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07/03/2024 | FRANCE | N°23/02250

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 07 mars 2024, 23/02250


ARRET

























[T]









C/







S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES

LA PROCUREURE GÉNÉRALE













OG



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 07 MARS 2024





N° RG 23/02250 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYSO





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 14 mars 2023


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EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [H] [T]

[Adresse 9] [Localité 3]

BRESIL





Représenté par Me Eric POILLY sibstituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL ...

ARRET

[T]

C/

S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES

LA PROCUREURE GÉNÉRALE

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 07 MARS 2024

N° RG 23/02250 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYSO

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 14 mars 2023

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [H] [T]

[Adresse 9] [Localité 3]

BRESIL

Représenté par Me Eric POILLY sibstituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Ayant pour avocat plaidant, Me Didier LECOMTE, avocat au barreau du VAL D'OISE

ET :

INTIMEES

S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ès-qualités de « Mandataire liquidateur » de la « SAS ALKOR DRAKA »

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

Madame LA PROCUREURE GÉNÉRALE

COUR D APPEL

[Adresse 1]

[Localité 6]

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Décembre 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Le 07 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La société Alkor Draka dont le capital est détenu par la société Vulcalux France BV société de droit hollandais exerce une activité de production de films en vynile utilisés dans différents secteurs d'activité .

Elle est présidée par la société Vulcalux France BV elle-même représentée par son président M. [H] [T] ( M. [F]) qui est également le directeur général de la société Alkor Draka.

Le 10 mars 2017 la société Alkor Draka a constitué la société Alkor Draka médical dont elle est l'unique actionnaire aux fins de reprendre les activités de la société Médical tubing , les deux sociétés fusionnant le 30 mai 2018.

Sur requête de la société Alkor Draka en date du 15 octobre 2018 la SCP [I] prise en la personne de maître [E] [I] a été désignée aux fonctions de mandataire ad hoc de la société par une ordonnance du président du tribunal de commerce de Beauvais en date du 15 novembre 2018.

Par jugement en date du 23 avril 2019 le tribunal de commerce de Beauvais a ouvert sur déclaration de cessation des paiements déposée par M. [F],une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Alkor Draka désignant maître [G] [J] comme administrateur judiciaire, maître [V] [N] comme mandataire judiciaire et fixant la date de cessation des paiements au 25 mars 2019.

Par jugement en date du 6 août 2019 le tribunal de commerce de Beauvais a arrêté le plan de cession de la société au profit de la société CGT Towers et par jugement du 8 octobre 2019 a converti la procédure en liquidation judiciaire et désigné maître [N] en qualité de liquidateur judiciaire.

La filiale Alkor Draka médical a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Beauvais le 28 mai 2019, puis a fait l'objet d'un plan de cession le 17 septembre 2019 et d'une conversion en liquidation judiciaire le 16 octobre 2019.

Les difficultés de la société Alkor Draka sont survenues en 2018 à la suite d'un exercice 2017 sain mais en raison d'importants investissements consentis par la société dans son outil de production afin de l'améliorer et ce dans la mesure où la machine Calandre 7 commandée a présenté des dysfonctionnements importants dès lors qu'elle ne permettait pas la réalisation de petites séries qui amenaient la réalisation d'importantes marges .

Sur l'assignation du liquidateur judiciaire , le tribunal de commerce de Beauvais a par jugement en date du 14 mars 2023 déclaré irrecevables les poursuites dirigées contre la société Vulcalux France BV, condamné M. [F] à supporter l'insuffisance d'actif de la société Alkor Draka à hauteur de 200 000 euros avec intérêts de droit à compter du 16 août 2021, les sommes recouvrées à ce titre devant être affectées au désintéressement des créanciers au marc le franc et a prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [F] d'une durée de 10 ans, celui-ci étant en outre condamné à payer à maître [N] ès qualités la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 mai 2023 M. [F] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 9 octobre 2023 M. [F] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de débouter le liquidateur judiciaire de l'ensemble de ses demandes, de le condamner aux entiers dépens de l'instance et de le condamner à lui verser la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 12 septembre 2023 la SCP Alpha mandataires judiciaires représentée par maître [V] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alkor Draka demande à la cour de déclarer irrecevable l'intimation du ministère public, de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, d'infirmer le jugement entrepris sur le quantum des condamnations prononcées et ainsi de condamner M. [F] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la liquidation judiciaire de la société Alkor Draka à hauteur de 17 627 781,11 euros et lui régler ès qualités cette somme et de prononcer à l'encontre de M. [F] une mesure de faillite personnelle et à titre subsidiaire une interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale soit une ou plusieurs de celles-ci.

Elle demande enfin la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 20000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rappeler que les dépens et frais irrépétibles seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif en application de l'article L 651-3 alinéa 4 du code de commerce.

Par avis en date du 10 octobre 2023 communiqué aux parties le 12 octobre 2023 le ministère public s'est prononcé en faveur d'une mesure de faillite personnelle et de l'augmentation de la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2023.

SUR CE

Sur l'intimation du ministère public

Il sera observé que le ministère public n'est intervenu en première instance qu'en qualité de partie jointe et non à titre de partie principale.

Il n'incombait dans ces conditions à l'appelant de l'intimer à la procédure d'appel.

En appel le ministère public intervient également en qualité de partie jointe et communique simplement un avis transmis contradictoirement aux parties.

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

Les premiers juges ont reproché à M. [F] d'avoir engagé d'importants investissements afin de financer l'acquisition d'une nouvelle machine Calandre 7 mais au regard de l'importance des sommes engagées et du caractère déterminant de l'engagement pour la survie de l'entreprise de n'avoir pas pris de précautions nécessaires en procédant à la signature de procès-verbaux de réception et au paiement du prix alors que la machine présentait un état défectueux.

Ils ont considéré que son incurie s'est prolongée dès lors qu'il n'a entrepris aucune poursuite à l'égard de la société ayant installé la machine, se contentant de négocier un accord amiable jamais honoré.

Ils ont ainsi retenu que l'impossibilité d'utiliser l'outil de production essentiel a engendré une perte de marge brute de 1 136 00 euros sur la seule période du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2018 par rapport à l'exercice 2017.

Ils ont reproché également à M. [F] d'avoir entendu perpétuer l'activité en son état lourdement déficitaire et ce en dépit des défauts de paiement s'étendant à l'ensemble des financements obtenus , aux charges incompressibles de l'entreprise aux cotisations sociales dès l'échéance exigible au mois de novembre aux impositions fiscales autres que la TVA exigibles postérieurement au mois d'octobre 2018, à la TVA à compter de février 2019, aux taxes et redevances dues à la trésorerie de [Localité 8] depuis août 2018 aux cotisations de la société Axa et à des factures impayées auprès des sociétés Chemours, Kem On'e, et général Oxo pour des montants très significatifs.

Ils ont considéré que ces impayés ont entraîné une aggravation du passif et particulièrement de l'endettement fournisseurs qui est passé de 5 798 827,78 euros à 7 131939,25 euros et de l'endettement fiscal et social passé de 1 313 711,29 euros à 2384 769,22 euros entre 2017 et 2018.

Ils ont ainsi retenu comme manifestement fautives la passivité de M. [F] face aux impayés et la poursuite abusive de l'activité au regard des montants dus.

Ils lui ont également reproché d'avoir versé une somme de 1600000 euros à la filiale Alkor Draka médical qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et d'avoir souscrit de nouveaux investissements et notamment un prêt ainsi que différents découverts et lignes de crédits auprès de quatre banques différentes et d'avoir souscrit ces engagements financiers en vue de réunir de la trésorerie alors que l'exploitation était déjà déficitaire employant ainsi des moyens ruineux pour se procurer des fonds en vue de retarder la cessation des paiements.

Enfin ils lui ont reproché d'avoir fait du crédit de la société Alkor Draka un usage contraire à son intérêt social pour favoriser la société Alkor polymers films BV dans laquelle il était intéressé en tant que dirigeant et ce en souscrivant hors bilan au profit de cette dernière un engagement de garantie à première demande alors qu'il n'existe aucun lien capitalistique entre les deux sociétés et que les comptes de la société Alkor Draka étaient à découvert.

M. [F] rappelle en premier lieu qu'il a été désigné en qualité de directeur général dans un situation de crise dès lors que la société Alkor Draka venait d'être condamnée à payer une somme de 800000 euros à une société Surelio et qu'il a signé les contrats permettant le financement de la machine Calandre 7 trois semaines après son arrivée, alors que plusieurs mois de négociation avaient précédé ces signatures pour le financement par des sociétés de leasing.

Il indique que la machine a été réceptionnée avec réserves et qu'elle fonctionnait mal et consommait beaucoup trop de matières premières le conduisant à recourir à une modification des temps de travail, à l'arrêt de 20 contrats d'intérimaires et à des mesures de chômage partiel et par ailleurs à chercher des partenaires financiers .

Il rappelle également qu'il a sollicité par requête du 15 octobre 2018 la nomination d'un administrateur ad hoc afin de rééchelonner la dette en attendant que la machine fonctionne. Il conteste la passivité qui lui est reprochée.

Il rappelle également que la perte d'exploitation subie en 2018 ne représente que 0,7% du chiffre d'affaires et la perte nette 6,7% du chiffre d'affaires.

Il ajoute que le rapport de l'administrateur judiciaire maître [J] en date du 3 juin 2019 concluait à une poursuite d'activité , la société disposant d'une trésorerie suffisante pour financer son activité sur les semaines à venir et aucune charge impayée n'étant née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective.

Il fait valoir que le bilan de l'exercice 2018 a bien été établi et produit en annexe de la déclaration de cessation des paiements et que les comptes 2018 ont été audités par le commissaire aux comptes qui a déclenché la procédure d'alerte en mettant en avant les difficultés de trésorerie susceptibles de compromettre la continuité de l'exploitation.

Il rappelle que la date de cessation des paiements a été fixée au 25 mars 2019 et n'a jamais été remise en cause.

Il soutient que les difficultés de la société Alkor Draka dont la société Vulcalux avait pris la présidence le 3 février 2017 ont pour origine un investissement défectueux , une lourde condamnation pour contrefaçon et une garantie à première demande.

S'agissant de la condamnation il fait valoir qu'elle ne peut être considérée comme une faute de gestion des dirigeants mis en cause dès lors que les faits fondant cette condamnation sont bien antérieurs et que le montant de la provision passée le 31 décembre 2017 a été fixé avec les conseils de la société et que surtout il n'est pas démontré que l'éventuelle insuffisance de la provision ait contribué à l'insuffisance d'actif.

S'agissant du dysfonctionnement de la Calandre 7machine de plusieurs dizaines de mètres occupant deux étages il fait valoir que la réception s'est déroulée en plusieurs phases et que lors de la dernière le 5 octobre 2018 de nombreuses réserves ont été émises, en raison de la mauvaise conception du cahier des charges et que finalement la société en charge de l'installation va accepter de procéder à des modifications moyennant un coût supplémentaire qu'elle acceptera de prendre partiellement en charge.

Il soutient dès lors qu'il a fait le choix de ne pas assigner cette société et de ne pas se lancer dans une longue et coûteuse procédure et de privilégier la voie d'un accord qui semblait possible lorsque les banques ont à leur tour cessé leur concours ce qui a conduit à la cessation des paiements.

S'agissant de la garantie à première demande à hauteur de 500000 euros au bénéfice de la scoiété Draka polymers films BV dont il conteste avoir été le dirigeant M. [F] fait valoir que ne pouvant satisfaire les commandes de tous ses clients du fait du fonctionnement défectueux de la machine, la société a sous-traité à la société Draka polymers films tv qui lui a facturé un montant total de 2 0250545,16 euros alors qu'elle même était également fournisseur de cette société pour 159276 euros mais que les deux sociétés étant indépendantes la société Draka polymers a entendu se garantir sur les paiements des fournisseurs qu'elle allait mobiliser pour satisfaire les besoins de la société Alkor Draka.

Il fait valoir qu'ainsi la société Alkor Draka avait intérêt à donner sa garantie à la société Draka polymers afin de pérenniser son approvisionnement et une fois la garantie mise en oeuvre elle pouvait se faire rembourser par compensation les sommes à devoir à la société Draka polymers films.

Il soutient que cette garantie à première demande était un acte pertinent de nature à maintenir les demandes des clients même si la marge était plus réduite.

Il fait valoir encore que le financement de l'investissement et les dysfonctionnements de celui-ci ne peuvent être amalgamés et qu'il n'est pas démontré que le montage financier dont il ne porte pas la responsabilité était défectueux ou que les établissements financiers se sont trompés dans l'évaluation du risque ou se sont rendus coupables d'un financement abusif.

Il fait observer qu'au 31 décembre 2018 le ratio d'indépendance financière de la société était de 0,62 % .

Il soutient que les montants financés étaient en adéquation avec les investissements envisagés et leur rentabilité future et qu'au demeurant la faisabilité financière du projet n'est pas discutée et il n'est pas démontré une faute dans le montage financier qui serait à l'origine de l'insuffisance d'actif.

S'agissant de la recherche de financement postérieure aux difficultés de la société Alkor Draka M. [F] soutient qu'il convenait de financer les pertes dans l'attente d'un fonctionnement à pleine puissance de la machine.

Il rappelle qu'il a mis en place des mesures face aux difficultés de mise en marche de la machine et a sollicité notamment la désignation d'un administrateur ad hoc mais qu'outre le dysfonctionnement de la machine il a dû faire face au fait que les partenaires financiers mettaient fin à leur collaboration. Il précise cependant ne pas être resté passif ainsi qu'il résulte du rapport de l'administrateur judiciaire.

Il reconnaît avoir contracté un prêt October afin de continuer à fonctionner dans l'attente du parfait fonctionnement de la machine mais affirme avoir été abusé par la société Smart partner, société de conseil en financement et qu'en tout état de cause même avec ce prêt la société n'était pas surendettée et que si ce prêt n'a pas été remboursé c'est uniquement que la mise en état de la machine a pris trop de temps.

Il soutient que c'est en raison de délais de finition de la machine trop longs que les pertes se sont creusées et qu'elle n'a pu financer son besoin en fonds de roulement pendant cette période d'attente et que la cessation des paiements est intervenue mais qu'il n'a lui-même commis aucune faute de gestion ayant concouru à l'insuffisance d'actif

L'intimée soutient que les causes des difficultés de la société présentées par M. [F] n'ont pour but que de distraire des fautes de gestion par lui commises dès lors qu'il a abusivement poursuivi une activité déficitaire et l'a artificiellement prorogée par l'emploi de moyens ruineux.

Elle indique que la requête aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc témoigne de la conscience des difficultés mais n'est pas de nature à le décharger des responsabilités d'un dirigeant , le mandataire ad hoc n'ayant pas été doté d'un mandat d'assistance ou de contrôle sur la société ni d'un pouvoir décisionnaire sur la gestion de l'entreprise.

Elle précise que l'absence de dépôt ou d'approbation des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2018, une ordonnance du président du tribunal de commerce accordant une prorogation de délai, ne constitue pas une faute de gestion contributive de l'insuffisance d'actif à défaut d'avoir été consacrée avant l'ouverture du redressement judiciaire mais un simple fait.

Elle fait observer qu'après un exercice sain en 2017 , l'exercice 2018 se traduit par une augmentation de l'actif immobilisé liée aux importants investissements consentis pour plus de 5 millions d'euros hors taxes financés à hauteur d'un million d'euros par la société elle-même et par des contrats de crédit-baux et un contrat de prêt BPI.

Elle fait valoir que le procès-verbal de réception avec réserves du 5 octobre 2018 a entraîné l'exigibilité du solde du prix qui a été intégralement payé alors même que la machine n'a jamais fonctionné et que le certificat de conformité n'avait pas été reçu.

Or au regard des engagements financiers souscrits cet outil devait être immédiatement productif .

Elle considère que M. [F] ne pouvait ignorer qu'en acceptant la réception de la machine même avec réserves il devait payer le prix et supporter dès lors la charge du remboursement des prêts et qu'il grevait l'entreprise d'une charge financière qu'elle ne pouvait supporter dès lors que la chaîne de production n'était qu'à 60% de sa capacité.

Elle lui reproche malgré l'urgence de la situation face à une défaillance industrielle connue de n'avoir engagé aucune poursuite sérieuse contre la société chargée de la livraison de la machine. Elle considère que les solutions négociées mais non effectives au jour de la cessation des paiements ne pouvaient remédier au désastre industriel déjà consommé.

Elle ajoute que la solution consistant à demander aux crédits-bailleurs de reporter l'exigibilité des prêts ne pouvait également y remédier.

Elle fait valoir que les mesures prises pour remédier à la situation et détaillées dans le rapport de l'administrateur ont été uniquement prises sous l'impulsion de celui-ci et accomplies après l'ouverture du redressement judiciaire.

Elle soutient que la passivité des dirigeants est une faute de gestion pouvant justifier une contribution à l'insuffisance d'actif .

Elle fait valoir que les conclusions du rapport de l'administrateur judiciaire sur une reconstitution de la trésorerie et un avis favorable pour un maintien à courte durée de l'activité ne peuvent exonérer le dirigeant des fautes de gestion antérieures à l'ouverture de la procédure qui de fait par le gel des créances antérieures produit un effet de renflement de la trésorerie.

Elle soutient que M. [F] qui avait investi dans la machine la trésorerie de la société savait que celle-ci ne pourrait supporter une exploitation déficitaire ainsi que le démontraient les pertes réalisées sur les trois derniers mois d'activité de l'exercice 2018 et ce d'autant qu'elle avait également réglé une somme de 1600000 euros à sa filiale.

Elle fait observer que de fait l'exploitation déficitaire et la dissipation de la trésorerie ont conduit les dirigeants à arrêter le paiement des financeurs de l'investissement industriel concernant la machine calandre 7 mais également l'ensemble des financements obtenus pour la rénovation de l'outil industriel, six prêts de la BPI étant laissés en souffrance à compter du mois d'octobre 2018 la SA BNP Paribas n'étant plus réglée à compter de novembre 2018.

Le liquidateur judiciaire ajoute que les dirigeants ont en outre perpétué l'activité en son état déficitaire sans payer les charges incompressibles de l'entreprise , cotisations sociales impositions fiscales et fournisseurs.

Il reproche également à M. [F] non pas d'avoir sous-estimé le risque des condamnations pour concurrence déloyale mais d'avoir fait litière des condamnations aggravant la situation de l'entreprise.

Le liquidateur reproche surtout à M. [F] face à cette situation d'exploitation déficitaire conduisant à une aggravation du passif d'avoir souscrit de nouveaux passifs financiers destinés à reporter la cessation des paiements et qui caractérisent une persistance coupable dans l'échec et donc une faute de gestion.

Il fait valoir à ce titre que M. [F] a signé le 30 octobre 2018 un prêt October d'un montant de 623000 euros pour une durée de 18 mois au taux annuel exorbitant de 8,48 % qui lui a permis de payer le 13ème mois de salaire des salariés et donc d'acquitter des charges courantes et incompressibles auxquelles la société ne pouvait faire face et donc d'échapper à la cessation des paiements.

Il soutient qu'ainsi M. [F] a souscrit un crédit ruineux soit un prêt à court terme à des conditions financières désavantageuses alors qu'il n'ignorait pas qu'il ne serait pas en mesure de le rembourser au regard de la situation de la société.

Le liquidateur fait observer que l'emploi de moyens ruineux se retrouve également dans l'utilisation diversifiée des découverts bancaires la société cumulant au 31 décembre 2018 974 984,37 euros de découverts bancaires alors qu'au bilan 2017 les disponibilités bancaires étaient de 1 355 566,82 euros et ces découverts souscrits auprès de quatre banques différentes dont l'un souscrit le 19 novembre 2018 s'étant encore accrus au jour de l'ouverture.

Il soutient également que la souscription d'un billet à ordre au profit de la banque Palatine au 26 février 2019 à la veille de l'ouverture du redressement judiciaire constitue un moyen ruineux de se constituer une trésorerie.

Enfin le liquidateur considère que M. [F] a encore aggravé la situation de la société en souscrivant au profit de la société Draka Polymers Films BV filiale de Vulcalux nederlands autre groupe un engagement de garantie à première demande le 17 janvier 2019 alors même que cet engagement ne pouvait être honoré. Il fait valoir qu'il s'agit d'un abus de biens sociaux faute d'intérêt commun des deux sociétés.

Il convient de relever que la société Alkor Draka est une société ancienne qui a été intégrée à différents groupes industriels et dont le capital social est désormais détenu par la société Vulcalux France BV société de droit néerlandais dont le président et le représentant permanent est M. [F] qui est également directeur général de la société Alkor Draka.

La société Vulcalux France BV est devenue présidente de la société Alkor Draka le 3 février 2017.

La société Alkor Dakra présentait au moins depuis 2015 une situation particulièrement saine avec pour l'exercice clos au 31 décembre 2017 un chiffre d'affaires de 35 141 869 euros, un résultat d'exploitation de 574 588 euros et un résultat net de 356 581 euros avec des capitaux propres de 8 031 081 euros.

Néanmoins pour l'exercice clos au 31 décembre 2018 le chiffre d'affaires s'est élevé à 32 930 194 euros mais le résultat d'exploitation à - 240 884 euros et le résultat net à - 2 231 330 euros avec des capitaux propres de 5 706 558 euros.

Les difficultés rencontrées en 2018 ont perduré et le 16 avril 2019 M. [F] a déposé une déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Beauvais ouvrant une procédure de redressement judiciaire au 23 avril 2019 et fixant la cessation des paiements au 25 mars 2019.

Le passif déclaré et admis s'élève à la somme de 20 288 803,76 euros et les opérations de réalisation de l'actif après plan de cession ont permis de recouvrer la somme de 2 661 022,65 euros. Dès lors l'insuffisance d'actif qui n'est pas contestée par l'appelant s'élève à la somme de 17 627 781 euros.

Les difficultés ainsi brutalement rencontrées par la société Alkor Draka ont pour origine un contentieux commercial l'ayant opposée à une société Surhelio pour lequel elle sera finalement condamnée en appel au paiement d'une somme totale de 800000 euros , mais également aux conséquences d'une garantie à première demande par elle accordée au bénéfice d'une société Draka polymers films BV appartenant à un groupe dirigé par la société Vulcaluc nederlands BV en vertu de laquelle elle a été poursuivie en avril 2019 par une société Arkem pour un montant de 526000 euros.

Mais surtout elle a subi les conséquences d'une opération d'investissement aux fins de rénover ses outils de production et ce du fait du dysfonctionnement du principal outil, une machine Calandre 7 fabriquée par la société Enders et installée par un sous-traitant qui livrée en juillet 2018 fera l'objet d'un dernier procès-verbal de réception en octobre 2018 avec de très nombreuses réserves.

Cette machine d'un coût de 5 millions d'euros a été financée à hauteur d'un million par la société elle-même, par un crédit-bail de 2,6 millions pour la partie réalisée par la société Enders et un emprunt à hauteur 1,4 millions d'euros.

Cette machine allait entraîner du fait de son inadaptation à l'activité de la société Alkor Draka des pertes de marge importantes de 25 à 40 %.

Ce dysfonctionnement conduisait la société Alkor Draka à faire appel à la société Draka polymers films BV comme sous-traitante pour satisfaire sa clientèle.

Néanmoins dès le mois d'octobre 2018 les conséquences des dysfonctionnements de la machine Calandre 7 qui allaient atteindre une perte de 1 136 000 euros en décembre 2018 étaient connues, raison pour laquelle le 15 octobre 2018 M. [F] sollicitait la désignation d'un mandataire ad hoc pour renégocier les financements obtenus considérant que la société ne sera en mesure de faire face aux premières échéances des prêts et aux loyers des crédits-baux que si elles sont reportées de 24 mois dans l'attente que les investissements réalisés produisent les avantages économiques attendus.

Ces démarches n'aboutiront pas et en début d'année 2019 plusieurs banques vont interrompre leur concours.

Il ne peut être reproché aucune faute de gestion à M. [F] au regard de la condamnation prononcée en faveur de la société Surhelio qui ne sera confirmée qu'en 2018 mais qui concerne des faits commis avant que la société dont il est le représentant prenne la présidence de la société Alkor Draka.

De même la nécessaire rénovation des outils de production et le financement de cette rénovation ne saurait constituer une faute de gestion au regard de la situation de la société dans les années ayant précédé ces investissements.

Il ne peut davantage au regard des éléments produits aux débats et du peu d'informations sur les causes des dysfonctionnements être reproché l'acceptation de la livraison et la réception avec réserves de la machine.

De même le fait pour le dirigeant d'avoir privilégié une voie de négociations amiables pour parvenir à améliorer la machine qui assurait 60% de la capacité de la chaîne de production plutôt que de s'engager dans une procédure judiciaire, tout en faisant appel à un sous-traitant pour conserver sa clientèle ne saurait être considéré comme une faute de gestion et ce d'autant que les négociations menées par la suite par l'administrateur judiciaire vont amener à un accord sur les réparations de la machine installée moyennant le paiement par la société Alkor Draka d'une somme de 180000 euros et la prise en charge par la société Entex d'une somme de 120000 euros, réparations pouvant être exécutées en août 2019.

Ce qui est reproché à M. [F] et qui est de nature à constituer des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ce sont les mesures qu'il s'est abstenu de prendre mais également les mesures qu'il a prises pour faire face aux difficultés générées par le dysfonctionnement du principal outil de production alors même qu'il connaissait depuis au moins le mois d'octobre 2018 les conséquences de ces difficultés et l'impossibilité dans laquelle se trouverait la société à plus ou moins brève échéance de rembourser les financements obtenus.

Si M. [F] a effectivement sollicité la désignation d'un mandataire ad hoc pour renégocier les conditions des prêts et crédits-baux il ne peut cependant comme il le fait s'attribuer le mérite des autres mesures mises en avant notamment quant à la charge salariale, les diligences relatives aux horaires de travail ou l'arrêt des intérimaires ou une mesure de chômage partiel, ces mesures ayant été mises en place après l'ouverture du redressement judiciaire sous l'impulsion de l'administrateur.

De même si des négociations avaient été entamées avec la société ayant fabriqué la machine seul l'administrateur judiciaire est parvenu à une transaction sur les réparations et leur prise en charge.

Par ailleurs il résulte des différentes déclarations de créances qu'au-delà du financement des investissements, des difficultés de paiement des charges incompressibles de l'entreprise sont apparues en fin d'année 2018, ainsi les cotisations sociales auprès de l'URSSAF à compter de novembre 2018, certaines impositions à compter de juillet 2018, des frais d'assurance et début 2019 des fournisseurs ne seront pas payés à échéance et certains prêts non remboursés notamment auprès de la SA BNP Paribas.

Face à ces difficultés M. [F] va poursuivre l'activité. Il ne peut justifier cette décision en s'appuyant sur le rapport de l'administrateur judiciaire du 3 juin 2019 car si celui-ci indique que la société dispose d'une trésorerie suffisante ce n'est que pour les semaines à venir et que s'il préconise une poursuite d'activité ce n'est que pour apprécier la solution la plus adaptée à mettre en oeuvre après qu'un appel d'offres de recherche d'investisseurs ou de repreneurs ait été lancé sans succès et qu'une solution ait été négociée avec des investisseurs brésiliens ayant proposé un apport de 300 K€ en mai 2019 puis de 400K€ en septembre 2019 soit 700 K€ au total à la condition de la possibilité laissée à la société de présenter un plan de redressement.

Ainsi en l'absence du premier apport l'administrateur indiquait que la société serait en insuffisance de trésorerie à fin août 2019 et sans l'apport total dès le mois de novembre 2019.

Il ressort des pièces versées aux débats qu'entre octobre 2018 et le mois d'avril 2019 M. [F] a poursuivi une exploitation déficitaire et qu'il a pour y parvenir notamment contracté un prêt par l'intermédiaire d'une société de conseil en financement le cabinet Smart Partner auprès de la société Lendix désormais October.

Si M. [F] considère avoir été abusé par la société intermédiaire dont le dirigeant désirait reprendre la société Alkor Draka il convient de retenir que ce prêt a été négocié sous sa responsabilité et qu'il a signé cet engagement d'un montant de 623000 euros le 30 octobre 2018 alors même qu'il sollicitait un mandataire ad hoc pour renégocier les financements liés aux investissements et obtenir un report de 24 mois, cet engagement étant cependant d'une durée de 18 mois avec un taux d'intérêt de 5,4% outre des frais de dossier de 3% du capital outre 0,083% de commissions de gestion de flux.

M. [F] qui prétend que ce prêt était destiné à permettre à la société de continuer à fonctionner dans l'attente du bon fonctionnement de la machine Calandre 7 ne pouvait alors ignorer que la société ne serait pas en mesure de rembourser ce prêt dans les 18 mois alors même que dans sa requête aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc il ne prévoyait pas une production en routine avant 2021 et prévoyait une tension de la trésorerie jusque fin 2020.

Par ailleurs il résulte du rapport de l'administrateur judiciaire que les fonds provenant de ce prêt mis à disposition le 12 novembre 2018 ont permis la prise en charge du 13ème mois des salariés de la société.

En outre M. [F] a eu recours pour poursuivre l'activité à des découverts bancaires qui cumulés se sont élevés au 31 décembre 2018 à la somme de 974 984,37 euros et notamment il va ouvrir un quatrième compte bancaire auprès de la banque Palatine le 19 novembre 2018 pour bénéficier de facilités de caisse qui s'élèveront à l'ouverture de la procédure collective à 199 938,90 euros.

La volonté de M. [F] de rechercher par tout moyen des liquidités est attestée encore par la souscription d'un billet à ordre en date du 4 mars 2019 à échéance au 4 juin 2019 pour un montant de 300 000 euros ou par les concours à court terme souscrit auprès de la BPI notamment en juillet et octobre 2018 au titre du financement des créances sur le Trésor au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi alourdissant le passif de 764000 euros .

Enfin l'engagement de garantie à première demande souscrit par la société Alkor Draka au bénéfice de son sous-traitant la société Draka polymers films BV consenti le 17 janvier 2019 à hauteur de la somme de 526 000 euros était particulièrement périlleux au regard de la situation de la société Arkol Draka à cette période et a aggravé le passif.

Il résulte de l'ensemble de ses éléments que M. [F] a sciemment poursuivi une activité déficitaire en usant de moyens ruineux à l'effet de retarder la déclaration de cessation des paiements.

Il a en cela contribué à l'aggravation du passif dont la cause principale est cependant ce que le liquidateur qualifie lui-même de désastre industriel.

Il convient ainsi de condamner M. [F] en sa qualité de représentant permanent de la société Vulcalux France BV présidente de la société Alkor Draka à assumer l'insuffisance d'actif mais seulement à hauteur de la somme de 400 000 euros .

Sur la sanction personnelle

M. [F] soutient que le seul fait d'avoir frauduleusement augmenté le passif de la personne morale n'est pas visé par les articles L653-3, L653-4 ni L 653-5 du code de commerce .

Il fait valoir que la garantie à première demande avait une cause dès lors qu'elle permettait à la société Alkor Draka d'assurer les livraisons des clients qu'elle ne pouvait satisfaire du fait du mauvais fonctionnement de la machine.

Il fait valoir en outre que cet engagement comme les autorisations de découvert qui lui sont reprochées sont intervenus alors que la société était en plein mandat et n'était pas encore en état de cessation des paiements et que ces financements étaient destinés à assurer le besoin en fonds de roulement.

Il ajoute qu'il n'a commis aucune faute en escomptant un billet à ordre.

Il conteste par ailleurs avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire dans un intérêt personnel en faisant observer que le ratio d'indépendance financière était de 0,62% et qu'au mois d'octobre 2018 si le dysfonctionnement de la machine induisait une activité déficitaire elle n'était pas irrémédiablement compromise, la cessation des paiements ayant été fixée au 25 mars 2019 un accord ayant été trouvé avec le fabricant de la machine.

Il fait valoir que ce n'est qu'à la fin du mandat sans restructuration de la dette en mars 2019 qu'il y aurait eu maintien abusif de l'activité soit moins d'un mois avant l'ouverture de la procédure.

Il conteste tout intérêt personnel son salaire n'étant que de 6595 euros net par mois.

Il conteste enfin l'emploi de moyens ruineux et fait observer que le prêt October a été contracté avec un taux de 5,4% avant la cessation des paiements et que la diversité ou la nouveauté des financements trouvés n'est pas répréhensible.

Il reproche enfin au liquidateur d'invoquer des montants importants en les sortant de leur contexte et un endettement important sans le rapporter au montant des capitaux propres.

Le liquidateur judiciaire reproche en premier lieu à M. [F] d'avoir fait des biens de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement et subsidiairement d'avoir souscrit pour le compte d'autrui sans contrepartie des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion eu égard à la situation de l'entreprise.

Il fait valoir que la garantie à première demande quand bien même M [F] n'est pas le dirigeant de la société Draka polymers films BV constitue un engagement excessif consenti sans contrepartie dès lors que l'intérêt économique supposé commun décrit par M. [F] ne saurait constituer la contrepartie civile à l'engagement souscrit au bénéfice d'un fournisseur de son sous-traitant.

Il lui reproche également d'avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale. Il rappelle qu'à compter du mois d'octobre 2018 la perte de marge brute mensuelle était de -378666,67 euros ce qui ne pouvait conduire qu'à un exercice déficitaire et que les impayés des charges incompressibles sont rapidement apparus et que son intérêt personnel réside dans sa rémunération brute mensuelle de 10071,61 euros .

Il lui reproche enfin d'avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure collective employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds en multipliant les découverts bancaires et en contractant un prêt à des conditions d'intérêt excessives.

Il résulte des articles L653-3, L 653-4 et L653-5 du code de commerce que sont susceptibles d'entraîner le prononcé d'une sanction personnelle le fait d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, d'avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds et d'avoir souscrit pour le compte d'autrui sans contrepartie des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion eu égard à la situation de la société.

Il a été démontré ci-dessus que M. [F] avait poursuivi abusivement une exploitation déficitaire et surtout employé des moyens ruineux à l'effet de retarder l'état de cessation des paiements et l'ouverture du redressement judiciaire.

Par ailleurs la garantie à première demande qui a été souscrite au bénéfice de la société Arkem fournisseur de la société Draka polymers films elle-même sous-traitant de la société Alkor Draka a été consentie sans contrepartie pour la société Alkor Draka et celle-ci s'est engagée à payer la société Arkem à première demande la somme conséquente de 526 000 euros alors même qu'elle connaissait déjà une situation obérée, le seul intérêt consistant à permettre à la société Draka polymers films d'assumer la charge de l'obligation contractée envers la société Alkol Draka ne pouvant constituer cette contrepartie.

Néanmoins il n'est pas démontré que M. [F] ait agi à des fins personnelles et poursuivi l'exploitation déficitaire dans un intérêt personnel.

Il a commis certes des fautes de gestion en étant confronté à un accident industriel mais non pour s'enrichir personnellement au regard du montant raisonnable de son salaire en qualité de directeur général.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et ce pour une durée de 5 ans.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner M. [F] aux entiers dépens d'appel et de le condamner à payer à la SCP Alpha mandataires judiciaires la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de dire que les frais irrépétibles et les dépens auxquels est condamné M. [F] seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Dit n'y avoir lieu à intimation du ministère public ;

Constate que le ministère public est intervenu en qualité de partie jointe;

Confirme la décision entreprise excepté sur le montant de la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif et sur la nature et la sanction personnelle prononcée à l'encontre de M. [F] ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Condamne M. [H] [T] à payer à la SCP Alpha mandataires judiciaires représentée par maître [V] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alkor Draka la somme de 400000 euros au titre de l'insuffisance d'actif à supporter ;

Prononce à l'égard de M. [H] [T] né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 7] au Brésil une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et ce pour une durée de 5 ans ;

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [T] à payer à la SCP Alpha mandataires judiciaires représentée par maître [P] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alkor Draka la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Le condamne aux entiers dépens d'appel ;

Dit que les frais irrépétibles et les dépens auxquels est condamné M. [F] seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 23/02250
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;23.02250 ?
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