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28/03/2024 | FRANCE | N°22/04133

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 28 mars 2024, 22/04133


ARRET

























S.A. ALLIANZ IARD









C/







S.A.S. A.V.S. RECYCLAGE DIFFUSION

S.A.R.L. A.V.R. EMBALLAGES

S.A. AXA FRANCE IARD













VD





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 28 MARS 2024





N° RG 22/04133 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IRRT





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE

DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 22 JUILLET 2022







PARTIES EN CAUSE :







APPELANTE







S.A. ALLIANZ IARD agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 7]





Représentée par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONIN...

ARRET

S.A. ALLIANZ IARD

C/

S.A.S. A.V.S. RECYCLAGE DIFFUSION

S.A.R.L. A.V.R. EMBALLAGES

S.A. AXA FRANCE IARD

VD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 MARS 2024

N° RG 22/04133 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IRRT

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 22 JUILLET 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. ALLIANZ IARD agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAON

ET :

INTIMEES

S.A.S. A.V.S. RECYCLAGE DIFFUSION agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau D'AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Thierry PELLETIER, avocat au barreau de Reims.

S.A.R.L. A.V.R. EMBALLAGES agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 9]

[Localité 1]

Défaillante

S.A. AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurélien DESMET de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat au barreau D'AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au Barreau de Lille.

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Novembre 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 28 mars 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe.

Le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

La société AVS Recyclage diffusion (AVS), a pour objet social le négoce et le commerce de gros.

Fin 2018 elle a vendu à la société Moët Hennessy champagne et services (MHCS), spécialisée dans la production et commercialisation de champagne, avec laquelle elle entretient des relations commerciales depuis plus d'une dizaine d'années, des palettes de transport en bois, certaines étant destinées à l'exportation de sa production de champagne.

Ces palettes ont été fabriquées par la société AVR Emballages (AVR).

Lors de l'opération de dédouanement d'un chargement de MHCS dans le port de [Localité 8] en novembre 2018, un conteneur contenant certaines de ces palettes a été refoulé par la douane pour non-conformité du marquage des palettes à la norme NIMP 15 (norme internationale pour les mesures phytosanitaires) exigée par la règlementation sur le transport international, relative à la lutte contre la propagation des insectes xylophages, élaborée par la Convention internationale pour la protection des végétaux.

MHCS a dû supporter des frais de retour, de reconditionnement et de réexpédition en France de ces palettes non conformes ainsi que la rectification du logo des autres palettes restées en France en attente d'export, pour un coût total de 25.084,59 euros HT dont elle a sollicité l'indemnisation par son fournisseur la société AVS en lui adressant une note de débit de refacturation logistique datée du 20 août 2019.

Cette dernière a, le 22 novembre 2018, déclaré ce sinistre auprès de son assureur en responsabilité civile la société Allianz IARD (Allianz).

Une expertise amiable a été diligentée par l'expert mandaté par la compagnie Allianz (« Polyexpert ») au contradictoire de la société AVR et son assureur AXA France (AXA) qui a mandaté son propre expert (« Saretec»).

Le 8 février 2021, la société AVS a réglé à la société MHCS les 25.084,59 euros réclamés se décomposant ainsi :

Frais de manutention des bouteilles dans des palettes conformes dans le port de [Localité 8] : 3.385 euros,

Frais de retour en France du container avec les palettes vides : 2.284 euros,

Frais de réception de ce container dans le port du [Localité 10] : 320 euros,

Frais de correction du logo sur les palettes restées stockées à Oudale (76) : 11.248 euros,

Frais de correction du logo sur les palettes restées stockées à [Localité 11] (51) : 7.850 euros,

N'ayant pas de réponse de son assureur la compagnie Allianz, la société AVS a saisi le tribunal de commerce de Saint-Quentin le 26 novembre 2021 pour voir mobiliser sa garantie à hauteur de 5987,57 euros (représentant les 3 premiers postes) et celle d'Axa, assureur de la société AVR, à hauteur de 19.097 euros (représentant les deux derniers postes).

Par courrier du 1er décembre 2021, la société Allianz a proposé à son assuré le versement d'une indemnité de 1369,16 euros à titre transactionnel.

Par jugement rendu le 22 juillet 2022, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a estimé que la société Allianz devait garantir l'entier dommage et a :

Débouté les sociétés Allianz, Axa et AVR de leurs moyens, fins et conclusions,

Condamné la société Allianz IARD à régler 25.085 euros HT à son assuré la société AVS au titre de son obligation d'indemnisation, avec intérêts à compter du 22 novembre 2018, date de la déclaration du sinistre,

Ordonné l'exécution provisoire, comme de droit,

Condamné la société Allianz IARD en tous les dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 100,37 euros, et à payer à la société AVS la somme de 5000 euros pour les frais hors dépens.

Les premiers juges ont considéré que la société AVR n'était pas responsable du sinistre dans la mesure où il appartenait à la société AVS, qui avait réceptionné sans réserve les palettes dans ses entrepôts, de vérifier la conformité des marquages avant la livraison des palettes à sa cliente habituelle dont elle savait qu'elle les destinait à l'export.

La société Allianz a interjeté appel par déclaration du 29 août 2022, sollicitant l'infirmation de tous les chefs de jugement excepté en ce qu'il déboute les sociétés Axa et AVR de leurs moyens, fins et conclusions.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2023 la société Allianz IARD demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

-Juger la société AVR EMBALLAGES responsable de la non-conformité des palettes livrées à MHCS,

-Juger satisfactoire la proposition d'indemnisation à hauteur de 1.369,16 € adressée le 1er décembre 2021 à la société AVS et condamner ALLIANZ IARD au paiement de ladite somme, en deniers ou quittances,

-Condamner la société AVS RECYCLAGE DIFFUSION à restituer à ALLIANZ IARD la somme de 36.509,69 € sous déduction des condamnations éventuellement mises à sa charge au titre de sa garantie.

-Condamner en toute hypothèse la société AVR EMBALLAGES et AXA France solidairement à indemniser ALLIANZ IARD de l'ensemble des condamnations éventuellement mises à sa charge, en principal, intérêts et frais,

-Condamner la société AVR EMBALLAGES et AXA FRANCE in solidum au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait remarquer que les premiers juges ont statué ultra petita.

Elle fait valoir que le fabriquant des palettes et son assureur doivent assumer in fine le préjudice résultant du défaut de marquage sur le fondement de l'article 1217 du code civil dès lors que :

- les expertises amiables diligentées par les deux compagnies d'assurance concluent à la responsabilité du fabriquant la société AVR qui a supprimé volontairement l'encadré du logo international dans le cadre du processus de fabrication, aboutissant à une non-conformité du marquage des palettes ;

- le fabriquant a livré directement les palettes à la société MHCS ;

- en tout état de cause le fabriquant demeure responsable du défaut de la chose vendue en cas de ventes successives ;

- dans les chaînes de contrats translatifs de propriété, le sous-acquéreur dispose d'une action contractuelle directe contre le fabriquant, à raison de la non-conformité de la chose livrée (Civ.1ère 27 janvier 1993- n°91-11302) ;

- subrogée dans les droits de la société MHCS suite à l'indemnisation amiable du préjudice le 8 février 2021, la société AVS est bien fondée à actionner la responsabilité de son propre vendeur la société AVR,

Elle ajoute que sa garantie ne saurait être mobilisée, du fait des exclusions de garantie figurant aux conditions générales, qu'au titre de deux chefs de préjudices après livraison, les frais de manutention et de déchargement à la main des palettes à Baltimore, soit 3384,46 euros HT et les frais de retour et de réception des conteneurs avec les palettes vides, soit 2603,13 € HT, ce qui fait un total de 5987,59 euros, dont une franchise de 700 euros doit être déduite, soit un restant dû de 5287,59 euros.

Elle précise que cependant cette indemnité doit être réduite par application de l'article L.113-9 du code des assurances en cas de déclarations inexactes sur les risques couverts, en proportion du taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés, dès lors qu'elle n'a pas déclaré le dépassement du chiffre d'affaires prévu dans les conditions particulières, l'étude personnalisée en 2017 ne pouvant tenir lieu d'information par lettre recommandée avec avis de réception, ni la production des documents comptables. Elle indique qu'en appliquant la réduction proportionnelle de 69% au regard du chiffre d'affaires réalisé en 2018 soit 7.323.100 euros au lieu de 500.000 euros déclarés lors de la souscription du contrat, sa garantie doit être limitée à 1369,16 euros qu'elle a accepté de régler suivant proposition du 1er décembre 2021, les intérêts moratoires ne pouvant remonter au mieux qu'au 8 février 2021, date à laquelle la société AVS, qui se prévaut d'un recours direct subrogatoire, a indemnisé sa cliente.

Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 4 septembre 2023, la société AVS Recyclage diffusion demande à la cour, au visa des articles 1119, 1217, 1231-1, 1353, 1346 et 1604 du code civil, L.112-4, L.113-1, L.113-9 et R.112-3 du code des assurances, de :

A titre principal, confirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions,

Subsidiairement, :

*condamner la société Allianz IARD à lui verser 5987,59 euros au titre de son obligation d'indemnisation, avec intérêts à compter de la déclaration de sinistre du 22 novembre 2018, à titre infiniment subsidiaire, 5895,84 euros en limitant la retenue proportionnelle de prime à 91,75 euros, avec intérêts à compter de la déclaration de sinistre du 22 novembre 2018 ;

*la condamner à lui verser 5.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

*condamner la société Axa France IARD à lui verser 19.097 euros pour les dommages causés à la société MHCS l'ayant subrogée dans ses droits, avec intérêts au taux légal à compter de la déclaration de sinistre du 22 novembre 2018 ;

- en tout état de cause, débouter Allianz, Axa et AVR de toutes leurs demandes, fins et prétentions contraires aux présentes et condamner in solidum Allianz et Axa à lui verser 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Pelletier, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

A titre principal, elle demande la confirmation du jugement par adoption des motifs propres au tribunal de commerce.

Au soutien de ses demandes subsidiaires, elle fait valoir que sa responsabilité ne saurait être engagée. Elle estime que la société Allianz doit la garantir à hauteur de 5987,59 euros pour les dommages suivants, résultant de la non-conformité des palettes exportées : 3384,46 euros HT au titre de la décharge manuelle des palettes sur le sol américain et 2603,13 euros HT pour les frais de retour du conteneur contenant les palettes interdites d'entrée, dans la mesure où elle est bien assurée au titre des dommages corporels, matériels et immatériels survenus après la livraison des produits aux Etats-Unis.

Elle ajoute que la règle de réduction proportionnelle de prime doit être rejetée dans la mesure où Allianz avait parfaitement connaissance de l'aggravation du risque à assurer c'est-à-dire l'augmentation de son chiffre d'affaires en 2017 et qu'elle n'a cependant ni augmenté les cotisations, ni résilié le contrat ; qu'Allianz ne justifie pas de son calcul de réduction et qu'au pire il y aurait lieu d'appliquer une retenue de 1,99% sur la prime due soit 91,75 euros, selon la variation entre le CA de 2016 et celui de 2017.

Elle se prévaut de la résistance abusive de la société Allianz depuis la déclaration de sinistre.

Elle fait valoir encore que son action directe contre Axa France au titre de la garantie des frais de mise en conformité des palettes restées en France est recevable par application de l'article 1346 du code civil en tant que subrogée dans les droits de la société MHCS et bien fondée par application de l'article L.124-3 du code des assurances lui ouvrant une action directe, 1231-1 et 1604 du code civil dans la mesure où la responsabilité d'AVR est engagée puisque la non-conformité du marquage à la norme NIMP15 empêchait toute exportation et a entraîné des frais de mise en conformité à hauteur de 19097 euros HT qu'elle a entièrement remboursés à la société MHCS.

Elle ajoute que conformément à l'article 1119 du code civil, la société Axa ne saurait opposer des conditions générales qui n'ont pas été acceptées par la société AVR, ni en conséquence la clause d'exclusion qui y est insérée. En supposant les conditions générales opposables, elle estime d'une part que la clause géographique, qui doit être analysée en une clause d'exclusion et non une clause limitative de garantie, doit être écartée, puisqu'elle n'est ni claire, ni précise, ni mentionnée en caractères très apparents, et qu'en tout état de cause elle n'a pas vocation à s'appliquer puisque la vente s'est faite en France à une société française, que AVR était placée dans l'impossibilité de savoir que les palettes seraient exportées précisément aux Etats-Unis, la CIPV recensant 184 parties contractantes et que les exportations aux Etats-Unis et au Canada faites à l'insu de l'assurée sont garanties par Axa. D'autre part, elle estime que les autres exclusions spécifiques ne sont pas applicables, en application de l'article L.113-1 du code des assurances.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 septembre 2023, la société Axa France demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et à titre subsidiaire forme appel incident contre le jugement et sollicite de voir débouter les sociétés Allianz et AVS de leurs demandes à son encontre et de les voir condamner à lui verser 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir en substance :

-que la responsabilité incombe à la seule société AVS qui d'ailleurs l'a reconnue en indemnisant son client ; que la société AVR n'était pas informée de la destination à l'export des palettes litigieuses si bien que le lien entre sa faute et le préjudice n'est pas établi; que la société AVS n'a émis aucune réserve lors de la réception des palettes ;

- que sa garantie n'est pas mobilisable car les conditions générales n°460642 version D, qui sont bien opposables à la société AVR, excluent sa garantie au chapitre IV paragraphes 4.28, 4.29 et 4.30 qui visent les frais engagés pour réparer, refaire le travail, remplacer tout ou partie du produit et les frais de retrait des produits livrés par l'assuré ;

- que si la société AVR a reconnu le défaut de marquage conforme du fait de son ignorance de l'évolution de la norme et que le marquage international s'applique notamment aux Etats-Unis comme dans 183 autres pays, cependant la garantie d'Axa ne s'étend pas aux dommages résultant des exportations aux USA (chapitre 4 des conditions générales).

La société AVR Emballages n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées par cette dernière le 7 novembre 2022 à l'étude d'huissier, celles de la société AVS Recyclage lui ont été signifiées à personne morale les 6 février 2023 et celles de la société Axa France lui ont été signifiées à personne morale le 26 septembre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2023.

SUR CE,

Aux termes de l'article 1217 du code civil, « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement peut (') demander réparation des conséquences de l'inexécution. (') »

Sur la responsabilité de la société AVR :

L'article 1604 dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur et l'article 1615 du même code que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

Des diverses factures et bons de livraison émis par la société AVR Emballages, il ressort que certaines des palettes livrées ont fait l'objet d'un « traitement NIMP 15 et marquage », ces prestations étant tarifées.

Il ressort des avis des deux experts d'assurance produits aux débats, non contesté sur ce point par la société AVR et son assureur Axa, que le marquage apposé par la société AVR sur les palettes objets du présent litige (dit logo IPPC pour « international plant protection convention », destiné à certifier du traitement phytosanitaire des bois par l'entreprise qui a reçu un agrément administratif), n'est pas conforme à la norme NIMP 15 en ce qu'il manque l'encadrement carré ou rectangulaire autour de l'épi et des mentions obligatoires ainsi que la barre verticale entre l'épi et les autres mentions obligatoires, raison pour laquelle les autorités douanières américaines en ont refusé le déchargement sur le sol américain.

Dès lors, en faisant l'économie d'une partie du marquage la société AVR a manqué à son obligation de délivrance conforme à la commande, prévue à l'article 1604 du code civil, en ce que la conformité du marquage était un élément essentiel de la vente des palettes permettant leur exportation, peu importe à cet égard que la société AVR ait utilisé le même logo depuis son agrément sans recevoir d'observations de la part de la DRAAF organisme délivrant et contrôlant l'agrément.

Dès lors que la société AVR a apposé le marquage international devant permettre l'export des palettes, et qu'elle en a ainsi certifié le traitement phytosanitaire, elle ne peut se retrancher derrière le fait qu'elle ne connaissait pas la destination des palettes litigieuses pour s'exonérer de sa responsabilité.

De même, la société AVR ne saurait s'exonérer de sa responsabilité du fait de l'absence de réserve de la société AVS lors de la réception des palettes dès lors qu'il ressort tant des opérations d'expertise que des bons de livraison non visés par la société AVS et mentionnant plusieurs lieux de déchargement chargement, que les livraisons ont été réalisées directement dans les entrepôts de la société MHCS sans être vérifiées par la société AVS ou son mandataire. En outre il n'est pas prouvé ni même allégué que le défaut de conformité du marquage était apparent pour la société AVS, ce que la cour ne saurait affirmer d'office alors même que depuis des années le logo apposé par la société AVR était identique et n'avait jamais posé de difficulté.

Dès lors, la responsabilité de la société AVR est établie dans la survenue des dommages causés à la société MHCS du fait du défaut de conformité des marquages des palettes et le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné la société Allianz IARD à garantir la société AVS de l'entier dommage.

Sur la garantie de la société Axa, assureur de la société AVR, des frais de mise en conformité du marquage :

La société AVS, se prévalant de la subrogation légale fondée sur l'article 1346 du code civil et de l'action directe de l'article L.124-3 du code des assurances, demande à la cour de condamner la société Axa France IARD à lui verser 19.097 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la déclaration de sinistre du 22 novembre 2018, au titre des dommages causés à la société MHCS par la non-conformité du marquage.

Elle estime que les conditions générales lui sont inopposables et que les clauses d'exclusion y figurant qui lui sont opposées doivent être considérées comme non écrites.

Cependant, la cour considère qu'aux termes du contrat d'assurance souscrit par la société AVR auprès d'Axa le 12 janvier 2017 pour, notamment, les activités de « fabrication et conditionnement de palettes », la garantie d'Axa n'est pas mobilisable au titre des frais de mise en conformité du marquage des palettes.

En effet, les conditions particulières du contrat responsabilité civile d'entreprise souscrit par la société AVR mentionnent expressément que les conditions générales n°460642 version D dont la société AVR reconnaît avoir reçu un exemplaire, font partie du contrat, si bien qu'elles sont opposables à l'assurée sans qu'il soit nécessaire qu'elle les aient approuvées expressément, s'agissant d'un contrat d'adhésion.

Ces conditions générales excluent sa garantie au chapitre IV paragraphe 4.29 qui vise « Les frais engagés pour réparer, refaire le travail, remplacer tout ou partie du produit ». Or les frais de mise en conformité du marquage entrent dans les prévisions de cette clause en ce qu'il s'agit bien de refaire la prestation. Cette clause d'exclusion de garantie est valable au regard de l'article L.113-1 du code des assurances comme étant formelle et limitée aux travaux de parfait achèvement ou de réparation du produit ou de la prestation et ne s'étendant pas, contrairement à ce que prétend la société AVS, à tous les dommages matériels causés aux tiers du fait du produit ou de la prestation non conformes ou défectueux.

En conséquence, la société AVS sera déboutée des demandes qu'elle formule contre la société Axa.

Sur la garantie de la société Allianz envers son assuré la société AVS en exécution de sa police d'assurance responsabilité civile d'entreprise :

Sur la demande de condamnation en principal :

La société Allianz IARD, auprès de laquelle la société AVS a souscrit le 13 août 2005 un contrat d'assurance « responsabilités des entreprises industrielles et commerciales » pour le commerce de gros de bois et de produits dérivés, ne conteste pas la mobilisation de sa garantie au titre des frais engagés par la société MHCS, d'un montant de 5987,59 euros, pour le retour des palettes non conformes en France, mais en demande la limitation du fait de la franchise et en application de la réduction proportionnelle au taux de prime pour défaut de déclaration d'aggravation du risque assuré.

La société AVS ne conteste pas la franchise de 700 euros prévue en cas de dommages immatériels non consécutifs qui lui est opposée, qui doit par conséquent venir en déduction de l'indemnité.

Elle conteste en revanche tant le principe que le montant de la réduction proportionnelle au taux de prime conformément à l'article L.113-9 du code des assurances d'où il résulte qu'en cas d'omission ou de déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie, constatée après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.

Toutefois cette règle ne saurait s'appliquer dans la mesure où il ressort de la proposition de nouvelles conditions particulières établie le 13 octobre 2017 par l'agent d'assurance, au vu du chiffre d'affaires HT de 6.700.000 euros correspondant au chiffre d'affaires du bilan 2016 arrêté au 31 décembre 2016 à 6.697.293 euros, que la société AVS a bien déclaré l'augmentation de son chiffre d'affaires, la proposition indiquant expressément -page 3/8- tenir compte « de cette information communiquée par l'assuré ». Il importe peu à cet égard que la société AVS ne l'ait pas communiquée par lettre recommandée avec avis de réception.

Dès lors, la réduction proportionnelle de prime ne peut s'appliquer et la société Allianz devra être condamnée à verser 5287,59 euros à ce titre à son assuré.

Le jugement sera donc réformé de ce chef.

Sur les intérêts moratoires :

Il y a lieu de dire que par application de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts moratoires courront à compter du 8 février 2021, date à laquelle la société AVS a indemnité sa cliente, étant précisé que sa déclaration de sinistre, n'étant pas chiffrée, ne vaut pas mise en demeure de payer.

Sur la demande de la société Allianz de restitution du trop-versé en exécution du jugement entrepris :

La restitution de la différence entre la somme à laquelle la société Allianz est condamnée par le présent arrêt et la somme qu'elle a versée en exécution du jugement entrepris sera réalisée par l'exécution volontaire ou forcée du présent arrêt qui constitue le titre permettant le remboursement, sans qu'il soit nécessaire de prononcer de condamnation de ce chef.

La société Allianz sera donc déboutée de cette demande qui est sans objet.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société AVS pour résistance abusive et injustifiée de la société Allianz :

La société AVS ne caractérise pas de dommage autre que celui résultant du retard de paiement déjà indemnisé par les intérêts moratoires, si bien que sa demande de ce chef sera rejetée.

Sur le recours de la société Allianz IARD contre la société AVR et contre la société Axa :

La société Axa dénie sa garantie au titre des frais de manutention et de retour dans le port du [Localité 10] des palettes non déchargées dans le port de [Localité 8] en raison de leur marquage non conforme à la norme internationale.

Elle oppose l'exclusion de garantie des frais de retrait des produits livrés par l'assuré ainsi qu'une limitation de garantie pour les dommages résultant des exportations aux USA.

Cependant, la clause limitative de garantie prévue au chapitre VI paragraphe 6.1 relativement aux exportations à destination des Etats-Unis d'Amérique et du Canada mentionne que demeurent garanties les exportations de produits de l'assuré faites à son insu, ce qui est le cas en l'espèce puisque la société Moët Hennessy champagne et services (MHCS) n'exporte pas qu'aux Etats-Unis d'Amérique.

Par ailleurs, la clause exclusive de garantie prévue au chapitre IV paragraphe 4.30 relativement aux frais de retrait des produits livrés par l'assuré ou pour son compte, qui doit être interprétée restrictivement, ne trouve pas davantage à s'appliquer en l'espèce.

En effet les frais de manutention sur le port de [Localité 8] pour libérer les palettes non conformes, les frais de retour en France du container avec les palettes ainsi vidées et les frais de réception de ce container dans le port du [Localité 10] ne peuvent s'assimiler à des frais de retrait desdites palettes du marché américain dans la mesure où ils n'ont précisément pas été admis à y entrer, de la même façon qu'elles n'ont pas été retirées du commerce en général dans la mesure où elles n'ont pas été détruites contrairement à ce qu'indique l'expert de la compagnie Axa dans son rapport.

La responsabilité de la société AVR étant engagée, il y a lieu de faire droit au recours de la compagnie Allianz à hauteur de l'indemnité mise à la charge de cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Compte tenu de la solution donnée au litige, il y a lieu de condamner la société Allianz à verser à la société AVS 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la société Axa à verser à la société Allianz 2000 euros de ce chef, les dépens étant partagés par moitié entre les deux compagnies d'assurance et la société Allianz déboutée de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe et par arrêt par défaut,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société AVR de toutes ses demandes et, statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne la société Allianz IARD à verser une indemnité de 5287,59 euros à la société AVS Recyclage diffusion, outre les intérêts moratoires au taux légal à compter du 8 février 2021,

Condamne la société AVR Emballages et AXA France in solidum à verser à la société Allianz IARD 5287,59 euros, outre les intérêts moratoires au taux légal à compter de la présente décision,

Condamne la société Allianz IARD à verser à la société AVS Recyclage diffusion 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Axa France à verser à la société Allianz IARD 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Allianz de sa demande de condamnation de la société AVR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur sa demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris,

Déboute la société AVS de sa demande condamnation de la société Allianz à lui verser des dommages et intérêts pour résistance abusive et de toutes ses demandes à l'encontre de la société Axa,

Déboute la société Axa de sa demande de condamnation de la société AVS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les deux compagnies d'assurance, avec distraction au profit de Me Pelletier, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, pour ceux qu'il a avancés.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/04133
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.04133 ?
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