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14/05/2024 | FRANCE | N°22/00974

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 14 mai 2024, 22/00974


ARRET



















S.A.S. PASSION FRAIS





C/



S.A. FREY









FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 14 MAI 2024





N° RG 22/00974 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILUN



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 25 JANVIER 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE







S.A.S. PASSION FRAI

S agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié à cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 01

Plaidant par Me Sophie LECRUBIER, avocat au barreau de PA...

ARRET

S.A.S. PASSION FRAIS

C/

S.A. FREY

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 14 MAI 2024

N° RG 22/00974 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILUN

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 25 JANVIER 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. PASSION FRAIS agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié à cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 01

Plaidant par Me Sophie LECRUBIER, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A. FREY agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié à cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sibylle DUMOULIN de la SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 02

Plaidant par Me Dominique ROUSSEL, avocat au barreau de REIMS

DEBATS :

A l'audience publique du 05 Mars 2024 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Mai 2024.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 14 Mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

Par acte sous seing privé du 3 août 2017, la SA Frey a consenti à Mme [W] [S] [N], pouvant se substituer à elle, avant prise d'effet, la SAS Passion Frais, alors en cours d'immatriculation, un bail commercial portant sur des locaux en l'état futur d'achèvement, situés à [Localité 5] dans un ensemble immobilier constituant un parc commercial, d'une durée de dix ans à compter de la prise d'effet, pour l'exploitation d'un commerce de vente au détail de fruits et légumes, épicerie fine et de produits s'y rapportant sous l'enseigne 'Passion Frais'.

Le loyer annuel a été fixé à 31 500 € ht et hc sauf pour les deux premières années où il était limité à 1 890 € ht et hc, outre un loyer variable additionnel établi sur la base du chiffre d'affaires.

Les locaux commerciaux ont été réceptionnés selon procès-verbal de livraison du 8 novembre 2017.

La SAS Passion Frais a été immatriculé le 22 décembre 2017.

L'acquisition de la clause résolutoire a été constatée par ordonnance de référé du 31 août 2020 signifiée le 28 septembre 2020 pour non remise conformément à l'article 9.2.3 du bail de la déclaration (...)comportant le relevé de chiffre d'affaires.

Le bailleur a procédé à une saisie conservatoire de créance entre les mains de la Caisse d'épargne des Hauts de France par procès-verbal délivré le 10 décembre 2020 puis a renouvelé l'opération le 24 décembre 2020.

Le 15 janvier 2021 le tribunal de commerce d'Amiens a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la SAS Passion Frais et désigné maître [Z] [O] en qualité de mandataire.

Par acte d'huissier en date du 26 janvier 2021 la SA Frey a assigné la SAS Passion Frais en paiement de loyers commerciaux devant le tribunal de commerce d'Amiens, puis a déclaré une créance de loyers à titre privilégié à hauteur de 100 100,75 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2020.

Par acte du 17 mai 2021 la SA Frey a assigné en intervention forcée maître [Z] [O] ès qualités afin d'obtenir la fixation à titre privilégié de sa créance de loyer au passif de la SAS Passion frais.

Par jugement réputé contradictoire en date du 25 janvier 2022 le tribunal de commerce d'Amiens a :

- joint les instances et dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

- fixé la créance de la SA Frey au passif de la SAS Passion Frais aux montants suivants :

$gt; 100 100,75 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2020 jusqu'au jugement de sauvegarde ;

$gt; 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à titre chirographaire ;

$gt; les dépens liquidés à 100,57 € ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration reçue le 3 mars 2022 signifiée à partie le 3 février 2022, maître [Z] [O] ès qualités a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état saisi à la requête de la SA Frey, cette dernière a été déboutée de sa demande tendant à déclarer irrecevable la déclaration d'appel.

Par dernières conclusions remises par voie électronique à la cour le 4 juillet 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la SAS Passion frais demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau de :

- constater la nullité du contrat de bail pour vice du consentement ;

- débouter la SA Frey de ses demandes de fixation de créances et de ses demandes ;

- condamner la SA Frey aux dépens et à payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises par voie électronique le 10 août 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la SA Frey demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant de :

- juger irrecevable la demande nouvelle portant sur la nullité du bail ;

- débouter la SAS Passion Frais de ses demandes ;

- fixer la créance de la société Frey à titre privilégié et au titre de leurs frais liés à la procédure d'appel (article 700 du code de procédure civile) au passif de la société Passion Frais à la somme de 5 000 € ;

- condamner la société Passion Frais aux dépens de l'appel.

SUR CE :

La demande tendant au prononcé de la nullité du bail est recevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile comme tendant à faire écarter les prétentions adverses étant pas ailleurs observé que le jugement dont appel a été rendu de façon réputée contradictoire.

L'appelante prétend à la nullité du bail commercial au motif que son consentement a été vicié par dol, que le bailleur est à l'origine de manoeuvres l'ayant amené à contracté et qu'il a manqué à son obligation de conseil. Elle fait valoir que compte tenu des manoeuvre de la SA Frey elle a perdu une chance de ne pas contracter.

Elle explique que ce bail d'une technicité extrême est un contrat d'adhésion dont elle n'a pas pu discuter les conditions, qu'elle n'a pas mesuré les engagements financiers qu'elle prenait ayant seulement la pratique des marchés.

Elle ajoute qu'elle n'a pas pu bénéficier des conseils du notaire car le bail ne lui a été adressé qu'après signature et pour lui conférer une forme authentique.

Elle précise que consciente du non respect des promesses de chiffre d'affaires la SA Frey 'shopping promenade' a consenti des aides financières et des conditions de loyers préférentielles à différents locataires.

Elle affirme que la société Frey a manqué à son devoir de mise en garde en ne l'informant pas et en ne la mettant pas en garde sur la viabilité économique du projet, qu'elle s'est abstenue de transmettre la moindre observation alors qu'elle connaissait le caractère profane de la signataire, qu'elle était l'unique interlocuteur et n'a pas attiré son attention sur l'impossibilité de rompre le contrat.

Elle considère que la société Frey n'a poursuivi que son propre intérêt tendant à remplir les cellules du centre commercial et qu'elle ne pouvait pas imaginer que le projet était voué à l'échec.

Enfin elle fait remarquer que le bailleur ne lui adressait pas les quittances de loyers et les factures de façon régulière, que ces dernières ont été établies a posteriori.

L'intimée s'oppose à cette demande de nullité comme non fondée. Elle fait valoir qu'elle n'a pas l'obligation d'assurer la commercialité de l'activité, qu'elle n'est pas responsable des conséquences de la concurrence entre commerçants, que l'appelante a reconnu avoir approuvé les conditions économiques financières matérielles et juridiques arrêtées lors des discussions précontractuelles.

Elle affirme qu'elle n'est débitrice d'aucun devoir de mise en garde en qualité de bailleur et que l'appelante est défaillante à démontrer ses carences.

Elle fait remarquer que la SAS Passion Frais bénéficie d'un plan de sauvegarde, accordé par la cour d'appel dans un arrêt récent et motivé par l'accroissement du chiffre d'affaires et que cette situation suffit à démontrer la rentabilité de l'opération au sein du centre commercial.

En application de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En outre, aux termes de l'article 1137 du code civil le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

La charge de la preuve des manoeuvres dolosives incombe à celui qui les invoque.

Si la SA Frey a fait signer un bail très volumineux intégrant le concept de 'shopping promenade' présenté de façon détaillée, il n'est pas démontré par l'appelante sur qui pèse la charge de la preuve des manoeuvres alléguées, qu'elle n'a pas été placée en situation d'étudier ce document ou de le faire analyser par un professionnel.

Mme [W] [S] [N] ne conteste pas qu'elle était déjà commerçante dans le domaine des fruits et légumes.

L'appelante a reconnu être assistée d'un conseil (article V du bail -discussion précontractuelles) lors de la délivrance des informations pré-contractuelles et a été tentée par ce nouveau projet dans les conditions proposées.

Le document litigieux renseigne sur le fait qu'il s'agit d'une création d'une zone d'activité commerciale

Elle n'a jamais remis en cause l'emplacement attribué au sein du centre commercial lui assurant du passage.

Elle ne peut remettre en cause les difficultés consécutives à la crise sanitaire qui n'étaient pas prévisibles lors de la signature et elle avait connaissance que s'agissant d'un nouveau concept il existe toujours un temps d'adaptation à de nouvelles habitudes commerciales constituant un aléa de la vie économique.

D'ailleurs dans ce contexte le bailleur a consenti une réduction temporaire du loyer durant la première et la deuxième année, circonstance qui démontre que le bailleur a pris en compte l'aléa et le temps nécessaire au développement.

Cependant à l'issue de ce temps de franchise partielle, la crise sanitaire est intervenue, circonstance qui ne peut être imputée au bailleur.

Il n'est pas démontré que les locaux ne sont pas conformes aux engagements du bailleur ni que des informations tronquées ou erronées ont été délivrées.

D'ailleurs il ressort de la chronologie des relations contractuelles que le bail n'a été résilié que du fait de la carence de la locataire à remettre ses relevés de chiffre d'affaires à l'issue de la période de franchise, situation caractérisant la volonté de ne pas régler le loyer contractuellement prévu.

La société Passion Frais fonctionne bien, son chiffre d'affaires ne cesse de croître, certes grâce à un second établissement, mais le passif n'est constitué que de la créance de loyer de la société Frey, situation qui caractérise que les charges courantes sont payées.

Lors de la saisie conservatoire le compte de la société était créditeur de plus de 12 000 €.

Il n'est pas démontré par l'appelante qu'en présence d'autres informations elle aurait renoncé à la signature du bail dont elle s'est largement satisfaite le temps de la période de franchise de loyer.

Au soutien de sa demande l'appelante se contente de produire deux articles de presse publiés le 9 et le 20 mars 2023 dans lesquels il est fait état de promesses mirobolantes faites aux commerçants. Ces pièces ne sont étayées d'aucun autre élément.

Défaillante à démontrer quelconques manoeuvres dolosives du bailleur lors de la signature du bail ou que ce dernier aurait été défaillant dans le respect de ses engagements, la société Passion Frais est déboutée de sa demande de nullité du bail commercial passé avec la société Frey.

La société Passion frais qui demande que le bailleur soit débouté de ses demandes ne conteste pas les sommes déclarées par ce dernier auprès de maître [Z] [O] ès qualités ni le montant retenus par les premiers juges pour fixer la créance de la société Frey au passif de la procédure de sauvegarde.

La société Passion Frais qui succombe supporte les dépens d'appel qui seront admis en frais privilégiés de procédure collective et il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déclare recevable la demande de la SAS Passion Frais tendant à la nullité du bail commercial

Déboute la SAS Passion Frais de sa demande tendant à la nullité du bail commercial ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective et que chaque partie gardera la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel.

Le Greffier, La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/00974
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.00974 ?
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