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13/06/2023 | FRANCE | N°22/02336

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 13 juin 2023, 22/02336


ARRET



















[N]





C/



[K]









CV





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 13 JUIN 2023





N° RG 22/02336 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOEN



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE EN DATE DU 04 JANVIER 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Local

ité 3]





Représenté par Me Olympe TURPIN substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me DE CAPUA, avocat au barreau de PARIS





ET :





INTIMEE





Madame [S] [K]

Elisant domicile au cabinet de son avocat [Adresse 4]

[...

ARRET

[N]

C/

[K]

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 13 JUIN 2023

N° RG 22/02336 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOEN

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE EN DATE DU 04 JANVIER 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Olympe TURPIN substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me DE CAPUA, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

Madame [S] [K]

Elisant domicile au cabinet de son avocat [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Thibaut VANDIERENDONCK, avocat au barreau de COMPIEGNE

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Avril 2023 devant Mme Cybèle VANNIER, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

M.[V] [N] a fait assigner Mme [S] [K] devant le tribunal de grande instance de Compiègne le 26 mars 2015 exposant qu'il avait vécu avec Mme [K] pendant plusieurs années, qu'il lui avait prêté différentes sommes d'argent qu'elle ne lui avait pas remboursées, et qu'il sollicitait sa condamnation à lui verser la somme en principal de 64 192, 33 € .

Par ordonnance du 6 février 2018 , le juge de la mise en état a déclaré que le tribunal était incompétent au profit du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Compiègne .

Par arrêt en date du 21 mai 2019 , la cour a infirmé l'ordonnance rendue.

Par jugement en date du 4 janvier 2022 , le tribunal judiciaire de Compiègne a :

-rejeté la demande en paiement de la somme de 64 192, 33 € .

-condamné M.[V] [N] à payer à Mme [S] [K] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

-rejeté toute autre demande .

-condamné M.[V] [N] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle .

-ordonné l'exécution provisoire du jugement .

M.[V] [N] a interjeté appel de la décision le 11 mai 2022 .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 décembre 2022 expurgées des demandes de « constater » , M.[V] [N] demande à la Cour de :

-infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Compiègne et par conséquent ,

-juger qu'il est recevable et bien fondé en ses demandes .

-condamner Mme [K] à lui verser la somme de 64 192 , 33 € en remboursement des prêts consentis , augmentée des intérêts au taux légal calculés à compter de la date de mise en demeure signifiée le 28 février 2014 .

-ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie .

-condamner Mme [K] à lui verser la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner Mme [K] aux entiers dépens lesquels comprendront notamment les frais d'hypothèque judiciaire provisoire dont recouvrement au profit de la SCP Gossard-[P] -Melin prise en la personne de Me [D] [P] , conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 octobre 2022, Mme [S] [K] demande à la Cour de :

à titre principal ,

-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Compiègne le 4 janvier 2022 en toutes ses dispositions .

-débouter en conséquence M.[V] [N] de l'intégralité de ses demandes , fins et prétentions .

-condamner en cause d'appel M.[V] [N] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner M.[V] [N] aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit de Me Thibaut Vandierendonck .

À titre subsidiaire ,

- rejeter toutes les demandes de remboursement formulées par M.[N] dès lors qu'elles sont supérieures à 1500 € l'unité .

-dire et juger que la condamnation susceptible d'être mise à la charge de Mme [K] ne saurait être supérieure à la somme de 19 161 € .

-débouter M.[N] de ses demandes plus amples ou contraires .

-dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles .

-statuer ce que de droit quant aux dépens , dont distraction éventuelle est requise au profit de Me Thibaut Vandierendonck avocat .

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 6 avril 2023.

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile .

SUR CE

Sur la demande en remboursement

M.[N] expose qu'il a entretenu une relation affective avec Mme [K] pendant plusieurs années, que dans le cadre de cette relation, il lui a régulièrement versé des sommes d'argent à titre de prêts en procédant à des virements de son compte bancaire sur celui de Mme [K] lesquels se sont échelonnés de novembre 2011 à décembre 2013, qu'il produit un tableau détaillant le montant des sommes virées avec leur date et ses relevés de compte, la plus importante des sommes étant celle de 25 209, 27 € pour solder un prêt immobilier que Mme [K] avait souscrit .

Il ajoute que dans un courrier daté du 13 février 2014, Mme [K] , par l'intermédiaire de son conseil avait déclaré qu'elle avait l'intention de régler ses dettes, que Mme [K] était propriétaire d'un bien situé [Adresse 2] à [Localité 3] et qu'une partie des travaux a été financée au moyen de fonds qu'il lui a prêtés, que Mme [K] a en outre réglé son emprunt immobilier au moyen de sommes qu'il lui également prêtées , que Mme [K] a vendu son bien immobilier sans que les fonds lui aient été remboursés .

Il fait valoir que Mme [K] n'a jamais contesté le montant de la somme réclamée ni le fait que ces sommes lui aient été prêtées , qu'il se trouvait dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit en raison des relations affectives entretenues , que dans le cadre d'une instance pénale qui a opposé les parties , elle a reconnu dans une audition lui devoir de l'argent , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 1348 alinéa 1er du code civil , qu'il a procédé à des versements réguliers en sa faveur et ne pouvait faire établir un écrit avant chaque versement .

A titre subsidiaire , au cas où la Cour rejetterait la qualification de prêt, il déclare qu'il est bien fondé à se prévaloir d'un enrichissement sans cause en application de l'ancien article 1371 du code civil , qu'il s'est appauvri de la somme de 64 192, 33 € tandis que Mme [K] s'est enrichie de cette somme , qu'il y a donc lieu à condamnation de l'intimée à lui régler ce montant .

Mme [K] réplique que si M.[N] démontre par ses relevés de compte qu'il a bien assumé certaines dépenses, ces documents n'établissent pas qu'il s'agit de prêts, que le fait qu'un précédent conseil ait indiqué qu'elle assumerait ses dettes ne démontre rien , qu'en effet aucune indication ne permet de déterminer de quelles dettes il s'agit ni auprès de qui elles auraient été contractées , que les conditions de l'article 1376 du code civil ne sont donc pas réunies .

Elle fait valoir que M.[N] continue à nier qu'ils aient vécu en concubinage et qu'il ne peut dans cette hypothèse déclarer qu'il se trouvait dans l'impossibilité matérielle de se procurer un écrit , qu'elle a vécu en concubinage avec ce dernier de 2010 à fin 2013 dans différentes maisons avec leurs enfants respectifs et que c'est dans ce cadre que des mouvements de fonds ont pu être effectués , que l'analyse des sommes dont le remboursement est demandé démontre qu'il s'agit de paiement de l'emprunt dont elle avait la charge pour le bien dont elle était propriétaire ou le paiement de travaux dans cette maison , mais que M.[N] n'a jamais évoqué que ces sommes étaient données à charge de remboursement , qu'il a ainsi volontairement exécuté une obligation naturelle au profit de sa concubine dont la situation financière était moins favorable. Elle souligne que M.[N] demande ce remboursement parce qu'elle a décidé de mettre fin à la vie commune , que les montants invoqués sont relativement modestes compte tenu des autres dépenses effectuées par M.[N] , qu'il ne démontre pas que l'exécution d'une obligation naturelle se soit transformée en obligation civile .

Elle ajoute que M.[N] ne peut invoquer à titre subsidiaire un enrichissement sans cause pour justifier sa condamnation , que cette théorie ne peut être utilisée que si le demandeur ne dispose d'aucune autre action susceptible de fonder ses prétentions, et que par ailleurs , les mouvements de fonds ont été opérés pour exécuter une obligation naturelle entre concubins .

A titre subsidiaire , elle fait valoir qu'en application de l'article 1359 du code civil , pour une somme prêtée excédant 1 500 € , il doit être établi un écrit sous seing privé ou un acte authentique, qu'en l'absence d'écrits, les demandes de remboursement de sommes supérieures à 1 500 € doivent être rejetées, que dès lors seule une somme totale de 19 161 € peut être réclamée .

Aux termes de l'article 1902 du code civil , l'emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées en même quantité et qualité et au terme convenu .

Par ailleurs , il résulte des dispositions combinées des articles 1315, 1341 et 1348 du code civil dans leur version applicable au litige , qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et qu'il doit être passé acte par écrit de toute chose excédant 1 500 € sauf à ce que celui qui se prétend créancier de justifier s'être trouvé dans l'impossibilité morale de se procurer la preuve littérale de l'obligation. Dans ce dernier cas , la preuve par témoins , indices ou présomptions est admise .

En application de ces dispositions , il est considéré que l'impossibilité morale de se procurer un écrit doit résulter de circonstance particulières.

En l'espèce , les pièces produites démontrent que M.[N] et Mme [S] [K] ont entretenu une relation affective pendant plusieurs années et ont vécu ensemble ce qui permet d'admettre l'impossibilité morale de se procurer un écrit pour certaines des sommes revendiquées .Il revient dès lors à M.[N] de démontrer par tous moyens l'existence des prêts invoqués .

Les relevés bancaires de M.[N] démontrent qu'il a effectué des virements mensuels réguliers d'un montant de 898 € dont le bénéficiaire était Mme [K] de novembre 2011 à décembre 2012 , puis à compter de 2013 ces virements se sont élevés à 949 € jusqu'au 11 décembre 2013, et il n'est pas contesté qu'ils correspondent à des mensualités d'un emprunt contracté par Mme [K] pour l'achat d'un bien immobilier .

M.[N] démontre également avoir effectué un virement de 25 209, 07 € le 29 mai 2012 sur le compte de Mme [K] , cette somme correspondant à un remboursement anticipé par Mme [K] au Crédit Agricole Brie Picardie d'un prêt qu'elle avait contracté, selon courrier de cette banque à cette même date. Il démontre également avoir réglé par chèque le 12 septembre 2012 la somme de 7 557, 26 € qui correspond à une facture d'électricité du même montant établie au nom de Mme [K], facture afférente à des travaux effectués sur un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 3], lequel appartenait à Mme [K] .Il a également procédé à d'autres virements au bénéfice de Mme [K] notamment d'un montant de 2 700 € le 22 septembre 2012 de 2365 € le 15 octobre 2012 intitulé « Mme [Y] [K] taxe foncière 24 Carnot » et d'un montant de

7 200 € le 18 janvier 2013 .

La preuve de la remise des fonds à Mme [K] est démontrée , contrairement à ce qui est allégué par l'intimée , il ne s'agit pas de sommes modestes par lequel le concubin exécute une obligation naturelle dans le cadre de la vie commune, mais de sommes importantes effectuées au seul bénéfice de Mme [K] concernant pour la plupart l'acquisition de son bien immobilier et sa rénovation .Il convient d'observer en outre que Mme [K] par l'intermédiaire de son conseil dans un courrier du 13 février 2014 déclarait avoir « été très surprise de recevoir un tel envoi (une signification ) alors qu'il n'a jamais été dans ses intentions de ne pas régler les dettes qu'elle a pu contracter dés lors qu'elle sera en mesure de percevoir le prix de la vente de son immeuble » , et il est justifié de la vente de cet immeuble, intervenue le 26 décembre 2014 .

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M.[V] [N] rapporte la preuve de l'existence de prêts consentis à Mme [S] [K] et son absence d'intention libérale à l'égard de son ancienne compagne. Malgré une mise en demeure de payer , Mme [K] n'a remboursé aucune somme, il convient donc d'infirmer le jugement et de condamner Mme [S] [K] à payer à M.[N] la somme de 64 192, 33 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2014, date de la mise en demeure de payer .

La Cour rappelle que l'exécution provisoire n'a pas à être prononcée .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Mme [K] succombant en ses prétentions sera condamnée à payer à M.[V] [N] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel .

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

statuant à nouveau

Condamne Mme [S] [K] à payer à M.[V] [N] la somme de 64 192, 33 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2014 .

Condamne Mme [S] [K] à payer à M.[V] [N] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne Mme [S] [K] aux entiers dépens lesquels comprendront les frais d'hypothèque judiciaire provisoire , et accorde à la SCP Gossard [P] Melin prise en la personne de Me [M] [P] un droit de recouvrement direct.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/02336
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;22.02336 ?
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