ARRET
N°
[R]
C/
[J]
VBJ/DK/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT NEUF JUIN
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04105 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IRP6
Décisions déférées à la cour :
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT
ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS DU SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [F] [R]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 9] ([Localité 9])
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Christophe GUEVENOUX GLORIAN de la SELARL GUEVENOUX GLORIAN CHRISTOPHE, avocat au barreau de COMPIEGNE
APPELANT
DEFENDEUR A L'OPPOSITION
ET
Monsieur [C] [J]
né le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 7] ([Localité 7])
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Sophie LANCKRIET, avocat au barreau de COMPIEGNE
INTIME
DEMANDEUR A L'OPPOSITION
DEBATS :
A l'audience publique du 04 mai 2023, l'affaire est venue devant Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Diénéba KONÉ, greffière, assistée de M. [O] [B], greffier stagiaire.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 29 juin 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
* *
DECISION :
FAITS ET PROCDEURE
Le 22 mai 2017, M. [C] [J], convoqué devant le délégué du procureur de la République de Compiègne pour avoir à [Localité 8] le 3 décembre 2016 commis des violences ayant entraîné une ITT de 6 jours au préjudice de M. [F] [R] avec cette circonstance que les faits ont été commis sur une personne particulièrement vulnérable, a reconnu les faits et a fait l'objet d'un rappel à la loi.
Suivant exploit délivré le 26 février 2019, M. [F] [R] l'a fait assigner aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Compiègne a :
- débouté M. [F] [R] de sa demande d'expertise judiciaire,
- condamné M. [C] [J] à payer à M. [F] [R] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [C] [J] aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 2 juillet 2020, M. [F] [R] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt rendu par défaut le 7 avril 2022, la cour d'appel d'Amiens a infirmé le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire et en ce qu'il a condamné M. [C] [J] aux dépens de première instanceet, statuant à nouveau des autres chefs a condamné M. [C] [J] à payer à M. [F] [R] la somme de 2.500 euros en réparation de son préjudice subi du fait des violences commises le 3 décembre 2016, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens d'appel.
Cet arrêt a été signifié à M.[J] le 27 juillet 2022.
Le 25 août 2022, par requête remise au greffe, M.[J] a formé opposition à cet arrêt.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2023 et l'affaire fixée à l'audience des débats du 4 mai 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions en date du 31 octobre 2022, M.[R] demande à la cour de
-réformer le jugement entrepris,
-débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,
-dire et juger que M. [J] a commis une faute en exerçant des violences sur M. [F] [P],
-dire et juger que M. [F] [R] n'a commis aucune faute,
-condamner M. [J] à lui payer la somme de 2500 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice qu'il a subi, toutes causes confondues
- condamner M. [J] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de sa requête en opposition, M.[J] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[R] de sa demande d'expertise judiciaire et de l'infirmer en ce qu'il l'a condamné à payer à M.[R] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Et, statuant à nouveau, de :
A titre principal
Constater que M.[R] ne démontre pas le lien de causalité entre son préjudice et la faute de M.[J] ;
En conséquence,
Débouter M.[R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Laisser les dépens à la charge de M.[R].
A titre subsidaire
Débouter M.[R] de sa demande d'expertise médicale ;
Constater que M.[R] a commis une faute à l'origine de son propre préjudice ;
Réduire son droit à indemnisation à hauteur de 80 % ;
Réduire les sommes demandées par M.[R] à de plus justes proportions ;
Déclarer satisfactoire la proposition de M.[J] d'indemniser M.[R] à hauteur de 300 euros ;
En tout état de cause
Condamner M.[R] à payer à M.[J] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner M.[J] au paiement des dépens comprenant ceux de première instance, de l'appel et de l'opposition.
MOTIFS DE LA COUR
Sur la recevabilité de l'opposition
Formée dans le délai de 1 mois suivant la signification de l'arrêt rendu par défaut prévu à l'article 571 du code de procédure civile, l'opposition formée par M.[J] est recevable.
Il convient donc de rétracter l'arrêt rendu par défaut le 7 avril 2022 sous le numéro RG 22 3314.
Sur la responsabilité de M.[J]
Aux termes de l'article 1382 ancien et 1240 du code civil 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
En l'espèce, il est constant que les faits de violence commis par M.[J] à l'encontre de M.[R] ont été commis dans la nuit du 2 au 3 décembre 2016.
Le certificat médical dressé au service des urgences de l'hôpital de [Localité 7] le 3 décembre mentionne que M.[R] a alors « déclaré avoir été agressé dans sa voiture à son domicile pour se faire voler sa voiture et avoir été roué de coups par ses agresseurs ».
Le 13 décembre 2016, 10 jours après les faits, M.[R] se présentant à la gendarmerie a indiqué aux gendarmes qu'il rentrait d'une soirée et qu'il avait reçu 3 coups alors qu'il sortait de son véhicule, dans sa cour, rentrant d'une soirée. Il a mentionné une tentative de vol de son véhicule ne voyant aucune autre raison aux violences. Il identifiait son agresseur comme étant M.[J].
Le 15 janvier 2017, M.[J] reconnaissait lui avoir porté des coups de poing lors d'une altercation dans la boîte de nuit L'osmose car M.[R] l'importunait. Il niait lui avoir porté des coups hors de la boîte de nuit. Il citait un témoin qui l'avait raccompagné chez lui, lequel n'était pas entendu par les gendarmes.
Lors de la confrontation réalisée le même jour, M.[R] reconnaissait avoir été bousculé dans la boîte de nuit, précisait avoir été raccompagné à son véhicule par le portier mais maintenait que l'agression avait eu lieu devant son domicile. M.[J] maintenait n'avoir porté les 2 coups que dans la boîte de nuit.
Le portier de L'osmose déclarait verbalement aux gendarmes que M.[R] venait régulièrement et aimait provoquer les gens, que ce n'était pas la première fois qu'il le rappelait à l'ordre. Il se souvenait que ce soir là il avait été frappé au point de tomber au sol et qu'il était parti peu après.
De ces éléments il résulte que M.[J] a reconnu avoir porté deux coups à M.[R] en boîte de nuit: il a donc commis une faute justifiant qu'il soit condamné à réparer le dommage qu'il a causé.
En revanche, M.[R], dont les déclarations ont varié quant aux circonstances de l'agression, échoue à établir que M.[J] l'aurait agressé chez lui.
Sur la faute de M.[R]
La faute de la victime, qui a concouru à la réalisation du préjudice, exonère partiellement le défendeur de sa responsabilité, au prorata du degré d'implication de chacun dans la production du dommage.
En l'espèce, l'agression commise par M.[J] a été commise au sein de L'Osmose alors que les deux protagonistes étaient alcoolisés.
M.[J] a immédiatement indiqué lors son audition par les gendarmes avoir été provoqué par M.[R]. Ce qu'au contraire M.[R] a caché aux gendarmes en déclarant avoir été victime d'une agression chez lui dans le cadre d'une tentative de vol.
Cette attitude provocatrice de M.[R] a été confirmée par le portier de la boîte de nuit qui a indiqué que M.[R] venait régulièrement et aimait provoquer les gens, que ce n'était pas la première fois qu'il le rappelait à l'ordre.
Compte tenu de ces éléments le tribunal a justement considéré qu'était rapportée la preuve d'un comportement fautif de M.[R] qui, en provoquant M.[J], a concouru à la réalisation de son dommage. En revanche la participation de la victime à la réalisation de son dommage sera réduite à 30 %.
Sur le préjudice
La procédure pénale versée aux débats comprend le certificat médical établi le 3 décembre 2016 par le service des urgences du centre hospitalier de [Localité 7]-[Localité 8] et le rapport de l'unité de médecine légale rédigé après qu'une radiographie et un scanner cérébral aient été effectués.
Ce rapport conclut que M. [R] présentait les blessures suivantes :
- une fracture des os propres du nez sans déplacement de la racine des os propres du nez
- un hématome péri orbitaire diffus s'étendant aux ailes du nez à la région malaire au tiers frontal de l'arcade zygomatique, fermant l'oeil en très large partie, sans hématome intra orbitaire et sans fracture des parois orbitaires
- une contusion du gril costal gauche, plus particulièrement au niveau de la 10ème côte gauche, sans lésion osseuse visible sur les clichés réalisés'.
Il évalue l'incapacité totale de travail au sens pénal du terme à 6 jours.
A hauteur de cour M. [R] ne produit aucun élément médical permettant d'établir, comme il le soutient, que son état de santé s'est aggravé depuis l'établissement de ce rapport. Il ne justifie nullement du traitement médical qu'il dit prendre contre l'anxiété.
Dès lors les éléments médicaux versés aux débats sont suffisamment précis et circonstanciés et permettent à la cour d'évaluer le préjudice subi par M. [R] à la somme de 2.500 euros.
En considération de ce que M.[R] a concouru à 30% à la réalisation de son dommage, M.[J] sera dès lors condamné à lui payer la somme de 1750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur les frais du procès
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin M.[J], qui succombe, doit supporter les dépens d'appel, le jugement étant confirmé s'agissant de la condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'opposition formée par M.[J] à l'encontre de l'arrêt rendu par défaut le 7 avril 2022 (RG 20 3314),
Rétracte ledit arrêt,
Infirme le jugement rendu le 4 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Compiègne sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné M. [C] [J] aux dépens de première instance ;
Statuant à nouveau des autres chefs et y ajoutant
Condamne M. [C] [J] à payer à M. [F] [R] la somme de 1750 euros en réparation de son préjudice subi du fait des violences commises le 3 décembre 2016 ;
Dit n'y avoir lieu à application en appel des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [C] [J] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE