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29/06/2023 | FRANCE | N°21/04326

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 29 juin 2023, 21/04326


ARRET



















S.A. FINANCO





C/



[P]









OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 29 JUIN 2023





N° RG 21/04326 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGRD



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 22 JUILLET 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE







S.A. FINANCO prise en la personne

de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]





Représentée par Me Amandine GAUBOUR, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 37







ET :







INTIME





Monsieur [T], [G], [S], [O] [P]

[Adresse 5]

[Adresse 5]





Représenté par Me Margot ROBIT ...

ARRET

S.A. FINANCO

C/

[P]

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/04326 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGRD

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 22 JUILLET 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. FINANCO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Amandine GAUBOUR, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 37

ET :

INTIME

Monsieur [T], [G], [S], [O] [P]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Margot ROBIT substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Mars 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Mai 2023.

GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction et assistée de Mme BALOU Hanniel, greffier stagiaire.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 29 juin 2023.

Le 29 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La société 'La Bretèche' (SARL), sise [Adresse 1], à [Localité 6], exerce des activités de vente de véhicules neufs et d'occasion, ainsi que de service après-vente.

Par acte sous seing privé du 21 mars 2017, la société GE Money Bank a consenti à la SARL La Bretèche, représentée par son gérant, M. [T] [P], un contrat de financement d'un stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente, d'un montant de 100.000 euros, assorti d'intérêts au taux débiteur de 3,05% l'an, pour une durée de 12 mois, remboursable en 12 mensualités d'intérêts, le capital emprunté devant être remboursé en une seule fois à l'échéance du contrat.

Par acte sous seing privé du même jour, M. [T] [P] s'est porté caution personnelle et solidaire au bénéfice de la société GE Money Bank, en garantie du paiement par la SARL La Bretèche du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard dus en application du contrat de financement de stock de véhicules susvisé, dans la limite d'une somme de 110.000 euros et pour une durée de 15 mois.

Le prêt cautionné est arrivé à échéance le 21 mars 2018, sans que le capital emprunté ne soit remboursé par la SARL La Bretèche.

Par acte sous seing privé du 19 juillet 2019, la société Financo (SA), se prévalant d'une cession de créances professionnelles du 1er juin 2018 comprenant notamment une créance d'un montant de 100.000 euros, initialement détenue par la société GE Money Bank à l'égard de la SARL La Bretèche, au titre d'un 'contrat de financement de stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente', échu et non-remboursé, a consenti à cette dernière, représentée par M. [T] [P], un 'contrat de financement de stock de véhicules amortissable', d'une durée de 25 mois et 15 jours, portant sur un montant de 100.000 euros, assorti d'intérêts au taux débiteur de 3,05% l'an, remboursable en 24 mensualités de 4.203,20 euros.

Par acte sous seing privé du même jour, M. [T] [P] s'est porté caution solidaire et indivisible au bénéfice de la SA Financo, en garantie du paiement par la SARL La Bretèche de toutes les sommes qui peuvent ou pourraient lui être dues, pour quelque cause, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, notamment celles résultant de contrats de financement de stock, en principal, intérêts, intérêts de retard et frais, dans la limite d'une somme de 120.000 euros et pour une durée de 49 mois et quinze jours.

Suivant jugement du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce d'Amiens a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire à l'égard de la SARL La Bretèche, désigné la SELARL V&V en qualité d'administrateur judiciaire et désigné Me [R], ès qualités de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 21 août 2019, la SA Financo a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire une créance à titre chirographaire de 100.474,44 euros en vertu d'un contrat de financement amortissable d'un stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente du 19 juillet 2019, dont :

- un montant de 100.000 euros au titre du capital restant à échoir au 26 juillet 2019;

- et un montant de 474,44 euros d'intérêts échus au taux contractuel de 3,05% du 31 mai 2019 au 26 juillet 2019, outre des intérêts contractuels et intérêts de retard à échoir jusqu'à parfait paiement.

Par LRAR du même jour, la SA Financo a mis en demeure M. [T] [P], ès qualités de caution personnelle et solidaire de la SARL La Bretèche, de lui régler sous huitaine une somme de 104.474,44 euros, outre les intérêts au taux contractuel, correspondant au montant de la créance déclarée pour mémoire, en vertu d'un contrat de financement de stock de véhicules amortissable d'un montant de 100.000 euros d'une durée de 25 mois et 15 jours, dans le cadre de la procédure de sauvegarde judiciaire ouverte à l'égard de la débitrice principale.

Suivant jugement du 25 octobre 2019, le tribunal de commerce d'Amiens a prononcé la conversion de la procédure de sauvegarde en liquidation judiciaire de la SARL La Bretèche, fixé la date de cessation des paiements au 26 juillet 2019, mis fin à la mission de l'administrateur

et désigné maître [R] en qualité de mandataire liquidateur.

Par LRAR du 19 novembre 2019, la SA Financo a réitéré sa déclaration de créance au passif de la SARL La Bretèche, actualisant son montant à hauteur de 101.835,14 euros, dont :

- un montant de 100.000 euros, au titre du capital échu restant dû;

- un montant de 1.431,81 euros, au titre d'intérêts échus au taux contractuel de 3,05% du 31 mai 2019 au 19 novembre 2019;

- et un montant de 403,33 euros, au titre d'intérêts de retard échus au taux de 6,05% du 25 octobre 2019 au 19 novembre 2019, outre des intérêts contractuels et intérêts de retard à échoir jusqu'à parfait paiement.

Par acte d'huissier du 30 décembre 2019, la SA Financo a fait assigner M. [T] [P], en sa qualité de caution, devant le tribunal de commerce d'Amiens, aux fins notamment de voir:

- dire et juger la SA Financo recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions;

- dire et juger que M. [P], en sa qualité de caution, est tenu de procéder au règlement des sommes dues à la SA Financo au titre du prêt accordé à la société La Bretèche le 19 juillet 2019;

- dire et juger que la créance de la SA Financo s'élève à la somme de 100.747,44 euros selon décompte arrêté au 19 juillet 2019, outre les intérêts postérieurs au taux de 6,05%;

- dire et juger recevable la demande en paiement formulée par la SA Financo à l'encontre de M. [P] à hauteur de 100.747,44 euros, outre les intérêts postérieurs au taux de 6,05%;

- dire et juger recevable la demande de capitalisation des intérêts;

- et surseoir à statuer sur la demande formulée dans l'attente de l'issue de la procédure de sauvegarde de la SARL La Bretèche.

Suivant jugement contradictoire du 22 juillet 2021, le tribunal de commerce d'Amiens a déclaré le cautionnement solidaire de M. [T] [P] inopposable à la SA Financo et condamné la SA Financo à payer à M. [T] [P] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 63,36 euros, dont TVA à 20%.

La SA Financo a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour le 22 août 2021.

Suivant jugement du 17 février 2023, le tribunal de commerce d'Amiens a clôturé la procédure de liquidation judiciaire de la SARL La Bretèche pour insuffisance d'actif.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante remises le 29 avril 2022, expurgées des demandes ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Financo demande à la cour de réformer la décision dont appel en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes aux fins de voir condamner M. [P] à lui payer la somme de 100.747,44 euros en principal, outre les intérêts postérieurs au 19 juillet 2019 au taux de 6,05 % l'an, avec capitalisation des intérêts, et la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens et l'a condamnée au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens et statuant à nouveau de condamner M. [P] en sa qualité de caution à lui payer la somme de 100747,44 euros selon décompte arrêté au 19 juillet 2019 outre les intérêts postérieurs au taux de 6,05%, d'ordonner la capitalisation du droit aux intérêts, de confirmer le jugement pour le surplus, de débouter M. [P] de son appel incident aux fins de voir prononcer la nullité de son engagement de caution et condamner la concluante au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 100.000 euros.

Elle demande encore à la cour de condamner M. [P] à lui payer la somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident remises le 5 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [T] [P] demande à la cour de le dire recevable et bien fondé en son appel incident et en ses moyens de défense, en conséquence, et y faisant droit, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à voir l'engagement de caution du 19 juillet 2019 déclaré nul et de nul effet, et statuant à nouveau,de prononcer la nullité de l'engagement du concluant en date du 19 juillet 2019 pour vice du consentement tiré de l'erreur de ce dernier quant à la qualité non démontrée de créancier de la SA Financo sur le débiteur principal, la société La Bretèche, et subsidiairement, compte tenu de l'absence de contrepartie audit engagement de caution du concluant, de débouter en conséquence la SA Financo de toute demande au titre du cautionnement du 19 juillet 2019 et de condamner la SA Financo à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

A titre subsidiaire il demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [T] [P] de sa demande tendant à l'engagement de la responsabilité civile de la SA Financo au titre du manquement à son devoir de mise en garde envers la caution, et ce faisant, de condamner à ce titre la SA Financo à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de son devoir de mise en garde et d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties et de condamner la SA Financo à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

A titre plus subsidiaire il demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a, après avoir écarté la fiche de renseignements du 11 juin 2019, déclaré inopposable au concluant l'engagement de caution par lui souscrit le 19 juillet 2019, compte tenu de sa disproportion à ses revenus et biens au jour de son engagement, et subsidiairement au jour où la cour d'appel sera amenée à statuer, et ce faisant, de débouter la SA Financo de toute demande au titre dudit cautionnement et de condamner la SA Financo à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance;

A titre infiniment subsidiaire, si la cour d'appel devait débouter le concluant de tout ou partie de ses demandes et moyens de défense, d'ordonner le report de la dette pour une durée de deux années au visa des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, et subsidiairement, d'accorder au concluant les plus larges délais de paiement et d'ordonner que les paiements à intervenir s'imputent par priorité sur le capital.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023, l'affaire ayant été renvoyée pour plaider à l'audience du 21 mars 2023.

SUR CE

Sur la validité du cautionnement

L'intimé prétend à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à l'annulation du cautionnement litigieux, faisant valoir à titre principal, le caractère vicié de son consentement tiré d'une erreur, au sens de l'article 1132 du code civil, sur la qualité non démontrée de créancier de son cocontractant, la SA Financo, à l'égard de la SARL La Bretèche, étant précisé que le contrat de financement du 19 juillet 2019 n'a donné lieu à aucune remise de fonds, si bien qu'il ne constituait pas un contrat de prêt, mais stipulait uniquement l'échéancier de remboursement d'une créance que l'appelante prétend détenir, sans en justifier, par suite d'une cession de créance professionnelle du 1er juin 2018, étant précisé que l'attestation du 30 novembre 2018 émanant de la société GE Money Bank ne suffit pas à démontrer la conclusion et/ou la teneur de l'acte allégué de cession de créance et à titre subsidiaire, l'absence de contrepartie à l'engagement de la débitrice principale, au sens de l'article 1169 du code civil, puisque le contrat de financement du 19 juillet 2019 n'a donné lieu à aucun déblocage de fonds, et qu'aucun bénéfice ou avantage pour la SARL La Bretèche n'est démontré par la SA Financo, étant rappelé que l'absence de cause du contrat garanti est un motif de nullité absolue que la caution peut soulever.

L'appelante prétend en retour que son action en paiement est fondée sur le cautionnement souscrit à son profit le 19 juillet 2019 par M. [P], afin de garantir le contrat de financement conclu le même jour avec la SARL La Bretèche, à l'exclusion de contrats de financement antérieurs consentis à la débitrice principale par la société GE Money Bank, en particulier d'un contrat du 28 mai 2018, qui a fait l'objet d'une cession de créance professionnelle au profit de la concluante par acte du 1er juin 2018, avant d'échoir le 31 mai 2019, de sorte que les moyens de l'intimé, concernant la justification et l'opposabilité à la débitrice principale de cette cession de créance, sont inopérants.

Elle fait valoir qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relevé qu'en sa qualité de gérant de la SARL La Bretèche, M. [P] ne saurait prétendre que son consentement au cautionnement litigieux aurait été vicié à raison d'une erreur quant à la qualité de créancier de la concluante à l'égard de la débitrice principale;

Elle ajoute que l'intimé soutient l'absence de contrepartie financière du contrat de financement garanti du 19 juillet 2019, alors que d'une part, en sa qualité de caution, il est irrecevable à soulever la nullité de ce contrat, dont la validité n'a pas été remise en cause par la SARL La Bretèche dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, et que d'autre part, la concluante justifie de la cession de créance professionnelle intervenue le 1er juin 2018 et de sa notification à la société [P] en juin 2018, ladite cession emportant la reprise par la concluante d'un contrat de financement du 28 mai 2018, conclu avec la société GE Money Bank et échu depuis le 31 mai 2019.

Elle fait valoir que le contrat de financement souscrit le 19 juillet 2019 par la SARL La Bretèche prend le relais du précédent contrat de 2018 venu à terme, dont le capital de 100.000 euros était échu et non-remboursé et qu'une remise de fonds est intervenue, puisqu'elle a permis, dans le cadre de la poursuite du besoin de financement de stock de la SARL La Bretèche, de procéder au remboursement du premier contrat de financement venu à terme.

Elle ajoute que la contrepartie du contrat de financement du 19 juillet 2019 est rapportée par la cession de créance du 1er juin 2018 qui a permis de rembourser la dette de la SARL La Bretèche au titre du précédent contrat de financement à durée déterminée, étant souligné que la mise à disposition de fonds n'impose nullement que ces fonds transitent par le compte de l'emprunteur;

Elle fait observer que l'intimé ne prétend pas que le contrat de financement de 2018 souscrit auprès de la société GE Money Bank aurait été remboursé par d'autres fonds que ceux prêtés à la SARL La Bretèche par la concluante en vertu du contrat de financement de 2019.

Elle fait valoir enfin qu'un cautionnement peut être consenti en garantie d'une dette déjà née.

Selon l'article 1132 du code civil : 'L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant'.

Selon l'article 1169 du code civil : 'Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire'.

Les premiers juges ont débouté M. [P] de ses demandes tendant à l'annulation du cautionnement d'espèce, aux motifs que le contrat de financement en cause a été souscrit le 19 juillet 2019 par la SARL La Bretèche avec la SA Financo, sans confusion possible avec la société GE Money Bank,qu'en sa qualité de gérant et caution de la débitrice principale, M. [P] ne pouvait sérieusement contester la qualité de créancier de son cocontractant, la SA Financo et que la contrepartie à son engagement de caution est suffisamment rapportée par les stipulations du contrat de financement du 19 juillet 2019 relatives au montant, ainsi qu'aux modalités de remise et d'affectation des fonds à la débitrice principale.

Il ressort des pièces versées aux débats que par acte sous seing privé du 21 mars 2017, la société GE Money Bank a consenti à la SARL La Bretèche, représentée par son gérant, M. [T] [P], un contrat de financement d'un stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente, d'un montant de 100.000 euros, assorti d'intérêts au taux débiteur de 3,05% l'an, pour une durée de 12 mois, remboursable en 12 mensualités d'intérêts, le capital emprunté devant être remboursé en une seule fois à l'échéance du contrat et que par acte sous seing privé du 19 juillet 2019, la SA Financo a consenti à la SARL La Bretèche, représentée par son gérant, M. [T] [P], un 'contrat de financement de stock de véhicules amortissable' d'un montant de 100.000 euros, assorti d'intérêts au taux débiteur de 3,05% l'an, d'une durée de 25 mois et 15 jours, remboursable en 24 mensualités de 4.203,20 euros, étant indiqué, à titre d'exposé préalable, que par contrat du 28 mai 2018, la SA My Money Bank a consenti à la SARL La Bretèche un 'contrat de financement de stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente' d'un montant de 100.000 euros en capital, d'une durée de 12 mois, au taux annuel de 3,05%; que par acte de cession de créances professionnelles du 1er juin 2018, la société My Money Bank a cédé à la SA Financo la créance susvisée, soit en vertu du contrat de financement du 28 mai 2018, échu depuis le 31 mai 2019 et non-remboursé au 19 juillet 2019, de sorte que la somme de 100.000 euros restant due par la SARL La Bretèche au titre de ce contrat du 28 mai 2018, à hauteur de 100.000 euros, est désormais exigible; et que les parties [la SA Financo et la SARL La Bretèche] sont convenues que le remboursement de la créance se fera sous la forme d'un contrat de financement de stock de véhicules amortissable (le présent contrat de financement du 19 juillet 2019)

Ainsi par acte sous seing privé du 19 juillet 2019, M. [T] [P] s'est porté caution solidaire et indivisible au bénéfice de la SA Financo, en garantie du paiement par la SARL La Bretèche de toutes les sommes qui peuvent ou pourraient lui être dues, pour quelque cause, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, en principal, intérêts, intérêts de retard et frais, dans la limite d'une somme de 120.000 euros et pour une durée de 49 mois et quinze jours, étant précisé que cet engagement 'couvre toutes les obligations du cautionné à l'égard du bénéficiaire et notamment celles résultant de contrats de financement de stock, obligations dont la caution reconnait avoir parfaite connaissance.

Si l'acte de cession de créances professionnelles du 1er juin 2019, dont l'appelante se prévaut en l'espèce pour justifier de sa qualité de créancière de la SARL La Bretèche, n'est pas produit, ni l'annexe 1 visée dans l'attestation de cession de créances de la société My Money Bank du 30 novembre 2018, M. [P] ne remet pas en cause le fait d'avoir signé en sa qualité de gérant de la SARL La Bretèche, le contrat de financement du 19 juillet 2019, dont l'exposé préalable relate précisément les circonstances de sa conclusion et la particularité de son objet, savoir le remboursement d'une créance cédée, échue et non-remboursée, portant sur un précédent contrat de financement du 28 mai 2018 à hauteur de 100.000 euros en capital et à titre personnel, le cautionnement du même jour, par lequel il assure avoir connaissance de plusieurs contrats de financement souscrits par la débitrice principale et inclus dans le périmètre de son engagement.

Par ailleurs, l'intimé, en tant que gérant, ne produit aucun élément tendant à établir que la créance déclarée le 21 août 2018 par la SA Financo entre les mains de Me [V] [R], ès qualités, au titre du contrat cautionné du 19 juillet 2019, puis actualisée le 19 novembre 2019, aurait fait l'objet d'une contestation quelconque dans le cadre notamment des procédures de sauvegarde, puis de liquidation judiciaires de la SARL La Bretèche.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la SA Financo rapporte suffisamment la preuve, de sa qualité de créancière de la SARL La Bretèche en application d'une cession de créance conclue le 1er juin 2018 avec la SA My Money Bank portant sur une dette échue depuis le 31 mai 2019 d'un montant de 100.000 euros en capital, au titre du remboursement d'un contrat de financement de stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente du 28 mai 2018.

Il s'ensuit que M. [P] est mal fondé à soutenir au visa des articles 1132 et 1169 précités du code civil principalement, que son consentement au cautionnement litigieux procèderait d'une erreur sur la qualité de créancière de la SA Financo, étant rappelé que l'intimé est nécessairement intervenu, en tant que gérant de la SARL La Bretèche, dans la conclusion des contrats de financement couverts, y compris de celui du 28 mai 2018 ou subsidiairement, que le contrat de financement garanti du 19 juillet 2019 serait dépourvu de contrepartie à défaut de déblocage des fonds suite à la conclusion de ce contrat, puisque la contrepartie financière de l'engagment de la SARL La Bretèche résulte, aux termes précités de l'exposé préalable de ce contrat, de l'obligation pour la débitrice principale de rembourser une créance cédée le 1er juin 2018 par la SA My Money Bank à l'appelante, et devenue exigible à compter du 31 mai 2019, au titre d'un précédent contrat de financement de stock du 28 mai 2018.

Dès lors, il convient de débouter M. [P] de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de son cautionnement du 19 juillet 2019 et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur l'opposabilité à l'intimé du cautionnement

Pour retenir l'existence d'un cautionnement disproportionné par rapport aux biens et revenus de M. [P] les premiers juges ont tout d'abord considéré que la fiche de renseignements préalable présentait un caractère incomplet et qu'il n'était pas concevable que la banque face à un dirigeant d'entreprise auquel elle demande de s'impliquer n'ait pas procédé à certaines vérifications minimales tirées des derniers bilans de la société révélant nécessairement les dettes contractées par la société et la vraisemblance de garanties données par le dirigeant.

La SA Financo soutient que le cautionnement litigieux est opposable à l'intimé, conformément à l'ancien article L332-1 du code de la consommation, aux motifs que lors de sa conclusion le 19 juillet 2019, l'engagement de M. [P] n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, étant précisé qu'il a rempli et remis à la concluante le 11 juin 2019 une fiche de renseignements dépourvue d'information suspecte ou d'anomalie apparente et dispensant donc la banque de procéder à des investigations supplémentaires, aux termes de laquelle il déclare notamment, à cette date, des revenus annuels de 47.400 euros, dont 30.000 euros de revenus professionnels et 10.500 euros de revenus immobiliers, des droits sur des biens immobiliers évalués à une somme de 1.210.000 euros, dont une maison d'habitation sise [Adresse 5] à [Localité 3], détenue en propre et évaluée à un montant de 700.000 euros, duquel il convient de déduire 211.000 euros au titre du solde de l'emprunt souscrit pour en financer l'acquisition, ainsi que 20% des parts d'une SCI Aubivats, propriétaire d'un appartement évalué à 150.000 euros et des murs d'un bien immobilier sis à [Adresse 4], évalué à 360.000 euros, outre un contrat d'assurance vie d'un montant de 6.546 euros, n'avoir aucune charge en cours autre que de crédits, ni aucun engagement déjà consenti (caution, aval ou autre);

Elle fait valoir qu'il ne lui appartenait pas de passer outre les déclarations sur l'honneur de l'intimé dans le cadre de cette fiche de renseignement en procédant à des vérifications supplémentaires sur la souscription éventuelle d'engagements préexistants en garantie des dettes comptabilisées dans les derniers bilans de la débitrice principale, étant souligné que les documents comptables de la SARL La Bretèche ne mentionnent aucun des trois cautionnements revendiqués a posteriori et qu'en vertu de l'adage selon lequel nul ne peut invoquer sa propre turpitude, l'intimé ne peut se prévaloir de cautionnements antérieurs au 19 juillet 2019, dont il a caché l'existence à la concluante en amont, puis lors de la conclusion du cautionnement litigieux, pour tenter d'échapper à son engagement de sorte que M. [P] échoue à rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son cautionnement du 19 juillet 2019;

Elle ajoute qu'elle justifie, à titre surabondant, de la capacité actuelle de l'intimé à faire face à son engagement, étant observé qu'il dispose toujours de 20% des parts sociales de la SCI Aubivats, propriétaire de biens immobiliers évalués à une somme de 510.000 euros, que la valeur actuelle de sa maison d'habitation sise à [Adresse 5], est comprise entre 825.000 et 911.000 euros, sachant que le capital restant dû au titre de ce prêt, venant à terme en 2025, est forcément moindre qu'en juin 2019, et qu'il justifie seulement avoir été actionné par la SA Société générale, au titre de deux cautionnements antérieurs, pour une somme totale de 136.698,54 euros.

M. [P] fait valoir au préalable, que la fiche de renseignements du 11 juin 2019, produite par la SA Financo en cours de première instance, est entachée d'anomalies apparentes, tirées de données incompréhensibles sur la valeur estimée du patrimoine immobilier de l'intimé, et de données manquantes sur les engagements déjà consentis par ce dernier, étant ajouté que la maison sise [Adresse 5] à [Localité 3], n'est pas détenue en 'propre' depuis 2010.

Il ajoute que les documents comptables de la SARL La Bretèche, au titre de son exercice clos le 31 décembre 2018, communiqués à l'appelante plusieurs mois avant la souscription du contrat de financement et du cautionnement litigieux, révélaient des encours bancaires de la débitrice principale à hauteur d'une somme de 806.772 euros, ce qui aurait dû amener la SA Financo à s'interroger sur l'existence éventuelle d'autres garanties personnelles consenties par le concluant.

Il précise que son engagement de caution du 19 juillet 2019 dans la limite de 120.000 euros était à cette date manifestement disproportionné à ses revenus et biens, tels que justifiés à hauteur de 233.333,67 euros, dont 21.316 euros annuels (1.776 par mois) au titre de ses revenus, et 212.017,67 euros au titre de ses biens, cette dernière somme correspondant à la valeur vénale des droits indivis (3/5) du concluant sur le bien immobilier sis à [Adresse 5], évalués à (700.000 euros x 3/5 =) 420.000 euros, après déduction d'une somme de 207.982,33 euros restant à devoir au titre du solde de l'emprunt contracté par les consorts [P]-[D] pour en financer l'acquisition, étant ajouté que les participations de l'intimé dans la SARL La Bretèche (99,5% du capital social), laquelle détenait 100% du capital des sociétés Ozauto et Honauto, étaient, toujours à cette date, d'une valeur nulle, compte tenu de l'absence de capitaux propres de cette société et de ses filiales;

Il ajoute que son endettement global au 19 juillet 2019 comprenait trois engagements préexistants, savoir un cautionnement solidaire du 6 décembre 2016 dans la limite de 117.000 euros, en garantie de sommes dues à la SA Société générale par la société Honauto, un cautionnement solidaire du 3 janvier 2017, dans la limite de 445.490,64 euros, en garantie de sommes dues à la société Igol par la SARL La Bretèche, et un cautionnement solidaire du 26 août 2018, dans la limite de 240.000 euros, en garantie de sommes dues à la SA Société générale par la SARL La Bretèche, auxquels il convient d'ajouter le cautionnement litigieux, pour aboutir à une somme totale de 922.490,64 euros, soit un solde négatif de 689.156,97 euros;

Il soutientqu'il justifie de son incapacité à faire face à son engagement au jour de l'arrêt à intervenir, sachant que ses revenus et biens actuels, sont largement inférieurs à ses dettes personnelles, évaluées en l'état à hauteur d'une somme totale de 657.524 euros, dont 100.474 euros, au titre de la présente affaire, 84.000 euros exigés par la banque CIC aux termes d'une mise en demeure du 21 septembre 2021, 102.759 euros et 136.540 euros au titre d'actions en paiement de la Société générale à son encontre devant le tribunal de commerce d'Amiens et 233.751,52 euros, au titre d'une action en paiement de la société Igol à son encontre devant le tribunal de commerce de Beauvais.

Il fait valoir que l'avis de valeur du bien immobilier sis à [Adresse 5], commandé par l'appelante et retenant une fourchette comprise entre 825.000 euros et 911.000 euros, ne constitue pas une expertise immobilière et n'est pas 'opposable règlementairement', étant ajouté, qu'en cas d'admission, sous les plus amples réserves, d'une valeur de 825.000 euros, les droits indivis du concluant sur ce bien seraient de [(825.000-177.013) x 3/5] = ' 388.8791 euros, une somme de 177.013 euros restant due au titre du solde de l'emprunt contracté par les consorts [P]-[D] pour en financer l'acquisition et qu'il n'a perçu aucun fond au titre de ses parts (20% en nue-propriété) dans la SCI Les Aubivats, suite à la vente en 2020 de l'unique bien immobilier dont elle était propriétaire, étant précisé que l'intégralité du produit de cette vente a été reversé aux parents du concluant, afin qu'ils puissent solder différents encours bancaires, ce qui est attesté le 10 février 2021, par le notaire instrumentaire et précise qu'il ne possède aucun droit dans l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 3], lequel demeure la propriété exclusive de ses parents.

Selon l'article L332-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il est admis que la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus, en considération notamment de son endettement global, y compris de celui résultant d'engagements de caution.

Par ailleurs il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve et la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier étant ajouté que la caution peut faire état de dettes non mentionnées sur la fiche de renseignement si le créancier ne pouvait les ignorer, en particulier lorsqu'il est lui-même le créancier;

En l'absence d'anomalies apparentes, le créancier n'a pas à vérifier l'exactitude des biens et revenus déclarés par la caution.

En l'espèce, les informations manuscrites figurant sur la 'Fiche de renseignement individuelle caution', remplie, paraphée et signée le 11 juin 2019 par M. [T] [P], sont compréhensibles et déterminent que l'intimé a déclaré à la SA Financo, en vue de la souscription du cautionnement litigieux :

- des revenus annuels de 47.400 euros;

- et un patrimoine immobilier d'une valeur totale de [700.000 - 211.000 + (150.000 + 360.000) x 20%] =) 591.000 euros, après déduction d'une somme de 211.000 euros au titre du solde restant dû au 11 juin 2019 de l'emprunt ayant financé l'acquisition en propre d'une maison sise à [Adresse 5], d'une valeur estimée de 700.000 euros;

- outre un patrimoine financier et mobilier de 65.000 euros;

- étant souligné que les encadrés 'charges en cours autres que crédits' et 'engagements déjà consentis (caution, avals, etc.)', barrés de traits manuscrits, n'indiquent aucune charge supplémentaire.

Si l'intimé justifie, dans le cadre de la présente affaire, qu'au 19 juillet 2019, ses revenus et biens s'établissaient respectivement à 22500 euros par an et [(710.000- 207.982,33)x 3/5 + (150.000 + 360.000) x 20% + 65.000 =] 468.210,60 euros, pour des charges préexistantes dans la limite d'une somme totale de (117.000 + 445.490,64 + 240.000=) 802.490,64 euros, au titre de trois cautionnements consentis entre 2016 et 2018 à la SA Société générale et à la SAS Igol Picardie Ile-de-France, force est de constater qu'aucun de ces trois contrats antérieurs de garantie n'a été déclaré par l'intimé dans la fiche de renseignement susmentionnée du 11 juin 2019 et que par ailleurs la SA Financo n'avait aucun moyen d'en prendre connaissance à la lecture des documents comptables relatifs à l'exercice clos au 31 décembre 2018 des sociétés La Bretèche et Honauto, que M. [P] lui a transmis en amont de la conclusion du cautionnement litigieux.

Les éléments qui devaient retenir l'attention de l'appelante à la lecture du bilan et du compte de résultat de la débitrice principale, notamment la chute du résultat net et l'importance considérable des dettes d'emprunts et de concours bancaires de la SARL La Bretèche à l'issue de son dernier exercice comptable, ne sont pas de nature à établir que la fiche de renseignement susmentionnée du 11 juin 2019 serait entachée d'anomalies apparentes tirées du défaut de déclaration par M. [P] de cautionnements préexistants, étant rappelé que l'intimé, malgré la certification de la sincérité et de l'exactitude des renseignements communiqués par lui dans cette fiche du 11 juin 2019, n'apporte aucune justification au fait d'avoir barré les encadrés 'charges en cours autres que crédits' et 'engagements déjà consentis (caution, avals, etc.)', et donc omis d'y déclarer trois engagements de caution préexistants au profit d'autres créanciers.

Il convient de retenir que la SA Financo, ainsi maintenue dans l'ignorance de ces trois contrats de garantie déjà conclus par des omissions injustifiées de M. [P], n'avait pas à vérifier plus avant l'exactitude des biens et revenus déclarés par ce dernier.

De même l'indication d'un divorce en 2015 ne permettait pas de remettre en cause les affirmations de M. [P] quant à son patrimoine immobilier au sein duquel il distinguait un bien lui appartenant en propre pour lequel il règlait un prêt et les biens détenus par le biais de SCI dont il précisait le pourcentage détenu.

M. [P] ayant rempli, à la demande de la SA Financo, une fiche de renseignements dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'il a déclarée au créancier, si bien que les trois cautionnements préexistants et déclarés à l'appelante postérieurement au 19 juillet 2019 doivent être écartés de l'appréciation de la proportionnalité aux biens et revenus de l'intimé du cautionnement litigieux lors de sa conclusion.

Compte tenu des revenus annuels, du patrimoine et des charges de la caution, tels que déclarés puis corrigés pour des valeurs respectives de 21.244 euros et 468.210,60 euros au 19 juillet 2019, M. [P] échoue à démontrer la disproportion manifeste, au jour de sa conclusion, du cautionnement litigieux, d'un montant plafonné à 120.000 euros.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le cautionnement solidaire de M. [T] [P] inopposable à la SA Financo.

Sur le principe et le montant de la créance de cautionnement

La SA Financo soutient au visa des articles 1103, 1104, 1193, 2288 et suivants du code civil, que M. [P], en sa qualité de caution solidaire de la SARL La Bretèche, laquelle est défaillante, en sa qualité de débitrice principale, dans son obligation de remboursement au titre du contrat de financement garanti du 19 juillet 2019, reste lui devoir, selon un dernier décompte arrêté à cette date, une somme de 100.474,44 euros, dont 100.000 euros, au titre du capital à échoir, et 474,44 euros d'intérêts au taux contractuel de 3,05% échus au 26 juillet 2019, outre les intérêts à échoir au taux contractuel de 3,05% et des intérêts de retard au taux majoré de 6,05% à compter du 15 août 2019, avec capitalisation des intérêts échus depuis un an.

M. [P] ne formule aucun moyen sur ce point. Il ne conteste pas le quantum des sommes réclamées.

Selon l'article 2298 du code civil, dans sa version applicable au litige : 'La caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires'.

Il ressort des pièces versées aux débats qu'aux termes des articles 11, 12 et 14 du contrat de financement de stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente du 19 juillet 2019 : 'La déchéance du terme aura lieu de plein droit et sans mise en demeure préalable, les sommes dues devenant alors immédiatement exigibles en principal, intérêts, frais et accessoires, [en cas] de liquidation judiciaire [notamment], étant ajouté d'une part, que les 'sommes devenues exigibles, soit au terme conventionnel, soit à la déchéance du terme, produiront de plein droit des intérêts de retard au taux stipulé au contrat[, soit 3,05%,] majoré de 300 points de base', soit 3,05 + 3 = 6,05%, et d'autre part, que le 'présent contrat prendra effet à compter du 31/05/2019" et qu'aux termes de son cautionnement solidaire et indivisible du même jour, la garantie interviendra de plein droit et sans mise en demeure exécutoire dès que, pour quelque cause que ce soit, la ou les créance(s) du bénéficiaire à l'égard du cautionné deviendront exigibles'.

Par LRAR du 21 août 2019, la SA Financo a déclaré entre les mains du mandataire liquidateur une créance à titre chirographaire de 100.474,44 euros en vertu du contrat de financement amortissable d'un stock de véhicules neufs ou d'occasion destinés à la vente du 19 juillet 2019, dont un montant de 100.000 euros au titre du capital restant à échoir au 26 juillet 2019 et un montant de 474,44 euros d'intérêts échus au taux contractuel de 3,05% du 31 mai 2019 au 26 juillet 2019, outre des intérêts contractuels et intérêts de retard à échoir jusqu'à parfait paiement, étant précisé que cette déclaration a été actualisée par LRAR du 19 novembre 2019, à hauteur de 101.835,14 euros, soit un montant de 100.000 euros, au titre du capital échu restant dû, un montant de 1.431,81 euros, au titre d'intérêts échus au taux contractuel de 3,05% du 31 mai 2019 au 19 novembre 2019; et un montant de 403,33 euros, au titre d'intérêts de retard échus au taux de 6,05% du 25 octobre 2019 au 19 novembre 2019, outre des intérêts contractuels et intérêts de retard à échoir jusqu'à parfait paiement et ce suite à la conversion de la procédure de sauvegarde de la SARL La Bretèche en liquidation judiciaire.

Justifiée dans son principe, la créance de cautionnement de l'appelante à l'égard de M. [T] [P] est devenue exigible de plein droit par l'effet du jugement du 25 octobre 2019 de conversion en liquidation judiciaire de la procédure de sauvegarde judiciaire de la SARL La Bretèche.

La demande principale en paiement de la SA Financo n'est pas formulée à hauteur du décompte des créances déclarées par LRAR des 21 août 2019 et 19 novembre 2019, dans le cadre de la procédure de sauvegarde judiciaire, puis de liquidation judiciaire de la SARL La Bretèche, mais pour un montant de 100.474,44 euros, outre des intérêts postérieurs au 19 juillet 2019 au taux de 6,05%.

Les intérêts de retard n'étant dus qu'à compter de la date à laquelle la dette principale est devenue exigible, il convient de condamner M. [P] à verser à la SA Financo la somme de 100.474,44 euros, avec intérêts de retard au taux de 6,05% l'an, à compter du 26 octobre 2019, date d'exigibilité de la créance garantie, étant précisé que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront, sur demande de la créancière, des intérêts en vertu de l'article 1343-2 précité du code civil.

Sur l'obligation de conseil et de mise en garde de l'appelante

M. [P] sollicite, à titre subsidiaire et au visa de l'article 1231-1 du code civil, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses prétentions indemnitaires consécutives à un manquement de la SA Financo à son obligation de conseil et de mise en garde, aux motifs que l'appelante ne l'a pas averti, en sa qualité de caution, sur les conséquences du non-remboursement par la SARL La Bretèche de la dette garantie, contractée le 19 juillet 2019, étant précisé que la créancière avait connaissance à cette date de la situation irrémédiablement compromise de la débitrice principale, suite à la communication le 11 juin 2019 par l'intimé, en sa qualité de gérant, de comptes annuels mettant en évidence un résultat net en chute de 721.679 euros, au terme de l'exercice 2017, portant le résultat à - 666.726 euros, au terme de l'exercice 2018.

Il fait valoir que les procédures collectives ouvertes à l'égard de la débitrice principale, dès le 26 juillet 2019, confirment que la SARL La Bretèche n'était pas en capacité de rembourser le prêt cautionné au jour de sa conclusion.

L'appelante soutient qu'elle n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de M. [P], dont la qualité de caution avertie est rapportée par sa qualité de gérant de la débitrice principale, pour laquelle il a conclu plusieurs contrats de financement de stock et cautionnements antérieurement au contrat garanti d'espèce

Elle fait valoir qu'en conséquence l'intimé avait une parfaite connaissance de la situation financière de la SARL La Bretèche au 19 juillet 2019, étant ajouté qu'il ne démontre pas que la SA Financo aurait eu sur sa situation patrimoniale, ainsi que sur le risque de l'opération escomptée, des informations qu'il aurait ignorées de nature à faire peser sur la concluante une obligation d'information et de conseil.

Il est admis que seules les personnes non averties peuvent bénéficier du devoir de mise en garde et engager la responsabilité de l'établissement de crédit en cas de non respect de cette obligation.

L'averti est celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu la portée et les risques liés aux concours consentis et les personnes cadres ou dirigeants ayant une expérience professionnelle dans le domaine d'activité financé sont considérées comme des personnes averties et ce d'autant qu'il s'agit d'une opération peu complexe aisément compréhensible.

En l'espèce M. [T] [P], qui déclarait dans la fiche de renseignement susmentionnée du 11 juin 2019, être le gérant de la SARL La Bretèche depuis le mois de septembre 1984, disposait au jour du cautionnement litigieux, soit le 19 juillet 2019, d'une expérience considérable en matière de gestion d'entreprise et connaissait parfaitement la situation financière de la débitrice principale et les concours accordés à celle-ci, lesquels avaient été contractés par lui en qualité de dirigeant et cautionnés par lui à titre personnel, notamment le contrat de financement de stock souscrit auprès de la société GE Money Bank le 21 mars 2017, garanti par un cautionnement du même jour.

Par ailleurs, l'intimé ne justifie pas de la connaissance par la SA Financo d'informations qu'il aurait ignorées.

En d'autres termes, le contrat de financement souscrit par la SARL La Bretèche le 19 juillet 2019 et garanti par le cautionnement du même jour de l'intimé étaient des opérations courantes parfaitement compréhensibles pour un dirigeant de société.

Dès lors, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [T] [P], en sa qualité de caution avertie, de sa demande au titre d'un prétendu manquement de la SA Financo à son devoir de mise en garde.

Sur la demande de l'intimé d'un report de la dette ou de délais de paiement

L'intimé sollicite, à titre infiniment subsidiaire, l'octroi d'un report de dette de deux années au visa de l'article 1343-5 du code civil, ou à défaut, des plus larges délais de paiement, sans formuler de moyen particulier au soutien de sa demande.

L'appelante fait valoir que M. [P] ne justifie pas de sa capacité à s'acquitter des sommes dues dans un délai de deux ans, étant précisé qu'il n'a pas entrepris de réaliser son patrimoine pour régler ses dettes.

Selon l'article 1343-5 du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

M. [P] ne justifie pas de ses revenus et biens à compter du mois de novembre 2020, ni de sa capacité à rembourser sa dette de cautionnement dans ou sur 24 mois, étant rappelé qu'il n'a pu verser la moindre somme depuis la LRAR de mise en demeure du 21 août 2019.

Par ailleurs, l'intimé ne fournit aucun élément sur l'avancement des procédures engagées à son encontre devant le tribunal de commerce d'Amiens par la SA Société générale et la SA Igol Picardie Ile-de-France au titre de cautionnements souscrits en garantie de la SARL Honauto ou de la SARL La Bretèche.

Dès lors, il convient de le débouter sur ce chef.

Sur les demandes accessoires

M. [T] [P], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu en revanche de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris excepté en ce qu'il a déclaré le cautionnement solidaire de M. [T] [P] inopposable à la SA Financo et condamné la SA Financo à payer à M. [T] [P] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens;

statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare le cautionnement litigieux du 19 juillet 2019 opposable à M. [T] [P]';

Condamne M.'[T] [P] à payer à la SA Financo la somme de 100.474,44 euros, assortie d'intérêts de retard au taux de 6,05% l'an, à compter du 26 octobre 2019, étant précisé que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront, sur demande de la créancière, des intérêts';

Déboute M. [T] [P] de ses demandes de report ou d'échelonnement des paiements;

Déboute la SA Financo de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [T] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/04326
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.04326 ?
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