La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2024 | FRANCE | N°23/03521

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 17 mai 2024, 23/03521


ARRET







[I] épouse [N]





C/



[I]























































































CJ/VB/DPC





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU DIX SEPT MAI

DEUX MILLE

VINGT QUATRE





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/03521 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I3B6



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT DEUX





PARTIES EN CAUSE :



Madame [S] [I] épouse [N]

née le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 23]



Représentée ...

ARRET

[I] épouse [N]

C/

[I]

CJ/VB/DPC

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU DIX SEPT MAI

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/03521 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I3B6

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Madame [S] [I] épouse [N]

née le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 23]

Représentée par Me Claire GRICOURT, avocat au barreau d'AMIENS

Plaidant par Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

ET

Madame [X] [I]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 12]

Assignée à personne le 23/08/2022.

INTIMEE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 07 mars 2024 devant la cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière assistée de Mme [J] [C] et M. [Y] [F], greffiers stagiaires.

Sur le rapport de Mme [K] [D] et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 mai 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 17 mai 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

[H] [W], retraitée, épouse de [V] [I], mariée sous le régime de la communauté légale, est décédée le [Date décès 4] 2005 à [Localité 18]. Le couple s'était consenti une donation entre époux.

Au décès de [H] [W], [V] [I] a déclaré opter pour l'usufruit de la succession de son épouse.

[V] [I] est décédé le [Date décès 8] 2020.

[H] [W] et [V] [I] ont laissé pour leur succéder Mme [X] [I] et Mme [S] [I], leurs filles.

Il dépendait de la succession de [H] [W] à titre de bien propre un bien à usage d'habitation sis à [Localité 18] qui a été vendu ainsi qu'un bien sis [Adresse 22] à [Localité 23].

Il dépendait de la communauté [I]/[W] :

- Un bien immobilier sis à [Localité 17] qui a été vendu,

- Une maison à usage d'habitation sise à [Localité 18],

- Une maison d'habitation sise à [Localité 19],

- un bien immobilier sis à [Localité 12].

Selon acte en date du 23 décembre 2006, [V] [I] avait réalisé une donation-partage au profit de ses filles.

Il a été attribué à Mme [X] [I] la moitié en toute propriété et la moitié en usufruit des biens et droits sis [Adresse 9] à [Localité 12] cadastré section Y n°[Cadastre 7], lot n°414 (un studio avec entrée, cuisine, salle de bains, wc et balcon) et les 116/10.000èmes des parties communes de l'immeuble, et les 84/10.000èmes des parties communes de l'ensemble immobilier, lot n°371 au deuxième sous-sol une cave portant le n°37, au premier sous-sol un emplacement de voiture portant le n°25.

Ce bien a été estimé dans l'acte de donation à 228 000 euros.

Ce lot a été attribué à Mme [X] [I] à charge pour elle d'acquitter le solde demeurant dû tant en principal qu'en intérêts sur l'emprunt souscrit par le donateur auprès de la [13] soit un montant de 64 980 euros à la date du 31 décembre 2006.

Il a été attribué à Mme [S] [I] une maison sise [Adresse 10] à [Localité 23] cadastrée section AB n°[Cadastre 1] pour une contenance de 8 ares et 64 centiares estimée à 129 000 euros.

Compte tenu de l'inégalité des lots partagés, il a été stipulé une soulte au profit de Mme [S] [I] de 17 010 euros "payable au plus tard un mois après le décès de M. [V] [I], sans intérêts mais afin que la soulte à verser soit en rapport avec le coût de la vie au moment où elle sera payée, les parties conviennent à titre de condition essentielle et déterminant d'indexer cette soulte sur l'indice de référence des loyers publié par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et de lui faire subir les mêmes variations d'augmentation ou de diminution".

Au décès de [V] [I], Mme [X] [I] n'a pas réglé la soulte convenue.

Elle a été mise en demeure de procéder au paiement par lettre recommandée en date du 18 juillet 2020 par le conseil de Mme [S] [I].

Mme [S] [I] épouse [N] a ensuite fait assigner sa soeur aux fins d'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de leur père le 18 décembre 2020 devant le tribunal judiciaire de Beauvais.

Par jugement en date du 7 mars 2022, le tribunal a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [V] [I] et [H] [W] épouse [I],

- commis pour y procéder Me [G],

- ordonné l'attribution à Mme [X] [I] de l'immeuble situé sur la commune de [Localité 18] [Adresse 6] ainsi que de l'immeuble situé à [Adresse 20] cadastré section AH [Cadastre 3] à charge pour Mme [X] [I] de verser à Mme [S] [I] épouse [N] une soulte d'un montant de 295 000 euros,

- condamné Mme [X] [I] à verser à l'indivision successorale une indemnité d'occupation relative à l'immeuble de [Localité 18] d'un montant de 287,50 euros pour la période allant du 1er février 2020 jusqu'au jour du partage ou au jour de remise d'un jeu de clés à Madame [S] [I] [N] par Mme [X] [I],

- ordonné l'attribution du véhicule Peugeot 208 immatriculé [Immatriculation 16] à Mme [X] [I] à charge pour elle de s'acquitter du paiement d'une soulte à Mme [S] [I] épouse [N],

- ordonné la vente du véhicule Peugeot 508 immatriculé [Immatriculation 14] et le partage du prix de vente entre les héritiers,

- condamné Mme [X] [I] à verser à Mme [S] [N] la somme de 17 010 euros au titre de la soulte prévue par la donation-partage du 23 décembre 2006 augmentée des intérêts légaux à compter du 18 décembre 2020,

- rejeté les demandes de Mme [S] [N] au titre du rapport et du recel successoral,

- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] [N] a interjeté appel du jugement par déclaration du 23 juin 2022.

L'affaire a été radiée le 3 mai 2023 faute de production du jugement de première instance et réinscrite le 31 août 2023.

Par ses dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 6 octobre 2022, Mme [N] demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Beauvais en date du 7 mars 2022,

- désigner tout autre notaire que Me [G] qu'il plaira à la cour d'appel pour procéder aux opérations de compte, liquidation partage de [V] [I] et [H] [W] épouse [I],

- ordonner la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre [V] [I] et [H] [W],

- condamner Mme [X] [I] au paiement de la soulte stipulée dans l'acte de donation en date du 23 décembre 2006 réévaluée conformément aux termes de l'article 828 du code civil soit 25 225 euros,

- à défaut, réévaluer la soulte conformément à l'évolution de l'indice de référence des loyers soit 19 694,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2020,

- en tout état de cause, requalifier le remboursement par [V] [I] de la somme de 64 980 euros au titre du remboursement du prêt Primolis n°0781960 au lieu et place de Mme [X] [I] auprès de la [13] en donation,

- condamner Mme [I] à rapporter la succession la somme de 64 980 euros réévaluée à 134 520 euros,

- condamner Mme [X] [I] à rapporter à la succession la somme de 17 200 euros au titre des prélèvements effectués sur le compte [15] de [V] [I] au titre de l'année 2019,

- condamner Mme [X] [I] à payer à l'indivision à compter du 30 janvier 2020 une indemnité d'occupation de 920 euros par mois pour l'occupation du bien sis sur la commune de [Localité 18] jusqu'à remise des clés par Mme [X] [I] à Mme [S] [I] soit au 1er septembre 2022 la somme de 26 680 euros, à défaut autoriser le notaire commis à se faire assister par tout sapiteur aux fins d'évaluation de l'indemnité d'occupation mensuelle dudit bien,

- condamner Mme [X] [I] payer à l'indivision à compter du 30 janvier 2020 une indemnité d'occupation de 1 440 euros mois pour l'occupation du bien sis à [Localité 19] soit au 1er septembre 2022 la somme de 41 760 euros, à défaut autoriser le notaire commis à se faire assister par tout sapiteur aux fins d'évaluation de l'indemnité d'occupation mensuelle dudit bien,

- condamner Mme [X] [I] à rembourser à Mme [S] [I] la somme de 313,20 euros au titre du préjudice matériel subi par Mme [S] [I] pour la commande des relevés bancaires,

- ordonner au notaire commis de procéder à l'actualisation des évaluations immobilières concernant les biens sis sur la commune de [Localité 18] et [Localité 19] et que le notaire soit autorisé à solliciter tout sapiteur à cette fin,

- condamner Mme [X] [I] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme [X] [I] au paiement des entiers dépens dont recouvrement au profit de Me Gricourt.

Elle rappelle tout d'abord qu'il est admis que certaines demandes, accessoires à la demande principale en partage, qui tendent à l'établissement de l'actif et du passif sont recevables pour la première fois en cause d'appel et sont susceptibles d'être accueillies si la cour les estime fondées.

Mme [S] [I] soutient que Me [G] manque d'impartialité et n'a pas été efficace dans le règlement de la succession de son père.

Elle demande en outre que la soulte prévue à l'acte de donation-partage soit réévaluée conformément aux prescriptions de l'article 828 du code civil, soit à hauteur de 25 225 euros à proportion de l'augmentation de la valeur du bien immobilier en cause, et à défaut, par application de la clause d'indexation stipulée dans l'acte de donation. Elle sollicite par ailleurs que les intérêts soient calculés à compter de la mise en demeure qui a été délivrée le 21 juillet 2020 dont l'accusé de réception a été signé.

Sur l'indemnité d'occupation due au titre de l'occupation de deux biens par sa soeur, Mme [S] [I] expose qu'il n'y a pas lieu de minorer son montant motif pris d'une occupation partielle alors que seule sa soeur en a la jouissance.

Elle indique que les premiers juges lui ont reproché de ne pas rapporter la preuve que sa soeur a bénéficié des retraits opérés notamment sur une assurance-vie si bien qu'elle a pris soin de commander les relevés bancaires de son père. Elle soutient qu'il en ressort que son père a continué à rembourser le crédit immobilier souscrit pour l'achat du bien situé à [Localité 12] alors que l'acte de donation partage prévoyait que sa soeur assumerait ce remboursement. Elle évalue le montant de la donation rapportable à 134 520 euros et soutient que sa soeur est l'auteur d'un recel successoral.

Elle demande le rapport à la succession des retraits réalisés à hauteur de 17 200 euros provenant des contrats d'assurance-vie de son père qui ont d'abord été crédités sur le compte [15] de son père, puis retirés grâce à des chèques à son profit ou au profit de tiers pour des dépenses personnelles de Mme [X] [I].

Elle indique que la durée de la procédure impose de réévaluer les biens et ajoute que sa soeur devra se positionner sur l'attribution des biens immobiliers conformément à la décision de première instance alors qu'elle sera condamnée à régler d'importantes sommes supplémentaires en raison du rapport des donations.

Mme [X] [I], régulièrement assignée à l'étude le 23 août 2022 et ayant retiré l'acte le 19 septembre 2022, n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure est intervenue le 15 novembre 2023 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 7 mars 2024.

Par un courrier du 8 mars 2024, la cour a interrogé le conseil de Mme [S] [I] sur le caractère nouveau des prétentions suivantes sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile :

La demande de liquidation du régime matrimonial ayant existé entre [V] [I] et [H] [W],

La demande de réévaluation de la soulte de 17 010 euros stipulée dans l'acte de donation partage,

La demande de requalification du remboursement par [V] [I] de la somme de 64 980 euros en donation et la demande afférente de rapport à la succession,

La demande de rapport à la succession de la somme de 17 200 euros,

La demande d'indemnité d'occupation pour le bien sis à [Localité 19], aucune demande n'ayant été formée à ce titre devant le premier juge,

La demande de remboursement du coût de la commande des relevés bancaires,

La demande tendant à ordonner au notaire l'actualisation des évaluations immobilières.

Le conseil de Mme [S] [I] a fait valoir les observations suivantes par un message transmis au RPVA le 13 mars 2024 : selon elle, l' objet du litige consiste à traiter de la liquidation et du partage de la succession de [V] [I] avec imputation des donations réalisées et liquidation des éventuelles indemnités de réduction, l'ensemble formant un tout indivisible ayant vocation à aboutir au calcul de la masse à partager (ce qui inclut les libéralités mais aussi les actifs au jour du décès soit les donations non déclarées par Mme [X] [I]) ce qui permet à la cour en raison de la déclaration d'appel de Mme [N] d'être saisie de l'ensemble des contestations relatives au règlement de la succession de [V] [I] ; elle fait valoir que la liquidation du régime matrimonial des époux est un préalable indispensable à la liquidation de la succession de [V] [I] ; elle ajoute que plusieurs de ses demandes sont consécutives à la consultation des relevés bancaires postérieure à la première décision et/ou complémentaires par rapport à de précédentes demandes ; elle précise que la demande d'indexation de la soulte est accessoire à sa demande initiale en paiement de la soulte.

MOTIFS

Selon l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur les demandes nouvelles

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En vertu de l'article 565 du mêm code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Il résulte de l'article 566 du même code que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, les demandes formées par Mme [S] [I] en appel ont évolué au regard de celles dont était saisi le premier juge ce qui doit conduire à faire le départ entre les demandes nouvelles et d'une part les demandes similaires au fondement juridique différent et d'autre part les demandes accessoires ou complémentaires par rapport aux prétentions soumises au premier juge.

La demande liquidation du régime matrimonial apparaît à ce titre comme l'accessoire de la demande inititale d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions de chacun des époux. La liquidation du régime matrimonial constitue un préalable indispensable au partage des successions si bien que cette demande est recevable.

Par ailleurs, les premiers juges ont statué sur la demande de condamnation de Mme [X] [I] à payer la soulte de 17 010 euros à Mme [S] [I] et la demande tendant à réévaluer cette soulte s'analyse comme une demande accessoire par rapport à la prétention initialement soumise en premier juge. Elle est donc recevable.

Sur la demande de requalification du remboursement par [V] [I] de la somme de 64 980 euros au titre d'un prêt et de rapport à la succession et sur la demande de rapport à la succession de prétendus prélèvements réalisés au profit de Mme [X] [I] à hauteur de 17 200 euros, elles s'analysent comme des demandes qui viennent préciser la demande générique de rapport à la succession de 100 000 euros formée en première instance, à la suite de la commande des relevés bancaires réalisée par Mme [S] [I] compte tenu du rejet de sa demande initiale. Dès lors, ces demandes sont recevables.

En revanche, une demande nouvelle est formée en vue de la condamnation de Mme [X] [I] au paiement d'une indemnité d'occupation s'agissant du bien sis à [Localité 19]. Aucune demande en ce sens n'avait été formée en première instance et le fait que le jugement entrepris ait partiellement fait droit à la demande de Mme [S] [I] s'agissant de l'indemnité d'occupation due pour le bien sis à [Localité 18] ne permet pas de faire de la demande nouvelle un complément ou un accessoire de la demande initiale. Si l'instance introduite vise au partage qui suppose d'établir l'actif et le passif, faute de demande sur ce point formée devant le premier juge, Mme [S] [I] n'est plus recevable à former une nouvelle demande à ce titre. Cette demande sera donc déclarée irrecevable.

Enfin, Mme [I] demande à la cour d'ordonner au notaire de procéder à l'acualisation des évaluations immobilières ce qu'elle ne faisait pas devant le premier juge. Cette demande s'analyse comme un accessoire à la désignation du notaire dont la mission naturelle est de procéder à l'évaluation des biens immobiliers. Cette demande sera donc déclarée recevable.

Sur l'effet dévolutif de l'appel et les demandes dont est saisie la cour

Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En vertu de l'article 954 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, il ressort de la déclaration d'appel et des dernières conclusions de Mme [S] [I] que cette dernière ne remet pas en cause l'ouverture des opérations de partage des successions, la désignation du juge commis, l'attribution à Mme [X] [I] des immeubles de [Localité 18] et [Localité 19], les dispositions relatives aux véhicules, le débouté de la demande de licitation des immeubles et les dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.

Si Mme [S] [I] indique dans la motivation de ses conclusions que sa soeur est l'auteur d'un recel successoral, elle ne forme aucune demande à ce titre aux termes du dispositif de ses conclusions.

Dans ces conditions, les dispositions précitées du jugement entrepris sont définitives et la cour n'est saisie d'aucune demande au titre d'un recel successoral.

Sur les demandes de Mme [S] [I]

Sur la demande de liquidation du régime matrimonial des époux [I]

Il ressort de l'article 840 du code civil que le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837. En outre, l'article 815 du code civil dispose que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et que le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.

En application de ces dispositions, le premier juge a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [I] et Mme [W] dont le préalable est la liquidation du régime préalable des époux.

Il convient donc d'ordonner la liquidation du régime matrimonial des époux [I]-[W].

Sur la désignation de Me [G]

Selon l'article 1364 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal.

En l'espèce, Mme [S] [I] s'oppose à la désignation de Me [G] au motif qu'il aurait fait preuve de partialité et qu'il aurait été inefficace depuis le décès de [V] [I].

Elle ne justifie cependant pas de la partialité de Me [G] et ne démontre pas lui avoir écrit pour solliciter l'établissement d'un état liquidatif ou d'un projet de partage en se heurtant à son inaction.

Dans un courrier de son avocat à Mme [X] [I], daté du 21 juillet 2020, envoyé environ six mois après le décès de [V] [I], l'avocat de Mme [S] [I] relève lui-même qu'il est difficile de parvenir à un partage amiable et liste les demandes de sa cliente s'agissant de l'évaluation des biens, le paiement de la soulte prévue à l'acte de donation partage et les gratifications accordées par [V] [I] à Mme [X] [I]. La cour n'a pas connaissance d'une éventuelle réponse de Mme [X] [I]. Les opérations de partage des successions étaient considérés comme complexes par le conseil de Mme [S] [I] lui-même et l'inefficacité de Me [G] n'est pas démontrée alors que les deux soeurs restaient en désaccord sur des points essentiels.

En outre, compte tenu de sa connaissance préalable des enjeux de cette procédure, sa désignation dans le cadre judiciaire doit offrir l'avantage d'accélérer sa prise en charge du dossier.

Il convient donc de confirmer la désignation de Me [G] pour procéder aux opérations de liquidation partage des successions après liquidation du régime matrimonial des époux.

Dans le cadre de sa mission, il sera si nécessaire amené à procéder à l'évaluation des biens sans qu'il y ait lieu de lui ordonner de procéder à une telle évaluation qui rentre naturellemnt dans sa mission. La demande de Mme [S] [I] en ce sens sera rejetée.

Sur le montant de la soulte

L'acte de donation-partage du 23 décembre 2006 a conduit Mme [X] [I] à bénéficier de l'attribution d'un lot à charge pour elle de verser à titre de soulte la somme de 17 010 euros avec indexation sur l'indice de référence des loyers publié par l'INSEE et de lui faire subir les mêmes variations d'augmentation ou de diminution, l'indice étant de 105,45 au jour de la donation partage selon les termes mêmes de cet acte.

L'appelante sollicite qu'il soit fait application à titre principal de l'article 828 du code civil qui dispose que lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de paiement et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens qui lui sont échus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion, sauf exclusion de cette variation par les parties. Dans le cas d'espèce, ce texte n'est pas applicable dès lors que l'acte authentique de donation partage a pris acte de l'accord des parties sur une indexation en fonction de l'indice de référence des loyers dont il convient de faire application.

Il convient donc de calculer le montant indexé de la soulte en multipliant la soulte fixée dans l'acte (17 010 euros) par l'indice au jour de l'application de la conversion et en divisant le tout par l'indice au jour de la donation partage.

Mme [I] ne se réfère pas à l'indice mentionné dans l'acte de donation partage mais à l'indice du quatrième trimestre 2006 tel qu'il résulte de l'article 9 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 soit 112,17, montant qui doit être retenu sauf à statuer ultra petita.

Par ailleurs, elle retient l'indice de 130,57 applicable au jour du décès de son père.

Il convient donc d'infirmer le jugement s'agissant du montant de la soulte en tenant compte de son indexation et de condamner Mme [X] [I] à payer à Mme [S] [I] la somme de 19 694,91 euros au titre de la soulte prévue à l'acte de donation partage.

Par ailleurs, Mme [S] [I] justifie d'une mise en demeure adressée par son avocat à Mme [X] [I] d'avoir à régler la soulte dont l'accusé de réception a été signé le 27 juillet 2020.

La somme de 19 694,91 euros portera donc intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2020 et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les donations et la demande de rapport à la succession

Selon l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Mme [S] [I] prétend que sa soeur a bénéficié d'une première donation liée au remboursement par [V] [I] aux lieu et place de cette dernière du prêt Primolis à hauteur de 64 980 euros.

L'acte de donation partage prévoit en page 7 que Mme [X] [I] bénéficie de l'attribution de l'immeuble de [Localité 21] à charge pour elle de régler le solde de l'emprunt souscrit par le donateur auprès de la [13] soit 64 980 euros.

Mme [S] [I] justifie par la production des relevés de compte de son père que les échéances du prêt 0781960 ont continué à être réglées par ce dernier à hauteur de 883,03 euros jusqu'en octobre 2014 ce qui exclut que Mme [X] [I] ait exécuté l'engagement pris de régler le solde du crédit évalué dans l'acte de donation partage.

[V] [I] a donc réglé les sommes en réalité dues par Mme [X] [I] ce qui doit s'analyser en une donation de cette somme rapportable à la succession.

Il convient donc d'ordonner le rapport par [X] [I] de cette somme de 64 980 euros à l'indivision successorale.

En revanche, il ne saurait être fait droit à la demande de réévaluation de cette somme en fonction de l'augmentation de la valeur du bien donné dès lors que l'avantage dont a bénéficié Mme [I] se limite strictement à la donation d'une somme de 64 980 euros. Le surplus de la demande à ce titre sera donc rejeté.

Mme [S] [I] prétend ensuite que sa soeur a bénéficié de plusieurs donations de la part de son père sous la forme de dépenses opérées à son profit directement depuis son compte ou de chèques établis à son bénéfice, le tout pour un montant de 17 200 euros.

Elle démontre que plusieurs rachats ont été opérés sur l'assurance vie de [V] [I] à hauteur de 17 200 euros du 17 septembre 2019 au 25 novembre 2019.

Elle note en parallèle que les relevés de compte de son père témoignent de dépenses de santé, de 57 dépenses réalisées au cours de l'année à [Localité 12] alors qu'il n'y habitait plus, de dépenses à l'ordre d'une boutique de vêtements pour femmes qui se trouve à [Localité 19] trois jours avant le décès de son père alors qu'il ne se trouvait pas dans cette ville et de cinq chèques établis au profit de sa soeur pour un montant total de 1 700 euros du 6 septembre au 16 octobre 2019.

Ces seuls éléments ne permettent pas de retenir que les rachats opérés à hauteur de 17 200 euros de septembre 2019 au 25 novembre 2019 ont intégralement bénéficié à Mme [X] [I]. L'équivalence des dépenses qui auraient bénificié à Mme [X] [I] réalisées depuis le compte de son père avec le montant des rachats opérés sur le contrat d'assurance vie n'est pas démontrée par l'appelante.

Par ailleurs, le relevé des opérations du contrat d'assurance vie démontre que [V] [I] opérait des rachats irréguliers et parfois très élevés selon les années. Il a ainsi effectué des rachats à hauteur de 13 000 euros en 2015, de 22 000 euros en 2016, de 18 000 euros en 2017, de 3 000 euros en 2018 et de 17 200 euros en 2019.

Enfin, il n'est pas démontré que les dépenses de santé, les dépenses dans une pharmacie et un pressing de [Localité 12] ou encore dans une boutique de [Localité 19] n'ont pas été réalisées dans l'intérêt de [V] [I].

Dans ces conditions, seuls les chèques établis à l'ordre de Mme [X] [I] pour des montants qui ne peuvent correspondre à un remboursement de courses faites à son profit et établis sur une période restreinte en septembre et octobre 2019 pour un montant total de 1 700 euros doivent être analysés en une donation à rapporter à l'indivision successorale.

Mme [X] [I] sera en conséquence condamnée à rapporter la somme de 1 700 euros à l'indivision successorale.

Sur l'indemnité d'occupation concernant le bien de [Localité 18]

Aux termes de l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement d'un bien indivis est, sauf convention contraire entre les indivisaires, redevable d'une indemnité d'occupation.

L'indemnité, contrepartie du droit de jouir privativement, est due même en l'absence d'occupation effective des lieux.

En l'espèce, le premier juge a retenu à bon droit que Mme [X] [I] est la seule à pouvoir jouir du bien immobilier sis à [Localité 18]. En revanche, il n'y a pas lieu de minorer le montant de l'indemnité d'occupation selon que l'occupation des lieux est permanente ou non ce qui doit conduire à faire droit à la demande de Mme [S] [I] qui évalue l'indemnité d'occupation à 920 euros par mois en tenant compte de la valeur locative du bien soit 6% de 230 000 euros et en pratiquant un abattement de 20 %.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et Mme [X] [I] sera condamnée à verser à l'indivision une indemnité d'occupation mensuelle de 920 euros pour la période allant du 1er février 2020 au jour du partage ou jusqu'à la remise des clés par Mme [X] [I] à Mme [S] [I], soit 26 680 euros au 1er septembre 2022 conformément à la demande de Mme [S] [I].

Sur le remboursement des frais de commande de relevés bancaires

Il sera statué sur cette demande dans le cadre de la demande formée au titre des frais irrépétibles dans la mesure où cette dépense a été opérée par l'appelante pour faire valoir ces droits et relève à ce titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes

Mme [X] [I], partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile et au paiement d'une indemnité de 1 000 euros à Mme [S] [I] au titre des frais irrépétibles d'appel incluant le coût de la commande des relevés bancaires.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, dans les limites de l'appel,

Déclare irrecevable la demande nouvelle de Mme [S] [I] tendant au paiement par Mme [X] [I] d'une indemnité d'occupation au titre de la jouissance d'un bien situé à [Localité 19] ;

Confirme le jugement entrepris s'agissant des chefs soumis à la cour sauf en ce en ce qu'il a :

- condamné Mme [X] [I] à verser à l'indivision successorale une indemnité d'occupation relative à l'immeuble de [Localité 18] d'un montant de 287,50 euros pour la période allant du 1er février 2020 jusqu'au jour du partage ou au jour de remise d'un jeu de clés à Mme [S] [I] [N] par Mme [X] [I],

- condamné Mme [X] [I] à verser à Mme [S] [N] la somme de 17 010 euros au titre de la soulte prévue par la donation-partage du 23 décembre 2006 augmentée des intérêts légaux à compter du 18 décembre 2020,

- rejeté les demandes de Mme [S] [N] au titre des rapport à la succession,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la liquidation du régime matrimonial de [V] [I] et [H] [W] épouse [I] et commet Me [G] pour y procéder sous le contrôle du juge commis du tribunal judiciaire de Beauvais ;

Condamne Mme [X] [I] à payer à Mme [S] [I] la somme de 19 694,91 euros au titre de la soulte indexée prévue à l'acte de donation partage avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2020 ;

Condamne Mme [X] [I] à verser à l'indivision une indemnité d'occupation mensuelle de 920 euros pour la période allant du 1er février 2020 au jour du partage ou jusqu'à la remise des clés par Mme [X] [I] à Mme [S] [I], soit 26 680 euros au 1er septembre 2022 ;

Qualifie le règlement par [V] [I] de la somme de 64 980 euros au titre du remboursement du prêt Primolis n° 0781960 en donation au profit de Mme [X] [I] ;

Condamne Mme [X] [I] à rapporter à l'indivision successorale la somme de 64 980 euros ;

Qualifie de donation les chèques établis par [V] [I] au bénéfice de Mme [X] [I] à hauteur de 1 700 euros en 2019 ;

Condamne Mme [X] [I] à rapporter à l'indivision successorale la somme de 1 700 euros ;

Constate que la cour n'est saisie d'aucune demande au titre d'un recel successoral ;

Déboute Mme [S] [I] de sa demande tendant à ordonner au notaire commis de procéder à l'évaluation des biens ;

Déboute Mme [S] [I] du surplus de ses demandes ;

Condamne Mme [X] [I] aux dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [X] [I] au paiement d'une indemnité de 1 000 euros à Mme [S] [I] au titre des frais irrépétibles incluant le coût de la commande des relevés bancaires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/03521
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;23.03521 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award