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21/03/2024 | FRANCE | N°21/05680

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 21 mars 2024, 21/05680


ARRET

























[C]









C/







Société ING BANK N.V.

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE

S.A. CAISSE D EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

S.A. CAIXABANK

S.A. ING BELGIQUE













FLR



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 21 MARS 2024





N° RG 21/05680 - N° Port

alis DBV4-V-B7F-IJHC





JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS EN DATE DU 18 OCTOBRE 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [X] [C]

[Adresse 2]

[Localité 12]





Représenté par Me Matthieu VAZ, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 2

Plaidant par Me Goce NOVAKOV, avocat au bar...

ARRET

[C]

C/

Société ING BANK N.V.

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE

S.A. CAISSE D EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

S.A. CAIXABANK

S.A. ING BELGIQUE

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 21 MARS 2024

N° RG 21/05680 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IJHC

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS EN DATE DU 18 OCTOBRE 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [X] [C]

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représenté par Me Matthieu VAZ, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 2

Plaidant par Me Goce NOVAKOV, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

Société ING BANK N.V., agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 18]

[Localité 3] PAYS-BAS

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Ayant pour avocat plaidant, Me Frédéric BELLANCA, avocat au barreau de PARIS

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie SA immatriculée au RCS d'AMIENS sous le n°383 000 692 dont le siège social se trouve [Adresse 11] à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Anne TOURNUS GOSSART de la SELARL ABPM AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE

S.A. CAISSE D EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Nathalie AMOUEL de la SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 27

Plaidant Me Lisa PASQUIER, avocat au barreau de PARIS

S.A. CAIXABANK, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 21]

[Localité 8] (ESPAGNE)

Représentée par Me Thibaut ROQUES de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS

Ayant pour avocat plaidant, Me Claude LAROCHE, avocat au barreau de PARIS

S.A. ING BELGIQUE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 17]

[Localité 1] BELGIQUE

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Ayant pour avocat plaidant, Me Frédéric BELLANCA, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Janvier 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le 21 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Exposant avoir été démarché téléphoniquement en 2015 par Mme [P] [Y] se présentant comme conseillère financière d'une société Bcm domiciliée à [Localité 20] au Royaume-Uni, M. [X] [C] a effectué sur les conseils de cette professionnelle, différents placements financiers entre le mois de novembre 2015 et le mois de janvier 2016 pour une somme globale qu'il évalue à 115 000 €, au départ de ses comptes ouverts dans les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France et d' Ile-de-France, sur des comptes ouverts à l'étranger au sein de la société Caixabank et Ing Belgique notamment.

Au mois de février 2016, n'arrivant plus à prendre contact avec sa conseillère et la société Bcm, M. [X] [C] a déposé plainte pour escroquerie le 22 mars 2016.

Estimant que les établissements destinataires des fonds mais également ceux tenant ses comptes avaient manqué à leur devoir de vigilance et de surveillance, M. [X] [C] a par assignations en date des 15 février et 7 mars 2017 attrait la SA Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts de France dorénavant) et Ile-de -France et d'autres banques (société Jp morgan chaise bank, Caixa bank, Caixa geral de depositos, Ing belgique et Ing bank N.V) devant le tribunal judiciaire d'Amiens aux fins de les voir condamner à l'indemniser du préjudice subi du fait de la perte de la totalité de ses économies.

Par jugement réputé contradictoire du 18 octobre 2021 le tribunal judiciaire d'Amiens a :

-déclaré irrecevable M. [X] [C] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société de droit néerlandais Ing bank N.V, la Caixa geral de depositos et de la société Caixa bank de droit espagnol ;

-débouté M. [X] [C] de ses demandes formées contre la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France, de celle d'Ile-de-France et Ing Belgique ;

- débouté M. [X] [C] de ses demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [X] [C] à payer à chacune des sociétés la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

- autorisé maître Isabelle Perrier et la SCP Caron Amouel Pereira à recouvrer directement ceux des dépens dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Par déclaration en date du 10 décembre 2021 M. [X] [C] a interjeté appel de ce jugement.

Il a intimé la société Ing bank N.V à Amsterdam, la SA Caisse d'épargne des Hauts-de-France, la SA Caisse d'épargne et de rpévoyance d'Ile-de-France, la société Caixa bank et la société de droit belge Ing Belgique.

Par ordonnance du 11 mai 2023 le conseiller de la mise en état a débouté la société de droit néerlandais Ing bank N.V de ses demandes et notamment de celle tendant à déclarer l'appel de M. [X] [C] irrecevable, a déclaré irrecevable la demande de M. [X] [C] tendant à déclarer son action recevable aussi bien en application du droit espagnol que du droit français, débouté M. [X] [C] de sa demande de dommages et intérêts, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens de l'incident.

Par conclusions remises par voie électronique le 5 janvier 2024, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, M.[C] demande à la cour :

-avant dire droit, d'ordonner aux sociétés Ing Belgique et Caixa bank de produire les documents démontrant qu'elles ont rempli leur devoir de vigilance lors de l'ouverture des comptes dans leurs établissements ;

Puis :

- d'écarter les pièces écrites en langues étrangères comme irrecevable;

- déclarer recevable son action comme non prescrite ;

- de condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et Caixa bank à lui payer la somme de 20 000 € de préjudice financier

-de condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France et Caixa bank à lui payer la somme de 20 000 € de préjudice financier à lui payer la somme de 35 000 € de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier ;

- de condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France et Ing Belgique à lui payer la somme de 55 000 € de dommages et intérêts ;

- de condamner les sociétés Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France et d'Ile-de- France, Ing Belgique et Caixabank à lui payer 8 000 € en réparation de son préjudice moral, 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par conclusions remises par voie électronique le 27 octobre 2023, la SA Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, de déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral comme nouvelle, de débouter M. [C] de ses demandes, de la condamner au paiement de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par maître Isabelle Perrier.

Par conclusions remises par voie électronique le 7 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile- de-France demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. [C] à payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par maître Nathalie Amouel.

Par conclusions remises par voie électronique le 27 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA de droit belge Ing Belgique demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner M. [C] au paiement de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par Lexavoué.

Par conclusions remises par voie électronique le 27 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la société Ing bank N.V demande à la cour de confirmer le jugement et de déclarer les demandes de M. [C] irrecevables, de le condamner au paiement de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par Lexavoué.

Par conclusions remises par voie électronique le 13 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Caixa bank demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et subsidiairement et plus subsidiairement de débouter M. [C] de ses demandes et en tout état de cause de condamner M. [C] à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct par maître Roques de la SCP Drye de Bailliencourt.

SUR CE :

M.[C] prétend que la SA Caisse d'épargne des Hauts-de-France et la SA Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie (ci-après les caisses) dans les livres desquelles il a ouvert des comptes courants et épargnes notamment, ont engagé leur responsabilité en commettant une faute lui causant un préjudice et plus particulièrement en ayant manqué à leur obligation de vigilance à son endroit lorsqu'il a demandé la réalisation de virements à l'égard de la Caixa bank et de la SA Ing bank qui sont des banques étrangères. La qualité des destinataires des fonds, le montant et la fréquence des virements selon lui pouvant être qualifiés d'anomalies apparentes qui auraient dû déclencher chez les caisses la mise en oeuvre de leur devoir de vigilance, qu'elles ont été défaillantes à mettre en oeuvre.

Il produit une liasse de décisions ayant pu retenir la responsabilité des banques en cas de tels manquements et en présence du titulaire d'un compte n'ayant pas l'habitude de réaliser des placements à l'étranger et sur des plateformes de traiding.

Enfin il considère que les caisses ne peuvent opposer l'obligation de non-ingérence et leur obligation d'exécuter un ordre donné pour être déchargées de leur devoir de vigilance.

La Caisse d'épargne d'Ile-de-France prétend à la confirmation du jugement ayant écarté sa responsabilité.

Elle explique que sa responsabilité ne peut être recherchée car si M. [C] a effectué 4 virements de 5 000 € au profit d'un compte ouvert à son nom dans les livres de la Caixa en Espagne, il les a effectué seul, via son accès internet, que ces virements n'étaient pas irréguliers ni disproportionnés par rapport à sa situation financière connue, que son compte n'a jamais été en difficulté du fait de ces opérations, qu'elle ne peut avoir été mise en position de pouvoir mettre en garde M. [C] à défaut de connaître la société BCM. Elle ajoute que l'article L.561-2 du code monétaire et financier destiné à lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ne trouve pas à s'appliquer à défaut pour ces dispositions d'avoir été prises pour préserver des intérêts privés mais dans l'intérêt général, de sorte qu'elles ne lui permettent pas de fonder une demande indemnitaire et qu'à supposer que des opérations soient suspectes, la banque n'a pas à révéler cette information au titulaire du compte mais doit faire une dénonciation à Tracfin.

Elle affirme qu'elle n'a pas manqué à son devoir de vigilance et de surveillance au motif que M. [C] a fait le choix d'effectuer des opérations de placement seul, que l'Espagne n'est pas un pays inscrit sur la liste noire du Gafi, qu'elle ne pouvait s'opposer à l'exécution du virement ordonné par M. [C]. Elle ajoute qu'aucun indice apparent ne permettait de penser que M,[C] était victime d'une escroquerie, de sorte qu'en application de la règle de non ingérence elle n'avait pas à procéder à des investigations en recherchant la cause et la motivation de ces virements.

Suivant le même raisonnement elle explique qu'elle n'avait pas à s'interroger sur l'ajout d'un RIB Caixa au nom de son client.

La Caisse d'épargne de Picardie dorénavant Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France, prétend également à la confirmation du jugement dont appel et à l'irrecevabilité d'une demande nouvelle devant la cour en indemnisation d'un préjudice moral.

Elle oppose comme la Caisse d'Ile-de-France l'impossibilité pour M. [C] de se prévaloir de l'article L.561-2 du code monétaire et financier.

Elle dénie avoir commis une faute et explique que les virements litigieux ont été réalisés pour 2 d'entre eux (2 000 € et 3 000 €) le 10 décembre 2015 par M. [C] via internet sur des comptes bénéficiaires dont il a enregistré les coordonnées et que pour les autres du14 décembre 2015, 18 et 27 janvier 2016 (25 000 € et 2 fois 55 000 €) il s'est rendu au guichet de son agence bancaire étant précisé que le virement du 19 janvier 2016 de 55 000 € avait fait l'objet d'un rejet le 22 janvier suivant.

Elle affirme qu'elle ne pouvait s'opposer aux opérations demandées par M. [C], qu'elle avait l'ordre d'exécuter les virements demandés dès lors qu'ils étaient réguliers et qu'il n'y avait aucune anomalie apparente décelable.

Elle fait remarquer que l'obligation de vigilance est conditionnée à l'existence d'anomalies décelables de sorte que M. [C] est mal fondé à s'en prévaloir.

Elle déplore la légèreté avec laquelle M. [C] à géré ses deniers en acceptant de faire des virements selon ses déclarations sur des comptes qu'il n'aurait pas ouvert lui même à l'étranger, de sorte qu'il est seul responsable de la situation qu'il déclare subir.

M. [C] prétend également pouvoir rechercher la responsabilité des banques étrangères qui ont reçu les fonds sur des comptes qu'il pensait ouverts à son nom.

A titre liminaire la cour observe que M. [C] ne présente plus de demande contre la société Ing bank N.V.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande dirigée contre la SA Caixa bank comme prescrite en application du droit espagnol (qui prévoit une prescription annale) applicable selon le premier juge en exécution de l'article 4.1 du règlement Rome II.

Il fait valoir qu'en exécution de l'article 4.1 du règlement précité, la loi française trouve à s'appliquer dans les relations avec les caisses, la loi belge avec la société Ing bank et la loi espagnole avec la Caixa, de sorte que cette pluralité de compétence est illisible pour le justiciable en contradiction avec la volonté du législateur européen et plus particulièrement des rédacteurs des traités Rome I et II qui ont souhaité que la compétence législative s'aligne sur la compétence juridictionnelle, de sorte que la loi française en présence d'un litige aussi complexe que celui de M. [C] trouve à s'appliquer dans sa globalité et plus particulièrement les règles de prescription de l'article 2224 du code civil.

En tout état de cause et pour le cas où la loi espagnole serait applicable il considère que les saisies conservatoires qu'il a pratiqué à l'égard de la Caixa ont interrompu de délai de prescription.

Sur le fond il prétend que les banques étrangères réceptionnaires de fonds sur des comptes qu'il croyait ouverts à son nom ont également engagé leur responsabilité conjointement avec les caisses d'épargne.

Il soutient que le premier juge a appliqué à tort la loi belge et a fait une mauvaise analyse de la situation de fait en écartant la responsabilité de la société Ing Belgique en affirmant qu'elle a exécuté ses obligations en réceptionnant les fonds et que M.[C] a agit avec légèreté.

Il explique que les sociétés Ing bank et Caixa tenaient les comptes d'une société de placement agissant frauduleusement au préjudice de clients français, qu'elles en avaient connaissance et ont été négligentes de sorte que leur responsabilité peut être recherchée même dans l'hypothèse où celle des caisses détenant les comptes de M. [C] en France ne serait pas retenues.

Il souligne la similitude du droit français belge et espagnol portant sur l'obligation de vigilance des banques et de la possibilité de rechercher leur responsabilité extra-contractuelle.

Il fait surtout remarquer que les banques étrangères sont défaillantes à démontrer que pour ouvrir des comptes elles ont remis à M. [C] des documents en langue française notamment et que s'agissant des sociétés malveillantes elles ont rempli leur obligation de vigilance et de surveillance portant sur le fonctionnement des comptes ouverts en ses livres.

Il soutient que la solution du litige dépend d'une mesure qui serait ordonnée au préalable visant à ordonner à la société Ing bank et Caixa de produire les documents démontrant les contrôles exercés et de l'exercice de leur devoir de vigilance.

Il affirme que si les banques avaient rempli leurs obligations elles auraient décelé des anomalies apparentes.

Il affirme que des sociétés malveillantes ont ouvert des comptes dans des banques étrangères pour dépouiller des petits épargnants français et que ces opérations n'ont été rendues possibles que par les défaillances des banques réceptionnaires des fonds et ayant ouvert des comptes au profit de sociétés malveillantes et au nom des petits épargnants français à la demande de ces sociétés malveillantes.

La société Caixa bank prétend à la confirmation du jugement ayant déclaré irrecevable l'action en responsabilité dirigée par M. [C] contre elle, comme prescrite en application du droit espagnol.

Reprenant les dispositions du règlement Rome II applicable selon elle à l'espèce en cas de conflit de loi elle affirme que tant le fait générateur du dommage et/ou l'événement causal, à savoir son supposé manquement à son obligation de vigilance lors de l'encaissement du virement sur un compte ouvert au nom de M. [C] et de l'appropriation des sommes créditées par une société Action presta services, susceptibles d'engager sa responsabilité délictuelle, imposent de faire application de la loi espagnole dans la mesure où la loi applicable est celle du lieu où est survenu le fait dommageable.

Elle affirme que la loi française ne peut trouver à s'appliquer à cette situation pour la seule raison que le virement a été émis d'un compte ouvert en France.

Elle considère que la procédure de saisie conservatoire dont se prévaut M. [C] n'a pas pu interrompre la prescription annale en application des dispositions du code civil espagnol (article 1973) dans la mesure où elle ne remplit pas les conditions pour ce faire et que cette saisie conservatoire a été autorisée contre la société Bcm.

Sur le fond elle dénie avoir commis toute faute susceptible d'engager sa responsabilité aussi bien sur le fondement du droit espagnol que des directives européennes.

La société Ing Belgique prétend également à la confirmation du jugement dont appel, en ce que faisant application de l'article 4.1 du règlement CE n°864/2007 il a fait application de la loi belge.

Elle développe le même raisonnement que la Caixa en expliquant qu'il convient d'appliquer la loi du lieu de survenance du dommage.

Elle affirme n'avoir commis aucune faute en qualité de banque réceptrice des fonds désigné par l'identifiant unique (Iban) tel que renseigné par la banque émettrice à savoir la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France. Elle explique qu'en application de l'article VII48 du code économique belge un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire indiqué par l'identifiant unique et que le prestataire de service de paiement n'est responsable que de l'exécution de l'opération de paiement conformément à l'identifiant. Elle ajoute qu'il est admis qu'en exécution de ce texte un ordre de paiement est réputé dûment exécuté lorsqu'il est exécuté conformément à l'identifiant unique, les banques n'étant pas tenues de vérifier si ce numéro de compte correspond au nom du bénéficiaire du paiement.

Pour le cas où le droit belge ne serait pas appliqué elle effectue le même développement que les Caisse d 'épargne des Hauts-de-France et d'Ile-de-France s'agissant de l'impossibilité de demander une indemnisation sur le fondement des articles L.563-5 et 6 du code monétaire et financier.

Elle considère que M. [C] est seul responsable du préjudice qu'il prétend subir, qu'il a été très négligent en mentionnant un bénéficiaire inconnu 'ALZ', que cette négligence est la cause exclusive de son dommage et que dans ces circonstances il est mal fondé à agir contre elle.

Sur l'irrecevabilité de la demande dirigée contre Ing bank N.V

Il est établi qu'en assignant divers établissements M. [C] a fait une confusion entre deux entités à savoir Ing bank N.V et Ing Belgique et qu'il ne maintient une demande indemnitaire que contre cette dernière à défaut d'avoir effectué un virement sur un compte ouvert auprès d'Ing bank N.V. Bien qu'ayant interjeté appel du jugement dans sa globalité il ne conteste pas sa disposition l'ayant déclaré irrecevable à agir contre la société Ing bank N.V de sorte que cette disposition est confirmée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [C] contre la Caixa

Aux termes de l'article 4.1 du règlement CE n°864/2007 du parlement européen et du conseil du 11 juillet 2007 portant sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), sauf dispositions contraires, la loi applicable à une obligation non-contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit.

En l'espèce la société Bcm (non partie à l'instance) a demandé à M. [C] d'effectuer des virements sur un compte ouvert au sein de la Caixa bank en Espagne et lui a donné à cette fin des coordonnées bancaires pouvant lui laisser penser qu'il virait de l'argent sur un compte ouvert à son nom. D'ailleurs, persuadé qu'il était titulaire d'un compte ouvert au sein de la Caixa bank il justifie avoir envoyé un courriel à son conseiller auprès de la Caisse d'épargne de Picardie dans lequel il lui explique qu'il s'est présenté à sa banque en Espagne pour se faire restituer les fonds en vain.

Il est établi qu'en réalité il a viré des sommes sur un compte ouvert au nom d'une société Action presta service.

Il se comprend donc de son action fondée sur la responsabilité extra-contractuelle, qu'il fait grief à la Caixa bank avec qui il n'était pas lié contractuellement d'avoir manqué à son obligation de surveillance et de vigilance pour l'avoir laissé crédité le compte d'un tiers sans motif

Si M. [C] a pu être victime d'une société Bcm dont le siège est à [Localité 20] comme il le soutient, société qui aurait détourné toutes ses économies évaluées à 115 000 €, cette affaire dans le cadre de laquelle il a déposé une plainte pénale est distincte de la présente, dans la mesure où en l'espèce M. [C] tente, pour recouvrer les fonds perdus de rechercher la responsabilité de différentes banques qui selon lui auraient commis des fautes qui ont participé à son dommage, à savoir celles qui tenaient ses comptes en France et celles à l'égard desquelles il a réalisé des virements à l'étranger, de sorte que contrairement à ce qu'il soutient cette affaire ne peut s'analyser en un contentieux complexe unique pour lequel il convient d'appliquer un droit unique.

D'ailleurs il sera appréhendé le cas de chacune des banques, les unes après les autres et dans le présent paragraphe le cas de la Caixa bank.

Il est établi que le lieu de survenance du dommage se trouve en Espagne où l'appropriation des fonds s'est produite et la seule circonstance que les effets de cette appropriation soit ressentie par M. [C] en France au motif que les fonds litigieux ont été virés à partir d'un compte ouvert auprès d'une Caisse d'épargne et en l'absence de tout autre élément de rattachement attestant de liens plus étroits de nature à concourir à la désignation de la loi française est insuffisante à justifier son application.

Il doit être donc fait application de la loi espagnole.

Aux termes de l'article 1902 du code civil espagnol dispose que celui qui par action ou omission cause un préjudice à un tiers du fait d'une faute ou d'une négligence est tenu de réparer le dommage causé.

Selon l'article 1968 2) du même code : sont prescrites après le délai d'un an les actions en responsabilité civile pour injure ou calomnie et pour les actions découlant de la faute ou de la négligence visées à l'article 1902 à compter du moment où la personne lésée en a eu connaissance.

La traduction de ce texte n'est pas critiquée par M. [C].

En l'espèce M. [C] qui a déposé plainte pour escroquerie le 22 mars 2016 avait connaissance des faits au plus tard à compter de cette date de sorte qu'en engageant son action en responsabilité délictuelle contre la Caixa bank en Espagne, par assignation délivrée le 30 avril 2018 signifiée le 30 mai 2018, il n'était plus dans le délai pour agir sauf acte interruptif de prescription.

Aux termes de l'article 1973 du code civil espagnol la prescription des actions est interrompue par leur exercice devant les tribunaux, par la réclamation extra judiciaire du créancier et par toute reconnaissance de dette par le débiteur.

En l'espèce si M. [X] [C] a déposé le 4 avril 2016 une requête aux fins de saisie conservatoire d'une somme de 55 000 € et que par ordonnance du 5 avril 2016 il a été autorisé à faire saisir cette somme détenue par Bcm sur un compte ouvert à la Caixa bank, cette procédure concerne une action entre M. [C] et Bcm du fait du dépôt de plainte mais ne concerne pas l'action en responsabilité dirigée par lui contre la Caixa bank.

Cette requête et cette ordonnance ne peuvent avoir interrompu le délai de prescription dans la présente instance.

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par M. [C] contre la Caixa.

Sur les demandes de communication avant dire droit

Avant dire droit M. [C] demande à la cour d'ordonner aux sociétés Ing Belgique et Caixa bank de produire les documents démontrant qu'elles ont rempli leur devoir de vigilance lors de l'ouverture des comptes dans leurs établissements puis d'écarter les pièces écrites en langues étrangères comme irrecevables.

L'action contre la Caixa bank étant irrecevable comme prescrite cette demande ne peut prospérer et sa demande dirigée contre Ing Belgique pas plus à défaut pour M.[C] de démontrer qu'il a ouvert un compte dans les livres d'Ing Belgique. En effet, M. [C] déplore avoir fait un virement au profit d'une société malveillante à la demande de Bcm et non sur un compte ouvert à son nom.

En conséquence ces demandes sont écartées.

Sur l'action en responsabilité dirigée contre les Caisses d'épargne

Il se comprend du tableau dressé par M. [C] dans ses conclusions à l'emplacement portant sur le rappel des faits qu'il a émis selon lui 10 virements au départ d'une compte ouvert au sein de la Caisse d'épargne des Hauts-de-France dont 9 au profit de la Caixa bank et 1de la société Ing Belgique.

A ce stade la cour fait remarquer que l'action dirigée contre les Caisses d'épargne est une action en responsabilité contractuelle.

$gt; SA Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de- France

En l'espèce M. [C] recherche la responsabilité de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France au motif qu'elle a manqué à son obligation de vigilance en le laissant réaliser 4 virements de 5 000 € à savoir 3 virements les 18, 19 et 21 décembre 2015 et un 4ème le 21 décembre 2015 au départ pour les premiers du compte [XXXXXXXXXX014] et le dernier du compte [XXXXXXXXXX013].

Les historiques d'évènements de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France renseignent sur le fait que

- le 18 décembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX014] d'un montant de 5 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet et que le solde du compte avant opération était créditeur de 19 116,38 € ;

- le 19 décembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX014] d'un montant de 5 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet et que le solde du compte avant opération était créditeur de 14 116,38 € ;

- le 20 décembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX014] d'un montant de 5 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet et que le solde du compte avant opération était créditeur de 9 116,38 € ;

- le 21 décembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX013] d'un montant de 5 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet et que le solde du compte avant opération était créditeur de 8 059,01 €.

La consultation du relevé de compte [XXXXXXXXXX014] pour la période du 1 décembre 2015 au 10 juin 2017 renseigne sur le fait qu'au premier décembre 2015 ce compte courant était créditeur de 16 934,73 €, que M. [C] y faisait régulièrement des opérations dont des virements Sepa de montants du même ordre que les virements litigieux et notamment un virement de 4 000 € le 11 janvier 2016, 3 370 € le 15 janvier 2016, 1 149 € le 12 février 2016 etc... que de nombreux virements Sepa étaient également faits à son profit ou des remises de chèques destinées à créditer son compte mais également des virements par mobile, de sorte que les 3 virements litigieux de 5 000 €, outre le fait qu'ils ont été effectués par M. [C] à l'aide de ses identifiants n'étaient pas de par leurs montants et leurs fréquences susceptibles d'alerter la Caisse d'épargne d'Ile-de-France, le compte demeurant largement créditeur en permanence.

La consultation du relevé de compte [XXXXXXXXXX013] pour la période du 1er décembre 2015 au 9 juin 2017 renseigne sur le fait que ce compte au 4 décembre 2015 était créditeur de 11 482,96 €, que des paiements CB ont été réalisés par M. [C] le 4 décembre à hauteur de 500 € et 2 000 €, le 4 janvier 2016 à hauteur de 2 500 €, le 4 janvier 2016 à hauteur de 2 000 €, que son compte était crédité régulièrement de sommes importantes ( 2 000, 3 500, 4 000 € etc...)de sorte que l'unique virement de 5 000 € réalisé par M. [C] pour lequel il est reproché à la caisse de ne pas avoir rempli ses obligations, ne peut être qualifié d'anormal en comparaison avec les opérations habituellement pratiquées, un virement isolé ne caractérisant pas la fréquence alléguée.

De ce qui précède il n'est pas établi que la Caisse d'épargne d'Ile-de France a manqué à son obligation de contrôle et de vigilance dans la mesure où les montants et les fréquences des virements litigieux n'étaient pas inhabituels par rapport à la situation financière de M. [C], et aucune situation sur ces comptes ne faisant par ailleurs obstacle à la réalisation de ces virements, M. [C] reconnaissant dans son tableau de présentation avoir réalisé les virements au départ du compte ouvert au sein de la SA Caisse d' épargne de Picardie (devenue Caisse d'épargne des Hauts-de-France) à destination de l'étranger.

Ainsi M. [C] est défaillant à démontrer que la Caisse d'épargne de Picardie a commis une faute par manquement à son obligation de vigilance dans la tenue de ses comptes c'est à dire dans l'exécution du contrat ayant concourut au préjudice qu'il allègue.

$gt; SA Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France (anciennement Caisse d'épargne de Picardie)

En l'espèce M. [C] recherche la responsabilité de la SA Caisse d'épargne des Hauts-de-France pour avoir manqué à son obligation de vigilance alors qu'il réalisait des virements à hauteur de 35 000 € à destination de la Caixa bank et de 55 000 € à destination de Ing Belgique.

Des pièces produites par M. [C] il ressort que :

- le 30 novembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX06] d'un montant de 3 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet et que le solde du compte avant opération était créditeur de 8 379,78 € ;

- le 30 novembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX06] d'un montant de 2 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet et que le solde du compte avant opération était créditeur de 5 379,78 € ;

- le 10 décembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX05] d'un montant de 3 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet que l'opération a dû être forcée (motif de forçage : livret géré en compte) et que le solde du compte avant opération était créditeur de 13 813,53 € ;

- le 10 décembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX05] d'un montant de 2 000 € 'dénommé virement interne' par virement Sepa internet que l'opération a dû être forcée (motif de forçage : livret géré en compte) et que le solde du compte avant opération était créditeur de 10 813,53 € ;

- le 15 décembre 2015 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX06] d'un montant de 25 000 € dénommé 'automatique' virement CEP et que le solde avant opération s'élevait à 25 481,48 € ;

- le 28 janvier 2016 il a réalisé un virement au départ du compte [XXXXXXXXXX06] d'un montant de 55 000 € dénommé 'automatique' virement Sepa ALZ [C] [X] et que le solde avant opération s'élevait à 64 804,55 €.

Il produit également la copie d' ordres de virements à entête Caisse d'épargne de Picardie dont

- un ordre du 14 décembre 2015 par lequel il demande la réalisation d'un virement sur un compte bancaire ouvert au sein de la Caixa bank en Espagne à hauteur de 25 000 €,

-un ordre du 18 janvier 2016 par lequel il demande la réalisation d'un virement sur un compte bancaire ouvert au sein de la Caixa bank en Espagne à hauteur de 55 000 €,

-un ordre du 27 janvier 2016 par lequel il demande la réalisation d'un virement sur un compte ouvert au nom de ALZ au sein de Ing bank N.V brussels Belgique.

Il verse également aux débats les relevés mensuels du compte [XXXXXXXXXX06] et de ses comptes épargne d'août 2015 à février 2016.

Le prestataire de services de paiement réalisant des virements dit Sepa comme en l'espèce, est soumis aux dispositions des articles L.133-4 et suivants du code monétaire et financier issus de l'ordonnance du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiements transposant la directive N.2007/64/CE concernant les services de paiement dans le marché intérieur, son article L.133-21 disposant notamment, en ses alinéas 1 et 5 que « un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l'identifiant unique » et « si l'utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l'identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l'exécution correcte de l'ordre de paiement, le prestataire de services de paiement est responsable de l'exécution de l'opération de paiement conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur de services de paiement ».

Il n'est pas contesté par M.[C] l'ordre de virement au profit des deux banques étrangères a été exécuté conformément à sa demande et que la somme a rejoint le bénéficiaire souhaité par lui du compte désigné par l'Iban que lui avait remis son interlocuteur, de sorte qu'aucune mauvaise exécution de l'opération ne peut être reprochée à la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France.

Par ailleurs contrairement à ce que soutient M. [C], la Caisse d'épargne des Hauts-de-France dans le cadre de la réalisation de ces virements n'avait pas à contrôler la légalité du placement envisagé sur un compte ouvert en Espagne ou auprès d'une société tierce au moyen d'un virement bancaire en Belgique, les dispositions des articles L.561-5 à L. 561-22 du code monétaire et financier ayant pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

S'il est exact que le devoir de non-ingérence de la banque trouve une limite dans l'obligation de vigilance de l'établissement de crédit prestataire de services de paiement, c'est à la condition que l'opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont soumis, soit de la nature elle-même de l'opération ou encore du fonctionnement du compte.

Il ressort du relevé de compte au départ duquel des virements de 25 000 et 55 000 € notamment ont été réalisés au profit de banques étrangères que sur ce dernier était crédité mensuellement le salaire de M. [C] à hauteur de 3 178 € et que ce compte était débité par prélèvements de petits montants à destination d'EDF, de la trésorerie de [Localité 19], Orange et qu'il effectuait des paiements par chèque pour des montants allant de 100 à 2 700 € et que le compte était toujours créditeur entre 5 et 10 000 € mais également que figurait sur les relevés mensuels une synthèse des comptes épargne en euros crédités à hauteur d'une somme globale variant entre 55 et 60 000 €, la cour observe qu'à partir du 12 décembre 2015 le crédit du compte était limité à 469,58 € et que l'épargne avait été ramené à 18 000 € et que si en janvier 2016 le compte était de nouveau créditeur pour atteindre 2 450 €, cette nouvelle situation était la conséquence du rejet du premier virement de 55 000 €.

Si comme l'indique la Caisse d'épargne d'Ile-de-France des virements réalisés vers des banques européennes belges et espagnoles ( qui ne figurent pas sur des listes d'établissement suspects) n'est pas un critère susceptible de l'alerter, il est néanmoins établi que M. [C] avait pour habitude de maintenir un niveau d'épargne d'au moins 50 000 € et de crédit sur son compte courant entre 5 et 10 000 €.

Il n'est pas plus établi qu'il effectuait de façon habituelle des virements à l'étranger.

Si au regard de son relevé de compte et de son épargne disponible les virements de 5 000 € le 30 novembre et le 10 décembre 2015 et d'une somme de 25 000 € le 15 décembre 2015 sur un compte courant ouvert dans un établissement européen dûment agréé ne recelait aucune anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, il en est tout autre du virement du 22 janvier 2016 d'un montant de 55 000 €.

C'est donc dans ces circonstances que la Caisse d'épargne a exercé son devoir de vigilance en rejetant le virement de 55 000 € le 22 janvier 2016 à destination de la Caixa bank de sorte qu'elle n'a pas commis de manquement concernant ce virement. En donnant à nouveau ordre de virer cette somme le 28 janvier 2016 cette fois ci pour créditer un compte ouvert au nom d'une société dans un banque belge alors que la Caisse venait d' exercer son devoir de vigilance M. [C] est mal fondé à soutenir qu'elle n'a pas rempli ses obligations et commis une faute engageant sa responsabilité.

Défaillant à démontrer la faute commise par la Caisse d'épargne des Hauts-de-France M. [C] est débouté de ses demandes indemnitaires dirigées contre elle.

Sur l'action en responsabilité dirigée contre Ing Belgique

Le dommage étant survenu en Belgique il convient de faire application de la loi belge en exécution de l'article 4.1 rappelé plus haut.

Selon les dispositions du premier paragraphe de l'article VII.48 du code de droit économique belge dans sa rédaction applicable à la date du virement c'est-à-dire antérieur à celle issue de l'article 10 de la loi du 19 juillet 2018 portant modification et insertion de dispositions en matière  de services de paiement dans différents livres du code de droit économique, un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire indiqué par l'identifiant unique.

De la combinaison de ces dispositions avec celles relatives au transfert de fonds issus du règlement UE n° 2015/847 du parlement européen et du conseil du 20 mai 2015, que dans le cas d'un transfert de fonds au sein de l'union européenne, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est tenu de transférer des fonds au dit bénéficiaire dès lors qu'il dispose du numéro de compte du donneur d'ordre et du bénéficiaire.

En l'espèce, il est établi que le transfert de fonds litigieux d'un montant de 55'000 € a été effectué dans les circonstances sus-rappelées, à partir du compte bancaire de M. [C] ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne et prévoyance des Hauts-de-France vers un compte ouvert dans les livres de la société de droit belge Ing Belgique de sorte qu'il s'agit d'un virement au sein de l'union européenne.

Il est également établi que l'ordre de virement a été établi à la requête de M. [C], physiquement présent au guichet de l'agence bancaire d'[Localité 15] avec son consentement exprès et avec le numéro de compte du bénéficiaire dûment renseigné par ce dernier.

La société Ing Belgique se trouvait donc dans l'obligation d'exécuter cette opération au profit du compte de destinataire désigné par le demandeur sans être obligé de rechercher la cause du virement étant précisé que M. [C] avait connaissance qu'il n'était pas le bénéficiaire de ce virement pour avoir rempli et renseigné lui-même l'ordre et alors que la Caisse d'épargne venait de rejeter un virement du même montant à destination de la Caixa bank.

Comme l'a justement souligné le premier juge, il s'évince de l'ensemble de ces éléments que le demandeur échoue à rapporter la preuve de l'existence d'une faute commise par la société de droit belge Ing Belgique.

M. [C] est en conséquence débouté de sa demande dirigée contre la société Ing Belgique.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

La demande d'indemnisation d'un préjudice moral tendant aux mêmes fins que la demande d'indemnisation consécutive aux manquements des banques est recevable en application de l'article 565 du code de procédure civile mais non fondée en raison de la solution du litige.

Sur les demandes accessoires

M. [X] [C] qui succombe supporte les dépens d'appel. Les sommes allouées en première instance aux établissements financiers suffisant à les indemniser des frais irrépétibles exposés dans cette affaire, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute M. [X] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [C] à supporter les dépens d'appel et autorise maîtres Isabelle Perrier, Nathalie Amouel, la SCP Drye de Bailliencourt et la Selarl Lexavoué qui le demandent à les recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/05680
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;21.05680 ?
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