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17/05/2024 | FRANCE | N°22/05292

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 17 mai 2024, 22/05292


ARRET







[L]





C/



[L]























































































GH/VB/DPC





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU DIX SEPT MAI

DEUX MILLE VINGT QUATRE







Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/05292 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITZH



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [Localité 5] DU QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





PARTIES EN CAUSE :



Madame [X] [L]

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]



Représentée par Me Florence ...

ARRET

[L]

C/

[L]

GH/VB/DPC

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU DIX SEPT MAI

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/05292 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITZH

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [Localité 5] DU QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Madame [X] [L]

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d'AMIENS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000328 du 23/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS)

APPELANTE

ET

Monsieur [G] [L]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Gérard FERREIRA, avocat au barreau de COMPIEGNE

INTIME

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 07 mars 2024 devant la cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière assistée de Mme Elise DHEILLY et de M. Edoiuard LAMBRY, greffiers stagiaires.

Sur le rapport de Mme [P] [Y] et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 mai 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 17 mai 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

M. [A] [L] et Mme [M] [K] épouse [L] sont décédés respectivement les 26 janvier 2008 et 6 novembre 2013, laissant pour leur succéder leurs deux enfants majeurs, M. [G] [L] et Mme [X] [L].

Il dépend de la succession un immeuble situé [Adresse 2] qui est libre de tout occupant et un appartement situé [Adresse 7] à [Localité 5] qui est occupé depuis 1986 par Mme [X] [L].

Suivant acte d'huissier du 2 décembre 2014, M. [G] [L] a saisi le tribunal de grande instance de Compiègne d'une demande de partage judiciaire.

Par jugement du 7 juin 2016, le tribunal de grande instance de [Localité 5] a notamment ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions confondues des deux parents, dit que Mme [L] serait tenue d'un rapport à la succession pour son occupation privative du bien immobilier situé à [Adresse 7] et dit qu'elle serait redevable d'une indemnité pour son occupation privative du bien immobilier susmentionné à compter du 2 décembre 2009.

Par arrêt du 17 juillet 2018, la cour d'appel d'Amiens a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions sauf des chefs de rapports à la succession et de l'indemnité d'occupation due par Mme [L] et, statuant à nouveau a notamment dit que Mme [L] devait rapporter à la succession de [A] [L] une somme équivalente à la valeur locative de l'appartement sis à [Localité 5] pour la période du 2 décembre 2009 au 6 novembre 2013 et qu'elle était redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité pour son occupation privative du bien mobilier à compter du 7 novembre 2013 jusqu'à la vente ou l'attribution de ce bien.

Par arrêt en date du 16 décembre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en sa seule disposition disant que Mme [L] devait rapporter à la succession de son père une somme équivalente à la valeur locative de l'appartement pour la période du 2 décembre 2009 au 6 novembre 2013 et renvoyé les parties sur ce point devant la cour d'appel de Douai.

M. [G] [L] et Mme [X] [L] ont, le 29 janvier 2021, signé un procès-verbal d'accord transactionnel. Le 7 avril 2021, le notaire a transmis au juge commis un procès-verbal de carence daté du 23 mars 2021, ainsi qu'un projet d'état liquidatif. Le juge commis a rendu son rapport le 30 avril 2021.

Par jugement du 4 octobre 2022, le tribunal judiciaire de [Localité 5] a :

' rejeté la demande de Mme [L] visant au prononcé de la nullité du procès-verbal transactionnel signé par les parties le 29 janvier 2021,

' homologué ce protocole d'accord transactionnel et lui a conféré force exécutoire,

' homologué le projet d'état liquidatif des successions confondues de [M] [K] et de [A] [L] annexé au procès-verbal de carence établi le 23 mars 2021 par Maître [E] [N], notaire à [Localité 5],

' dit qu'une copie dudit projet de partage de successions sera annexée la présente décision,

' constaté que compte tenu de l'homologation de l'état liquidatif dressé par Maître [N], les demandes subsidiaires formées par Mme [X] [L] relatives aux modalités de partage sont sans objet et les a rejetées,

' débouté M. [G] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

' rejeté les autres demandes contraires plus amples,

' ordonné l'exécution provisoire,

' condamné Mme [X] [L] à payer à M. [G] [L] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés des successions confondues de [M] [K] et de [A] [L].

Le 5 décembre 2022, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été signifié le 7 novembre précédent.

Elle a également formé appel le 7 décembre 2022.

Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du 14 février 2023.

Par ordonnance en date du 10 juillet 2023, Mme la déléguée de Mme la première présidente de la cour d'appel d'Amiens a débouté Mme [X] [L] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 6 décembre 2023, Mme [X] [L] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception du débouté de la demande de dommages-intérêts formée par M. [G] [L] et statuant à nouveau de :

- Juger nul et de nul effet le procès-verbal d'accord transactionnel du 29 janvier 2021 pour vice du consentement ;

Subsidiairement,

Dans l'hypothèse où M. [G] [L] abandonnerait sa demande au profit de l'indivision d'une indemnité d'occupation à la charge de sa s'ur Mme [X] [L] :

- Désigner tel notaire qu'il plaira à la juridiction autre que Maître [N] afin de procéder aux comptes et liquidation partage ;

- Dire que le notaire désigné devra évaluer le bien situé à [Adresse 2] et en fixer la valeur locative et l'indemnité d'occupation ;

- Dire que le bien situé [Adresse 7] sera évalué en tenant compte de la vétusté ;

- Dire que M. [G] [L], par application de l'article 815-9 du code civil sera redevable d'une indemnité d'occupation pour le bien situé à [Localité 8] au profit de l'indivision à côté à compter d'octobre 2016 ;

- Débouter M. [G] [L] de sa demande de remboursement de la somme de 616 euros au titre des travaux d'entretien ;

- Dire que les sommes dues aux syndicats des copropriétés seront partagées entre M. [G] [L] et Mme [X] [L], ainsi que toutes les sommes dont seraient redevables l'indivision ;

- Dire que le notaire devra refaire les comptes avec les éléments recueillis et obtenus par lui ;

- Dire que la soulte due par M. [L] sera payable au jour de la signature de l'acte de partage.

En tout état de cause, débouter M. [G] [L] de ses demandes plus amples ou contraires,

- Condamner M. [G] [L] à payer les dépens de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [L] invoque en substance, pour obtenir l'annulation du procès-verbal d'accord transactionnel, avoir subi un vice du consentement car au moment de sa signature elle souffrait d'un syndrome anxiodépressif et d'un état de stress chronique tels qu'elle n'était pas en mesure d'apprécier complètement les tenants et les aboutissants de l'accord que lui présentait son frère, que dans ces conditions, en présence de son frère, de l'avocat de ce dernier et du notaire, elle a subi d'importantes violences psychologiques afin d'obtenir sa signature, qu'elle n'a pas été informée des conséquences de celle-ci et que ses droits ne lui ont pas été dénoncés.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 27 novembre 2023, M. [G] [L], appelant incident, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant rejeté sa demande de dommages-intérêts, et statuant à nouveau, de condamner Mme [X] [L] à lui payer la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

M. [L] fait valoir que le consentement de sa s'ur n'a pas été vicié lors de la signature de l'acte de partage, qu'elle était au demeurant accompagnée de sa fille et a pu poser toutes les questions utiles au notaire chargé de la rédaction du protocole.

Il s'oppose aux demandes subsidiaires formées par sa s'ur de désignation d'un nouveau notaire pour procéder à l'évaluation des biens de même qu'à sa condamnation de payer une indemnité d'occupation pour un bien qu'il n'occupe pas.

Il précise qu'il a déjà renoncé à revendiquer le rapport à succession de l'indemnité réclamée pour la période antérieure au décès de son père.

Il ajoute que si le protocole d'accord transactionnel était annulé il ne renoncerait pas à l'indemnité d'occupation durant la période du 7 novembre 2013 jusqu'à l'attribution du bien.

Il s'oppose à supporter des charges de copropriété correspondant à l'occupation par sa s'ur de l'appartement.

Pour ce qui concerne le bien de [Localité 8], il s'oppose au versement par lui d'une indemnité d'occupation, son seul souhait étant de vendre mais est rendu impossible du fait du blocage systématique de sa s'ur.

Il dénonce depuis le décès des parents une véritable situation de blocage créée par sa s'ur qui doit être considérée comme abusive.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 6 décembre 2023 est fixée à l'audience pour être plaidée le 7 mars 2024.

SUR CE :

1. Il résulte des articles 1128, 1130 et 1131 du code civil que les vices du consentement sont une cause de nullité du contrat, que ces vices sont l'erreur, le dol et la violence lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes et que leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1143 de ce même code dispose qu'il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant 'à son égard', obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

Le stress et le syndrome anxio dépressif invoqués par Mme [L] sont décrits de manière peu circonstanciée par trois médecins généralistes différents, l'une exerçant à [Localité 5], Mme [V] le 8 février 2021, la seconde à [Localité 5], Mme [D] [W] [F] le 2 février 2021 et le troisième à [Localité 9], M. [C] [R] le 3 février 2021, étant observé que ce dernier médecin fait état d'une 'incapacité de signé des documents administratifs et notariés, notamment le vendredi 29 janvier 2020", date différente de celle de la transaction dont l'annulation est sollicitée, que le certificat de Mme [W] [F] du 2 février 2021 se borne à certifier de faits qu'elle n'a pas elle-même constatés et que les trois certificats établis par trois médecins généralistes différents en sept jours sont aussi postérieurs à la date de signature qui est celle du 29 janvier 2021. Le certificat établi le 16 janvier 2018 par Mme [D] [W] [F], médecin généraliste, fait quant à lui état d'une hospitalisation en 2010 et de séquelles nécessitant la prise d'un traitement quotidien, sans précision. Enfin, ce même médecin a établi le 7 juin 2023 un certificat mentionnant 'un état clinique perturbé physiquement et psychologiquement lié à la situation litigieuse avec son frère depuis plusieurs années et surtout depuis 2 ans'.

La lettre datée du 30 janvier 2021 par laquelle Mme [U] [L], fille de Mme [X] [L], relate ce qu'elle comprend du litige existant entre sa mère et son frère depuis plusieurs années dans sa partie judiciaire et affirme que celle-ci a signé sous l'insistance des autres participants, notaire, son frère et son avocat, est contredite par le contenu même du procès-verbal d'où il ressort qu'une discussion s'est instaurée sur les valeurs des deux biens, objets du partage, soit l'immeuble de [Localité 8] attribué à M. [L] d'une part et l'appartement de [Localité 5] occupé depuis de très nombreuses années par Mme [L], cette dernière produisant trois évaluations chiffrées de 2018 entre 75 000 et 90 000 euros avec finalement un montant retenu de 80 000 euros, soit dans la fourchette résultant des documents fournis par Mme [L] elle-même. M. [L], outre le paiement d'une soulte à sa soeur d'un montant de 34 000 euros, a aussi renoncé à revendiquer le versement d'indemnités d'occupation pour l'appartement occupé par elle depuis de très nombreuses années et aussi au mobilier de la maison de [Localité 8] laissé à la discrétion totale de sa soeur.

L'attestation par laquelle l'autre fille de Mme [L], [H], fait état des dernières années de son grand-père affecté par le décès de son épouse, de sa proximité et aussi de sa mère avec lui et en revanche de l'éloignement de M. [G] [L] et de ses enfants, est sans intérêt pour la résolution du litige et n'éclaire pas les conditions dans lesquelles a été signé l'accord contesté.

Le simple courrier daté du 30 janvier 2021 d'un certain [Z] [T], indiquant bien connaître Mme [L], ne fait que relater les dires de celle-ci et exprimer son inquiétude et son avis personnel sur son état de vulnérabilité.

Ces éléments demeurent insuffisants à démontrer le vice du consentement de Mme [L] lors de la signature de l'accord transactionnel et à établir aussi que M. [L] a tiré d'elle un avantage manifestement excessif à l'occasion de cet accord qui permet de parvenir à un partage.

Il convient à cet égard de rappeler que M. [L], dans le cadre de l'accord transactionnel, a explicitement renoncé à revendiquer le rapport à la succession de l'indemnité d'occupation relative à l'appartement occupé par sa soeur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal, a homologué la transaction et lui a conféré force exécutoire.

2. Le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a homologué le projet de partage établi par le notaire, Me [N], sur la base de l'accord transactionnel des parties et rejeté par voie de conséquence les autres demandes de Mme [L] formées subsidiairement, que l'accord rend sans objet.

3. Il n'est pas davantage que devant les premiers juges démontré l'intention de nuire, l'intention malicieuse ou l'erreur équivalente au dol imputable à Mme [L]. L'exercice de la voie de recours qu'est l'appel ne constitue pas non plus cette preuve.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par M. [L] de dommages-intérêts pour résistance abusive.

4. Le jugement entrepris sera aussi confirmé sur l'emploi des dépens de première instance et l'application au profit de M. [L] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

5. Mme [L], appelante qui succombe totalement, sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à M. [G] [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne Mme [X] [L] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ;

Condamne Mme [X] [L] à payer M. [G] [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/05292
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;22.05292 ?
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