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14/03/2024 | FRANCE | N°23/02271

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 14 mars 2024, 23/02271


ARRET



















S.A.S. PACIFIC GROUP 80





C/



S.C.I. CATEL









OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 14 MARS 2024





N° RG 23/02271 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYT4



ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS EN DATE DU 03 MAI 2023





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE







S.A.

S. PACIFIC GROUP 80 agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]





Représentée par Me Jeremy HANNARD substituant Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 73













...

ARRET

S.A.S. PACIFIC GROUP 80

C/

S.C.I. CATEL

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 14 MARS 2024

N° RG 23/02271 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYT4

ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS EN DATE DU 03 MAI 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. PACIFIC GROUP 80 agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jeremy HANNARD substituant Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 73

ET :

INTIMEE

S.C.I. CATEL agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel VERFAILLIE substituant Me Xavier D'HELLENCOURT de l'ASSOCIATION CABINET D HELLENCOURT, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 12

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Janvier 2024 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

GREFFIER : Madame Diénéba KONÉ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUABELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 14 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.

DECISION

La SAS Pacific Group 80 a pour objet social l'exploitation de tous restaurants, traiteur sur place ou à emporter.

Par acte authentique en date du 22 janvier 2021 la SCI Catel a consenti à la SAS Pacific Group 80 un bail commercial portant sur un local sis à [Localité 6] [Adresse 4].

Dans le cadre des travaux d'aménagement du local la SAS Pacific Group 80 a découvert des désordres affectant la dalle de béton au sol du local.

Par ordonnance de référé en date du 9 mars 2022 le président du tribunal judiciaire d'Amiens a ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer les désordres leur date d'apparition et leurs conséquences et de chiffrer le coût des travaux de reprise et des préjudices en résultant.

Par acte d'huissier en date du 31 janvier 2023 la SAS Pacific Group 80 a fait assigner la SCI Catel devant le juge des référés du tribunal judicaire d'Amiens afin que soit ordonnée la suspension de l'obligation de versement des loyers et des charges.

Par ordonnance en date du 3 mai 2023 le président du tribunal judiciaire d'Amiens statuant en référé a rejeté les demandes de la société Pacific Group 80 et l'a condamnée à payer à la SCI Catel la somme de 1500  euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 mai 2023 la SAS Pacific Group 80 a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Il a été fait application de la procédure à bref délai.

Aux termes de ses conclusions remises le 30 novembre 2023 la SASPacific Group 80 demande à la cour d'infirmer l'ordonnance intervenue et statuant à nouveau d'ordonner la suspension de l'obligation de versement des loyers et des charges jusqu'à la possible jouissance paisible du local commercial soit la date de réception des travaux de reprise et de stabilisation de la dalle, de la condamner aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions remises le 21 novembre 2023 la SCI Catel demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et de condamner la société Pacific Group 80 à lui payer la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2023.

SUR CE

Le premier juge a rejeté la demande de suspension des loyers en retenant que la société Pacific Group 80 ne rapportait pas la preuve qu'il lui était impossible d'exploiter le local conformément à sa destination prise dans sa totale acceptation et ainsi ne caractérisait pas le trouble manifestement illicite ni le dommage imminent qu'elle invoquait.

Par ailleurs il a considéré que le maintien de la possibilité d'une activité commerciale dans le local pris à bail constituait une contestation sérieuse ne permettant pas d'ordonner les mesures sollicitées sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile.

La société Pacific Group rappelle que le bailleur est tenu pendant toute la durée du bail de délivrer un local conforme à la destination contractuelle du bien sans qu'une clause d'acceptation par le preneur des lieux dans l'état où ils se trouvent ne l'en décharge.

Elle fait valoir qu'il résulte du rapport d'expertise que l'exploitation d'un restaurant n'est pas possible dans les locaux en raison d'un affaissement de la dalle et du fait que les normes inhérentes à cette exploitation ne pourront être respectées et ce alors même qu'elle a loué ces locaux pour y exploiter un restaurant spécialisé dans la cuisine asiatique.

Elle soutient qu'elle ne peut continuer à payer le loyer sans pouvoir exploiter son restaurant et alors même que le bailleur estime ne pas avoir à régler les travaux , qu'elle a déjà payé deux ans de loyers d'avance et engagé des dépenses importantes pour les travaux d'aménagement suspendus.

Elle fait valoir que le dommage imminent est constitué par les conséquences sur sa situation financière d'une impossibilité d'exploiter son restaurant, seule activité qu'elle est en mesure d'exercer.

Sur l'existence d'une contestation sérieuse invoquée par la SCI Catel elle soutient que seule une étude de sols et l'expertise ont permis de révéler l'incompatibilité des locaux avec l'activité de restauration et qu'au demeurant les clauses d'acceptation du bien en l'état ne peuvent décharger le bailleur de son obligation de délivrer le bien dans un état conforme à sa destination et que de même la clause selon laquelle le preneur s'est engagé à faire son affaire personnelle des réclamations formulées du fait de son activité outre le fait qu'elle concerne un changement d'activité ne peut décharger le bailleur, que la clause selon laquelle le preneur a accepté par avance d'assumer les conséquences liées à l'existence de servitudes particulières ne concerne que les règles d'urbanisme.

Elle fait valoir également que la question de savoir si les travaux nécessaires relèvent ou non de l'article 606 du code civil ne se pose pas dès lors qu'il s'agit de travaux rendus nécessaires par des désordres antérieurs au début de la location et qu'en tout état de cause ces travaux relèvent bien de la structure et de la solidité générale de l'immeuble.

Elle fait valoir encore qu'elle s'est engagée à prendre en charge les travaux de revêtement du sol mais non ceux relatifs au support.

Enfin elle dénonce la confusion volontairement opérée par la SCI Catel en assimilant l'impossibilité absolue pour le preneur d'exploiter son fonds avec l'impossibilité absolue d'exploiter les locaux.

Elle fait valoir que l'impossibilité d'exploiter n'est pas absolue car une activité demeure possible mais qu'elle se trouve dans l'impossibilité absolue d'exploiter son fonds de commerce dès lors qu'elle ne peut exploiter un restaurant faute de pouvoir répondre aux normes d'hygiène.

Elle soutient que la SCI Catel ne peut se fonder sur les dispositions de la promesse de vente pour s'exonérer de ses obligations dans le cadre d'un autre contrat.

La SCI Catel rappelle que le bail rédigé par le propre notaire de la SAS Pacific Group mentionne expressément que le preneur se satisfait de l'état des locaux loués de leur situation administrative et fait son affaire personnelle du maintien et de l'obtention le cas échéant de toutes autorisations nécessaires à la poursuite de son exploitation ainsi que de toutes injonctions de l'administration ou de tiers à cet égard sans aucun recours contre le bailleur et sans remettre en cause ses obligations notamment au paiement du loyer en renonçant à invoquer un manquement à l'obligation de délivrance.

Elle fait valoir que des fissures et un défaut de planéité étant visibles la preneuse a fait réaliser une étude de sols puis une expertise qui révèle que le bâtiment reste exploitable pour des activités commerciales, magasins, entrepôts et bureaux.

Elle soutient que la demande de la SAS Pacific Group se heurte à plusieurs contestations sérieuses qui justifient son rejet.

Elle fait valoir à ce titre que la société Pacific Group 80 a pris les locaux en l'état après les avoir visités à plusieurs reprises et avoir accepté toutes leurs caractéristiques et ce d'autant qu'elle s'est engagée à en devenir propriétaire et que la règle selon laquelle une clause d'acceptation des biens en l'état ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance n'est pas d'ordre public.

Elle fait valoir que la preneuse s'est également engagée à faire son affaire personnelle des difficultés pouvant être rencontrées au titre de son activité et à se reconnaître seule responsable des conséquences entraînées par des servitudes particulières ou encore à assumer personnellement toutes dépenses relatives aux grosses réparations en dehors de celles visées à l'article 606 du code civil et à assumer financièrement l'exécution des travaux relatifs à l'état du sol.

Elle fait observer que les dispositions de la promesse d'achat confirmant la parfaite connaissance des lieux par le preneur qui en qualité de bénéficiaire a reconnu n'avoir aucun recours contre le promettant en raison des vices apparents ou cachés viennent conforter son analyse.

Elle soutient par ailleurs qu'aux termes du contrat de bail il est prévu l'exploitation des activités de commerces alimentaires et / restauration sur place et /ou à emporter et / ou déstockage non alimentaire.

Elle fait valoir que la suspension des loyers ne peut être prononcée qu'en cas d'impossibilité absolue d'exploiter le fonds de commerce ce qui n'est pas le cas puisque l'expert retient que des activités commerciales restent exploitables.

Elle conteste le fait que l'activité que la preneuse souhaitait exploiter était nécessairement un restaurant dès lors qu'elle a fait intégrer au bail la mention de diverses activités.

En application de l'article 834 du code de procédure civile dans tous les cas d'urgence le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de l'article 835 du code de procédure civile le président du tribunal peut même en cas de contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce la SAS Pacific Group sollicite une suspension des loyers dus en exécution du contrat de bail commercial sur le fondement de l'inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance et ce jusqu'à ce que le bailleur ait exécuté et réceptionné les travaux lui permettant d'exercer l'activité de restauration qu'elle comptait entreprendre.

Cette mesure nécessite que soient tranchées les contestations relatives à l'exécution ou non par le bailleur de son obligation de délivrance et quant aux propres obligations du preneur.

La suspension des loyers et donc de l'exécution par le preneur d'une obligation essentielle n'est légitime qu'en cas d'impossibilité absolue d'exploitation.

En l'espèce aux termes du bail sous la rubrique activité exercée par le preneur il est indiqué de convention expresse entre les parties déterminantes de leur consentement que les biens loués sont affectés à l'usage exclusif de : Commerces alimentaires et/ou restauration sur place et/ à emporter et /ou déstockage non alimentaire.

Par ailleurs il est prévu aux termes du contrat de bail que le preneur fera son affaire personnelle et à ses frais exclusifs de la mise en conformité des lieux loués et des travaux qui pourraient être demandés par l'administration au regard de son activité sans recours contre le bailleur dans la mesure uniquement où les travaux de mise en conformité ne relèvent pas de ceux définis à l'article 606 du code civil dont le report sur le preneur est interdit.

Le rapport d'expertise conclut au fait que l'affaissement du dallage et les fissures ne mettent pas en cause la solidité du bâtiment et que l'exploitation commerciale de celui-ci reste possible mais que les désordres constatés sur le plancher compromettent l'exploitation d'un restaurant en raison des difficultés à respecter les contraintes réglementaires sur le sol des locaux de cuisine et de stockage des denrées alimentaires. Il préconise une étude pour dimensionner les fondations, démolir le dallage et la réalisation d'un nouveau dallage en renforçant les fondations.

Il résulte de ces éléments que l'impossibilité absolue d'exploiter, le respect ou non par le bailleur de son obligation de délivrance et la charge des travaux de mise en conformité constituent des contestations sérieuses.

En effet en application de l'article 1170 du code civil toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite et cette disposition est d'ordre public .

Ainsi l'obligation de délivrance du bailleur ne peut être limitée par une clause qui priverait cette obligation essentielle de sa substance mais elle peut néanmoins recevoir des limitations.

Le bailleur qui doit délivrer un local permettant d'exercer l'ensemble des activités convenues ne peut être déchargé de son obligation de délivrance par des clauses selon lesquelles le preneur prend les locaux en l'état sans pouvoir réclamer de réparations ou imposant au preneur de faire son affaire personnelle des autorisations nécessaires à l'exercice de son activité si le bailleur est seul à pouvoir les obtenir ou exonérant le bailleur des travaux rendus nécessaires par des vices affectant la structure de l'immeuble.

Néanmoins cette obligation n'impose pas au bailleur d'effectuer les travaux d'aménagement du local pour l'exercice du commerce considéré et une clause les mettant à la charge du preneur est valable et ce d'autant lorsqu'un abattement de loyer a été prévu.

Il est ainsi en l'espèce nécessaire de se livrer à une interprétation des clauses du bail pour déterminer les obligations respectives des parties au regard des conclusions de l'expertise.

Il existe dès lors des contestations sérieuses ne permettant pas au juge des référés de prendre la mesure sollicitée par la SAS Pacific Group 80 qui outre la suspension des loyers nécessite de mettre à la charge du bailleur des travaux non définis.

L'urgence de régler le différend n'est pas alléguée toutefois la SAS Pacific Group sollicite que soit retenue l'existence d' un dommage imminent consistant dans le risque de mettre en péril sa situation financière.

Toutefois elle ne produit aucun élément sur sa situation financière alors même qu'elle indique ne pas avoir de revenus depuis plusieurs dizaines de mois mais n'invoque qu'un risque sur sa situation financière et avoir versé en avance deux années de loyers tout en ayant prévu d'importants travaux de nature à diminuer de moitié les loyers de la première année selon les termes du bail.

Il sera rappelé également que dans le même temps la SAS Pacific Group a accepté une promesse de vente des locaux au prix de 1100000 euros dans les 4 ans.

Elle ne caractérise pas l'existence d'un dommage imminent que seule la mesure par elle sollicitée serait de nature à prévenir.

Il convient en conséquence de débouter également la société Pacific Group sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner la SAS Pacific Group aux entiers dépens d'appel et à, payer à la SCI Catel la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision entreprise ;

Y ajoutant;

Condamne la SAS Pacific Group 80 aux entiers dépens d'appel ;

Condamne la SAS Pacific Group 80 à payer à la SCI Catel la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/02271
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.02271 ?
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