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28/03/2024 | FRANCE | N°22/01316

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 28 mars 2024, 22/01316


ARRET

























S.A.S. L'AMNESIA









C/







S.C.I. SCI LE LOUNGE













FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 28 MARS 2024





N° RG 22/01316 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMIS





JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS EN DATE DU 20 JANVIER 2022







PARTI

ES EN CAUSE :





APPELANTE







S.A.S. L'AMNESIA

Société de Mandataires judiciaires demeurant à [Adresse 3], prise en la personne de Me [X] [F], ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire simplifiée de la société SAS L'AMNESIA, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié ...

ARRET

S.A.S. L'AMNESIA

C/

S.C.I. SCI LE LOUNGE

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 MARS 2024

N° RG 22/01316 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMIS

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS EN DATE DU 20 JANVIER 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. L'AMNESIA

Société de Mandataires judiciaires demeurant à [Adresse 3], prise en la personne de Me [X] [F], ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire simplifiée de la société SAS L'AMNESIA, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS ayant pour avocat plaidant Me Zino ADJAS, avocat au barreau de Paris

ET :

INTIMEE

S.C.I. LE LOUNGE agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurent LANDRY, avocat au barreau de SOISSONS

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Novembre 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 28 Mars 2024 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe

Le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

Statuant sur opposition à commandement de payer en date du 16 mai 2019, visant la clause résolutoire du bail passé entre la SAS Amnésia et la SCI Le Lounge, le tribunal judiciaire de Soissons par jugement en date du 20 janvier 2022 a ordonné la résiliation judiciaire du bail du 5 janvier 2017 et dit qu'à défaut d'avoir quitté les lieux il sera procédé à l'expulsion de la SAS Amnésia sous diverses modalités, a condamné la SAS L'Amnésia à payer à la SCI Le Lounge la somme de 5 336 € au titre de loyers jusqu'au 17 mai 2019, 2 775,64 € au titre des charges de copropriété pour la période du 5 janvier 2017 au 12 juin 2019, 679 € au titre de la taxe foncière, 3 999,73 € et 5 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par déclaration en date du 22 mars 2022 la SAS l'Amnésia a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises le 4 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de donner acte à la Selarl Evolution de son intervention volontaire ès qualités de liquidateur de la société l'Amnésia, de prononcer la résiliation du contrat de bail pour violation de l'obligation de délivrance et partant de confirmer le jugement dont appel sur ce point, de l'infirmer pour le surplus et de débouter la SCI Le Lounge de ses demandes en paiement au titre de l'arriéré locatif, de l'indemnité d'occupation et de condamner la SCI Le Lounge à lui payer la somme de 15 318,09 € au titre de travaux de mise en conformité, 20 333,66 €

au titre de travaux d'embellissement outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2019 qui seront par ailleurs capitalisés, 67 500 € au titre du préjudice commercial et 20 000 € au titre du préjudice financier, 4 258,14 au titre des cotisations d'assurance, 111,36 €, 32,99, 64,18  et 279,92 € au titre des abonnements total énergie, SFR, sécurités, service de l'eau et 1090, 90 € au titre de la cotisation d'assurance et y ajoutant condamner la SCI Le Lounge au paiement de 5 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par conclusions remises par voie électronique à la cour le 30 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SCI Le Lounge demande à la cour de juger la SAS L'Amnesia mal fondée en son appel, la SCI Le Lounge recevable et bien fondé en son appel incident et en conséquence de :

- voir réformer la décision dont appel en ce qu'elle a ordonné la résiliation du bail du 5 janvier 2017 ;

- juger la SAS l'Amnesia mal fondée en son opposition à commandement de payer en date du 16 mai 2019 ;

- constater que par le jeu de la clause résolutoire, le bail consenti par la SCI Le Lounge à la SAS L'Amnésia est résilié depuis le 16 juin 2019 et que la SAS l'Amnesia occupait sans droit ni titre de l'immeuble situé [Adresse 2] depuis cette date et jusqu'à la date de son départ le 4 avril 2022 ;

- confirmer la décision et en ce cas condamner la SAS l'Amnesia à payer à la SCI Le Lounge la somme de 5 336 € correspondant aux loyers dus jusqu'au 17 mai 2019 :

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Le Lounge de sa demande de condamnation à payer une indemnité d'occupation ;

en conséquence :

- condamner la SAS l'Amnesia à payer une indemnité d'occupation majorée de 50 % du 18 mai 2019, soit 2700 € par mois jusqu'au 4 avril 2022 soit la somme de 94'500 € ;

- réformer jugement en ce qu'il a limité la condamnation au titre des charges de copropriété et en conséquence condamner la SAS l'Amnesia au paiement de la somme de 3 403,51 € arrêtée au 4 avril 2022 ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS l'Amnesia à payer la somme de 679 € au titre de la taxe foncière 2019 ;

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI le Lounge de sa demande en paiement titre des taxes foncières postérieures et en conséquence condamner la SAS l'Amnesia à payer la somme de 1727 € au titre des taxes foncières pour les années 2020, 2021 et 2022;

- réformer la décision en ce cas condamner la SCI Le Lounge à payer à la SAS l'Amnesia la somme de 5 900 € sur le fondement de l'article 700 et à supporter les dépens et en conséquence, condamner la SAS l'Amnesia à payer à la SCI Le Lounge la somme de 4 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 3000 € au titre de ceux exposés devant la cour et à supporter les dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais du commandement.

SUR CE :

A titre liminaire la cour donne acte à la Selarl Evolution en qualité de mandataire judiciaire de la société Amnésia de son intervention volontaire.

Sur la résiliation du bail

Si la SAS l'Amnesia prétend à la confirmation du jugement ayant prononcé la résiliation du bail pour manquement à l'obligation de délivrance du bailleur, la SCI Le Lounge demande que la décision dont appel soit infirmée sur ce point.

Elle affirme qu'elle n'a pas manqué à son obligation de délivrance.

Elle fait valoir que lorsque la société L'Amnesia a acheté le fonds de commerce à une société RM en ce compris le droit au bail, le 5 janvier 2017 les lieux étaient conformes à l'activité de cette société qui ne faisait que poursuivre l'activité de la cédante à savoir l'exploitation d'une discothèque, que ses représentants connaissaient les lieux parfaitement, qu'elle a réalisé d'importants travaux et n'a ouvert qu'au mois de mars 2017, que l'établissement a été victime d'un incendie les 9 et 10 février 2018 qui a nécessité d'importants travaux, que ces derniers ont été à l'origine du passage de la commission de sécurité de la commune, que suite à la remise en état elle a rouvert son établissement, enregistré une importante baisse des fréquentations de sorte qu'elle n'a plus été en situation de pouvoir faire face au paiement des loyers, circonstance qui a nécessité la délivrance d'un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire.

Elle soutient que sur la base du contrat de bail la mise aux normes de l'établissement notamment en matière d'acoustique est à la charge du preneur, qu'elle a néanmoins délivré un local commercial aux normes permettant l'exploitation d'une discothèque et que si des problèmes d'acoustiques ont été constatés au point de devoir arrêter l'exploitation de ce commerce, ces difficultés ne sont que la conséquence des importants travaux d'agrandissement réalisés par le preneur pour accueillir plus de clients, notamment après l'incendie durant 14 mois, qui ont porté atteinte à la structure du bien.

Elle fait remarquer que le preneur a enlevé de nombreux dispositifs anti bruit, qu'elle s'interroge sur le fait de savoir si le limiteur de son vendu avec le fonds de commerce a été utilisé et considère que les analyses de la société Leslie acoustique ne sont pas sérieuses et qu'en tout état de cause elles sont non contradictoires et ne peuvent fonder le prononcé de la résiliation.

La société Amnésia déplore en revanche le manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Elle fait valoir que les locaux loués sont non conformes à la destination contractuelle, que cet état est démontré par la production d'un rapport établi par la Socotec qui fait référence aux travaux d'acoustique insuffisants dans la mesure où des émergences sonores sont supérieures aux seuils autorisés.

Elle précise que le local ne peut à défaut de travaux être utilisé dans des conditions optimales, que déjà lors de la signature du bail les locaux loués ne répondaient pas aux exigences acoustiques, que les travaux d'isolation phonique n'appartiennent pas à la catégorie de ceux pouvant être mis à la charge du locataire.

Elle explique que les travaux qu'elle a réalisés suite à l'incendie n'ont pas porté atteinte à la structure et ne sont pas à l'origine du problème d'acoustique et qu'en produisant le rapport de la société Leslie acoustique elle rapporte la preuve que le trouble phonique pré existait à la prise d'effet du bail.

Elle en conclut qu'il importe peu qu'une société RM ait exploité les lieux au titre d'une activité de discothèque, que les diverses inspections ne peuvent couvrir cette défaillance à défaut pour les contrôleurs d'avoir systématiquement pratiqué des mesures.

***

L'article 1224 du code civil dispose que la résolution d'un contrat « résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice ». « La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice » selon l'article 1227 du code civil.

L'article 1229 du code civil dispose que la résolution met fin au contrat (...)lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l'article 1719 du code civil le bailleur est tenu de délivrer au preneur des lieux conformes à la destination contractuelle.

Les pièces produites renseignent sur le fait que la société RM a cédé le 5 mars 2017 à la SAS L'Amnésia un fonds de commerce de discothèque bar de nuit comprenant notamment le droit au bail, le bailleur 'la SCI Le Lounge' étant intervenu à l'acte.

Les sociétés RM et Le lounge étaient gérées par les mêmes personnes.

La survenance d'un incendie au mois de février 2018 et la nécessité de réaliser des travaux de remise en état, ont amené les autorités (municipales et préfectorales) à réaliser des contrôles qui ont objectivé des non-conformités à divers titres.

Dans ce contexte la société l'Amnésia a mandaté un architecte urbaniste pour la mise en conformité de l'établissement afin de :

- régulariser a posteriori les travaux d'agrandissement de l'établissement antérieurs à la cession réalisés sans autorisation pour certains par la cédante ;

- mettre aux normes incendie et accessibilité.

Des études d'impact sonore ont été sollicitées également.

Dans ce contexte l'inspecteur de l'ARS a pris connaissance des différentes études d'impact des nuisances sonores réalisées par la Socotec à la demande des représentants du bailleur. Dans une première étude elle a déclaré que les mesures réalisées le 3 avril 2019 et dans le voisinage ont montré des émergences supérieures aux seuils d'émergences autorisées, que les représentants de la SCI Le Lounge (M. [V] et [B]) ont demandé une nouvelle étude d'impact et que le 13 mai 2019, l'ARS a conclu qu'outre la présentation d'un devis pour un réglage des seuils du limiteur de pression sonore (sans commande), l'étude de l'impact ne comporte pas de description des dispositions prises pour limiter le niveau sonore et se conformer aux conclusions du diagnostic acoustique et ainsi assurer le respect des émergences de l'article R.571-26 du code de l'environnement.

L'entreprise Leslie acoustique mandatée a déclaré le 12 mars 2019 que le local loué n'est pas compatible avec l'orientation commerciale choisie et ne pouvait être utilisé pour de la diffusion de musique amplifiée-discothèque. Elle a notamment déclaré dans un document 'qu'au vu des éléments que contient l'étude d'impact sonore 13201/14/1552 du 17 novembre 2014 à savoir :

'un niveau autorisé à l'émission inférieur à 80 dB(A) ;

un niveau limité par bande d'octave à 58 dB sur la bande centrée sur 125 hZ et 70 dB sur la bande centrée 250 hZ

qu'il s'agit de niveaux sonores incompatibles avec de la diffusion de musique amplifiée (impact trop important en basse fréquence) et qui ne permettent pas l'activité de boîte de nuit au motif que la clientèle recherche un niveau plutôt supérieur à 95 dB(A) et un type de musique dans lequel les basses fréquences sont très présentes'.

Elle en conclut que les locaux ne disposaient pas en 2014 de caractéristiques acoustiques en adéquation avec leur destination de boîte de nuit.

Par ailleurs il ressort du rapport dressé par la Socotec que pour ne pas dépasser les seuils d'émergence sonore dans le voisinage de l'établissement il convient soit de réaliser des travaux d'amélioration de l'isolement ou de mettre en place un limitateur de son de sorte que le niveau maximum global d'émission soit de 92 dB (A) alors que ce type d'établissement doit pouvoir atteindre un niveau sonore supérieur ou égal à 95 dB (A).

En l'espèce si le bail commercial contient une clause aux termes de laquelle les locaux loués étaient destinés à toutes activités commerciales, était joint à l'acte de cession de fonds de commerce comprenant le droit au bail un inventaire du matériel comprenant des éléments de lumière, de régie et de son, destinés à exploiter un fonds de commerce de discothèque boîte de nuit.

Dans ces circonstances il pesait sur le bailleur l'obligation de délivrer des locaux destinés à exploiter un établissement de nuit à usage de discothèque.

Conscients de cette difficulté les représentants du bailleur qui au demeurant avaient réalisé des travaux d'extension de l'établissement sans autorisation administrative pour certains, bien avant la cession, que le preneur a dû régulariser et pour lesquels il a demandé une dispense de loyer (en vain) pour avoir pris à sa charge le coût de cette régularisation, ont mandaté après l'incendie et les travaux de remise en état, la Socotec pour réaliser les études d'impact des nuisances sonores.

Ce mandat à lui seul caractérise que les représentants de la SCI Le Lounge avaient conscience des obligations à leur charge et il importe peu qu'ils aient pu exploiter l'établissement avant la cession comme boîte de nuit sans rencontrer de difficultés de voisinage ou avec les autorités. Cette circonstance ne suffit pas à démontrer le respect de l' obligation de délivrance dans la mesure où les travaux d'agrandissement réalisés sans autorisation n'ont pas plus causé de difficultés.

Si la SCI Le Lounge critique le caractère non contradictoire du courriel émanant de la société Leslie elle ne remet pas en question l'existence de l'étude d'impact et ses références datée de 2014 dont il est fait état dans le courriel établi, aux termes duquel les locaux ne disposaient pas en 2014 de caractéristiques acoustiques en adéquation avec leur destination de boîte de nuit.

Il est donc établi que la société Amnésia a réalisé des travaux après l'incendie afin de remettre l'établissement dans l'état où il se trouvait avant le sinistre, que cette remise en état a été émaillée de difficultés en lien avec les carences des cédants et du bailleur, l'architecte soulignant que la mise en conformité de l'établissement en lien avec les travaux d'agrandissements de la cédante et du bailleur (qui avaient les mêmes gérants) ont généré, un changement de catégorie et des normes différentes à respecter.

Il est rapporté également la preuve que déjà en 2014 l'exploitation de ce lieu comme boîte de nuit n'était pas possible en théorie.

En conséquence le moyen selon lequel les problématiques d'acoustiques sont la conséquence des travaux de remise en état réalisés après l'incendie ne résistent pas à l'examen.

Il est donc établi que le bailleur n'a pas été en mesure de délivrer en 2017 un local permettant d'exploiter une discothèque selon les normes techniques en vigueur au niveau sonore ni de mettre en oeuvre les travaux à cette fin.

L'Amnésia rapporte la preuve qu' elle a exploité le fonds de commerce de mars 2017 au 10 février 2018 date de l'incendie puis du 5 février 2019 (date de l'avis favorable de la préfecture de l'Aisne) jusqu'au 18 mars 2019 date à laquelle elle a dû suspendre de nouveau l'exploitation du fonds de commerce en raison d'un rapport provisoire de l'ARS et qu'elle a été dans l'obligation d'arrêter son activité.

De cette chronologie il est établi que le contrat s'est exécuté imparfaitement.

Le bailleur a donc manqué à son obligation de délivrance dont il ne peut être déchargé par une clause expresse, que cet état préexistait avant l'entrée dans les lieux sans qu'il puisse être imputé au preneur de ne pas avoir mandaté avant la prise de possession des lieux un expert en acoustique, qu'il s'agit d'une inexécution suffisamment grave pour fonder la demande de résiliation du bail aux torts du bailleur la SCI Le Lounge.

En conséquence la fin du contrat est prononcée à la date du 18 mars 2019.

Sur l'opposition à commandement visant la clause résolutoire

Dans le contexte sus rappelé la société Amnésia a suspendu le paiement du loyer à une période où elle exploitait encore le fonds de commerce, certes de façon non optimale, de sorte que les loyers étaient dûs à défaut d'avoir engagé une procédure en résiliation du bail avant la délivrance du commandement.

Elle ne pouvait suspendre le paiement des loyers sans autorisation du juge.

Par ailleurs la résiliation du bail étant prononcée à la date du 18 mars 2019, la résiliation ne peut être considérée comme acquise dans le mois suivant la délivrance du commandement de payer délivré le 16 mai 2019.

En conséquence la SCI Le Lounge est déboutée de sa demande de constat du jeu de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et charges dans le délai de 30 jours de la délivrance du commandement.

Il ressort d'une photographie datée du 3 mars 2019 que l'établissement a accueilli des clients et que l'établissement était comble et qu'elle a suspendu son activité le 18 mars 2019.

En conséquence la somme correspondant aux loyers et charges à compter de janvier 2019 et arrêtée au 2 mai 2019 visée dans le commandement visant la clause résolutoire du bail est partiellement due et limitée à 4 500 €.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la SCI Le Lounge en paiement mais infirmé sur le montant qui est limité à 4 500 € ttc.

Sur la demande en paiement d'une indemnité d'occupation, des impôts et taxes et des charges de copropriété

$gt; sur l'indemnité d'occupation

La SCI Le Lounge prétend au paiement d'une indemnité d'occupation majorée contractuellement de 50 % soit 2 250 € ht ou 2 700 € ttc par mois du 17 mai 2019 jusqu'au 4 avril 2022 date de remise des clés soit 78 750 € ht et 94 500 € ttc.

Elle fait valoir que c'est à tort que les premiers juges l'ont déboutée de cette demande au motif que le bail était résilié alors que les effets de la clause portant sur cette indemnité subsistent.

L'Amnésia représentée par son liquidateur s'y oppose au motif que les loyers n'étaient plus dus à compter du 13 mars 2019 et soutient qu'il ne peut être réclamé d'indemnité d'occupation à défaut de pouvoir utilisé les lieux comme discothèque.

Il est établi que l'indemnité d'occupation due par le preneur à compter de l'expiration du bail commercial doit être fixée en fonction de la valeur locative.

En l'espèce si le bail commercial contient une clause aux termes de laquelle les locaux loués étaient destinés à toutes activités commerciales, il ressort de l'acte de cession de fonds de commerce que les locaux étaient aménagés et équipés à usage de Discothèque et que compte tenu de l'impossibilité de l'utiliser comme tel du fait du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, la valeur locative est nulle sauf à faire les travaux préconisés, de sorte qu'il ne peut être réclamé l'indemnité d'occupation prévue par le bail en cas de résiliation.

$gt; sur les impôts et taxes

La SCI Le Lounge prétend au paiement des taxes foncières jusqu'à la date de restitution des clés alors que le bail est résilié au 18 mars 2019.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a limité la condamnation à ce titre au paiement de la taxe foncière au titre de l'année 2019.

$gt; sur les charges de copropriété

La SCI Le Lounge demande la condamnation du preneur au paiement de la somme de 3 403,51 € au titre des charges de copropriété.

Cependant, le compte de charges doit être arrêté au 18 mars 2019 et s'élève à 2 533 € et non 2 775,64 € comme retenu par le premier juge de sorte que le jugement est infirmé sur le montant.

Sur les demandes d'indemnisation

L'appelante prétend à l'indemnisation de différents postes comme suit:

- 20 333,66 € au titre des travaux initiaux réalisés ;

- 15 318,09 € au titre des travaux de régularisation et de mise en conformité ;

Le paragraphe du bail 'charges et conditions' est ainsi rédigé :

Transformations : le preneur aura à sa charge exclusive toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité. Ces transformations ne pourront être faites après avis favorable et sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du bailleur dont les honoraires seront à la charge preneur.

Mises aux normes : par dérogation à l'article 1719 alinéa 1er du code civil le preneur aura la charge exclusive des travaux prescrits par l'autorité administrative, que ces travaux concernent la conformité générale de l'immeuble loué ou les normes de sécurité, d'accueil du public, d'accès des handicapés, d'hygiène de salubrité spécifique à son activité. L'application de l'article R.145-35 du code de commerce, ne peuvent être imputées au locataire les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de mettre en conformité avec la réglementation le local loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations sur les gros murs, voûtes, les poutres et les couvertures entières.

Améliorations : tous travaux, embellissements et améliorations faits par le preneur même avec l'autorisation du bailleur deviendront à la fin de la jouissance qu'elle qu'en soit le motif, la propriété de ce dernier, sans indemnité, à moins que le bailleur ne préfère demander leur enlèvement et la remise des lieux en leur état antérieur aux frais du preneur.

Travaux : sans préjudice de ce qui a pu être indiqué ci-dessus, le preneur souffrira l'exécution de toutes les réparations, reconstruction, surélévation et travaux quelconques, même de simples améliorations que le propriétaire ou la copropriété estimerait nécessaire, même simplement convenable et qu'il ferait exécuter pendant le cours du bail dans les locaux loués ou dans l'immeuble dont ils dépendent.

$gt; Les travaux initiaux

La société Amnésia ayant exploité le fonds de commerce pour la période antérieure à la résiliation, à compter de l'entrée dans les lieux sauf durant la période de l'incendie et des travaux subséquents, ne peut en exécution du bail en demander le remboursement dans la mesure où il s'agit de travaux dits 'd'amélioration' (peinture, électricité, carrelage etc...).

$gt; les travaux de régularisation et de mise en conformité

Sous cette dénomination, le preneur retient les travaux d'agrandissement sans déclaration, la mise aux normes (sécurité incendie et accessibilité).

Là encore, en exécution du bail et plus particulièrement du paragraphe 'mises aux normes', ces travaux demeurent à la charge du preneur et il importe peu qu'ils portent sur des travaux d'agrandissement antérieurs à la prise de possession.

***

S'agissant de ces deux séries de travaux, ils ont été exécutés dans l'intérêt exclusif de la société Amnésia et restent dans ces circonstances à sa charge.

Il est également demandé :

- 20 000 € au titre du préjudice financier ;

- 67 500 € au titre d'un préjudice commercial ( perte de marge) ;

- 5 837,49 € au titre des sommes payées à des fournisseurs (énergie, assurance).

$gt; préjudice financier

La société Amnésia considère qu'elle subit un préjudice financier au motif qu'elle n'a pas pu poursuivre l'exécution du contrat de fourniture de boissons passé avec la société Soredis et que du fait de la rupture il lui a été enjoint par ordonnance d'injonction de payer en date du 4 novembre 2019 de payer diverses sommes consécutivement à la rupture.

Cependant il ressort des pièces produites que déjà au mois de février 2019 la société Amnésia ne s'approvisionnait plus auprès de ce fournisseur qui la menaçait de rompre le contrat, qu'il est établi qu'au mois de mars 2019 le fonds était encore exploité au moins jusqu'au 18 de sorte que la résiliation prononcée n'est pas la cause de la rupture du contrat de fourniture et des condamnations intervenues de sorte que cette demande d'indemnisation est écartée.

$gt; perte de marge

L'Amnésia prétend avoir subi une perte de marge au motif qu'elle a cessé son activité le 15 mars 2018 jusqu'au 15 mars 2020 (fermeture de l'établissement dans le cadre de la crise sanitaire). Elle chiffre sa perte de marge à 5 000 € par mois soit 67 500 € et renvoi à sa pièce 32 (compte de résultat).

Cependant il ressort de cette pièce que si la société Amnésia dégageait un chiffre d'affaires de 78 800 € par an, elle avait des charges supérieures de sorte qu'elle enregistrait une perte d'exploitation de 11 429 € à savoir qu'elle ne dégageait pas de marge nette.

Tenant compte de la date du début d'activité cette situation est cohérente, la société Amnésia ayant dû faire des investissements dans le cadre de l'achat du fonds de commerce.

En 2018 elle a été victime d'un incendie et son activité a été arrêtée le 18 mars 2019 du fait de la situation ayant abouti à la résiliation du bail.

Dans ces conditions le préjudice tiré de la perte de marge n'est pas établi et partant cette demande doit être écartée.

$gt; les sommes payées à des fournisseurs

Il est établi qu'alors que le bail a été résilié à effet au 18 mars 2019, la société L'Amnésia subit un préjudice constitué des sommes versées aux différents fournisseurs d'énergie entre autre.

Elle demande à être indemnisée à hauteur de 5 837,49 € dont 4 258,14 € (assurances 1 474,70 €, 1 540€, 1222,44 €) 1 090,90 € (assurance) 111,36 €, 32,99 €, 64,18 € et 279,92 € (énergie).

Si la société Amnésia subit un préjudice pour avoir payé diverses factures de fournitures d'énergie et d'assurance sur des périodes durant lesquelles elle n'exploitait plus le fonds, certaines concernent la période durant laquelle il était encore exploité de sorte que certaines d'entre elles seront écartées pour évaluer le préjudice, dont la facture total énergie de 111,36 € qui correspond à la consommation électrique du mois de mars 2019, une partie de la facture d'assurance de la Matmut qui sera retenue à hauteur de 1 000 € au lieu de 1 222,44 €, Gefion assurance qui sera retenue à hauteur de 1 339,13 € au lieu de 1 540 €.

En conséquence il sera alloué au liquidateur ès qualités de la société Amnésia la somme de 5 302,82 €.

Sur les demandes accessoires

La SCI Le Lounge qui succombe en majorité supporte les dépens d'appel et l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

Donne acte à la Selarl Evolution en qualité de mandataire judiciaire de la société Amnésia de son intervention volontaire ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Soissons sauf sur la date de fin du contrat, le montant des loyers et des charges et sur le montant du préjudice constitué des sommes payées aux fournisseurs.

Statuant du chef infirmé :

Fixe la fin du contrat au 18 mars 2019 ;

Fixe au passif de la société Amnésia la somme de 4 500 € ttc au titre des loyers dûs à la SCI Le Lounge jusqu'au 18 mars 2019 ;

Fixe au passif de la société Amnésia la somme de 2 533 € au titre des charges de copropriété due à la SCI Le Lounge arrêtées au 18 mars 2019 ;

Condamne la SCI Le Lounge à payer à Selarl Evolution en qualité de mandataire judiciaire de la société Amnésia la somme de 5 302,82 € ;

Condamne la SCI Le Lounge à supporter les dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/01316
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.01316 ?
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