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13/06/2023 | FRANCE | N°21/05592

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 13 juin 2023, 21/05592


ARRET



















[P]





C/



S.A. SOCIETE GENERALE









FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 13 JUIN 2023





N° RG 21/05592 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IJBT



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [H], [N], [Z] [P]<

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[Adresse 4]

[Localité 2]





Représenté par Me Marc SADOUDI, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160





ET :





INTIMEE







S.A. SOCIETE GENERALE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]





R...

ARRET

[P]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 13 JUIN 2023

N° RG 21/05592 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IJBT

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [H], [N], [Z] [P]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Marc SADOUDI, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

ET :

INTIMEE

S.A. SOCIETE GENERALE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric KRAMER de la SCP FABIGNON,LARDON-GALEOTE,EVEN,KRAMER,REBOURCE, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

DEBATS :

A l'audience publique du 04 Avril 2023 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023.

GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [R] [O] en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SA Société générale a consenti à la SARL Les manoirs du carrelage différents concours comme suit :

Le 21 octobre 2009 un prêt d'un montant de 20 000 € pour financer des travaux, remboursable après un différé de trois mois au taux de 4,67% en 45 mensualités de 485,36 € ;

Le 1er mars 2010 un prêt d'un montant de 8 200 € pour financer des travaux dans le local professionnel selon les mêmes modalités que le précédent mais remboursable au taux de 4,11% selon des mensualités de 196,94€.

M. [H] [P] gérant de la SARL Les manoirs du carrelage s'est porté caution de ces prêts de façon limitée.

Par jugement du 6 juin 2011 la SARL Les manoirs du carrelage a été placée en procédure de sauvegarde et un plan de sauvegarde d'une durée de 10 ans arrêté le 2 mai 2012.

Par jugement du 3 septembre 2012 le plan de sauvegarde a été résolu et la liquidation judiciaire de la SARL Les manoirs du carrelage prononcée.

La SA Société générale a déclaré des créances.

Après avoir mis en demeure M. [H] [P] de payer diverses sommes en exécution de son engagement de caution, la SA Société générale, par acte d'huissier en date du 14 novembre 2019 l'a assigné en paiement devant le tribunal de commerce de Compiègne qui par jugement en date du 29 septembre 2021 l'a condamné à payer la somme de 6 500 € avec intérêts au taux de 4,67% à compter du 9 octobre 2019, 2 665 € avec intérêts au taux de 8,11% à compter du 31 décembre 2018, ordonné l'anatocisme et condamné au paiement de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil et à supporter les dépens.

Par déclaration en date du 6 décembre 2021 M. [H] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises le 6 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, M. [H] [P] demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau de :

-débouter la SA Société générale de ses demandes pour violation du principe de proportionnalité et subsidiairement pour défaut de mise en garde et de condamner la Société générale au paiement de dommages et intérêts équivalents aux sommes réclamées  ;

-prononcer subsidiairement la nullité des engagements de caution pour réticence dolosive et subsidiairement en raison du manquement à l'obligation d'information et de condamner la Société générale au paiement de dommages et intérêts équivalents aux sommes réclamées ;

-limiter plus subsidiairement le montant des condamnations ;

-prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

-condamner la SA Société générale à payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

-accorder en cas de condamnation des délais de paiement dont à déduire les sommes versées par l'autre caution à hauteur de 3 300 €.

Par conclusions remises le 28 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la SA Société générale demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, subsidiairement d'assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal et en cas d'échelonnement de la dette de prévoir une déchéance du terme et de condamner M. [H] [P] au paiement de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

SUR CE :

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SA Société générale, développée par M. [P] dans ses conclusions mais dont il n'est pas tiré les conséquences au dispositif de ces dernières est irrecevable en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur les engagements de caution

Aux termes des articles L. 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve de la disproportion manifeste de l' engagement lors de sa souscription repose sur la caution et celle relative à la disparition de cette disproportion sur le créancier.

Lors de la souscription la disproportion de l' engagement de caution s'apprécie au regard des éléments fournis par la caution justifiant de sa situation financière et patrimoniale.

Il est rappelé qu'en cas de disproportion avérée de l'engagement, ce dernier n'est pas nul, la caution étant seulement déchargée de l'obligation de garantir l'emprunteur principal.

Pour justifier de la disproportion des engagements souscrits le 30 septembre 2009 à hauteur de 6 500 et le 1er mars 2010 à hauteur de 2 665 € M. [H] [P] produit une attestation de vente immobilière par lui et sa compagne d'un bien immobilier, en date du 12 octobre 2010, un courrier de la SA Société générale par lequel elle lui adresse un acte de cautionnement solidaire à hauteur de 30 332 € pour garantir une société « esprit bain » et en pièce n°23 un avis d'imposition portant sur ses revenus au titre de l'année 2009.

Il ne justifie pas de sa situation patrimoniale et notamment du prix de vente de son immeuble dont il était propriétaire avec sa compagne, ni de ses revenus au titre des mois de janvier et février 2010 et notamment des revenus de l'exploitant que lui procurait l'exploitation de la SARL Les manoirs du carrelage, à la date des souscriptions, la pièce n°4 contrairement à ce qui est renseigné dans le bordereau (ressources et charges fixes de M.[P]) étant un accord de cautionnement du crédit logement relatif à une offre de prêt du mois de décembre 2015.

Si la feuille d'imposition de l'année 2010 portant sur les revenus 2009 renseigne sur une somme annuelle de 19 511 € soit 1 625 € par mois, M. [P] ne justifie pas de ses charges.

Les pièces produites portant sur ses ressources et ses charges concernent principalement les années 2020, 2021 et 2022

M. [P] est dans ces conditions défaillant à établir la disproportion des engagements souscrits par rapport à sa situation patrimoniale.

Partant les engagements sont opposables à M. [P].

Il est admis qu'un établissement de crédit qui octroie un prêt à un emprunteur non averti est tenu à l'égard de celui-ci d'un devoir de mise en garde et à une obligation d'information à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques d'endettement né de l'octroi des prêts.

En l'espèce M. [H] [P] soutient que le manquement de l'obligation de mise en garde est caractérisé à raison de la disproportion des engagements souscrits au regard de sa situation patrimoniale.

M. [H] [P] comme déjà indiqué plus haut ne rapporte pas la preuve de la disproportion de sorte que ce moyen tiré du manquement à l'obligation de mise en garde sera également écarté.

M. [H] [P] soutient par ailleurs que la banque a manqué à son obligation d'information quant à la nature de la garantie Oséo. Il soutient qu'il n'avait pas mesuré sa subsidiarité, de sorte que ce manquement permet de fonder une annulation de ses engagements de caution pour dol.

Les offres de prêt contiennent un paragraphe « garanties » contenant un sous-paragraphe relatif aux assurances décès invalidité incapacité de travail, un sous-paragraphe relatif aux engagements de cautions solidaires de M. [H] [P] et de M. [G] [M] et un sous-paragraphe relatif à la garantie Oséo. Ce dernier est rédigé comme suit : « garantie de Oséo Sofaris au seul profit de la banque à hauteur de 50 % de l'encours du prêt. Le client autorise la banque à communiquer à Oséo toute information le concernant pour assurer le suivi de son engagement ».

M. [H] [P] ne s'explique pas sur les difficultés qu'il a pu rencontrer pour comprendre que l'engagement Oséo ne profite qu'à la banque et qu'il a autorisé cette dernière à tenir informer cet organisme des informations lui permettant le suivi de son engagement, et ne démontre pas en quoi cette garantie telle que formulée au contrat constitue une man'uvre dolosive au point de fonder sa demande de nullité portant sur les deux engagements.

D'ailleurs c'est précisément parce que ce mécanisme de la garantie Oséo a été mis en place que la SARL Les manoirs du carrelage a pu emprunter et que les engagements de caution de M. [P] ont été limités dans leur montant.

En conséquence, M. [H] [P], qui ne démontre pas les man'uvres de la banque, est débouté de sa demande d'annulation de ses engagements de caution pour man'uvres dolosives.

Par ailleurs le manquement à l'obligation d'information ne peut fonder une action en nullité de sorte que la demande d'annulation sur ce fondement est également écartée.

Sur le montant des sommes dues

Si la SA Société générale produit la copie d'une liasse de lettres datées des mois de mars 2011, 2012,2013,2015,2016 et 2018 intitulées « information annuelle des cautions » contenant les mentions [H] [P] et une adresse, ces documents sont insuffisants à démontrer qu'elle a respecté l'obligation d'information annuelle prévue à l'article L.313-22 du code monétaire et financier durant toute la durée de l'engagement en ce que d'une part les envois sont manquants pour l'année 2014 et 2017 et que d'autre part il n'est pas établi que M. [H] [P] ait été destinataire de ces envois s'agissant de lettres simples.

En conséquence il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel.

Le défaut d'accomplissement de la formalité d'information annuelle emporte, dans les rapports entre la  caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Se prévalant de l'article 1313 du code civil M. [P] soutient qu'outre la déchéance du droit aux intérêts, il convient de déduire des sommes dues les paiements effectués par l'autre caution pour calculer les sommes qu'il doit réellement à la banque au titre de ses engagements.

Les sommes dues se décomposent dans ces circonstances comme suit :

Au titre du premier prêt si la banque produit la copie du contrat portant sur la somme de 20 000 € et l'engagement de caution relatif à ce prêt, elle ne produit pas le tableau d'amortissement permettant de faire application des dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier. Elle se contente de produire en pièce n° 4 un tableau d'amortissement relatif à un prêt d'un montant en principal de 11 824,25 € et des décomptes portant sur ce prêt, qu'il n'est pas possible de relier au prêt litigieux.

Dans ces circonstances la SA Société générale est défaillante à rapporter la preuve des sommes dues par M. [P] au titre de ce prêt dont il s'est porté caution à hauteur de 6 500 €.

Pour le second prêt, à hauteur de 8 200 €, la banque produit le tableau d'amortissement en pièce n°7. Ce document permet de faire application de l'article L.313-22 du code monétaire et financier. Après déduction des mensualités payées par le débiteur principal jusqu'au 12 juin 2011 soit 2 492,46 € et 2 000 € au titre des versements réalisées par M. [M], les sommes dues s'élèvent à 3 707,54 €.

M. [P] s'étant engagé à garantir le remboursement de ce prêt dans la limite de 2 665 €, il convient de limiter la condamnation à son endroit à cette somme, assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2019 date de l'assignation.

Sur les demandes accessoires

Chaque partie succombant il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de les partager par moitié entre chacune d'elle. Dans ces circonstances il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe;

Infirme le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau :

Déclare les engagements de caution opposables à M. [H] [P] ;

Déboute la SA Société générale de sa demande en paiement au titre de l'engagement portant sur le prêt de 20 000 euros ;

Condamne M. [H] [P] à payer à la SA Société générale la somme de 2 665 € assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2019 date de l'assignation, au titre du prêt de 8 200 € ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

Fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront partagés par moitié entre les parties.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/05592
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;21.05592 ?
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