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07/03/2024 | FRANCE | N°23/02334

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 07 mars 2024, 23/02334


ARRET

























S.A.R.L. [L] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS









C/







LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION

S.E.L.A.R.L. R&D













OG



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 07 MARS 2024





N° RG 23/02334 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYYT





JUGEM

ENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 11 MAI 2023



APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A.R.L. [L] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS, agissant pour...

ARRET

S.A.R.L. [L] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS

C/

LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION

S.E.L.A.R.L. R&D

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 07 MARS 2024

N° RG 23/02334 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYYT

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 11 MAI 2023

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. [L] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ

ET :

INTIMEES

Madame . LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS

[Adresse 7]

[Localité 6]

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ès-qualités mandataire et de liquidateur judiciaires de la SARL [L] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS, désignée pour cette dernière fonction par jugement du Tribunal de Commerce de SOISSONS en date du 15 septembre 2023.

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric MANGEL de la SELARL MANGEL AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

INTIMEE es qualités de mandataire judiciaire

INTERVENANTE VOLONTAIRE es qualités de liquidateur judiciaire

S.E.L.A.R.L. R&D, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, es-qualités d'Administrateur Judiciaire de la SARL [L] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de SOISSONS en date du 11 mai 2023

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric MANGEL de la SELARL MANGEL AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Décembre 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Le 07 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SARL [L] père et fils travaux publics ( SARL GPF TP ) a été créée en décembre 1994 par M. [F] [L] aux fins d'exercer une activité de travaux publics.

Son capital social était détenu à l'origine à titre majoritaire par la SAS [L] père et fils et par M. [F] [L] qui en était le gérant et ses deux fils.

A la suite de cessions de parts sociales son capital est désormais détenu :

- par la SAS 2GF représentée par M. [Y] 1 part

- par la SAS GF Moselle représentée par M. [T] 19997 parts

- par M. [R] [L]

1 part

- M. [K] [L] 1 part

La totalité du capital de la société GF Moselle est détenu par la société GF Capital dont le capital est détenu en totalité par M.[Y].

Le gérant de la société GPF TP est M. [T] depuis le mois d'avril 2021.

Le 23 novembre 2022 le président du tribunal de commerce de Soissons a adressé au procureur de la République de Soissons une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal de commerce d'une demande d'ouverture de procédure collective en application de l'article L 640-3-1 du code de commerce faisant valoir que les comptes sociaux déposés pour la dernière fois le 31 décembre 2020 présentaient des chiffres inquiétants, que les renseignements recueillis en application de l'article L 611-2 al 2 révèlaient une dette de 129 K€ auprès de l'URSSAF et des concours bancaires importants, l'absence de collaboration du dirigeant et un nombre de requêtes en injonction de payer laissant penser que la société n'est plus en mesure de régler ses fournisseurs.

Par requête en date du 24 novembre 2022 le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Soissons a saisi le tribunal de commerce de Soissons aux fins que soit envisagée l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et subsidiairement de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL GPF TP et en tous les cas de diligenter une enquête permettant de vérifier la situation de la société.

Par jugement du tribunal de commerce de Soissons en date du 8 décembre 2022, une enquête sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise a été ordonnée et confiée au président du tribunal de commerce avec la possibilité de se faire assister par tout expert de son choix.

Par jugement en date du 23 février 2023 le tribunal de commerce a jugé qu'un complément d'enquête était nécessaire et maintenu pour l'exercer le président du tribunal de commerce et l'expert l'ayant assisté, la SELARL Evolution en la personne de maître [S] [V].

Par jugement du tribunal de commerce de Soissons en date du 11 mai 2023 il a été ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL GPF TP, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 11 novembre 2022,la SELARL Evolution en la personne de maître [M] [J] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL R&D en la personne de maître [G] [H] étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 22 mai 2023 la SARL GPF TP prise en la personne de son gérant a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Il a été fait application de la procédure à bref délai.

Par jugement en date du 15 septembre 2023 le tribunal de commerce de Soissons a mis fin à la période d'observation et a prononcé la liquidation judiciaire de la société GPF TP.

La société GPF TP a interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2023 (procédure RG n° 23/456).

Par ordonnance en date du 25 septembre 2023 Mme la première présidente de la cour d'appel d'Amiens a rejeté la demande de suspension des mesures provisoires attachées au jugement entrepris du 11 mai 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 30 novembre 2023 la SARL GPF TP demande à la cour d'annuler le jugement entrepris et à défaut de le réformer et statuant à nouveau de juger qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements qu'elle dispose d'un actif disponible supérieur à son passif exigible et de débouter M. Le procureur de la République de Soissons de sa demande d'ouverture d'une procédure collective à son encontre.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 6 décembre 2023 la SELARL Evolution en la personne de maître [J] ès qualités de mandataire et de liquidateur judiciaire demande en premier lieu la jonction de la présente procédure avec la procédure relative à la liquidation judiciaire.

Elle a en outre sollicité que soient rejetées l'exception d'impartialité et l'exception d'impartialité fonctionnelle du juge enquêteur et que la décision entreprise soit confirmée en son intégralité l'appelante étant déboutée de ses demandes.

Sur le fond elle demande que soit constaté l'état de cessation des paiements à la date retenue par le tribunal et que le jugement soit confirmé en son intégralité et sollicite que les dépens soient réservés en frais privilégiés de procédure.

Le 6 juillet 2023 le ministère public a requis l'annulation du jugement entrepris et l'évocation de l'affaire par la cour d'appel les conditions du redressement judiciaire ne paraissant pas réunies.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2023.

SUR CE

La cour relève qu'elle est saisie de la procédure ayant retenu l'existence d'un état de cessation des paiements et de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et qu'elle doit statuer sur une demande d'annulation du jugement mais également sur la contestation de l'existence d'une cessation des paiements permettant l'ouverture d'une procédure collective.

Si elle est par ailleurs saisie de la procédure ayant converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire il s'agit d'un jugement ultérieur fixé à une audience distincte et dont il est simplement sollicité l'annulation.

Il n'y a pas lieu dès lors d'ordonner la jonction des deux procédures.

Sur l'annulation du jugement

*Sur la violation du principe de la contradiction

La SARL GPF TP reproche en premier lieu au jugement d'avoir utilisé dans sa motivation des éléments relatifs à M.[Y] qui n'avaient pas été discutés contradictoirement lors de l'audience et non produits ou invoqués par le procureur de la République .

Elle en déduit que cette grave violation du principe du contradictoire doit entraîner l'annulation du jugement dès lors que M. [Y] n'a pu se défendre des attaques personnelles relatives notamment à son interdiction de gérer

Elle invoque également à ce titre le fait que le renvoi de l'audience du 13 avril 2023 a été décidé de concert entre le président du tribunal et le ministère public sans qu'un débat contradictoire n'ait lieu.

L'intimée soutient que la motivation du tribunal critiquée s'appuie sur les propres communications de l'appelante soit un courrier du 29 septembre 2021 et un communiqué de presse de M. [Y] adressé le 12 avril 2023, pièces produites par la SARL GPF TP et fait valoir qu'en application de l'article 7 du code de procédure civile parmi les éléments du débat le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions.

S'agissant du renvoi du dossier lors de l'audience du 13 avril 2023 elle fait observer que ce renvoi n'a fait l'objet d'aucune contestation et qu'il avait pour but d'assurer un renvoi contradictoire en la présence du ministère public retenu par ailleurs.

Selon l'article 16 du code de procédure civile le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il existe une obligation générale pour le juge de ne fonder sa décision que sur des pièces dont les parties ont été à même de débattre contradictoirement.

Selon l'article 7 du code de procédure civile le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat mais parmi les éléments du débat le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions.

Toutefois dans une procédure orale les moyens et prétentions sont présumés sauf preuve contraire avoir été contradictoirement débattus à l'audience.

Il est en l'espèce reproché aux premiers juges d'avoir usé d'éléments de motivation relatifs à l'implication de M. [Y] mais également quant à la situation judiciaire de celui-ci qui n'ont pas été débattus contradictoirement.

Il sera observé que M. [Y] n'était aucunement partie à la procédure.

Il résulte des termes mêmes de l'arrêt que l'implication de M. [Y] dans la société GPF TP est déduite des documents produits par la société elle-même et résulte également de la composition du capital de la société, mais également de la difficulté pour le gérant de droit de se positionner quant aux dettes fournisseurs et plus généralement sur la situation de la société.

Il ne saurait y avoir violation du principe de la contradiction dans ces conditions.

S'agissant de l'imputation de condamnations prononcées publiquement à l'encontre de M. [Y], outre qu'il n'est pas démontré que ces faits n'ont pas été exposés à l'audience, elle n'a strictement aucun lien avec la motivation sur l'existence d'un état de cessation des paiements, seul contesté en l'espèce.

Surtout elle ne fonde aucunement la décision de la juridiction de prononcer alors un redressement judiciaire et au contraire cette décision est prise malgré ce contexte entourant la personnalité du dirigeant et actionnaire de la société par sociétés interposées.

Le tribunal prend même la peine d'argumenter le fait que malgré ces éléments évoqués et rappelés de façon superfétatoire et sans doute maladroite, il considère qu'il ne peut être exclu qu'un redressement soit possible raison pour laquelle malgré la requête initiale en liquidation judiciaire il entend ouvrir une procédure de redressement judiciaire.

Aucune violation du principe de la contradiction n'est donc établie, la décision ayant été prise à l'encontre des faits que l'appelante considère comme ayant été exposés de façon non contradictoire.

S'agissant du renvoi ordonné afin de permettre un débat contradictoire en présence du ministère public à l'origine de la requête, aucune violation du principe de la contradiction ne peut davantage être retenue dès lors que le fait que l'une des parties avertisse la partie adverse de la nécessité d'un renvoi au regard de ses conclusions tardives et de son impossibilité de se présenter à l'audience ne saurait préjuger de la décision du tribunal.

Par ailleurs le renvoi a été effectué contradictoirement en présence du représentant légal de la société qui ne s'y est pas opposé.

* sur les exceptions d'impartialité

La SARL GPF TP soutient que le principe d'impartialité s'oppose à ce que le prescripteur de la requête du ministère public soit lui-même l'organe chargé de l'enquête à réaliser suite à la requête du procureur de la République car même s'il ne participe pas à la formation de jugement le juge enquêteur exerce par les conclusions de son rapport une influence déterminante sur la décision du tribunal en ce qu'il lui est demandé de déterminer l'éventuel état de cessation des paiements.

Elle soutient par ailleurs que dans sa mission d'enquête la SELARL Evolution n'a pas fait preuve d'impartialité à son égard en ne tenant pas compte des documents transmis par son dirigeant et ses conseils et en circularisant à l'ensemble des fournisseurs de la société des demandes de présentation de créances laissant ainsi penser qu'elle était déjà en redressement judiciaire . Elle considère que la SELARL Evolution désignée par la suite en qualité de mandataire s'est auto-prescrit un dossier et que son rapport énonce des informations volontairement fausses en invoquant des créances inexistantes ou déjà réglées ou faisant l'objet d'un moratoire.

Elle lui reproche également d'avoir fait une présentation erronée de sa situation.

L'intimée fait observer en premier lieu que la protection du justiciable à l'encontre de l'impartialité d'un tribunal est assuré par l'article 6 &1 de la Convention européenne des droits de l'homme et par le mécanisme interne de la récusation alors qu'en l'espèce aucune récusation de magistrat n'a été sollicitée.

Elle fait valoir que la récusation doit à peine d'irrecevabilité être sollicitée dès que la partie a connaissance de la cause justifiant sa demande.

Elle soutient par ailleurs qu'il n'est aucunement démontré par l'appelante en quoi le magistrat qui a disposé d'informations de nature à alerter sur la situation économique financière et sociale de la société débitrice serait frappé d'impartialité dans ses fonctions d'enquêteur alors qu'il n'a pas vocation à statuer sur le fond et n'est pas un juge qui tranche mais dont la mission est seulement de recueillir des informations nécessaires à l'analyse d'une situation

S'agissant de l'impartialité de l'expert désigné pour assister le juge enquêteur elle fait valoir que le juge enquêteur a entendu se faire assister par un expert professionnel de l'entreprise en difficultés dans le cadre d'une mission dont le périmètre et les moyens sont définis par la loi.

Elle soutient que face à un manque d'information cet expert pratique des sondages en interrogeant les possibles créanciers institutionnels comme les caisses de retraite le Trésor public ou l'URSSAFet qu'en cela elle n'a fait qu'assister le juge enquêteur qui aurait pu lui-même procéder à ces recherches.

Elle soutient également qu'il est de pratique courante que l'expert assistant le juge enquêteur lors de l'enquête préalable se voit confier le dossier en cas d'ouverture de la procédure à telle enseigne que la chose est évoquée dans le traitement de la rémunération des mandataires .

Enfin elle fait observer que l'expert qui instruit analyse et conclut peut comme le juge qui statue être récusé mais qu'en l'espèce aucune demande en ce sens n'a été formée.

Les premiers juges saisis de cette question ont parfaitement motivé leur décision rejetant une impartialité du juge enquêteur par des motifs que la cour entend adopter et notamment qu'il n'existe aucun empêchement légal à ce que le président du tribunal ayant informé le ministère public des faits de nature à motiver la saisine du tribunal soit désigné comme juge enquêteur qui n'a pas vocation à statuer sur le fond mais simplement à recueillir des informations et à déterminer ou non l'existence d'un état de cessation des paiements , sa position ne liant aucunement le tribunal et que les deux fonctions sont non pas incompatibles entre elles mais complémentaires participant toutes deux à l'information de la formation de jugement dont elles sont strictement séparées.

S'agissant de l'expert assistant le juge enquêteur le seul fait de contester les éléments relevés par celui-ci dans son rapport et son analyse de la situation ne peut suffire à mettre en cause son impartialité et ce d'autant que dans son premier rapport du 27 janvier 2023 il indiquait que l'état de cessation des paiements en l'état des connaissances du passif exigible qui n'était que de 21789,53 euros faute de réponse des autres créanciers n'était pas caractérisé sur le fil.

Il sera observé qu'il restait toutefois prudent et mettait en avant la nécessité d'actualiser le passif exigible au regard notamment des dettes fournisseurs.

Contrairement aux allégations de l'appelante aucune circularisation auprès des fournisseurs n'est intervenue compte tenu de l'opposition du dirigeant qui de son côté n'a pas adressé les éléments justificatifs suffisants pour démontrer que les dettes retenues par l'expert ne pouvaient être prises en compte.

Il n'y a pas lieu dans ces conditions de faire droit à la demande d'annulation du jugement entrepris

Sur l'état de cessation des paiements

La cour entend rappeler qu'il lui appartient non pas de déterminer si un état de cessation des paiements existait au jour où le tribunal de commerce a statué mais du fait de l'effet dévolutif de déterminer si au jour où elle statue cet état de cessation des paiements existe et qu'il en aurait été de même si elle avait annulé le jugement et évoqué.

Néanmoins au regard de la contestation dont elle est saisie sur l'existence de cet état de cessation des paiements il convient de rechercher s'il existait lorsque la procédure de redressement a été ouverte et s'il subsiste toujours.

La SARL GPF TP soutient en effet que la procédure de redressement judiciaire a été ouverte alors même qu'elle n'était confrontée à aucun défaut de paiement non remédié.

Elle fait valoir que les créances à échoir et les créances provisionnelles déclarées ne peuvent entrer dans le calcul du passif exigible et que les créances contestées qu'elle détaille pour un montant 419 426,33 euros n'étaient pas exigibles au 11 mai 2023 soit en raison de leur inexistence par confusion avec la SA [L] père et fils soit faute de factures ou parce qu'elles font l'objet d'une instance en cours soit encore la créance de l'URSSAFen sa totalité en raison d'un moratoire.

Elle en déduit que le passif réel exigible au jour où la cour statue est de 215608,84 euros alors que son actif disponible s'élève à 973355,82 euros comprenant la trésorerie au 11 mai 2023 soit 76898,20 euros , des disponibilités en compte Carpa pour 68000 euros une créance détenue sur la société GF Moselle pour 356 626,81 euros, un compte clients d'un montant de 59830,81 euros et un actif réalisable à bref délai pour 410000 euros.

Elle soutient qu'elle était viable et pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible et demande que soit infirmée la décision d'ouverture d'un redressement judiciaire

Le mandataire judiciaire maintient que la société GPF TP se trouve en état de cessation des paiements et ce depuis le jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Elle fait observer que l'ouverture de la procédure a permis à la société de se rendre compte de ses difficultés et de solliciter des moratoires mais que néanmoins le passif déclaré à titre échu s'élève à une somme de 746563,89 euros.

Elle souligne que la société GPF TP n'a pas contesté le passif dans certaines procédures au fond mais également à la suite de la communication de la liste des créances déclarées pour finalement contester à présent des créances à hauteur de 419426,33 euros .

Il retient que la créance privilégiée du PRS de Laon pour 57101 euros n'est pas contestée ni la créance de la société ECT pour 59914,80 euros que dans l'instance au fond l'opposant à la BNP réclamant le solde d'un compte courant débiteur de 155569,12 euros la débitrice se contente d'opposer une rupture abusive de crédit et la perte de chance consécutive, que la créance de l'URSSAF est plus élevée que la somme faisant l'objet d'un moratoire .

Il fait valoir qu'il ne suffit pas à la société de contester la créance pour la voir exclure du passif exigible.

Par ailleurs le mandataire judiciaire conteste l'actif disponible invoqué par la société et soutient que seule la trésorerie d'un montant de 76898 euros au jour du redressement et les sommes en Carpa désormais libérées soit 68000 euros peuvent être prises en compte dès lors que seules les créances qui arrivent immédiatement à terme peuvent être prises en compte ce qui n'est pas démontré pour la créance sur la société GF Moselle ni pour les créances figurant au compte client et qu'enfin les actifs susceptibles d'être vendus ne peuvent constituer un actif disponible.

Il soutient enfin qu'au jour où la cour statue, la société n'a pu couvrir les seuls besoins de la période d'observation ni les échéances de prêts sauf à obtenir un moratoire pour ceux-ci.

La société GPF TP confond volontairement ou non l'état de la société et les possibilités de celle-ci de se redresser ou non avec l'existence d'un état de cessation des paiements.

L'état de cessation des paiements est avéré lorsque le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Le passif exigible est le passif échu pour lequel le débiteur n'établit pas qu'il dispose d'une réserve de crédit ou d'un moratoire et doit concerner des dettes liquides et certaines.

Pour constituer un élément du passif exigible la dette impayée ne doit pas être litigieuse soit contestée dans son principe ou son montant .

Ainsi les dettes faisant l'objet d'une instance ou d'une voie de recours doivent être écartées comme la dette de la BNP ou la dette Adecco.

Mais il faut que la contestation soit sérieuse le débiteur ne pouvant échapper à la cessation des paiements du seul fait de sa contestation des droits de ses créanciers.

Il sera ainsi relevé que la société n'a formé aucune observation sur la liste des créances déclarées et que nombre des contestations détaillées dans les conclusions remises dans la présente procédure ne peuvent être considérées comme sérieuses dès lors qu'il est invoqué des instances en cours qui ne sont pas justifiées , ou l'absence même de la dette déclarée.

Seules peuvent être prises en compte les contestations de dettes déclarées par certaines sociétés ayant produit des factures délivrées ou incombant en réalité à la SA [L] père et fils ou 2GFqui seront ainsi écartées des débats relatifs l'état de cessation des paiements.

Au passif exigible reconnu par la société GPF TP peut être ajoutée a minima une somme de 74 186,86 euros correspondant aux créances Aisne Enrobés, Eqiom, Financo Moroni, Sablières Desmarest, Supplay, SE Synergie.

Doit également s'y ajouter la créance auprès de l'URSSAF déclaré pour 250174,25 euros au mois de mai 2023 déduction faite du montant faisant l'objet d'un moratoire, soit la somme de 138504,53 euros dont il convient de déduire la somme reconnue exigible par la société soit 20814,53 euros

Le passif exigible s'élève donc a minima à la somme de 407 485,70 euros.

Pour faire face à ce passif exigible l'actif disponible est l'actif disponible immédiatement soit l'actif réalisable à très court terme.

Il est constitué essentiellement des liquidités figurant dans les comptes financiers et donc de l'existant en caisse et en banque.

Ne constitue pas un actif disponible le produit de ventes de biens de la société non encore effectuées.

Ainsi l'actif disponible de la société peut comprendre sa trésorerie et les disponibilités en compte CARPA pour une somme totale de 144898,20 euros mais ne peut pas comprendre l'actif de la société réalisable à court terme ni le montant du compte clients en l'absence d'éléments quant au recouvrement et à l'ancienneté de ces créances.

De même ne peut être comprise dans l'actif disponible la créance détenue par la société dans la société GP Moselle en vertu d'une convention de trésorerie faute d'assurance de la possibilité de recouvrer cette créance , le temps désormais écoulé sans qu'elle puisse faire état d'un tel recouvrement remettant en cause une telle disponibilité et la capacité même de la société GF Moselle à procéder au remboursement.

Ainsi lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire comme à présent, l'état de cessation des paiements était et est parfaitement caractérisé et la décision doit être confirmée en ce qu'elle a constaté cet état de cessation des paiements.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner la SARL GPF TP aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Dit n'y avoir lieu à jonction avec la procédure RG n° n° 23/456 ;

Déboute la SARL [L] père et fils travaux publics de sa demande d'annulation du jugement entrepris ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL [L] père et fils travaux publics aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/02334
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;23.02334 ?
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