'en outre la cause des pertes subies par elle est bien la conséquence des mesures prises par les autorités qui ont bien entraîné une impossibilité d'accès aux locaux assurés soit la salle de restauration.

Aux termes des conditions générales, la garantie des pertes d'exploitation a pour objet de garantir la perte d'exploitation résultant de la perte de marge brute due à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité de l'entreprise et de l'engagement de frais supplémentaires d'exploitation dans la limite de la marge brute ainsi épargnée , qui sont la conséquence d'un dommage matériel non exclu aux biens assurés.

Il est, en outre, prévu sept cas d'extension de cette garantie à des pertes d'exploitation qui cette fois ne sont pas consécutives seulement à des dommages matériels ayant affecté les biens assurés, mais peuvent concerner des dommages matériels affectant des tiers liés contractuellement à l'assuré ou le voisinage ou bien ne pas être consécutives à un dommage matériel.

Ainsi, il est prévu la garantie des pertes d'exploitation subies par l'assuré dues à la désaffection de la clientèle consécutive à un acte de terrorisme ou d'attentat perpétré dans l'établissement assuré ou survenant dans le voisinage.

Il est également prévu la prise en charge des pertes d'exploitation consécutives aux carences des fournisseurs ne livrant plus les biens utilisés par l'Assuré si cette carence est consécutive à un dommage matériel qui aurait été garanti si le fournisseur avait été assuré par la police ou aux carences de livraison des services et consommables consécutives à des dommages matériels garantis.

Enfin, il est prévu une extension aux pertes d'exploitation consécutives à un dommage matériel non exclu survenant dans le voisinage et entraînant une réduction du chiffre d'affaires de l'assuré sauf cas d'impossibilité d'accès.

La garantie pertes d'exploitation est ainsi étendue aux pertes consécutives à un dommage matériel survenu non pas dans les biens assurés mais dans le voisinage mais qui n'empêche pas l'accès aux biens assurés.

Caar il est prévu une extension particulière intitulée 'impossibilités d'accès' qui garantit l'interruption ou la réduction des activités de l'assuré consécutive à un évènement non exclu survenant aux alentours ou dans le voisinage empêchant totalement ou partiellement , d'accéder ou de sortir des lieux où s'exerce l'assurance et/ ou d'utiliser les biens assurés, cette couverture étant également accordée si l'impossibilité résulte d'une décision d'une autorité administrative.

Dans l'hypothèse où l'évènement défini par le contrat comme la cause génératrice du dommage survenu dans le voisinage ne fait pas partie des évènements exclus et empêche ou réduit l'accès aux biens assurés l'interruption ou la réduction de l'activité de l'assurée est garantie au titre des pertes d'exploitation sans qu'il soit fait aucune référence cette fois à la nécessité d'un dommage matériel.

L'absence de nécessité d'un dommage matériel explique cette double extension pour les évènements touchant non pas les biens assurés mais le voisinage la garantie étant renforcée lorsqu'il y a impossibilité d'accès qui ne doit être consécutive qu'à un évènement non exclu survenu dans le voisinage des biens assurés ou bien à une décision administrative.

Il n'est aucunement fait mention dans ce cas de la nécessité d'un dommage matériel provoqué par l'évènement non exclu.

Il convient de constater qu'il n'est pas fait état d'une impossibilité absolue d'accès aux lieux assurés mais l'évènement non exclu ou la décision de l'autorité administrative doit avoir totalement ou partiellement empêché l'accès ou la sortie des lieux assurés ou leur utilisation.

Il sera rappelé que l'arrêté du 14 mars 2020 du ministère des solidarités et de la santé ainsi que le décret du 29 octobre 2020 prescrivant des mesures générales nécessaires pour faire face à la propagation du virus Covid-19 ont fait interdiction aux restaurants et débits de boissons de recevoir du public sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.

L'accès aux restaurants notamment pour la restauration rapide comme en l'espèce, déjà largement organisée pour la vente à emporter ou la livraison, était possible pour ces deux activités tant au personnel qu'à la clientèle, seule était interdite la consommation sur place.

Néanmoins, ces décisions administratives ont partiellement empêché l'accès aux lieux où s'exerçait l'activité de restauration et leur utilisation en interdisant la consommation au sein des locaux de restauration et ont entraîné une réduction des activités de l'assuré.

Il convient, en conséquence, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a accueilli la demande de mobilisation de la garantie pertes d'exploitation en son extension à l'impossibilité d'accès

Il sera en effet retenu que l'exclusion relative aux dommages causés par la contamination est contrairement aux allégations de l'assureur peu explicite et ne peut sans se livrer à une interprétation hasardeuse s'appliquer à l'évènement constitué par les mesures administratives prises dans le cadre d'une pandémie, la cause du dommage n'étant pas la contamination mais les mesures prises pour gérer une crise sanitaire et éviter le risque épidémique qui lui-même ne fait pas l'objet d'une exclusion.

Sur l'indemnisation

Le rapport d'expertise judiciaire ordonné en première instance a été déposé et si la société Mennet fonde ses demandes sur ce rapport la SA Axeria Iard n'entend pas contester le chiffrage opéré par l'expert.

La SA Axeria soutient cependant que le préjudice indemnisable n'est pas la baisse de revenus liée à l'épidémie de Covid-19 mais la baisse des recettes consécutives à l'impossibilité d'accès à l'établissement.

Ainsi, elle considère qu'il convient de prendre en compte le contexte de crise sanitaire auquel la société Mennet aurait été confirontée même sans impossibilité d'accueillir du public en salle et qui n'est pas couvert au titre de la garantie pertes d'exploitation et soutient qu'il convient d'apprécier la perte de marge brute en tenant compte de la tendance générale de l'évolution de l'entrepris mais aussi de facteurs extérieurs. Elle considère qu'en l'absence des décisions administratives le chiffre d'affaires auarit été en tout état de cause bien inférieur à celui réalisé en période normale en raison du couvre feu, des restrictions de déplacement du confinement du télétravail.

Elle sollicite à ce titre une décote de 40 %.

La société Mennet s'oppose à cette demande de décote qui n'est pas contractuellement prévue et est entièrement discrétionnaire et non justifiée.

L'assureur s'est engagé contractuellement à garantir les pertes d'exploitation consécutives à l'impossibilité partielle d'accès ou d'utilisation des lieux où s'exerce l'activité assurée et donc en l'espèce les pertes d'exploitation générées par les décisions administratives interdisant l'accueil en salle des clients dans les restaurants sont le seul préjudice indemnisable.

Ne sont pas indemnisables les pertes liées au contexte de la crise sanitaire et aux autres mesures adoptées, confinement et peur de la contamination ou restriction de déplacement .

Par ailleurs, le contrat prévoit au titre du calcul de l'indemnité que celle-ci doit s'établir au regard de la perte de marge brute déterminée en appliquant le taux de marge brute à la différence entre le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pendant la période d'indemnisation en l'absence de sinistre et le chiffre d'affaires effectivement réalisé et au titre des principes généraux d'indemnisation il figure une clause 'tendances générales' selon laquelle il doit être tenu compte de la tendance générale de l'activité de l'assuré et des facteurs intérieurs ou extérieurs ayant modifié la marche générale de celle-ci avant ou après le sinistre afin de déterminer aussi exactement que possible les résultats qu'auraient obtenus les assurés en l'absence du sinistre.

Il est dès lors légitime de limiter l'indemnisation à la somme de 46576 euros (soit 66536-30%) dont devra être déduite la provision de 10000 euros accordées en première instance et d'observer que la franchise d'un montant de 1375 euros a déjà été déduite des calculs de l'expert.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner la société Axeria Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise et de la condamner à payer à la société Mennet la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a fait droit à la mise en jeu de la garantie de l'assureur et accordé une provision à la société Mennet ;

Evoquant,

Condamne la SA Axeria Iard à payer à la société Mennet la somme de 46576 euros dont sera déduite la provision accordée en première instance ;

Y ajoutant,

Condamne la SA Axeria Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise ;

La condamne à payer à la société Mennet la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre des frais irrépétibles exposés en première instance qu'au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/05250
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;22.05250 ?
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