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25/04/2024 | FRANCE | N°23/01112

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 25 avril 2024, 23/01112


ARRET







S.A.R.L. ROY





C/



E.A.R.L. DU BLOIS ROUX













DB/SGS/DPC/VB





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU VINGT CINQ AVRIL

DEUX MILLE VINGT QUATRE





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/01112 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWMA



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU VINGT ET UN MARS DE

UX MILLE VINGT DEUX





PARTIES EN CAUSE :



S.A.R.L. ROY, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Corinne FORMET substitua...

ARRET

S.A.R.L. ROY

C/

E.A.R.L. DU BLOIS ROUX

DB/SGS/DPC/VB

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT CINQ AVRIL

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/01112 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWMA

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. ROY, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Corinne FORMET substituant Me Xavier PERES de la SELARL MAESTRO AVOCATS, avocats au barreau d'AMIENS

APPELANTE

ET

E.A.R.L. DU BLOIS ROUX, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Assignée à étude le 09/05/2023

INTIMEE

DEBATS :

A l'audience publique du 22 février 2024, l'affaire est venue devant M. Douglas BERTHE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Douglas BERTHE, Président de chambre, Président, Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 25 avril 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

*

* *

DECISION :

La SARL Roy exerce une activité de divers travaux agricoles, notamment des prestations d'arrachage de betteraves et de battage de maïs.

L'EARL du Blois Roux exploite un fonds agricole en cultures céréalières [Localité 3].

La SARL Roy allègue avoir procédé à :

- l'arrachage des betteraves pour la campagne 2017 pour laquelle l'EARL du Blois Roux aurait versé un acompte de 2 000 euros, la prestation ayant été facturée le 30 décembre 2017 pour un montant de 2 559,95 euros après déduction de l'acompte,

- l'arrachage de betteraves pour les campagnes 2018 et 2019 qui ont fait l'objet des factures n°18182 du 27 décembre 2018 d'un montant de 5 139,42 euros et n°19251 du 27 décembre 2019 d'un montant de 4 503,68 euros.

La SARL Roy estime ainsi que l'EARL du Blois Roux est redevable de la somme totale de 12 203,05 euros, les factures payables à réception, étant demeurées impayées.

Par lettre recommandée du 13 décembre 2020 dont il a été accusé réception le 16 décembre 2020, la SARL Roy a mis en demeure l'EARL du Blois Roux de lui régler la somme de 12 203,05 euros.

Par courrier du 3 février 2021, une autre mise en demeure, sollicitant l'application d'agios à un taux de 1,5 % par mois en sus du principal, était adressée au débiteur, ce courrier restant sans réponse.

Le 19 février 2021, la SARL Roy a fait notifier à l'EARL du Blois Roux sommation de payer la somme de 16 900,76 euros comportant le montant des factures, une indemnité forfaitaire de recouvrement, les intérêts échus ainsi que le coût de l'acte d'huissier.

L'EARL du Blois Roux n'a pas déféré à cette sommation.

C'est dans ces conditions que suivant exploit en date du 15 septembre 2021, la SARL Roy a fait assigner l'EARL du Blois Roux afin d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 12 203,05 euros avec intérêt au taux contractuel de 1,5% par mois à compter de l'échéance de chaque facture outre une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'EARL du Blois Roux n'a pas constitué avocat en première instance.

Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal judiciaire de Beauvais a :

- Rejeté l'ensemble des demandes de la SARL Roy à l'encontre de l'EARL du Blois Roux,

- Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Laissé les dépens de l'instance à la charge de la SARL Roy.

Par déclaration du 22 février 2023, la SARL Roy a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 2 mai 2023 par lesquelles la SARL Roy demande à la cour de :

- La déclarer recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

- Condamner l'EARL du Blois Roux à payer à la SARL Roy la somme de 12 203,05 euros avec intérêt au taux contractuel de 1,5% par mois à compter de l'échéance de chaque facture,

- Condamner l'EARL du Blois Roux à payer une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner l'EARL du Blois Roux en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl Maestro Avocats qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel a été signifiée à étude le 9 mai 2023 concernant l'EARL du Blois Roux et les conclusions d'appelant le 23 mai 2023 à étude.

L'EARL du Blois Roux n'a pas constitué avocat.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures de l'appelant pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de ses prétentions.

La clôture a été prononcée le 15 novembre 2023 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 22 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des articles 1102, 1172, 1353, 1358, 1359, 1360, 1361, 1363, 1378 et 1381du code civil et de l'article 1er du décret n°80-533 du 15 juillet 1980 que chacun est libre de déterminer la forme du contrat, celui-ci étant par principe consensuel. Il en résulte que la validité d'un contrat n'est en principe pas subordonnée à la rédaction d'un écrit.

La preuve de son existence peut être apportée par tout moyen.

Cependant, l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant le montant de 1 500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Toutefois, cette règle reçoit exception en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un écrit.

Ainsi, le juge a la faculté d'user de son pouvoir souverain d'appréciation de l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique résultant de l'usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement un contrat (Cour de cassation, chambre civile 1, 15 avril 1980, 79-10.328, Cour de cassation, civile, chambre commerciale, 22 mars 2011, 09-72.426).

Il peut être suppléé à l'écrit par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.

Les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée ; mais celui qui s'en prévaut ne peut en diviser les mentions pour n'en retenir que celles qui lui sont favorables.

La valeur probante des déclarations faites par un tiers dans les conditions du code de procédure civile est laissée à l'appréciation du juge.

Nul ne peut se constituer de titre à soi-même. Toutefois, ce principe est inapplicable à la preuve des faits juridiques, étant rappelé que la valeur probante des attestations produites relève de l'appréciation du juge.

Enfin, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

À titre liminaire, il convient d'observer que le contrat allégué présente le caractère d'un acte mixte, étant passé entre un commerçant et une EARL, soit une société civile au sens de l'article L324-1 du code rural et de la pêche maritime, de sorte que l'article L110-3 du code de commerce posant le principe de la liberté de la preuve entre commerçants, n'a pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce.

En l'espèce, la SARL Roy produit :

- un extrait de son grand livre,

- ses relevés de comptes bancaires au crédit agricole,

- les bordereaux de chèques et la copie de chèques de l'EARL du Blois Roux crédités à son compte,

- l'ensemble de ses factures adressées à l'EARL du Blois Roux depuis 2011 dont celles acquittées ou partiellement acquittée,

- une attestation du maire de la commune [Localité 3],

- les attestations de MM. [P] et [J] [O] agriculteurs [Localité 3],

- deux attestations émanant MM. [M] et [K], salariés de la la SARL Roy.

La comptabilité de la SARL Roy, ses factures, ses relevés de compte bancaire émanant du Crédit Agricole, les bordereaux de remise de chèques et les copies de chèques permettent d'établir les concordances suivantes, soit l'existence :

- d'une facture du 14 décembre 2010 d'un montant de 3 092,47 euros pour la campagne de 2010 réglée par chèque crédit mutuel de l'EARL du Blois Roux remis au Crédit Agricole le 18 février 2011,

- d'une facture du 31 décembre 2011 d'un montant de 2 566,29 euros pour la campagne de 2011 réglée par chèque CIC de l'EARL du Blois Roux remis au Crédit Agricole le 17 avril 2012,

- d'une facture du 29 décembre 2012 d'un montant de 2 744,55 euros pour la campagne de 2012 réglée par chèque Crédit mutuel de l'EARL du Blois Roux remis au Crédit Agricole le 28 mars 2013,

- d'une facture du 31 décembre 2013 d'un montant de 3 741,05 euros pour la campagne de 2013 réglée par chèque CIC de l'EARL du Blois Roux remis au Crédit Agricole le 3 avril 2014,

- d'une facture du 30 décembre 2014 d'un montant de 3 824,92 euros pour la campagne de 2014 réglée par chèque CIC de l'EARL du Blois Roux remis le 11 mars 2015,

- d'une facture du 29 décembre 2015 d'un montant de 4 268,65 euros pour la campagne de 2015 réglée par chèque CIC de l'EARL du Blois Roux remis au Crédit Agricole le 21 juin 2016,

- d'une facture du 30 décembre 2016 d'un montant de 4 783,90 euros pour la campagne de 2016 réglée par chèque CIC de l'EARL du Blois Roux remis au Crédit Agricole le 10 novembre 2017,

- d'une facture du 30 décembre 2017 d'un montant de 4 559,95 euros pour la campagne de 2017 réglée partiellement à hauteur de 2000 euros par chèque CIC de l'EARL du Blois Roux remis au Crédit Agricole le 10 novembre 2017,

- d'une facture du 27 décembre 2018 d'un montant de 5 139,42 euros pour la campagne de 2018 non réglée par l'EARL du Blois Roux,

-d' une facture du 27 décembre 2019 d'un montant de 4 503,68 euros pour la campagne de 2019 non réglée par l'EARL du Blois Roux.

Il résulte de ces éléments comptables et bancaires que de 2010 à 2016, l'EARL du Blois Roux a consenti à s'acquitter exactement des sommes lui étant facturées par la SARL Roy au titre du battage du maïs et de l'arrachage de betteraves et qu'en 2017 a été effectué un paiement partiel de 2 000 euros au titre de la campagne 2017.

Il convient d'observer que le grand livre est un document comptable que les société commerciales sont tenus d'établir et que ce dernier retrace en l'espèce aussi bien les écritures au débit qu'au crédit de l'EARL du Blois Roux.

Les relevés de compte de la SARL Roy produits aux débats émanent du Crédit Agricole, organisme tiers vis-à-vis des parties.

La copie des chèques renseignés et signés versés aux débats émanent de l'EARL du Blois Roux.

Le maire de la commune [Localité 3] ainsi que MM. [P] et [J] [O], agriculteurs [Localité 3] attestent que c'était la SARL Roy qui était en charge des travaux d'arrachage de betteraves sucrières au profit de l'EARL du Blois Roux jusqu'en 2019.

MM. [M] et [K], salariés de la SARL Roy, attestent pour le premier avoir arraché, chacune des années concernées, les betteraves pour le compte de son employeur chez M. [L] [N] (EARL du Blois Roux) et pour le second être salarié depuis 2018 et avoir réalisé les campagnes d'arrachages 2018 et 2019 pour le compte de son employeur et au profit de l'EARL du Blois Roux. Les déclarations de ces derniers salariés, corroborées par les autres éléments soumis aux débats, ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'un titre mais celle du fait qu'une prestation d'arrachage a bien été réalisée par leur employeur au profit de l'EARL du Blois Roux.

L'usage agricole pratiqué entre les parties démontre une impossibilité morale pour la SARL Roy de se procurer une preuve littérale du contrat.

Ainsi, l'ensemble des éléments se corroborent et démontrent l'existence d'une relation contractuelle stable et ininterrompue entre les parties de 2011 à 2019.

Il résulte donc de ces éléments :

- que la campagne de 2017 n'a pas été réglée à hauteur de 2 559,95 euros eu égard au paiement partiel de 2 000 euros effectué par l'EARL du Blois Roux,

- que la campagne de 2018 d'une valeur de 5 139,42 euros n'a pas été réglée par l'EARL du Blois Roux,

- que la campagne de 2019 d'une valeur de 4 503,68 euros n'a pas été réglée par l'EARL du Blois Roux,

soit un total de 12 203,05 euros dont l'EARL du Blois Roux n'a pas justifié s'être acquitté.

La demande en paiement sur le principal sera donc accueillie et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.

En revanche, la nature même de la convention résultant d'un accord verbal, ne permet pas de déterminer sa teneur au regard de ses conditions particulières ou de ses pénalités.

Dès lors, il n'est nullement démontré que l'EARL du Blois Roux ait consenti à s'acquitter d'un intérêt au taux contractuel de 1,5% par mois à compter de l'échéance de chaque facture et la demande de la SARL Roy sur ce point sera rejetée.

L'EARL du Blois Roux qui succombe sera condamnée aux dépens de la première instance et de l'appel et les dispositions de la décision entreprises relatives aux dépens et frais irrépétibles sera infirmée.

Il conviendra également d'autoriser le recouvrement direct contre les parties condamnées des dépens dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner l'EARL du Blois Roux à payer à la SARL Roy la somme de 1 500 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt de défaut et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'EARL du Blois Roux à payer à la SARL Roy la somme de 12 203,05 euros,

Rejette la demande tendant à condamner l'EARL du Blois Roux à payer à la SARL Roy un intérêt au taux contractuel de 1,5% par mois à compter de l'échéance de chaque facture,

Condamne l'EARL du Blois Roux aux dépens de première instance et d'appel et autorise leur recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne l'EARL du Blois Roux à payer à la SARL Roy la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en première instance et en appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/01112
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;23.01112 ?
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