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28/03/2024 | FRANCE | N°22/00826

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 28 mars 2024, 22/00826


ARRET

































[M]

[M]

S.A.S. [S] & ASSOCIES

S.C.I. IMMOBILIERE [S] ET ASSOCIES









C/







[U]

Etablissement Public MINISTERE PUBLIC









FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 28 MARS 2024





N° RG 22/00826 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILMM



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JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 17 FÉVRIER 2022



APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :







APPELANTS







Monsieur [S] [M] ès qualité d'ancien président du Comité de Direction...

ARRET

[M]

[M]

S.A.S. [S] & ASSOCIES

S.C.I. IMMOBILIERE [S] ET ASSOCIES

C/

[U]

Etablissement Public MINISTERE PUBLIC

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 MARS 2024

N° RG 22/00826 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILMM

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 17 FÉVRIER 2022

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Monsieur [S] [M] ès qualité d'ancien président du Comité de Direction de la Société [S] & ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.A.S. [S] & ASSOCIES prise en la personne de son ancien

Président du Comité de Direction, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 7]

[Localité 8]

S.C.I. IMMOBILIERE [S] ET ASSOCIES prise en la personne de son ancien gérant, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Arnaud EHORA de la SELARS.FOUQUES,H.CABOCHE-FOUQUES ET A.EHORA, avocat au barreau d'AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Antoine CADEO DE ITURBIDE de l'AARPI BEKERMAN CADEO, avocat au barreau de Paris

Plaidant par Me Frédéric GAY, avocat au barreau de Paris

ET :

INTIMES

Maître [G] [U] Mandataire judiciaire, agissant en

qualité de liquidateur judiciaire de la société [S] & ASSOCIES SAS et de la société immobilière [S] & ASSOCIES SCI, désignée ès qualités suivant jugement du Tribunal de Commerce d'Amiens du 22 mars 2019,

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Imad TANY de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 26

Etablissement Public MINISTERE PUBLIC

[Adresse 1]

[Localité 5]

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise LEROY-RICHARD , Conseillère et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 Février 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER:

Mme Diénéba KONÉ

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 28 mars 2024.

Le 28 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

La SAS [S] et associés a été immatriculée le 9 janvier 2004 auprès du greffe du tribunal de commerce d'Amiens, elle avait pour activité l'étude, la conception, la fabrication, et la construction de tous bâtiments en tous matériaux et plus particulièrement des constructions en bois à compter de 2014.

Sur déclaration de cessation des paiements elle a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 27 septembre 2018, les organes de la procédure ont été désignés (SELARL V et V en qualité d'administrateurs et maître [G] [U] en qualité de mandataire) et la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 1er septembre 2018.

Entre-temps les membres du comité de direction de la SAS [S] et associés ont constitué et immatriculé une SCI immobilière [S] et associés. Cette dernière a fait l'acquisition le 25 novembre 2016 de l'actif immobilier de la SAS [S] et associés.

Considérant que la situation de la SAS [S] et associés a été aggravée par cette opération immobilière les organes de la procédure ont attrait par actes des 24 et 26 décembre 2018 la SCI du même nom afin que la procédure collective lui soit étendue.

Par jugement du 12 mars 2019 le tribunal de commerce d'Amiens a prononcé l'extension de la procédure à cette SCI, extension confirmée par arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 23 juillet 2019.

Entre temps soit le 14 février 2019 le dirigeant de la SCI [S] et associés a effectué une déclaration de cessation des paiements auprès du greffe du tribunal de grande instance d'Arras qui dans un premier temps a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 7 mars 2019 puis rétracté sa décision par jugement du 15 mai 2019.

La SAS [S] et associés a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 22 mars 2019, jugement confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 23 juillet 2019.

Après avoir constaté qu'à la date d'ouverture de la procédure collective les disponibilités bancaires de la SAS [S] et associés s'élevaient à 2 497 € tandis que le passif déclaré sur les procédures communes était de 7 300 000 €, maître [G] [U] en qualité de liquidateur, considérant que l'état de cessation des paiements était antérieur à la date fixée provisoirement par le tribunal, a saisi le tribunal de commerce d'Amiens pour voir reporter cette date au 27 mars 2017.

Par jugement du 17 février 2022 le tribunal de commerce d'Amiens a sous le bénéfice de l'exécution provisoire reporté au 27 mars 2017 les dates de cessation des paiements des sociétés SAS [S] et associés et SCI [S] et associés.

Par déclaration en date du 23 février 2022 les deux sociétés ont interjeté appel de ce jugement et M. [S] [M] à leurs côtés en qualité d'ancien président de la SAS [S] et associés et ancien gérant de la SCI [S] et associés.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 31 octobre 2023 aux quelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, les deux sociétés et M. [S] [M] pris en sa qualité d'ancien dirigeant de ces dernières, demandent à la cour de prononcer la nullité du jugement dont appel au visa de l'article 16 du code de procédure civile et de débouter maître [U] ès qualités de ses demandes.

Subsidiairement, les appelants demandent d'infirmer le jugement dont appel et de fixer la date de cessation des paiements au 1er septembre 2018.

Maître [G] [U] ès qualités demande la confirmation du jugement dont appel.

Le ministère public dans un avis du 16 novembre 2022 communiqué aux parties requiert la confirmation du jugement dont appel.

SUR CE :

Les appelants prétendent à la nullité du jugement dont appel pour violation du principe du contradictoire au motif qu'il a été motivé sur la base des termes d'un rapport du juge commissaire ancien de deux ans non soumis au contradictoire des parties.

L'intimée s'oppose à cette demande au motif que si le rapport du juge commissaire s'impose dans le cadre des procédures en sanction dirigées contre les dirigeants, tel n'est pas le cas de la procédure tendant au report de la date de cessation des paiements.

Elle affirme également que cette demande est irrecevable au motif que les appelants concluent sur le fond du litige.

Aux termes de l'article L.631-8 du code de commerce la date de cessation des paiements peut être reportée. Dans ce cas le tribunal est saisi par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public. Il se prononce après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.

Les textes ne prévoient pas que cette demande soit conditionnée à l'avis du juge commissaire de sorte que le moyen de nullité développé par les appelants est inopérant.

Le moyen d'irrecevabilité élevé par l'intimée, tiré de ce que les appelants ne peuvent prétendre à la nullité du jugement dont appel aux motifs qu'ils ont  conclu au fond est également inopérant dans la mesure où de par l'effet dévolutif de l'appel la cour doit statuer au fond en cas de nullité de la décision.

Sur le fond ils font valoir que le liquidateur judiciaire est défaillant à rapporter la preuve que l'état de cessation des paiements des deux sociétés était antérieur au 1er septembre 2018 rappelant que de simples difficultés financières ou une absence de rentabilité ne caractérisent pas cet état. Ils insistent sur le fait qu'au moment de la déclaration de cessation des paiements aucun des créanciers des deux sociétés n'avait engagé de poursuites pour recouvrer les créances. Ils affirment que 74 % des créances déclarées sont apparues au cours de l'année 2018 et majoritairement durant le 2ème trimestre, que la procédure d'alerte a été lancée par le commissaire aux comptes à la fin du premier trimestre 2018 les comptes annuels 2017 ayant été certifiés. Ils soulignent que les inscriptions de privilège de l'Urssaf sont limitées à 22 et 21 K€.

Ils appuient leur analyse sur un rapport établi par M. [K] [V] expert-comptable inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris qu'ils ont mandaté dans le cadre de la présente procédure d'appel.

Cet expert relève que l'analyse des déclarations de créances montre un montant très peu élevé de dettes antérieures de l'année 2018, que ce constat démontre le caractère limité des incidents de paiement antérieurs à l'année 2018 et le fait que la plupart ont pu être par la suite régularisés grâce au soutien financier constant des actionnaires de la société.

Il relève également que la procédure d'alerte n'a été engagée que le 16 mars 2018 et que les comptes 2017 ont été certifiés sans réserve.

Il en conclut que le report de la date de cessation des paiements au 27 mars 2017 n'est pas justifié, qu'il est proche de la date d'ouverture et tout au plus postérieure au 31 décembre 2017.

L'intimée conteste cette analyse et prétend à la confirmation du jugement dont appel ayant fait droit à sa demande de report de la date de cessation des paiements au 27 mars 2017.

Elle explique que l'état de cessation des paiements en cas d'extension doit s'apprécier en tenant compte du passif exigible des deux personnes morales et souligne que la SCI était débitrice de 520 000 € au titre d'un crédit vendeur à la SAS [S] et associés et se trouvait dans l'impossibilité de rembourser les sommes dues.

Elle fait remarquer que dans les déclarations de créances  de la SAS [S] et associés se trouvent des dettes qui remontent à 2016 dont une créance pro btp contenant une dette de précompte sur salaire et qu'une multitude de rejets de prélèvements ont été enregistrés.

Elle explique que les dirigeants ont reconnu dans le rapport de gestion de l'exercice clos au 31 décembre 2017 l'existence d'un passif significatif non payé à échéance.

Elle souligne que l'échéancier convenu avec le Crédit du nord pour apurer le découvert dénoncé par la banque en 2017 n'a pas été respecté.

Elle objective les apports en compte courant significatifs et les abandons de créance pour tenter d'améliorer la situation financière de la SAS [S] et associés et notamment 983 K€ de M. [M] entre 2013 et 2017 qui n'ont permis qu'un refinancement partiel de la société.

Elle fait siennes les conclusions du technicien désigné par le tribunal de commerce d'Amiens aux termes desquelles « les documents communiqués ne permettent d'identifier avec précision la date de cessation des paiements mais ils conduisent tout de même à penser que la société [S] et associés n'a pas été en mesure d'honorer ses engagements, a minima à compter de l'exercice clos le 30 novembre 2016 ».

Aux termes de la combinaison des articles L. 631-1, alinéa 1er, L. 631-8, alinéa 2, et L. 641-1, IV du Code de commerce, la date de cessation des paiements, ne peut être reportée qu'au jour où le débiteur était déjà dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le juge saisi d'une demande de report doit donc, pour apprécier cette situation, se placer, non au jour où il statue, mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements. "

 

En l'espèce il est demandé le report de la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 1er septembre 2018 au 27 mars 2017.

La charge de la preuve de cet état pèse sur le demandeur.

La caractérisation de la cessation des paiements suppose une comparaison chiffrée entre le passif exigible et l'actif disponible, il ne peut résulter d'un refus de payer, de l'existence d'un incident de paiement, de la constatation d'une perte d'exploitation et du non-paiement de salaires ou de la dégradation constante de la trésorerie voir de son manque de capitaux propres ou encore de la cessation d'activité du débiteur.

L'actif disponible est celui à très court terme, réalisable à bref délai. En effet, seule la notion d'immédiateté prévaut pour qualifier un bien d'actif disponible.

Il inclut la trésorerie disponible en caisse et en banque, ainsi que l'actif réalisable immédiatement, soit les effets de commerce échus ou escomptables et les valeurs cotées en bourse.

Par conséquent, les immobilisations, les stocks et le réalisable à court terme sont exclus de l' actif disponible.

 

En l'espèce il ressort des pièces que courant 2016 la SAS [S] et associés a sollicité le cabinet Kpmg en la personne de M. [Y] [I] dans le cadre d'un projet de renforcement de trésorerie, que l'expert mandaté a proposé qu'elle cède l'immeuble occupé [Adresse 6] à [Localité 8] à une SCI pour un prix estimé de 1 120 000 € avant le 30 novembre 2016 date de prochaine clôture des comptes, qu'il a joint à cette proposition un compte de résultat prévisionnel tablant sur une augmentation permanente de chiffre d'affaires pour passer de 5 198 527 en 2016 à 7 000 000 € en 2017, 7 424 200 en 2018, 7 572 684 en 2019 et 7 724 138 en 2020 de façon à dégager un résultat d'exploitation dès 2017 alors qu'en 2016 l'activité était déficitaire.

Si ce document contient de nombreuses données financières il ne contient aucune analyse ou explication permettant d'expliquer les méthodes de calcul permettant à M. [I] d'effectuer de telles prévisions de chiffre d'affaires.

D'ailleurs, si la société [S] et associés a opté pour cette solution de refinancement en vendant l'immeuble à une SCI du même nom  au mois d'octobre 2016, il ressort de l'acte authentique que la SCI n'a emprunté que 600 000 € au moyen de 3 prêts bancaires auprès de différents établissements à hauteur de 200 000 € chacun et que le solde de 520 000 € a été financé au moyen d'un crédit-vendeur de la SAS [S] et associés à la SCI du même nom sur 7 ans remboursable en mensualités de 3 480,35 €.

Il est également établi que ce refinancement n'a pas permis un apport en trésorerie suffisant et que du propre aveu de M. [S] [M] dans un courrier joint à la déclaration de cessation des paiements, il ressort que sa demande s'explique par le fait d'une absence de rentabilité depuis 2013 et de la désorganisation de la structure depuis 2014 en raison du départ d'un directeur commercial mais également en raison d'un changement de typologie de clientèle plus procédurière.

Ces éléments étaient donc déjà connus au moment du refinancement courant 2016, par l'intermédiaire de la vente de l'actif immobilier, de sorte que les prévisions croissantes de chiffre d'affaires associées à une augmentation raisonnable des charges pour dégager un résultat excédentaire, envisagées par Kpmg n'étaient pas réalistes, mais invoquées aux fins de fonder une demande de financement.

Dans ce contexte si le déficit d'exploitation qui s'est accru sérieusement entre 2016 et 2017 contrairement aux prévisions annoncées en raison notamment d'une baisse de 37 % du chiffre d'affaires, ne permet pas de caractériser l'état de cessation des paiements, il est néanmoins révélateur d'une situation financière dégradée ancienne.

C'est dans ce contexte que les comptes de la SAS [S] et associés ont été certifiés et approuvés au 31 décembre 2016 et 2017.

 

De l'état des créances dont le contenu n'est pas critiqué, il ressort que la SAS [S] et associés était débitrice :

-depuis 2017 de créances de TVA (incluse dans une créance déclarée par la DGFIP à hauteur de 323 860 € comprenant la TVA jusque septembre 2018 et la TVS 2018), de cotisations pro btp de 2016 à septembre 2018 à hauteur de 163 595 €, de cotisations auprès de l'URSSAF de Picardie à hauteur de 215 617,18 € de novembre 2017 à septembre 2018, de cotisations Asmis de 2016 à septembre 2018 à hauteur de 5 937,43 €, de cotisations CIBTP de janvier à septembre 2018 à hauteur de 6 047 €, de cotisations intempéries de janvier à septembre 2018 à hauteur de 3 459 € (soit de l'ordre de 700 000 € de cotisations diverses et d'impôts entre 2016 et septembre 2018),

- du compte courant de [S] [M] pour les années 2013, 2014, 2016, 2017 et 2018 à hauteur de 1 008 088,70 €,

- des salaires de [S] [M] à compter d'octobre 2017,

- de différentes factures exigibles  pour certaines à compter de mai 2017 d'autres de juin juillet  et novembre 2017,

-des loyers depuis novembre 2017.

La cour observe également que la SA Crédit du Nord a dénoncé son concours au titre d'un découvert autorisé à hauteur de 75 000 € le 12 octobre 2017 et que la société [S] et associés a obtenu de réduire son concours sur 9 mois.

Le même jour le CIC a dénoncé un découvert autorisé de 100 000 € et selon la même logique la société [S] et associés a négocié des délais de paiement.

Dans son rapport au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017 le commissaire aux comptes attire l'attention sur l'incertitude significative liées à des évènements ou des circonstances susceptibles de mettre en cause la continuité de l'exploitation.

La procédure d'alerte a été déclenchée au mois de mars 2018 sur la base des comptes clos au 31 décembre 2017 et le commissaire aux comptes  a motivé sa démarche en raison des comptes annuels déficitaires  de 720 k€ avant abandon des comptes courants et présence de fonds propres négatifs, des créances clients de 600 k€ comportant un risque d'irrecouvrabilité de 440 k€ du fait de multiples litiges.

Les relevés des comptes ouverts par la SAS [S] et associés auprès du Crédit du nord, Banque populaire et CIC renseignent sur des rejets de prélèvements quotidiens durant le second semestre 2017 et plus particulièrement fin septembre 2017, octobre 2017, novembre et décembre 2017 dont ceux de l'URSSAF de Picardie, de la DGFIP, Pro btp.

Il est également établi qu'au 31 décembre 2017 la SCI [S] et associés présentait des comptes déficitaires de 64 k€, que M et Mme [M] ont dû apporter 18 k€ en compte courant, que du propre aveu de M. [M] le crédit-vendeur n'était pas remboursé depuis octobre 2016 (cf déclaration de cessation des paiements dans laquelle il prétend que la SAS [S] et associés est créancière de la totalité des sommes prêtées). Par ailleurs sa situation était liée à celle de la SAS [S] et associés qui n'a plus payé le loyer à compter de novembre 2017. La SCI n'avait pas ailleurs aucun actif disponible (cf déclaration de cessation des paiements auprès du greffe du tribunal de grande instance d'Arras).

De ces éléments objectifs il est établi qu'à compter du 12 d'octobre 2017 date à laquelle  les banques ont rompu leurs concours bancaires et malgré les nouveaux délais accordés pour solder le montant des différents découverts, la SA [S] et associés mais également la SCI du même nom n'étaient plus en mesure de faire face au passif exigible composé d'importantes cotisations et impôts pour la SAS  et des remboursements mensuels dans le cadre des crédits pour la SCI, que malgré les délais accordés par les banques pour la SAS la trésorerie était exsangue au regard du nombre de rejets de prélèvements enregistrés dès la fin du mois de septembre 2017 et qu'elle ne disposait d'aucune actif réalisable rapidement à cette date.

D'ailleurs, conscient de cette situation M. [M] en sa qualité de dirigeant de la SAS [S] et associés a tenté, lors de la rupture des concours bancaires de négocier 36 mois de délais, ce à quoi les banques se sont opposées. Son salaire n'était plus payé à compter du mois d'octobre 2017 ni les loyers commerciaux à compter du mois de novembre 2017. La SCI quant à elle ne percevait plus les loyers et ne pouvait faire face au remboursement des crédits.

 

Les situations financières sus décrites ne peuvent être qualifiées de simples difficultés passagères.

De ce qui précède il est établi que les débitrices ne disposaient plus d'actifs disponibles leur permettant de faire face aux charges courantes et à certains arriérés même si quelques créanciers étaient patients, dès le 12 octobre 2017 au moins.

La cour remarque que l'expert mandaté par M. [M] conclut pudiquement que le report de la date de cessation des paiements au 27 mars 2017 n'est pas justifié, qu'il est proche de la date d'ouverture et qu'il est tout au plus postérieur au 31 décembre 2017.

Ces conclusions sont imprécises dans la mesure où l'état de cessation des paiements ne peut se situer entre le 31 décembre 2017 et le mois de septembre 2018.

Dans ces circonstances, le jugement est confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de report de la date de cessation des paiements mais infirmé en ce qu'il l'a fixée au 27 mars 2017, l'état de cessation des paiements n'étant réellement caractérisé qu'à la date du 12 octobre 2017.

M. [S] [M] pris en sa qualité d'ex dirigeant de la SAS [S] et associés et de la SCI du même nom qui succombe en majorité supporte les dépens d'appel et est condamné à payer à maître [G] [U] en qualité de liquidateur des deux sociétés la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

 

Déclare recevable mais mal fondée la demande de nullité du jugement dont appel  soutenue par la SAS [S] et associés, la SCI [S] et associés et M. [S] [M] pris en sa qualité d'ancien dirigeant de ces deux personnes morales ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé la date de report de l'état de cessation des paiements au 27 mars 2017 ;

Statuant du chef infirmé et y ajoutant ;

Fixe la date de cessation des paiements au 12 octobre 2017 ;

Condamne M. [S] [M] pris en sa qualité de dirigeant de la SAS [S] et associés et de la SCI du même nom à supporter les dépens d'appel et à payer à   maître [G] [U] en qualité de liquidateur des deux sociétés la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/00826
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.00826 ?
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