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28/03/2024 | FRANCE | N°23/02069

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 28 mars 2024, 23/02069


ARRET

























Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG









C/







[U]

[C]













OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 28 MARS 2024





N° RG 23/02069 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYHB





Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation, décision attaquée en date du 05 Mai 2021, en

registrée sous le n° 19-22.688

Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de ROUEN, décision attaquée en date du 06 Juin 2019, enregistrée sous le n° 17/05428

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de Bernay, décision attaquée en date du 28 Septembre 2017, enregistrée sous le n° 14/02120







PARTIES EN CAUS...

ARRET

Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG

C/

[U]

[C]

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 MARS 2024

N° RG 23/02069 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYHB

Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation, décision attaquée en date du 05 Mai 2021, enregistrée sous le n° 19-22.688

Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de ROUEN, décision attaquée en date du 06 Juin 2019, enregistrée sous le n° 17/05428

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de Bernay, décision attaquée en date du 28 Septembre 2017, enregistrée sous le n° 14/02120

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD EST, suite à une cession de créances en date du 19 juin 2015, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège

[Adresse 8]

[Localité 5] SUISSE

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Cécile SANIAL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de Reims

ET :

INTIMES

Monsieur [O] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Xavier PERES de la SELARL MAESTRO AVOCATS, avocat au barreau D'AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Pascale BADINA Associée de la SELARL Cabinet BADINA &

associés, avocat au barreau de Rouen

Madame [R] [C] épouse [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Richard DUVAL du cabinet RSD Avocats, avocat au barreau d' EVREUX

DEBATS :

A l'audience publique du 07 Décembre 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 Février 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 28 mars 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe

Le 28 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

La SARL [U] [R] et [O] est une société holding dont M. [O] [U] et Mme [R] [C] épouse [U] sont tous deux co-gérants.

Par actes sous seing privés en date du 10 juillet 2007 la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est a consenti deux prêts à la société ayant pour objet l'acquisition de parts sociales de la SARL Mutrelle.

Le premier prêt d'un montant de 434000 euros était remboursable en 120 mois au taux de 3% l'an moyennant des échéances annuelles de 50878,04 euros la dernière étant de 13572,74 euros et un différé d'un an étant prévu en cours d'exécution du contrat.

M et Mme [U] se sont chacun portés caution solidaire de la société dans la limite de 564200 euros chacun sur une durée de 12 ans.

Le second prêt consenti était d'un montant de 186000 euros remboursable en 120 mois au taux de 3,81 % l'an moyennant le versement d'échéances annuelles de 22715,73 euros .

Les époux [U] se sont portés chacun caution solidaire de la société à hauteur de la somme de 241800 euros sur une durée de 12 ans.

Par jugement du tribunal de commerce de Lisieux en date du 26 février 2014 la société [U] [R] et [O] a été placée en liquidation judiciaire et maître [J] [Y] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

La caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord -Est a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 358825,83 euros à titre chirographaire.

Par lettres recommandées en date du 7 mars 2014 la banque a mis en demeure les cautions de lui régler la somme de 73607,05 euros au titre des arriérés dans le remboursement des prêts et à reprendre le paiement des échéances courantes.

Par lettres recommandées en date du 6 mai 2014 elle a prononcé la déchéance du terme et sollicité le paiement de l'ensemble des sommes restant dues.

Par exploit d'huissier en date du 5 décembre 2014 la caisse de Crédit agricole mutuel du Nord-Est a fait assigner chacun des époux [U] devant le tribunal de commerce de Bernay aux fins d'obtenir le paiement des sommes lui restant dues à hauteur de la somme de 253440,40 euros au titre du premier prêt avec intérêts au taux de 3% à compter de la mise en demeure et de la somme de 86738,03 euros au titre du second prêt avec intérêts au taux de 3,81 %.

Par acte en date du 11 décembre 2015 la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est a cédé ces créances détenues à l'encontre des époux [U] à la société Intrum Justitia Debt Finance AG.

Par jugement en date du 28 septembre 2017 le tribunal de commerce de Bernay a débouté la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est de l'ensemble de ses demandes, en retenant que les engagements de caution devaient être considérés comme disproportionnés faute pour la banque de justifier de la consistance des patrimoines et revenus des époux et l'a condamnée aux dépens et à payer aux époux [U] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt de la cour d'appel de Rouen en date du 6 juin 2019, ce jugement a été infirmé.

La société Intrum Justitia Debt Finance AG venant aux droits de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord Est a été condamnée à payer à M. [U] la somme de 50000 euros et la même somme à Mme [R] [C] épouse [U] et ce à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde, la compensation a été ordonnée entre les créances réciproques des parties et en conséquence M. [O] [U] a été condamné à payer à la société Intrum Justitia Debt Finance AG la somme de 175942,96 euros après déduction de la somme de 50000 euros et avec intérêts au légal à compter du 5 mai 2014 et la somme de 74387,58 euros au titre du second prêt avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2014. Les mêmes condamnations ont été prononcées à l'encontre de Mme [R] [C] épouse [U].

Enfin les époux [U] ont été condamnés in solidum à payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Par arrêt de la Cour de cassation en date du 5 mai 2021 cet arrêt a été cassé et annulé mais seulement en ce qu'infirmant le jugement l'arrêt a constaté que la cour n'était saisie d'aucune prétention tendant à la déchéance du droit aux intérêts , a condamné les époux [U] chacun au paiement d'une somme de 175942,96 euros avec intérêts au légal à compter du 5 mai 2014 et d'une somme de 74387,58 euros au titre du second prêt avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2014 et a condamné in solidum les époux [U] aux dépens et au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration reçue au greffe le 2 mai 2023 la société Intrum Justicia Debt Finance AG a saisi la cour de renvoi.

Il a été fait application de la procédure issue de l'article 1037-1 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions remises le 29 juin 2023 la société Intrum Debt Finance AG venant aux droits de la société Intrum Justitia Debt Finance AG suite à un changement de dénomination sociale demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant de nouveau de condamner M. [U] à lui payer la somme de 175942,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2014 au titre du premier prêt et la somme de 74387,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2014 au titre du second prêt et de condamner Mme [R] [C] épouse [U] aux mêmes sommes, d'ordonner la capitalisation des intérêts et enfin de condamner in solidum les intimés à lui payer une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Amiens Douai représentée par maître Jérôme Le Roy.

Aux termes de ses conclusions remises le 22 août 2023 M. [O] [U] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bernay, de débouter la société Intrum Debt Finance AG de l'ensemble de ses demandes et en conséquence de juger que la compensation ordonnée entre les créances respectives des parties est non avenue et qu'il est en droit de poursuivre l'exécution forcée de la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire si la cour entrait en voie de condamnation à son égard il demande de fixer sa créance à la somme de 133949,83 euros au titre du premier prêt et à la somme de 52087,20 euros au titre du second prêt et d'ordonner la compensation avec les dommages et intérêts qui lui ont été alloués.

Il demande enfin la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Péres.

Aux termes de ses conclusions remises le 20 juin 2023 Mme [R] [C] épouse [U] demande à la cour de déclarer irrecevable l'argumentation de la société Intrum Debt Finance AG en ce qu'elle remet en question l'application de l'article L 341-4 du code de la consommation et de constater le caractère définitif de l'arrêt en ce qu'il a condamné l'appelante à lui payer une somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts et au besoin de la condamner au paiement de cette somme.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement rendu en ce qu'il rejette les demandes de la société Intrum Debt Finance AG à son encontre et de la débouter de toutes ses demandes à son encontre.

A titre subsidiaire elle demande que l'appelante soit déboutée de toutes ses demandes en paiement de pénalités de retard ou d'intérêts de retard.

En toutes hypothèses elle demande la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2023.

SUR CE

Sur la saisine de la présente cour

La Cour de cassation reproche à la cour d'appel d'avoir valorisé les terrains faisant partie du patrimoine selon un barême de 2017 et de ne pas avoir pris en compte un engagement de caution ayant expiré le 6 décembre 2018 pour condamner les cautions tout en constatant qu'elles avaient été assignées le 5 décembre 2014 alors même que pour apprécier si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée le juge doit se placer au jour de l'assignation.

Elle reproche également à la cour d'appel d'avoir condamné Mme [U] au paiement en retenant que les actifs des époux [U] se composaient notamment de terrains provenant d'une donation-partage au bénéfice de M. [U] alors même que les époux n'intégraient pas cette donation-partage dans l'actif de communauté. Elle rappelle qu'il résulte de l'article L 341-4 du code de la consommation que la capacité de la caution commune en biens à faire face à son engagement au moment où elle est appelée à l'exécuter s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci et aux biens communs.

Enfin elle reproche à la cour d'avoir dit n'y avoir lieu d'examiner les moyens invoqués au soutien de la demande de déchéance du droit aux intérêts au motif que le dispositif des conclusions des cautions ne comportait pas de demande de déchéance du droit aux intérêts alors même qu'une demande fondée sur un défaut d'information de la caution constitue un moyen de défense au fond qui tend au rejet de la demande en paiement formée par la banque et qui n'a pas à être énoncé au dispositif des conclusions de la caution.

Il en résulte que la cour de renvoi est saisie des chefs de l'appréciation de la capacité des cautions à faire face à leur engagement au jour où elles ont été appelées et de leur condamnation au paiement ainsi que de la déchéance du droit aux intérêts mais n'est pas saisie de l'indemnisation du manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Sur la disproportion des engagements de caution

La société Intrum Debt Finance soutient que les cautions avaient la charge de la preuve de la disproportion de leur engagement de caution au moment de sa conclusion.

Elle fait valoir qu'ils disposaient en 2007 de revenus salariés de 41345 euros, de revenus fonciers de 7220 euros et ont été en mesure d'investir 80000 euros au titre de capital des PME. Elle ajoute qu'ils étaient propriétaires de leur maison estimée à 300000 euros avec une charge mensuelle d'emprunt de 990 euros en 2007, ce bien ayant été vendu en 2009 pour la somme de 270000 euros , de terrains sis à [Localité 7] acquis 3887 euros en 1996 et qu'ils étaient détenteurs de parts sociales de la SCEA [U] cédées par M. [U] à son frère pour 200000 euros au 1er juin 2007 et de parts sociales de la SARL [U] [R] et [O] dont la valeur s'élevait en juin 2007 à 190000 euros et à la suite de l'augmentation de capital en octobre 2007 à 270000 euros.

Elle fait valoir par ailleurs que M. [U] avait bénéficié en 2000 d'une donation-partage portant sur la nue-propriété de parcelles de terres, ce patrimoine immobilier pouvant être valorisé lors de la souscription de l'engagement de caution à la somme de 631620 euros.

S'agissant de l'acte de caution auprès de la SNC V.S Energie elle fait valoir que faute de transparence sur leurs biens et revenus les époux [U] ne rapportent pas la preuve de la disproportion de leurs engagements.

Par ailleurs elle soutient que lors de l'assignation les époux [U] percevaient des revenus d'un montant de 48237 euros nets outre 3475 euros de revenus de capitaux mobiliers et fait observer que les époux [U] font état d'un déficit de revenus fonciers alors qu'ils indiquent ne plus être propriértaires de biens immobiliers en dehors du bien dont ils sont usufruitiers évalué à 52000 euros dès lors qu'ils ont vendu en 2009 un immeuble sis à [Localité 9] pour 270000 euros, une maison sise à [Localité 6] pour 195000 euros dont le prix est séquestré et qu'ils sont propriétaires de parcelles en commun et M. [U] de parcelles issues d'une donation-partage en nue propriété qui peut être évaluée selon le barême 2015 à 819896 euros .

Elle considère qu'ainsi à tout le moins le patrimoine et les revenus de M. [U] lui permettent de faire face au jour de l'appel en garantie à la demande en paiement présentée à son encontre.

Elle fait valoir que pour apprécier la capacité de Mme [U] à faire face à son engagement de caution il convient de prendre en compte ses revenus et les biens communs.

Mme [R] [C] épouse [U] fait valoir en premier lieu que les conclusions de la société Intrum Debt Finance AG relatives à la disproportion du cautionnement des époux [U] lors de la souscription de celui-ci se heurte à la portée de la cassation, la Cour de cassation n'ayant pas sanctionné la cour d'appel en ce qu'elle a retenu cette disproportion lors de la souscription des engagements.

Elle fait valoir qu'au demeurant la situation à cette date avait été parfaitement analysée par la cour d'appel .

Sur sa situation lorsqu'elle a été appelée en qualité de caution elle soutient que seul son patrimoine personnel et ses droits dans la communauté sont à prendre en considération.

Elle fait valoir que ses droits dans la communauté étaient inexistants dans la mesure où la communauté était très largement déficitaire lorsqu'elle a été appelée.

Elle expose en effet qu'en décembre 2014 la communauté était composée en actif des salaires des époux et des capitaux mobiliers, de la maison d'[Localité 10] de la maison de [Localité 6] et des terrains de [Localité 7] pour un total de 302599 euros et au passif au titre des immeubles et de la caution accordée à la SNC V.S Energie un montant de 1 360641 euros soit un solde négatif de 1 058041 euros et qu'elle ne pouvait donc absolument pas faire face à son engagement de 806000 euros.

M. [O] [U] soutient comme Mme [U] que l'analyse de la cour d'appel retenant une disproportion du cautionnement au moment de sa souscription n'a pas été censurée par la Cour de cassation .

Il soutient de même que cette disproportion existait même en cumulant l'actif de communauté et les biens lui appartenant en propre au regard du passif conséquent entraînant un déficit de plus de 500000 euros.

Sur la disproportion manifeste au moment de l'appel des cautions il fait valoir qu'il appartient à la banque de démontrer que l'engagement de caution n'était plus disproportionné à la date de l'assignation.

Il fait valoir que l'immeuble de [Localité 6] a été vendu 195000 euros mais que le prix de vente qui ne couvre pas le montant de la dette est séquestré et qu'en tout état de cause la capital restant dû au titre du prêt était en décembre 2014 de 2400000 euros, que pour l'immeuble d'[Localité 10] ils n'en possèdent que l'usufruit sa valeur n'étant que de 52000 euros et le capital restant dû au 5 décembre 2014 était de 66211,60 euros .

S'agissant de l'immeuble de [Localité 9] vendu en 2009 pour 260495, 32 euros il indique qu'il a disparu du patrimoine et que son prix de vente a été utilisé pour des travaux dans l'immeuble de [Localité 6] et des sommes dues à l'administration fiscale.

S'agissant de ses biens propres issus de la donation- partage il fait valoir qu'ils sont inaliénables ses parents en étant usufruitiers et fait valoir qu'ils doivent être valorisés à seulement 621456 euros.

Enfin s'agissant de l'engagement de caution auprès de la SNC V.S Energie il fait valoir qu'il doit en être tenu compte dans l'appréciation du passif.

Il en déduit qu'au jour où les cautions ont été appelées leur actif net de communauté était de -1090598,86 euros et qu'en y ajoutant ses biens propres le déficit était encore de 469142,86 euros et de -270702,80 euros en retenant l'estimation erronée de l'appelante.

En application de l'article L 341-4 du code de la consommation un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était au moment de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.

Le jugement entrepris a considéré que les époux [U] ne justifiaient pas de la disproportion de leur engagement au jour de sa souscription et la cour d'appel n'a statué que sur la situation des époux [U] au moment où elle statuait et son arrêt a en cela été cassé.

L'appréciation de la capacité des cautions de faire face avec leur patrimoine à leur engagement au moment où elle est appelée suppose que préalablement cet engagement ait été considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa souscription.

Il convient de rappeler en outre que lorsque deux époux mariés sous le régime de la communauté se sont portés caution de la même dette la proportionnalité doit s'apprécier au regard du patrimoine du ménage.

Le double cautionnement engage les biens communs et les biens propres des époux.

Toutefois cette appréciation globale peut être nuancée lorsque les biens propres de l'un des époux constituent la masse la plus importante, une analyse prenant en compte le fait que les biens propres de cet époux ne pourront être appréhendés que pour l'exécution de son propre engagement peut être privilégiée.

En l'espèce chacun des époux s'est engagé en qualité de caution solidaire avec la société dont ils étaient les gérants à hauteur d'une somme totale de 806000 euros et la société Intrum Debt Finance AG poursuit chacun des époux pour la somme totale initiale de 300 330,54 euros dont elle déduit cependant par compensation sa condamnation au paiement de la somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts.

Lors de leur engagement en juillet 2007 les époux [U] bénéficiaient de revenus salariés d'un montant de 34075 euros, de revenus de capitaux mobiliers déclarés de 7270 euros et de revenus fonciers nets de 7220 euros soit un montant total de 48565 euros .

Ils disposaient d'un capital de 80000 euros destiné néanmoins à l'augmentation de capital à laquelle ils s'étaient engagés dans le cadre de l'opération de reprise des parts de la société Mutrelle financée par les prêts cautionnés.

Leur patrimoine commun se composait :

-de leur maison sise à [Localité 9] dont l'évaluation à 260000 euros doit être retenue au regard du prix de vente en 2009 s'élevant à 270000 euros et sur laquelle subsistait un passif de 13975,52 euros.

- d'une maison sise à [Localité 6] acquise le 30 juin 2007 dans le cadre de l'opération de reprise pour la somme de 256460 euros avec un prêt d'un montant de 240000 euros remboursable par 143 mensualités de 790 euros et une mensualité in fine de 240790 euros soit un passif de 353760 euros

- d'un terrain à bâtir sis à [Localité 7] d'une valeur de 3887,45 euros

- de parts de la SCEA [U] pour 200 000 euros mais cédées le 1er juin 2007 pour financer l'opération de reprise et l'augmentation de capital

- le compte courant de la SCEA pour 218000 euros

- les parts de la SARL [U] cédées en novembre 2017 pour 50000 euros la banque ne justifiant pas de son évaluation à 190000 euros en juillet 2007

- la vente de parts de la société VS Energie pour 800 euros

Le passif outre les prêts immobiliers se composait d'un redressement fiscal pour 62000 euros du coût de l'augmentation de capital pour 80000 euros mais surtout des engagements de caution pris par chacun des époux au profit de la SNC VS Energie pour un montant de 520000 euros chacun le 6 décembre 2004.

Il en résultait un passif de communauté de - 560588,07 euros.

Mme [U] ne disposait d'aucun bien propre au contraire de son époux bénéficiaire d'une donation-partage de la nue-propriété de plusieurs parcelles de terre pour une superficie de 108 ha 17 a 27 ca et non 121 ha comme retenu par l'appelante.

Au regard du barême fiscal applicable et de l'arrêté du 20 novembre 2008 fixant la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2007 la valeur de ces biens peut être retenue à hauteur de 563760 euros.

Ensemble les époux ne pouvaient faire face aux nouveaux engagements de caution d'un montant de 806000 euros chacun qui étaient manifestement disproportionnés et en considérant la seule situation de M. [U] celui-ci ne pouvait également avec ses seuls biens propres faire face à son engagement de caution d'un montant de 806000 euros en supportant même seulement la moitié du passif de communauté.

Les engagements de caution des époux [U] étaient donc bien disproportionnés au regard de leur situation financière lors de leur souscription.

Les époux [U] ont été appelés à honorer leur engagement de caution par acte du 5 décembre 2014 et c'est à cette date que l'appelante doit établir qu'ils étaient en mesure de faire face avec leur patrimoine à leur obligation.

En décembre 2014 les revenus des époux [U] étaient les suivants :

- 29097 euros pour M. [U] et 24500 euros pour Mme [U] au titre des salaires

- 3475 euros au titre des revenus de capitaux mobiliers

- - 8581 euros au titre du déficit des revenus fonciers nets

soit un total de 48491 euros

S'agissant de leur patrimoine commun la maison de [Localité 9] a fait l'objet d'une vente en 2009 leur ayant procuré une somme de 260495,32 euros leur ayant permis de régler une dette fiscale à hauteur de 57771 euros et de financer des travaux pour la maison de [Localité 6] pour plus de 140000 euros.

La maison de [Localité 6] sera vendue ultérieurement en 2017 pour un prix de 195000 euros.

Néanmoins en décembre 2014 elle était toujours dans le patrimoine des époux [U] mais le capital restant dû était toujours de 240000 euros outre des intérêts à échoir pour 42660 euros alors qu'elle avait été acquise pour 256460 euros.

Ils étaient usufruitiers d'une maison à [Localité 10] évaluée à un montant de 52000 euros pour laquelle un prêt avait été souscrit dont le capital restant dû au mois de décembre 2014 s'élevait à 66211,60 euros. Ils disposaient toujours du terrain à [Localité 7] .

Outre les prêts immobiliers ils étaient toujours tenus par leur acte de cautionnement au profit de la société V S Energie à hauteur de 520000 euros chacun

La communauté était toujours déficitaire à hauteur de plus 1 388 871 euros

Le patrimoine commun des époux ne leur permettait pas de faire face aux sommes sollicitées par la société Intrum Debt Finance AG au 5 décembre 2014 et ce même en tenant compte de leurs revenus.

En y ajoutant les biens propres de M. [U] pouvant être évalués en décembre 2014 à la somme de 731808 euros les époux n'étaient pas en mesure de faire face à leurs engagements à hauteur de 300330,54 euros chacun et M. [U] seul pas davantage et ce d'autant que tenu pour moitié du passif communautaire à hauteur de 694435 euros il ne pouvait compter que sur un actif net de 37373 euros.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation des époux [U] au titre de leur engagement de caution.

Il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts.

Il convient de dire n'y avoir lieu à compensation avec les dommages et intérêts dont est redevable la société Intrum Debt Finance AG venant aux droits de la caisse régionale de Crédit agricole qui a été condamnée définitivement au paiement d'une somme de 50000 euros à chacun des époux.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens et de condamner la SA Intrum Debt Finance AG aux entiers dépens de première d'appel et de la condamner à payer à chacun des époux la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bernay en date du 28 septembre 2017 ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Rouen en date du 5 juin 2019 ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 5 mai 2021,

Statuant dans les limites de la cassation partielle ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à compensation faute de créance de l'appelante ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne la société Intrum Debt Finance AG au paiement des entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Peres;

Condamne la société Intrum Debt Finance AG à payer à chacun des intimés M. [O] [U] et Mme [R] [C] épouse [U] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/02069
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.02069 ?
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