La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2024 | FRANCE | N°23/03374

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 16 avril 2024, 23/03374


ARRET

























[G]









C/







S.E.L.A.R.L. EVOLUTION













OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 16 AVRIL 2024





N° RG 23/03374 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2ZC





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 30 JUIN 2023



APRES COMMUNICATION DU DOSSIE

R ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :







APPELANT







Monsieur [Y] [G]

[Adresse 3]

[Localité 1]





Représenté par Me Pierre LOMBARD de l'ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

...

ARRET

[G]

C/

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 16 AVRIL 2024

N° RG 23/03374 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2ZC

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 30 JUIN 2023

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [Y] [G]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Pierre LOMBARD de l'ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION SELARL de Mandataires Judiciaires, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de MAYA FLEURS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Audrey BOUDOUX D'HAUTEFEUILLE, avocat au barreau d'AMIENS, ayant pour avocat plaidant Me Christophe BEJIN, avocat au barreau de SAINT QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 25 Janvier 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Charlotte RODRIGUES

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 16 Avril 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe

Le 16 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

Le 1er juillet 2005 une société Maya Fleurs ayant une activité d'achat et vente en détail de fleurs arbustes et toute activité liée à l'horticulture outre la commercialisation d'objets de décoration a été constituée entre M. [Y] [G] titulaire de 490 parts soit 98% du capital et Mme [D] [X] épouse de M. [Y] [G], titulaire de 5 parts et M. [T] [G] père de M. [Y] [G] titulaire de 5 parts.

M. [Y] [G] a été le gérant de la société du 1er juillet 2005 au 13 juillet 2015 date de sa démission, Mme [D] [X] son épouse lui a succédé.

Par jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 12 février 2016 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Maya fleurs, la date de cessation des paiements étant fixée au 12 août 2014, maître [M] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL Grave Randoux devenue SELARL Evolution étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 12 septembre 2017 un plan de continuation a été arrêté, maître [M] étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement en date du 11 octobre 2019 le tribunal de commerce de Saint-Quentin a ordonné l'ouverture d'une seconde procédure de redressement judiciaire après le prononcé de la résolution du plan de redressement, maître [B] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL Evolution en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 2 décembre 2019 le tribunal de commerce de Saint-Quentin a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et désigné la SELARL Evolution en qualité de liquidateur judiciaire.

Par exploit d'huissier en date du 3 novembre 2011 le liquidateur judiciaire a fait assigner M. [Y] [G] et Mme [D] [X] devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin au titre d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif aux fins de les voir condamner solidairement au paiement d'une somme en principal de 200 000 euros sur le fondement de l'article L 651-2 du code de commerce.

Par jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 30 juin 2023 M. [Y] [G] et Mme [D] [X] ont été condamnés in solidum au paiement de la somme de 120 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 juillet 2023 M. [Y] [G] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Il a été fait application de la procédure à bref délai.

Aux termes de ses conclusions remises le 4 décembre 2023 M. [Y] [G] demande à la cour de prononcer la nullité de l'assignation pour défaut de délivrance à personne et défaut de respect du délai allongé de deux mois, d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau in limine litis de dire l'action formée à son encontre prescrite et de débouter la SELARL Evolution de son action à son encontre et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions remises le 5 décembre 2023 la SELARL Evolution demande à la cour de rejeter les exceptions soulevées par M. [Y] [G], de dire régulière l'assignation délivrée à Mme [D] [X], juger recevable son action à l'encontre de M. [Y] [G] et de confirmer le jugement entrepris excepté quant au quantum de la condamnation dont elle a demandé qu'il soit porté à 200000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2023 date du jugement dont appel (sic).

Elle demande la confirmation du jugement entrepris du chef des frais irrépétibles et demande la condamnation in solidum de M. [Y] [G] et de Mme [D] [X] au paiement d'une somme complémentaire de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître d'Hautefeuille.

Par avis en date du 22 novembre 2023 communiqué aux parties le jour même, le ministère public demande à la cour de constater la nullité de l'assignation du 3 novembre 2021 et de constater que M. [Y] [G] est hors de cause depuis sa démission en qualité de gérant.

Par acte en date du 2 novembre 2023 M. [G] a transmis la demande de notification de la déclaration d'appel en Belgique.

La SELARL Evolution a par acte en date du 21 novembre 2023 transmis une demande de notification de ses conclusions en Belgique.

Aucun retour des modalités des significations n'a été obtenu.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2023.

La SELARL Evolution a déposé des conclusions le 14 décembre 2023.

SUR CE ,

Les conclusions de la SELARL Evolution remises postérieurement à l'ordonnance de clôture doivent être déclarées irrecevables aucun motif grave ne justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture.

Sur la nullité de l'assignation

M. [G] soutient que l'assignation délivrée en première instance à destination de Mme [D] [X] est irrégulière dès lors qu'elle a été délivrée à leur fille au domicile conjugal que Mme [X] avait quitté depuis le 15 mai 2020 pour résider en Belgique.

Il fait valoir qu'elle est nulle et non avenue à l'égard de Mme [X].

Il soutient que leur fille a simplement confirmé à l'huissier le lien de parenté mais non l'adresse de sa mère.

Il soutient par ailleurs que dès lors qu'une condamnation solidaire était sollicitée l'acte est nul à l'égard des deux défendeurs et en déduit que le jugement doit être infirmé.

La SELARL Evolution s'interroge sur la qualité à agir de M. [G] pour voir établir la nullité de l'assignation délivrée à Mme [X] et fait valoir que le domicile de Mme [X] a bien été certifié par sa fille qui a accepté de recevoir l'acte pour son compte et qu'ainsi la personne présente au domicile du destinataire de la signification a nécessairement accepté la signification en la recevant.

Elle fait en outre observer que lors de la signification du jugement dont appel en date du 28 juillet 2023 M [G] indiquait ne pas connaître l'adresse de son épouse.

Il sera observé en premier lieu que la nullité de l'acte introductif d'instance n'a pas pour conséquence d'entraîner l'infirmation du jugement entrepris mais son annulation qui en l'espèce n'est pas sollicitée et qui au demeurant empêcherait la cour de statuer sur le fond l'obligeant à renvoyer l'examen de l'affaire aux premiers juges.

Par ailleurs l'assignation de Mme [X] en première instance a été délivrée à la demande du liquidateur à la seule adresse de la gérante de la société qu'il connaissait soit au domicile conjugal des époux [G].

Elle a de surcroît été remise à personne présente à domicile Mme Maya [X] [G] fille majeure de Mme [D] [X] épouse [G] qui a certifié le domicile de sa mère et accepté de recevoir l'acte.

Dès lors le seul fait qu'il soit justifié que Mme [X] avait également une résidence en Belgique où elle travaillait ne saurait entacher de nullité l'acte remis au domicile certifié et confirmé par sa propre fille.

Il convient de débouter M. [G] de sa demande.

Sur la prescription de l'action du liquidateur

M. [G] soutient qu'ayant démissionné de ses fonctions le 13 juillet 2015 l'action du liquidateur se trouve prescrite depuis le 14 juillet 2020 l'assignation ayant été délivrée plus d'un an après l'expiration du délai de prescription. Il fait valoir que la prescription de trois ans à compter du jugement de liquidation prévue par l'article du code de commerce ne peut rallonger le délai quinquennal de l'article 2224 du code civil sauf à permettre la poursuite d'un dirigeant plus de quinze ans après son départ.

La SELARL Evolution fait valoir que la seule prescription applicable est celle de l'article L651-2 du code de commerce aux termes duquel l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire, peu important la date de commission des fautes de gestion reprochées au dirigeant.

Elle fait observer qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée le 3 novembre 2021 soit un peu moins de deux ans après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

En application de l'article 2223 du code civil les dispositions relatives notamment au délai de droit commun de la prescription extinctive ne font pas obstacle à l'application de règles spéciales prévues par d'autres lois.

En application de l'article L 651-2 du code de commerce l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Le point de départ de la prescription est le jugement ouvrant la liquidation judiciaire sans considération de la date de commission des fautes de gestion reprochées au dirigeant.

Ainsi en l'espèce l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif a bien été délivrée avant l'expiration du délai de prescription.

L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif n'est donc pas prescrite et il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce chef.

Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée à l'encontre de M. [G]

Les premiers juges ont retenu à l'encontre de M. [G] le fait que la perte pour l'exercice fiscal 2015 d'un montant de 43350,82 euros a entraîné des capitaux propres négatifs de 34 338,26 euros sans qu'aucune formalité n'ait été effectuée conformément à l'article L 223-42 du code de commerce .

Ils lui ont également reproché d'avoir augmenté sa rémunération de 35% cette même année 2015 alors que la date de cessation des paiements a été fixée au 12 août 2014 et que M. [G] ne pouvait ignorer les difficultés de son commerce mais également d'avoir réalisé des avances de trésorerie vers les sociétés Vanda et Elliot Fleurs pour 50 000 euros , sociétés avec lesquelles les époux [G] avaient des liens directs ou encore de s'être octroyé par son compte courant une somme de 28 144,85 euros.

M. [G] fait valoir que condamné en qualité de caution de la société Maya Fleurs à régler une dette de celle-ci auprès de la CIC Nord Ouest à hauteur de 53 523,35 euros sa condamnation à supporter l'insuffisance d'actif constitue une double sanction sauf à réduire à due concurrence la sanction prononcée à son encontre.

Il explique les difficultés de la société par un effondrement du marché français de la fleur entre 2013 et 2015 et le fait qu'elle avait adhéré lors de sa création à la franchise Jardins des Fleurs qui a donné lieu à un litige d'ampleur nationale opposant les franchisés et la franchise en devant régler des honoraires d'avocats importants et passer en perte les droits d'entrée dans la franchise et l'ensemble des visuels de la boutique et racheter ainsi la totalité de ses équipements, charges exceptionnelles sur les bilans 2014 et 2015.

Il conteste le large report de la date de cessation des paiements faisant observer que le 10 janvier 2015 la banque CIC a accordé à la société un prêt de 130000 euros au taux de 2,10% pour financer un établissement secondaire en toute connaissance de la situation de la société qui n'était donc pas en état de cessation des paiements.

Il conteste tout détournement de fonds au profit de nouvelles sociétés créées et financées par apports en compte courant de son père et emprunts bancaires.

Il précise que du fait de la création de ces trois nouvelles sociétés il n'a plus eu de fonction réelle dans la société Maya Fleurs.

Il conteste tout retard de paiement auprès du fisc ou de l'URSSAF.

Il rappelle surtout qu'il n'est plus le gérant de droit depuis le 13 juillet 2015 et qu'il n'est pas responsable des retards postérieurs ni du fait que le bilan 2016 n'ait été réalisé que le 30 juillet 2019.

Il soutient que les griefs émis à son encontre soit sont des évènements remontant à plus de six années soit concernent des exercices au cours desquels il n'était plus gérant alors même qu'un ancien dirigeant ne peut être condamné sans qu'il soit précisé si l'insuffisance d'actif était existante à la date de cessation de son mandat.

Il fait valoir que lors des seuls comptes qui lui sont imputables clôturés au 30 septembre 2014 les capitaux propres étaient positifs et l'exercice était bénéficiaire.

Il souligne qu'il n'a jamais été appelé à la procédure et que si le tribunal a adopté un plan de continuation c'est qu'il n'y avait aucune faute à reprocher au dirigeant en fonction et encore moins à lui-même.

Enfin il fait observer que le passif important n'a nullement été contesté par Mme [X] et qu'ainsi une facture d'un fournisseur de fleurs est particulièrement contestable dès lors qu'elle mêle différentes dettes des sociétés Maya Fleurs Vanda et Elliot Fleurs et qu'au demeurant les livraisons concernées sont toutes postérieures à son départ. Il précise qu'il est parti avant l'établissement des comptes 2015 et qu'il ne peut en être tenu responsable.

La SELARL Evolution fait valoir en premier lieu qu'au regard de l'insuffisance d'actif arrêtée au 23 septembre 2020 à 883681,31 euros il ne saurait y avoir double peine si la condamnation envers la banque CIC venait s'ajouter à la condamnation pour insuffisance d'actif.

Elle confirme ne poursuivre M. [G] qu'en sa qualité de gérant de droit soit jusqu'au 13 juillet 2015 et ne pas lui reprocher de fautes de gestion postérieures.

Elle fait valoir qu'il n'existe aucun lien entre les présentes poursuites et l'absence de poursuites au titre d'une sanction personnelle.

S'agissant des conséquences à tirer de l'adoption d'un plan de redressement par voie de continuation par jugement du 12 septembre 2017 elle conteste que cela vaudrait reconnaissance implicite de l'absence de faute de la part du dirigeant du fait de sa gestion antérieure à l'adoption du plan, la loi de sauvegarde des entreprises ne réservant pas les plans de continuation aux dirigeants vertueux et que l'arrêté d'un plan de redressement ne constitue pas un mécanisme de purge des fautes.

Elle soutient que la créance auprès du fournisseur de fleurs a été admise au passif de la société pour 164 365,53 euros et qu'elle ne peut donc plus être contestée aucune réclamation n'ayant été formée dans les délais requis.

Le liquidateur judiciaire indique qu'il n'y a lieu de reprocher à M. [G] que les faits directement rattachés à la période de sa gérance de droit soit du 27 juin 2005 au 13 juillet 2015.

Il fait valoir que la société a enregistré des pertes comptables au cours de l'exercice du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 à hauteur de 43 350,82 euros représentant 6,5% du chiffre d'affaires et que cette perte a été minimisée dès lors qu'il n'existe aucune provision pour retards de paiement et pénalités et que tout ou partie des pertes ont été comptabilisées en fait sur les comptes de l'exercice suivant à hauteur de 248 959 euros. Il en déduit que la comptabilité au titre des exercices arrêtés au 30 septembre 2015 et 30 septembre 2016 était insincère et non probante.

Il ajoute que cette perte a eu pour conséquence la constitution de capitaux propres négatifs sans qu'aucune formalité ne soit effectuée en conséquence ce qui constitue une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif puisque la société Maya Fleurs aurait dû faire l'objet d'une dissolution anticipée au 30 septembre 2017 qui aurait limité l'insuffisance d'actif au moins à hauteur de 264 539,770 euros ( insuffisance d'actif au 30 septembre 2017- passif au 12 février 2016)

Il fait valoir que le retard de paiement des cotisations sociales à hauteur de 67 640,61 euros et des créances fiscales à hauteur de 12 370 euros a contribué à l'insuffisance d'actif.

Il reproche à M. [G] une augmentation de sa rémunération passée de 30 000 euros au 30 septembre 2013 à 40 270 euros en 2015 alors même que la situation de l'entreprise se dégradait et qu'un manque de trésorerie se faisait sentir, cette faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur de la somme de 38 414,85 euros en y ajoutant le solde débiteur de son compte courant. Plus généralement il considère que les charges de personnel excessives au regard de la rémunération habituelle pour ce type d'activité dont le personnel est payé au SMIC a bénéficié essentiellement aux dirigeants.

Il fait valoir que dans le bilan clos au 30 septembre 2015 il apparaît des avances de trésorerie auprès de deux sociétés ayant des liens directs avec M. [G] et son épouse outre un poste créditeurs divers dissimulant des détournements de fonds comme le poste clients douteux à hauteur de 16449,01 euro qui ne s'explique pas au regard de l'activité de la société ou le poste créances irrécouvrables à hauteur de 19 043,26 euros.

Il fait valoir que les écritures anormales en comptabilité ont servi à masquer des détournements de fonds.

La condamnation pour insuffisance d'actif distincte dans son objet des sanctions personnelles suppose l'existence d'une insuffisance d'actif pour couvrir les dettes antérieures au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et le jugement ouvrant le redressement judiciaire et celui arrêtant le plan de redresssement n'exonérant pas le dirigeant social de sa responsabilité, les fautes commises durant la période d'observation et pendant l'exécution du plan peuvent être prises en compte pour fonder l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif dès lors qu'elles sont antérieures à la liquidation.

S'agissant de M. [G] il convient de relever que l'insuffisance d'actif doit exister à la date de cessation des fonctions de l'ancien dirigeant soit en l'espèce au 13 juillet 2015.

L'insuffisance d'actif correspond à la fraction des dettes de la société non couverte par ses biens.

Il incombe au liquidateur d'en apporter la preuve.

Il sera observé que la cessation des paiements ne peut correspondre à l'insuffisance d'actif dès lors que la cessation des paiements est constituée dès que le passif exigible ne peut être réglé avec l'actif disponible.

En l'espèce le liquidateur ne fait état que de l'insuffisance d'actif existant au 23 septembre 2020.

Il justifie du passif déclaré lors de la première procédure ouverte le 12 février 2016 qui s'élevait à 619141,54 euros mais qui selon le bilan arrêté au 30 septembre 2015 n'était que de 354 407 euros soit au regard d'un actif s'élevant 319 968,93 euros une insuffisance d'actif de 31438 euros seulement.

Le liquidateur fait état cependant d'une comptabilité insincère faute de provision de charges sur l'exercice 2015 mais sur l'exercice 2016.

En effet l'expert comptable a confirmé que les charges exceptionnelles figurant dans les comptes de l'exercice 2015/2016 pour un montant de 248959 euros correspondaient à des dettes non comptabilisées dans le précédent bilan.

Ces charges portaient en réalité le passif à 603366 euros plus compatible avec le passif déterminé au 12 février 2016 à 619968,93 euros et portaient l'insuffisance d'actif à 283398 euros.

Si M. [G] explique les difficultés de la société par un effondrement des achats de fleurs et un contentieux ave son franchiseur il ne l'établit pas ne produisant aucun élément à l'appui de ses allégations.

Néanmoins il convient de retenir qu'il a démissionné en juillet 2015 et que l'exercice s'achevant le 30 septembre 2015 les comptes ont été établis bien après.

Il ne saurait dans ces conditions lui être imputé les écritures comptables postérieures à sa démission et le choix d'imputer des dettes sur l'exercice 2015/2016 plutôt que sur l'exercice 2014/2015.

De même il ne peut lui être reproché le non-respect des dispositions de l'article L 223-42 du code de commerce du fait de la constatation de

capitaux propres négatifs au 30 septembre 2015 et l'absence de cessation d'activité à la date de la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue soit à la date du 30 septembre 2017 alors même qu'il n'était plus gérant de la société depuis 2015 et qu'au demeurant la société était placée en redressement judiciaire.

Il est également reproché à M. [G] le non paiement de créances sociales ou fiscales mais au regard des déclarations de créances versées aux débats il ne peut lui être imputé au titre des créances fiscales qu'une somme de 1842,02 euros au titre du CFE pour l'année 2015 et s'agissant des créances sociales seule une somme totale de 23 660,55 euros dont 7247,33 euros à titre provisionnel, a été déclarée globalement pour 2013, 2015 et 2016 sans qu'il soit distingué selon les années.

Il ne résulte pas de ces faits une faute de gestion d'une gravité suffisante pour trancher avec le comportement habituel du débiteur malheureux de bonne foi.

Il est ensuite fait état par le liquidateur de postes figurant dans les comptes de l'exercice 2014/2015 tels que 'clients douteux' pour 16 449,01 euros sans constitution d'une provision ou créances irrecouvrables .

Il considère que ce poste clients douteux n'a aucune réalité et qu'il doit dissimuler des détournements de fonds mais il n'en justifie pas

De même il ne fait que suggérer que le poste créances irrécouvrables d'un montant de 19043,26 euros lors de l'exercice 2014/2015 mais de 837 72,40 euros durant l'exercice suivant ne correspondrait à aucune réalité.

Le liquidateur considère qu'au travers de ces postes ont été dissimulés des détournements afin de financer d'autres sociétés créées par M. [G].

Toutefois celui-ci établit par une attestation d'experts-comptables que ces autres sociétés relatives à une activité de restauration ont été financées en grande partie par son père et des prêts.

Le liquidateur par ailleurs considère que bien que stables sur la période les rémunérations du personnel au nombre de quatre salariés sont importantes au regard de l'activité et des rémunérations habituellement versées au personnel pour ce type d'activité et en déduit que cela a surtout profité aux dirigeants sans pour autant l'établir aucunement.

Les reproches formés ainsi par le liquidateur judiciaire fondés sur son analyse des comptes établis au 30 septembre 2015 ne permettent pas de retenir de fautes de gestion à l'encontre de M. [G] dont les détournements présumés ne sont pas justifiés et alors même que l'insincérité des postes contestés n'est pas établie.

Il est par ailleurs reproché à M. [G] d'avoir augmenté sa rémunération de gérant de 35% entre 2013 et 2015 alors même que la situation de la société se tendait l'exercice au cours duquel il a démissionné enregistrant a minima une perte de 43 350,82 euros et qu'elle manquait de trésorerie et d'avoir disposé d'un compte courant débiteur de 28 144,85 euros au 30 septembre 2015.

Il est indéniable que ces éléments sont constitutifs d'une faute de gestion qui a contribué à aggraver son passif.

Surtout il est reproché à M. [G] les avances de trésorerie consenties par la société Maya Fleurs à deux autres sociétés les sociétés Vanda et Elliot Fleurs à hauteur de 471 00 euros et 784,92 euros sans qu'il soit donné aucune explication à ces avances et alors même que ces sociétés étaient gérées par les époux [G].

Le fait de consentir de telles avances sans justifier de leur cause à des sociétés tiers dans le contexte difficile rencontré par la société Maya Fleurs constitue une faute de gestion ayant diminué sa capacité d'auto financement et donc aggravé sa situation, contribuant ainsi à l'insuffisance d'actif

Il convient cependant de constater que les fautes de gestion commises par M. [G] en sa qualité de gérant de la société n'ont que très partiellement contribué à l'insuffisance d'actif qui ne s'élevait lors de la cessation de ses fonctions qu'à la somme de 283398 euros.

Il convient de limiter la condamnation de M. [G] à la somme de 80000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif.

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif de Mme [X]

Le liquidateur judiciaire reproche à Mme [X] gérante à compter du 13 juillet 2015 de n'avoir pas tenu de comptabilité au titre des exercices arrêtés au 30 septembre 2017, 30 septembre 2018 et 30 septembre 2019, les comptes arrêtés au 30 septembre 2016 ayant eux-mêmes été établis avec retard et ce environ trois ans après, sans pouvoir être certifiés par l'expert-comptable et se révélant ainsi insincères.

Il lui reproche également les rémunérations élevées qui ont encore connu une augmentation importante ainsi que l'importance du poste créances irrecouvrables.

Enfin il considère que l'effondrement de la marge commerciale est inexplicable sauf à considérer que le prix des marchandises ait augmenté considérablement entre 2015 et 2016 ou plus vraisemblablement que le manque de recettes à hauteur de 110000 euros ait été appréhendé par le dirigeant de la société au préjudice de la trésorerie.

Il convient de rappeler qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Maya Fleurs le 12 février 2016 , que par jugement en date du 12 septembre 2017 un plan de continuation a été adopté mais qu'il a été résolu par jugement en date du 11 octobre 2019 qui a ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire.

Par jugement en date du 2 décembre 2019 une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte.

Mme [X] étant gérante depuis le 13 juillet 2015 il peut être tenu compte des fautes de gestion commises avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire que ce soit pendant la période d'observation du redressement judiciaire et pendant l'exécution du plan dans l'hypothèse d'une résolution du plan et de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Il résulte des différents rapports établis au cours des procédures ouvertes à l'égard de la société Maya Fleurs que Mme [X] n'a tenu aucune comptabilité ni produit les éléments fiables et sincères pour les établir.

Les seuls comptes disponibles sont donc ceux arrêtés au 30 septembre 2016.

Il sera observé cependant qu'ils n'ont pas été certifiés par l'expert comptable qui en raison de points inexpliqués a indiqué ne pouvoir exprimer aucune assurance sur la cohérence et surtout la vraisemblance des comptes.

Ainsi il n'est pas expliqué le fait que la marge commerciale se soit effondrée entre l'exercice clos au 30 septembre 2015 et l'exercice du 30 septembre 2016 en raison d'une augmentation de 45% du coût des marchandises soit environ une augmentation de 100000 euros.

Mme [X] a ainsi empêché la constitution d'une image précise de la situation de la société, la connaissance par les différents intervenants de la réalité de sa situation et la compréhension des difficultés rencontrées.

Elle a ainsi commis des fautes de gestion répétées ayant permis l'aggravation du passif qui a nettement augmenté puisque s'élevant à plus de 745000 euros avant la résolution du plan.

Les derniers comptes établis révèlent qu'alors que la situation de la société était particulièrement aggravée avec un résultat de - 448281,96 la gérante a encore augmenté sa rémunération ainsi que celle du personnel qui a subi une augmentation de 10% pour un même nombre de salariés générant un supplément de charges d'un montant de 67266 euros tandis que la rémunération de la gérante subissait une nouvelle augmentation de 33% par rapport à l'exercice précédent soit une augmentation de 17005,66 euros

Ces décisions dans le contexte difficile que connaissait la société constituent des fautes de gestion caractérisées.

Si le poste créances irrécouvrables est passé durant l'exercice 2015/2016 à plus de 83000 euros soit 12% du chiffre d'affaire et pose question au regard de la nature de l'activité de vente de fleurs au détail il n'est pas démontré l'existence de détournements.

Néanmoins il est établi que les fautes de gestion commises par Mme [X] en aggravant le passif dans les proportions rappelées ont contribué à l'insuffisance d'actif.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 120000 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition de la décision au greffe,

Prononce l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 14 décembre 2023 par l'intimée ;

Confirme le jugement entrepris excepté quant au quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de M. [Y] [G] ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé ;

Condamne M. [Y] [G] né le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 5] sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d'actif à payer à la SELARL Evolution ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Maya Fleurs, la somme de 80000 euros

Maintient la condamnation solidaire avec Mme [X] à hauteur de cette somme ;

Y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

Dit n' avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel .

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/03374
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;23.03374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award