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11/04/2024 | FRANCE | N°22/03765

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 11 avril 2024, 22/03765


ARRET

























S.A. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS









C/







[H]

[I]













VD





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 11 AVRIL 2024





N° RG 22/03765 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQ2H





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D' AMIENS EN DATE DU 12 JUILLET 2022







PARTIES EN CAUSE :







APPELANTE







S.A. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]





Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMI...

ARRET

S.A. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS

C/

[H]

[I]

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 11 AVRIL 2024

N° RG 22/03765 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQ2H

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D' AMIENS EN DATE DU 12 JUILLET 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, et ayant pour avocat plaidant Me Yves-Marie PRAVET, avocat au barreau de PARIS

Plaidant par Me Nora AMROUN, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMES

Madame [F] [H] épouse [I]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Monsieur [C] [I]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentés par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS, ayant pour avocat plaidant Me Sabine VACRATE avocat au barreau du Val de Marne,

Plaidant par Me Cécile YVORRA, avocat au barreau du Val de Marne

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Février 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le 11 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

Le 22 décembre 2011, M. [C] [I] et Mme [F] [H] épouse [I] (les époux [I]) se sont associés avec la SAS ITM entreprise pour créer la SARL Capaufline ayant pour activité l'acquisition la détention et la gestion de toutes participations dans des sociétés exerçant leur activité dans le secteur de la distribution, la réparation des parts se faisant de la façon suivante :

M. [C] [I] : 4182 parts

Mme [F] [I] : 4017 parts

La société ITM entreprise : 1 part.

A l'issue de la première assemblée [I] a été désigné gérant de la société. La société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 janvier 2012.

La SAS Borodap, immatriculée le 23 juillet 2002, a pour activité l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration situé à [Localité 7] [Adresse 5] sous l'enseigne Poivre rouge.

Le 1er février 2012, cette société a été cédée à la société Capaufline, les époux [I] et la société ITM, les titres étant alors répartis de la façon suivante :

La société Capaufline : 2497 actions;

M. [C] [I] : 1 action ;

Mme [F] [I] : 1 action

La société ITM entreprise : 1 action.

Les époux [I], alors associés de la SARL Capaufline (holding) et de la SAS Borodap (filiale de la société Capaufline), se sont portés cautions en octobre et décembre 2018 de divers prêts consentis les mêmes jours à ces sociétés par la banque populaire rives de Paris, destinés pour l'essentiel au rachat de prêts bancaires consentis antérieurement.

Les sociétés ont été placées en liquidation judiciaire le 22 avril 2020, la cessation des paiements de la société Capaufline a été fixée au 9 avril 2020, date de la déclaration, celle de la société Borodap a été fixée au 31 janvier 2019, date à laquelle l'entreprise n'a plus été en mesure de faire face au règlement de certains salaires.

La banque a donc déclaré ses créances entre les mains du liquidateur et a mis en demeure les cautions de régler les sommes restant dues au titre des prêts cautionnés.

Saisi par la banque populaire rives de Paris (la banque) de demandes de condamnation des époux [I] à lui verser diverses sommes en exécution de leurs engagements de cautionnement, le tribunal de commerce d'Amiens, par jugement du 12 juillet 2022, a :

Débouté la banque de toutes ses demandes,

Condamné la susdite à verser aux époux [I] 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laissé à la charge de la banque les entiers dépens liquidés pour frais de greffe à 80,29 euros dont TVA à 20% pour l'instance principale et 70,94 euros pour l'instance jointe, en ce compris les deux frais de mis en état, d'instruction au rôle de la juridiction dans chacune des deux instances (trop-perçu : 9,35 euros),

Vu la dénonciation du dépôt d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire en date du 3 septembre 2021 pour garantir le paiement de la somme de 54.000 euros en fonction d'une ordonnance du juge de l'exécution en date du 2 août 2021, ordonné la mainlevée et la radiation de l'hypothèque judiciaire inscrite par la banque sur le bien appartenant aux époux [I], aux frais de la banque,

Rappelé que l'exécution provisoire était de droit et dit n'y avoir lieu à l'écarter.

La banque a formé appel contre cette décision en toutes ses dispositions par déclaration du 2 août 2022 et par conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2023 demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, 2288 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

Condamner M. [I], au titre de ses cautionnements garantissant les engagements de la société Capaufline, à lui verser 54.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2021, date de la mise en demeure et jusqu'à parfait règlement,

Condamner Mme [I], au titre de ses cautionnements garantissant les engagements de la société Capaufline, à lui verser 54.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2021, date de la mise en demeure et jusqu'à parfait règlement,

Condamner M. [I], au titre de son engagement de caution garantissant le prêt souscrit par la société Borodap, à lui verser 28.200 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, date de la mise en demeure et jusqu'à parfait règlement,

Condamner Mme [I], au titre de ses cautionnements garantissant le prêt souscrit par la société Capaufline, à lui verser 54.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, date de la mise en demeure et jusqu'à parfait règlement,

Débouter les époux [I] de l'intégralité de leurs prétentions, fins et moyens,

Les condamner in solidum à lui verser 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les époux [I], par conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2024 demandent à la cour, au visa des articles 1353 du code civil, L.332-1, L.332-2, L.343-4, L.331-1 et L.333-2 et suivants, L.343-5 du code de la consommation, L.313-22 du code monétaire et financier, de :

Confirmer le jugement entrepris,

A titre subsidiaire, ordonner la déchéance des intérêts échus en raison du défaut d'information annuelle et du défaut d'information portant sur le dernier incident non régularisé,

Juger qu'ils ne peuvent pas devoir plus de 108.268,32 euros au total du fait de leurs engagements de caution,

Limiter toute condamnation à 75.175,48 euros au titre des cautionnements portant sur les prêts de 88.000 euros et 6.000 euros accordés à la société Capaufline,

En toute hypothèse, condamner la banque à leur verser 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.

SUR CE,

Sur le caractère disproportionné des engagements de caution :

Aux termes des articles L. 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve de la disproportion manifeste de l'engagement lors de sa souscription repose sur la caution et celle relative à la disparition de cette disproportion sur le créancier.

Lors de sa souscription la disproportion de l'engagement de caution s'apprécie au regard des éléments fournis par la caution justifiant de sa situation financière et patrimoniale dont la banque n'a pas à vérifier l'exactitude en l'absence d'anomalies apparentes.

Il est rappelé qu'en cas de disproportion avérée de l'engagement, ce dernier n'est pas nul, la caution étant seulement déchargée de l'obligation de garantir l'emprunteur principal.

Si les cautions solidaires sont des époux communs en biens qui se sont simultanément portés caution d'une même dette, le caractère manifestement disproportionné s'apprécie non au regard des revenus de chacun, mais eu égard aux biens et revenus de la communauté qu'ils ont engagée (Civ.1ère, 27 mai 2003 n°00-14.302).

Le premier juge a considéré que le montant total des cautionnements soit 164.000 euros était disproportionné par rapport aux biens et revenus des époux [I] tels que ressortant de la fiche de renseignements remplie le 18 octobre 2018, compte tenu des charges de loyers non incluses dans cette fiche de renseignement, et sans qu'il y ait lieu de prendre en compte la valeur de leurs parts sociales dans les deux sociétés ayant eu un résultat déficitaire en 2018, de sorte qu'il y avait lieu de les en décharger et d'ordonner la mainlevée et la radiation de l'inscription d'hypothèque judiciaire inscrite par la banque sur le terrain de hutte de chasse appartenant aux époux [I].

La banque soutient que les 6 engagements de caution des époux [I] souscrits pour un montant total de 164.400 euros en garantie de trois prêts d'un montant global de 144.000 euros ne présentaient aucun risque de disproportion manifeste dans la mesure où leur surface financière minimale au 4ème trimestre 2018 était de 240.178 euros comprenant les parts sociales détenues dans la société Capaufline d'une valeur minimale de 122.985 euros.

Les époux [I] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé disproportionnés leurs engagements de caution, faisant valoir à cet égard que :

Les cautionnements cumulés de 164.400 euros étaient 5,2 fois supérieurs à leur revenus nets de charges d'emprunts et de loyers, et restaient disproportionnés même en ôtant les charges de loyers,

Ils étaient 38,9 fois supérieurs à leur patrimoine immobilier net en 2018 ;

La valeur de leurs sociales dans la holding Capaufline était nulle lors de leurs engagements de caution dans la mesure où le seul actif de cette société holding était constitué des titres de la société Borodap et que cette dernière avait une rentabilité en baisse depuis 2016 (baisse du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation).

Sur les engagements de caution du 25 octobre 2018 :

Ce jour-là M. [I] s'est porté caution solidaire sans bénéfice de discussion de la SARL Capaufline dans la limite de la somme de 49.800 euros pour la durée de 72 mois, couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités et intérêts de retard au titre d'un prêt équipement classique n°8758525 de 88.000 euros consenti le même jour remboursable en 48 échéances mensuelles ayant pour objet le rachat de prêts consentis par les banques HSBC et Société générale.

Il s'est également porté caution solidaire sans bénéfice de discussion de la SAS Borodap dans la limite de la somme de 28.200 euros pour la durée de 60 mois, couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités et intérêts de retard au titre d'un prêt équipement classique n°8758592 de 50.000 euros consenti le même jour remboursable en 36 échéances mensuelles ayant pour objet le rachat de prêts consentis par les banques Chabière et Société générale, des travaux d'économies d'énergie et le financement du fonds de roulement.

Le même jour Mme [I] s'est portée caution solidaire sans bénéfice de discussion de la SARL Capaufline dans la limite de la somme de 49.800 euros pour la durée de 72 mois, couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités et intérêts de retard au titre d'un prêt équipement classique n°8758525 de 88.000 euros consenti le même jour remboursable en 48 échéances ayant pour objet le rachat de prêts consentis par les banques HSBC et Société générale.

Elle s'est également portée caution solidaire sans bénéfice de discussion de la SAS Borodap dans la limite de la somme de 28.200 euros pour la durée de 60 mois, couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités et intérêts de retard au titre d'un prêt équipement classique n°8758592 de 50.000 euros consenti le même jour remboursable en 36 échéances mensuelles ayant pour objet le rachat de prêts consentis par les banques Chabière et Société générale, des travaux d'économies d'énergie et le financement du fonds de roulement.

Les engagements de caution pour les deux époux s'élevaient donc en tout à 156.000 euros le 25 octobre 2018.

Pour chacun de leurs deux engagements en garantie de la dette de chaque société emprunteuse sont produites par la banque deux fiches de renseignements certifiées exactes et signées par les époux [I] le 18 octobre 2018 dans lesquelles ils déclarent :

-être mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts,

- le patrimoine commun suivant :

*terrain non constructible de 650 m² à [Localité 6] (80), acquis 12.200 euros en 2015, estimé 30.000 euros,

*une assurance-vie Gan estimée à 6000 euros,

*une épargne estimée à 43000 euros,

-deux emprunts au crédit mutuel, un pour le terrain et un pour un véhicule de tourisme acquis neuf, le capital restant dû étant respectivement de 8369 euros et de 3676 euros, soit 12045 euros en tout et la charge de remboursement représentant respectivement 1486 euros et 2074 euros par an, soit au total 3560 euros par an ou 297 euros par mois.

-aucun engagement de caution

-des salaires de 24.040 euros annuels pour monsieur comme gérant de la société Borodap et 26.198 euros pour madame comme employée de commerce de la même société, soit un total de 50.238 euros par an ou 4186 euros par mois.

Par ailleurs il est établi que la valeur des parts sociales détenues par la caution au sein de la société cautionnée fait partie du patrimoine devant être pris en compte pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de souscription de son engagement. (Com. 19 janvier 2022, n°20-19670).

Au jour de leurs engagements, les époux possédaient la quasi-totalité des parts sociales de la société Capaufline (8199 sur 8200).

Les parties s'opposent sur la valeur de ces parts au moment des engagements de cautionnement, étant observé à cet égard que les fiches de renseignements susvisées ne mentionnent pas ni l'existence ni la valeur de ces parts sociales.

La banque fait valoir que le portefeuille de parts sociales détenues par le couple dans la société Capaufline au 4ème trimestre 2018 valait au minimum 122.985 euros en tenant compte de leur valeur nominale unitaire de 15 euros, précisant que d'autres méthodes de valorisation (notamment celle fondée sur les capitaux propres utilisée par les époux [I] ou celle fondée sur la valeur du fonds de commerce calculée sur le chiffre d'affaires) aboutissent à des valorisations supérieures. Elle ajoute que les époux [I] se fondent, en s'appuyant sur une attestation de complaisance d'un expert- comptable, sur des données comptables retraitées qui ne sont pas conformes aux bilans des deux sociétés, contrairement au principe comptable de sincérité des comptes, pour aboutir à une valorisation négative alors que les capitaux propres de la société Capaufline s'élevaient à 193.424 euros au 31 décembre 2018 tandis que ceux de la société Borodap étaient de 55.149 euros, soit 248.573 euros en tout, et qu'en tout état de cause la valeur des sociétés dont l'activité était bénéficiaire en 2017 ne pouvait être nulle, étant précisé à ce titre que :

le bilan 2019 de la société Capaufline fait état, pour l'exercice 2019, d'emprunts auprès d'établissements de crédit pour un montant de 119.685 euros, ce qui démontre que si comme l'affirment les époux [I], la société Capaufline a emprunté la somme de 389.411 euros pour acquérir les parts de la société Borodap, cet emprunt avait été largement remboursé en 2018 et les époux [I] avaient fait remonter assez de fonds dans la holding pour permettre le remboursement de l'emprunt ce qui démontre la vitalité de la société fille;

le compte de résultat de 2018 de la société fille Borodap ne fait pas état d'une mauvaise situation puisque le résultat est de 11.126 euros après paiement des salaires à hauteur de 227.106 euros outre 68.590 euros de charges sociales, de sorte que les époux [I] pouvaient se rémunérer ;

elle n'avait pas connaissance des résultats de 2018 des deux sociétés, si bien qu'il n'y a lieu d'examiner que les comptes de 2017, le résultat pour cet exercice étant bénéficiaire de 4.191 euros pour Capaufline et de 11.126 euros pour Borodap.

Le tribunal ne peut déduire de la liquidation intervenue postérieurement le fait que les parts sociales étaient dépourvues de valeur au moment de la souscription des engagements litigieux.

Les époux [I] répliquent que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la valeur de la société était nulle au moment de leurs engagements de cautionnement, ce que la mise en liquidation judiciaire a d'ailleurs confirmé puisque le fonds de commerce de restauration de la société Borodap n'a pas trouvé preneur.

Ils rappellent qu'ils détiennent 99,88 % de la société Capaufline qui est une holding pure, sans activité opérationnelle ni d'animation de sa filiale et n'a pour seule vocation que de détenir Borodap à hauteur de 99,88% qui constitue son unique actif immobilisé.

Ils mettent en avant que :

la banque ne saurait se prévaloir de la valeur nominale des parts sociales acquises dans la holding Capaufline 6 ans avant les cautionnements et avant l'acquisition par cette dernière de la société Borodap,

elle ne saurait additionner les capitaux propres des deux sociétés pour évaluer la valeur de Capaufline alors que la valeur de l'une se retrouve dans celle de l'autre,

la valeur d'une société est égale à la valeur réévaluée de ses capitaux propres, c'est-à-dire la différence entre son actif réévalué et ses dettes, or la valeur réelle de Borodap (actif ' (moins) dettes) seul actif de la société Capraufline était de 55.150 euros au 31 décembre 2017 et de 31.873 euros au 31 décembre 2018 ;

la société Bordodap a accusé une baisse de son chiffre d'affaires depuis 2016 ainsi qu'une baisse de son résultat d'exploitation, de 775 euros en 2016 et de 1360 euros en 2017, entraînant un ratio moyen bien loin des entreprises du même secteur, ces performances rendant impossible le remboursement de ses dettes et de celles de la société Capaufline et rendant particulièrement difficile la valorisation du fonds de commerce structurellement déficitaire,

en l'absence de fonds de commerce au bilan de la société Borodap et en considérant que cette valeur est nulle, la valeur de la société Borodap correspond au montant de ses capitaux propres ;

en remplaçant, dans l'actif du bilan de la société Capaufline de 2018, la valeur historique de la société Borodap, soit 389.411 euros, par sa valeur réelle, soit 55.149 euros, les capitaux propres de la société Capaufline n'étaient plus de 191.961 euros mais de 165.577 euros.

A cet effet, ils produisent une attestation du cabinet d'expertise comptable Ceasogetex du 19 avril 2022, certifiant que la valeur des parts sociales des deux sociétés pouvait être estimée comme nulle en 2017 comme en 2018 compte tenu en ce qui concerne la société Borodap d'une créance inter société irrecouvrable et en ce qui concerne la société Capaufline d'une créance inter société annulée dans l'estimation et d'une valeur des titres Borodap considérée nulle.

La banque ne justifie pas du fait qu'il s'agirait d'une attestation de complaisance. Le fait que l'expert-comptable ait retraité les comptes pour évaluer les parts sociales ne permet pas de mettre en doute la véracité de son analyse que la banque ne critique même pas de façon circonstanciée, ni de douter de la sincérité des comptes sociaux produits aux débats qui sont certifiés.

En effet ni le fait que la société Capaufline ait eu un résultat bénéficiaire de 4.191 euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2017 et que la société Borodap ait eu un résultat bénéficiaire de 11.126 euros, ni le fait que les époux [I] ont pu pendant plusieurs années être rémunérés grâce aux revenus générés par le fonds de commerce de restauration qu'ils ont créé avec la société ITM, ne suffisent à présumer du fait que la société Capaufline avait d'une valeur vénale positive, les deux sociétés étant fortement endettées (à hauteur de 216.482 euros pour Capaufline et 161.738 euros pour Borodap en 2017).

La valeur vénale d'une société doit tenir compte de tous les éléments disponibles de façon à faire apparaître une valeur aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande sur un marché réel, y compris son endettement.

Il est établi à cet égard que « la valeur des parts sociales dont est titulaire la caution dans la société cautionnée doit prendre en compte l'ensemble des éléments d'actifs de cette société, comprenant notamment ceux qui composent le fonds de commerce lui appartenant, et de son passif externe » (Com., 19 janvier 2022, pourvoi n°20-18.670), la formule « l'ensemble des éléments d'actifs » se comprenant des éléments de l'actif réel.

Or les évaluations proposées par la banque ne reflètent pas la valeur vénale de la société Capaufline au moment des engagements de caution.

Ainsi l'évaluation de la société Capaufline reposant sur sa valeur nominale déterminée lors de sa création le 22 décembre 2011, soit 122.985 euros, ne saurait faire foi de sa valeur vénale 7 ans plus tard.

De même la valeur comptable reposant uniquement sur la valeur de ses capitaux propres soit 193.424 euros fin 2017, est insuffisante pour apprécier sa valeur vénale s'agissant d'une société holding fortement endettée n'ayant aucun autre actif que les titres de la société Borodap dont la valeur comptable portée au bilan était sa valeur historique non sa valeur réelle qui seule doit être prise en compte pour l'évaluation.

Enfin celle reposant uniquement sur la valeur du fonds de commerce de la société Borodap par le chiffre d'affaires est sans objet dans la mesure où il s'agit d'estimer la valeur des parts sociales de la société Capraufline et en tout état de cause elle est incomplète puisque même en supposant que le fonds de commerce de la société Borodap ait une valeur de 333.250 euros soit 50% du chiffre d'affaires en 2017, elle ne prend pas en compte les passifs externes des sociétés d'un montant supérieur (377.920 euros) étant rappelé à cet égard qu'il n'est pas discuté que l'actif de la société Capraufline n'est constitué quasiment que des titres de la société Borodap qu'elle détient à 99,88%.

Dès lors, la cour considère comme le premier juge qu'il y a lieu de compter comme nulle la valeur des parts sociales qui appartenaient aux époux [I] au moment de leurs engagements litigieux.

Au vu de l'ensemble des biens et revenus des époux [I], la cour considère que les engagements de cautionnement souscrits le 25 octobre 2018, pour un montant total de 156.000 euros en garantie des prêts consentis aux deux sociétés dans lesquels ils étaient associés, étaient, lors de leur souscription, manifestement disproportionnés dans la mesure où les cautions étaient dans l'impossibilité manifeste de faire face à de tels engagements avec leurs biens et revenus.

En effet leur patrimoine immobilier et mobilier tel qu'estimé dans les fiches de renseignements à hauteur de 79.000 euros (30.000+6.000+43.000), ne leur permettait de régler que la moitié de leurs engagements de cautionnement, le remboursement du solde (soit 77.000 euros) sur 24 mois, soit 3208 euros, ne leur laissant, déduction faite des mensualités d'emprunt de 297 euros, qu'un reste à vivre pour deux de 978 euros, les endettant à plus de 70% de leurs revenus sur deux ans, ce qui les mettait derechef dans une situation de surendettement à défaut de pouvoir faire face à leurs charges courantes notamment leur loyer.

Sur les engagements de caution du 14 décembre 2018 :

Ces engagements de cautionnements ne sont pas produits aux débats, ni même le contrat de crédit cautionné dont il n'est produit que le tableau d'amortissement.

Cependant les époux [I] ne contestent pas que :

-M. [I] s'est porté caution solidaire sans bénéfice de discussion de la SARL Capaufline dans la limite de la somme de 4.200 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités et intérêts de retard au titre d'un prêt n°8760991 de 6.000 euros consenti le même jour remboursable en échéances.

-Mme [I] s'est portée caution solidaire sans bénéfice de discussion de la SARL Capaufline dans la limite de la somme de 4.200 euros pour la durée de ''''' mois, couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités et intérêts de retard au titre d'un prêt n°8760991 de 6.000 euros consenti le même jour remboursable en '''''échéances.

Ces deux cautionnements ont porté la totalité de leurs engagements de cautionnement à 164.400 euros au 14 décembre 2018. A défaut de nouvelle fiche de situation patrimoniale deux mois après les premiers cautionnements, il y a lieu, au vu des écritures des parties, de présumer leur situation inchangée depuis les cautionnements précédents, si bien que la cour constate que ces nouveaux engagements de cautionnement étaient, de plus fort, disproportionnés au regard de leurs biens et revenus.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions, étant précisé que la banque ne se prévaut pas d'un retour à meilleure fortune des cautions au jour de leur appel en garantie.

Sur la mainlevée des hypothèques provisoires :

C'est à juste titre que la banque fait valoir que selon l'article R.512-2 du code des procédures civiles d'exécution, la demande de mainlevée doit être portée devant le juge qui a autorisé la mesure, en l'occurrence le juge de l'exécution d'Amiens, et que le tribunal de commerce n'a aucun pouvoir de ce chef.

La cour constate en conséquence qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires une telle demande relevant du pouvoir du juge de l'exécution qui a une compétence exclusive d'ordre public de ce chef.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Compte tenu de la solution donnée au litige le jugement sera confirmé de ces chefs et la banque condamnée en outre à supporter les dépens et frais hors dépens en appel dans les limites rappelées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la mainlevée des hypothèques provisoires et,

Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée des hypothèques provisoires et invite les époux [I] à mieux se pourvoir,

Condamne la SA Banque populaire rives de Paris à verser aux époux [I] 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/03765
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.03765 ?
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