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08/06/2023 | FRANCE | N°22/03179

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 08 juin 2023, 22/03179


ARRET

























S.E.L.A.R.L. EVOLUTION









C/







S.A.S. L'IMMOBILIERE D'ILE DE FRANCE





Société TELECOISE

[S]









CV



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 08 JUIN 2023





N° RG 22/03179 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPUO





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 31

MAI 2022



APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :







APPELANTE







S.E.L.A.R.L. EVOLUTION prise en la personne de son représentant légal, es qualités de Liquidateur à la liqu...

ARRET

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION

C/

S.A.S. L'IMMOBILIERE D'ILE DE FRANCE

Société TELECOISE

[S]

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/03179 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPUO

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 31 MAI 2022

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION prise en la personne de son représentant légal, es qualités de Liquidateur à la liquidation judiciaire de SAS TELECOISE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Audrey BOUDOUX D'HAUTEFEUILLE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 90

ET :

INTIMEE

S.A.S. L'IMMOBILIERE D'ILE DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65 et ayant pour avocat plaidant Me Anne COURAUD, avocat au barreau de PARIS.

ET :

PARTIE INTERVENANTES

Société TELECOISE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 5]

Assignée selon l'article 659 du code de procédure civile, le 28 septembre 2022

Monsieur [N] [S]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Assigné à domicile, le 28 septembre 2022

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Février 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Sophie TRENCART, Adjointe administrative faisant fonction

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 08 juin 2023.

Le 25 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La Sa L'Immobilière d'Ile de France a entrepris en qualité de promoteur, la réalisation d'un ensemble immobilier composé de 182 chambres d'étudiants, d'un logement de gardien et de 151 places de stationnement [Adresse 9] ( 92 ) .

Elle a conclu notamment avec la société Télécoise chargée du lot électricité, un contrat de marché le 2 mai 2018, moyennant un prix de 831 166 € HT , soit 997 399, 20 € TTC. Plusieurs avenants ont été régularisés portant le marché à la somme de 1 025 014, 10 € TTC. L'achèvement des travaux tous corps d'état était prévu au 1er octobre 2019 .

Par jugement en date du 31 janvier 2019, le tribunal de commerce d'Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Télécoise et désigné la Selarl Grave Randoux en qualité de mandataire judiciaire .

Par jugement en date du 1er juillet 2019 , le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire et désigné la Selarl Grave Randoux en qualité de liquidateur.

Par courrier en recommandé avec accusé de réception en date du 4 avril 2019, la société l'Immobilière d'Ile de France a procédé à une déclaration de créance pour un montant de 188 016, 54 € à titre chirographaire .

Par courrier en date du 30 janvier 2020 , la Selarl Grave Randoux a contesté la créance et sollicité son rejet. Par ordonnance du 6 octobre 2020 , le juge- commissaire s'est déclaré incompétent et a invité la partie la plus diligente à saisir le tribunal compétent .

Par acte d'huissier en date du 27 octobre 2020, la société l'Immobilière d'Ile de France a fait assigner la Selarl Grave Randoux ès qualités devant le tribunal de commerce d'Amiens afin que sa créance soit fixée au passif de la société Télécoise à la somme de 188 016, 54 € .

Par jugement en date du 31 mai 2022, le tribunal de commerce d'Amiens a fixé au passif de la société Télécoise les créances de la société l'Immobilière Ile de France à la somme en principal de 108 458, 74 € et celle de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe le 27 juin 2022, la Selarl Evolution (anciennement Selarl Grave Randoux) a interjeté appel de la décision.

Le dossier a été fixé à bref délai par ordonnance en date du 5 septembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 février 2023 expurgées de ses demandes de « juger », la Selarl Evolution demande à la Cour de :

-déclarer son appel recevable et bien fondé.

-infirmer le jugement en ce que Tribunal s'est déclaré compétent et en toutes ses autres dispositions.

Statuant de nouveau,

-déclarer le tribunal de commerce incompétent pour connaître du litige.

-déclarer les demandes irrecevables

-au fond, si la Cour ne retenait pas les moyens d'irrecevabilité, débouter la société Immobilière Ile de France de toutes ses demandes.

-déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 € .

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

-condamner la société l'Immobilière d'Ile de France à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société Immobilière de France aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Dominique-Anne André .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 10 février 2023 , la société l'Immobilière d'Ile de France demande à la Cour de :

-déclarer la Selarl Evolution es qualités de mandataire judiciaire de la liquidation de la société Télécoise irrecevable et mal fondée en son appel.

-l'en débouter .

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a fait droit à ses demandes de fixation de sa créance au passif de la société Télécoise au paiement des sommes de 20 500 €, 60 311, 23 € , 5 797, 44 € et 22 118, 40 € .

-l'infirmer pour le surplus

Statuant à nouveau,

-fixer la créance de la société l'Immobilière d'Ile de France au passif de la société Télécoise à hauteur de 188 016, 54 € TTC à titre chirographaire.

-débouter la Selarl Evolution ès qualités de ses demandes.

-condamner la Selarl Evolution ès qualités à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 16 février 2023.

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la compétence du tribunal de commerce d'Amiens

La Selarl Evolution ès qualités fait valoir que le contrat comporte une clause attributive de compétence exclusive au profit du Tribunal de Grande Instance sans autre précision, que la société l'Immobilière d' Ile de France a cru devoir saisir le Tribunal de Commerce d'Amiens qui a donc été irrégulièrement saisi, que le tribunal de commerce aurait dû dire qu'il ne disposait d'aucun pouvoir juridictionnel pour statuer et aurait dû déclarer les demandes irrecevables.

Elle fait valoir que dans l'hypothèse où la clause attributive de compétence n'aurait pas porté effet , la société l'Immobilière d'Ile de France aurait dû saisir la juridiction de droit commun compétente, le tribunal de commerce de Beauvais, tribunal du siège social de Télécoise, ou le tribunal de commerce de Nanterre , tribunal du lieu d'exécution des travaux, que pour déterminer le montant d'une créance, les règles de la procédure collective ne s'appliquent pas. Elle déclare qu'elle a bien désigné dans ses conclusions , la juridiction devant laquelle l'affaire devait être portée , qu'au surplus, elle ne s'était pas prévalue d'une exception d'incompétence mais d'une fin de non- recevoir puisqu'il s'agit d'un défaut de pouvoir juridictionnel, ajoute que la société l'Immobilière d'Ile de France n'a fait aucune référence à un privilège de juridiction dans ses conclusions, que par ailleurs, au jour de la saisine du tribunal de commerce, M.[S] avait cessé ses fonctions de président du tribunal de commerce de Beauvais deux auparavant et que le privilège de juridiction de l'article 47 du code de procédure civile ne s'appliquait pas.

Elle ajoute qu'en application de l'article R 624-5 du code de commerce, la juridiction compétente doit être saisie dans un délai d'un mois à peine de forclusion, que la saisine du tribunal de commerce n'a eu aucun effet interruptif de prescription .

La société l'Immobilière d'Ile de France fait valoir que le tribunal de commerce d'Amiens était parfaitement compétent pour connaître du litige. Elle souligne que la Selarl Evolution qui a soulevé l'incompétence du tribunal n'a pas désigné la juridiction compétente, que son exception d'incompétence est donc irrecevable et qu'il y a lieu de confirmer le jugement. Elle ajoute que le bénéficiaire d'une clause attributive de compétence est libre d'y renoncer ce qu'elle a fait en saisissant le tribunal du lieu de la procédure collective, que la Selarl Evolution a elle-même renoncé à se prévaloir de ladite clause en l'assignant devant le tribunal de commerce de Paris pour la voir condamnée au paiement d'un prétendu solde de marché, qu'en l'espèce, la faculté qui lui était offerte de saisir le tribunal de commerce de Beauvais, se heurtait à l'application de l'article 47 du code de procédure civile .

Elle ajoute qu'elle a saisi le tribunal dans le délai qui lui était imparti, que l'acte introductif d'instance interrompt le délai de forclusion et ce, même lorsque la demande est portée devant une juridiction incompétente. Elle déclare que le tribunal de commerce est compétent pour connaître des contestations relatives aux engagements entre commerçants, qu'en aucun cas il ne peut être soutenu que le tribunal n'aurait pas le pouvoir juridictionnel de statuer, qu'il n'existe donc aucune irrecevabilité liée à une prétendue incompétence du tribunal de commerce d'Amiens .

Selon l'article 75 du code de procédure civile, s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas, devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée .

Il est constant que le contrat a été signé entre la société l'Immobilière d'Ile de France sise [Adresse 3] et la société Télécoise ayant son siège à [Localité 5], il comporte une clause indiquant « qu'il est expressément convenu que toutes les contestations se rapportant à l'interprétation ou l'exécution du marché et qui ne pourraient être réglées amiablement seront, en cas d'échec, de la compétence exclusive du tribunal de grande instance nonobstant toutes clauses attributives de compétence dont pourrait se prévaloir l'entrepreneur » .

Il ne peut être soutenu que la Selarl Evolution doit être déclarée irrecevable en sa demande d'exception d'incompétence au motif qu'elle n'aurait pas désigné la juridiction compétente, puisqu'elle a indiqué que devait être saisi le tribunal judiciaire de Beauvais siège social de Télécoise ou le tribunal judiciaire de Nanterre, tribunal du lieu d'exécution des travaux.

En revanche il ne peut être argué par la Selarl Evolution d'un défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce puisque le tribunal de commerce est compétent pour connaître des contestations relatives aux engagements de commerçants en application de l'article L 721-3 du code de commerce.

S'agissant de la clause attributive de compétence , cette dernière figure aux conditions générales fixées par la société l'Immobilière d'Ile de France, et donc dans son intérêt exclusif, elle seule disposait donc de la faculté d'y renoncer ce qu'elle a fait en saisissant le tribunal de commerce et ce, alors qu'il s'agit d'un engagement entre deux sociétés commerciales, aucune irrecevabilité ne peut donc être relevée de ce chef .

Concernant la saisine du tribunal de commerce d'Amiens et non celle du tribunal de commerce de Beauvais, il n'est pas contesté que M.[N] [S], président de la société Télécoise,était l'ancien président du tribunal de commerce de Beauvais, raison pour laquelle la procédure collective de la société Télécoise a été ouverte auprès du tribunal de commerce d'Amiens, il ne peut donc être fait grief à la société l'Immobilière d'Ile de France, même si son assignation ne faisait pas état de l'article 47 du code de procédure civile d'avoir saisi le tribunal de commerce d'Amiens, nonobstant le fait que M.[S] ait cessé ses fonctions de magistrat à la date de la saisine, le devoir d'impartialité s'imposant à toute juridiction.

Enfin, il convient d'observer que la société l'Immobilière d'Ile de France a respecté les dispositions de l'article R 624-5 du code de commerce puisqu'elle disposait d'un mois à peine de forclusion pour saisir la juridiction compétente à compter de la notification de l'ordonnance du juge commissaire ,or l'ordonnance a été rendue le 6 octobre 2020, notifiée par lettre en recommandé avec accusé de réception à une date non précisée mais l'assignation a été délivrée le 6 novembre 2020 .

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision en ce que le tribunal de commerce d'Amiens s'est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société Immobilière d'Ile de France.

Sur la créance

a) pénalités de retard

Le tribunal a rejeté les demandes présentées à ce titre pour un montant total de 48 050 € au motif que la société l' Immobilière d'Ile de France ne produisait pas de planning revêtant un caractère contractuel

La Selarl Grave Randoux conclut à la confirmation du jugement, fait valoir que la société Immobilière Ile de France ne peut réclamer des pénalités de retard à hauteur de 18 450 € , 9 600 € et 20 000 € soit 48 050 € au total, qu'il n'est pas dûment justifié de la conformité des modalités de détermination des pénalités de retard aux stipulations des conventions conclues entre les parties, que pour exiger le paiement de telles pénalités, encore faut - il qu'il existe un planning d'exécution contractuel, qu'enfin une clause pénale prévue pour sanctionner un retard ne peut jouer en cas d'inexécution pure et simple de l'obligation, que ces dernières sont de surcroit excessives.

La société l'Immobilière d'Ile de France réplique que les pénalités de retard sont prévues par les articles 15.3 et 36.1 du contrat, la pénalité journalière étant fixée à 1/ 1000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée, que conformément au calendrier détaillé d'exécution ayant valeur contractuelle, l'achèvement des travaux tous corps d'état était prévu pour le 1er octobre 2019 et que l'achèvement du lot électricité était prévu pour le 30 septembre 2019, que dès le début des travaux, la société Télécoise a accumulé des retards sur le lot dont elle avait la charge ce qui a retardé également les travaux de gros oeuvre qui dépendaient de son intervention, que les pénalités s'élèvent à 18 450 € TTC au titre des pénalités de retard sur travaux au 1er avril 2019, à 9 600 € au titre des pénalités pour retard sur études au 1er avril 2019 et à la somme de 20 000 € s'agissant d'une provision, sa créance étant bien plus importante que la créance déclarée .

Si la société l'Immobilière d'Ile de France produit aux débats le contrat conclu entre les parties duquel il ressort qu'en application des clauses 15.3 , page 41 et 36.1 page 63 , des pénalités de retard étaient prévues en cas de retard dans la réalisation des travaux précisant que la pénalité journalière était fixée à 1/ 1000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée , le montant de cette pénalité journalière ne pouvant en aucun cas être inférieur à 300 € et un calendrier contractuel d'exécution, signé notamment par la société Télécoise , elle ne justifie pas par ses pièces du nombre de jours de retard subi dans l'exécution des travaux avant la résiliation du marché elle doit donc être déboutée de sa demande concernant la somme de 18 450 € TTC .Il en est de même pour la somme de 20 000 € réclamée à titre de provision étant observé que le marché selon ses pièces a été résilié le 6 juillet 2019.

En revanche , la société l'Immobilière d'Ile de France justifie que le dossier d'études et synoptique des colonnes que devait produire la société Télécoise n'a été produit qu'avec deux mois de retard , elle est bien fondée à ce titre à réclamer des pénalités de retard pour un montant de 9 600 € ,ce montant ne pouvant être qualifié d'excessif et donner lieu à réduction .

b) la retenue de garantie

Le tribunal a rejeté la somme déclarée d'un montant de 51 250, 70 € TTC au titre d'une retenue de garantie .

La société l'Immobilière d'Ile de France conclut à l'infirmation du jugement de ce chef , fait valoir qu'en application de la loi n°71-584 du 16 juillet 1971, le maître de l'ouvrage peut retenir sur les paiements une somme égale au plus à 5 % du montant TTC des travaux à l'effet de garantir l'exécution par l'entrepreneur de ses obligations et plus particulièrement la levée des réserves et même la reprise de menues imperfections et malfaçons , que l'article 5 du contrat fixe à 5 % le montant de la retenue de garantie, que si l'entrepreneur pouvait substituer à la retenue de garantie une caution , ceci n'a pas été effectué, que le montant de la garantie s'élève en l'espèce à 51 250, 70 € .Elle souligne que le constat d'huissier du 4 juillet 2019 justifie de l'état d'avancement des travaux et des reprises à effectuer, que la retenue de garantie doit donc être affectée aux travaux de reprise .

La Société Evolution réplique que ce chef de créance doit être rejeté ainsi que l'a fait le Tribunal qu'une retenue de garantie doit avoir été stipulée au contrat , ce qui n'est pas le cas en l'espèce , que par ailleurs, l'objet de la retenue de garantie est limité à la levée de réserves et non à la bonne fin du chantier .

Si le contrat prévoyait dans son article 34-1 une retenue de garantie fixé à 5 % du montant définitif , dont la consignation devait intervenir entre les mains de la société l'Immobilière d'Ile de France , il est constant que la retenue de garantie vise à garantir l'exécution des travaux de levée de réserves et non la bonne fin du chantier, non façons et / ou malfaçons ainsi que cela a été constaté en l'espèce le 4 juillet 2019, il convient donc de rejeter cette demande, le jugement sera confirmé .

le compte prorata

Le tribunal a admis le montant de 20 500 € sollicité au motif que l'article 7 du marché stipulait que l'entreprise participerait au compte prorata du chantier dont la gestion est assurée par le gros oeuvre et que l'article 55.1 du CNMPTCP fixait à 2% du montant du marché le compte prorata .

La Selarl Evolution sollicite l'infirmation du jugement sur ce point, faisant valoir que le compte prorata suppose un écrit et qu'à défaut de convention écrite, il ne saurait y avoir matière à un quelconque règlement, que par ailleurs, il appartient à la société l' Immobilière l'Ile de France de démontrer la réalité d'une faute commise par Télécoise.

La société l'Immobilière d'Ile de France réplique que le compte prorata est un compte sur lequel sont regroupées les dépenses communes des entrepreneurs intervenant sur un chantier , avant d'être imputées à chacun d'eux en fonction du montant de leur lot de travaux , que la répartition entre les entreprises est déterminée avant le démarrage du chantier qu'en l'espèce il s'élève à 2 % du marché et qu'elle n'a pas à démontrer l'existence d'une faute de Télécoise à qui il n'est pas demandé de payer des factures impayées, mais d'appliquer purement et simplement le contrat au titre de sa participation, qu'il convient donc de confirmer le jugement .

Le marché de travaux conclu entre la société l'Immobilière d'Ile de France et la société Télécoise précisait dans son article 7 (pièce n°1 ) et 39 et suivants ( pièce n°10 ) que l'entreprise participerait au compte prorata du chantier , cette dernière s'élevant selon l'article 41.21 à 2 % du marché soit en l'espèce à 20 500 € ( 1 025 014, 10 € x 2% ) , il s'agit d'une participation aux dépenses communes qui a été prévue contractuellement , la société l' Immobilière d'Ile de France n'a pas à faire la démonstration d'une faute de Télécoise , le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 20 500 € .

d) les travaux de reprise et la somme sollicitée au titre du surcoût lié à la reprise du marché

Le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 44.3 du contrat et déclaré qu'il était patent que la défaillance de la société Télécoise et les désordres ou malfaçons affectant les travaux avaient obligé l'Immobilière d'Ile de France à mandater d'autres entreprises pour reprendre et achever les chantiers, que dès lors que l'Immobilière d'Ile de France justifiait de travaux commandés et exécutés par les entreprises tierces à hauteur de 60 042, 90 € et de fournitures pour 90,14 € , 116, 51 € 22, 05 € et 39,99 € , la somme globale de 60 311, 23 € devait être retenue en fixation au passif outre celle de 5 797, 44 € au titre de la reprise des études et celle de 22 118, 40 € au titre de la reprise des plafonds . Il a rejeté la somme sollicitée au titre d'un surcoût , au motif qu'elle n'était pas certaine , liquide et exigible .

La Selarl Evolution demande l'infirmation du jugement pour les sommes retenues et le débouté pour les autres, faisant valoir que les divers chefs de créance n'apparaissent pas suffisamment établis et qu'il s'agit d'un enrichissement sans cause pour l'Immobilière d'Ile de France .

La société l'Immobilière d'Ile de France réplique que l'article 44.3 du marché prévoyait que le promoteur pourrait faire intervenir une nouvelle entreprise aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant afin d'achever les travaux, et que ces dépenses ainsi que les préjudices directs ou indirects qui pourraient résulter de la résiliation seraient supportés par l'entrepreneur défaillant, qu'en l'espèce, la défaillance de la société Télécoise est patente, que durant l'exécution des travaux elle lui a adressé plusieurs mises en demeure qui sont demeurées vaines, que l'arrêt d'activité de cette entreprise, les désordres et les malfaçons affectant les travaux l'ont contrainte à mandater d'autres entreprises pour reprendre ou achever ces derniers, qu'il s'agit des sommes suivantes :

48 500 €, 2910 90 €, 3 900 €, 4 732, € soit 60 042, 90 € outre les sommes au titre de fournitures de 90, 14 €, 116, 15 €, 22, 05 € , 39, 99 € , soit une somme totale de 60 311, 23 €, que cette somme a donc été retenue à juste titre par le tribunal , ainsi que les sommes de 5 797, 44 € pour la reprise des études par Enedis et celle de 22 118, 40 € pour la reprise des plafonds, que le jugement doit être confirmé, la Selarl Evolution ne contestant pas sérieusement ces demandes .

Elle fait valoir que le surcoût lié à la reprise du marché s'élève à la somme de 44 830, 85 € HT soit 53 797, 02 € , faisant valoir que le marché Télécoise s'élevait à 831 166 € HT qu'elle a engagé des frais auprès d'autres entreprises Gael Bat et Cesa pour un montant de 875 996, 85 € que le surcoût du marché est donc la différence entre ces deux sommes .

L'article 44.3 inséré au chapitre conséquences de la résiliation , prévoyait que le promoteur pourrait faire intervenir toute nouvelle entreprise, aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant, afin d'achever les travaux et indiquait que les excédents de dépenses issus du marché de substitution ainsi que les préjudices directs ou indirects qui pourraient résulter de la résiliation seraient supportés par l'entrepreneur défaillant et prélevés sur les sommes qui pourraient encore lui être dues tant au titre des situations en cours de règlement que de la retenue de garantie sans préjudice de toute autre action susceptible d'être exercée par le promoteur en cas d'insuffisance .

La société l'Immobilière d'Ile de France justifie avoir adressé à la société Télécoise plusieurs mises en demeure suite à des carences observées dans le déroulement de ses opérations , un procès- verbal établi par huissier de justice le 4 juillet 2019 souligne un certain nombres de désordres ou d'absence d'exécution dont il n'est pas contesté qu'ils concernent l'installation électrique à la charge de Télécoise , les photographies attestant de ces désordres. Elle justifie avoir mandaté des entreprises pour reprendre et / ou achever les travaux pour les montants de 48 500 € , 3 900 € , 4372 € , ces sommes sont retenues , en revanche aucune pièce ne justifie de la somme de 2 910, 90 € réclamée , il convient de la rejeter , soit une somme de 56 772 € à laquelle s'ajoutent les fournitures ( 90, 14 € , 116, 15 € , 22, 05 € et 39, 99 € ) dont les factures sont produites , soit une somme totale de 57 040, 33 € .A cette somme s'ajoute celle de 5 500 € pour la reprise des études ( et non celle de 5 797, 44 € ) .S'agissant de la somme de 22 118, 40 € pour la reprise des plafonds , celle ci doit être rejetée puisqu' aucune pièce n'en justifie , il convient donc de retenir une somme totale au titre des travaux de reprise de 62 540, 33 € .

Si la société l'Immobilière d'Ile de France justifie avoir mandaté deux entreprises la société Gael Bat et la société Cesa afin de reprendre le marché du lot électricité et produit le devis de la société Gael Bat mentionnant les éléments d'équipements fournis et ses prestations , il n'est pas produit le détail des prestations qui avaient été commandées à la société Télécoise, ni de rapport amiable d'expertise qui permettrait de déterminer avec exactitude ce qui a été exécuté ou non, de sorte que le surcoût de chantier allégué n'est pas démontré, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société l'Immobilière d'Ile de France de sa demande à ce titre .

e) la demande de dommages et intérêts

Le tribunal a rejeté cette demande estimant cette dernière injustifiée .

La société l'Immobilière d'Ile de France sollicite l'inscription au passif de la liquidation judiciaire d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts faisant valoir que les mises en demeure établissent les retards et malfaçons de la société Télécoise , que sa défaillance est à l'origine d'un important préjudice pour le maitre de l'ouvrage qui a dû consacrer un temps considérable pour pallier cette situation .

La Selarl Evolution réplique que le préjudice n'est pas démontré et que cette demande est irrecevable comme nouvelle devant la Cour .

La demande n'est pas nouvelle puisqu'elle a été présentée en première instance , elle est donc recevable. La société l'Immobilière d'Ile de France justifie avoir adressé à la société Télécoise plusieurs mises en demeure suite à des carences observées dans le déroulement de ses opérations , un procès -verbal établi par huissier de justice le 4 juillet 2019 souligne un certain nombre de désordres ou d'absence d'exécution de prestations, et d'autres entreprises ont dû être recherchées en urgence par le maître de l'ouvrage afin que la poursuite du chantier puisse s'exécuter, ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 5 000 € .

La créance de la société l'Immobilière d'Ile de France sera donc fixée au passif de la société Télécoise à la somme totale de 96 640 , 33 € (9 600 € + 20 500 +62 540, 33 € + 5000 € ) à titre chirographaire .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il sera accordé à la société l'Immobilière d'Ile de France la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel , les dépens étant employés en frais privilégiés de procédure collective .

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort , par mise à disposition au greffe

Confirme la décision en ce que le tribunal de commerce d'Amiens s'est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société l'Immobilière d'Ile de France .

Infirme la décision sur le montant de la créance de la société l'Immobilière d'Ile de France

Statuant à nouveau ,

Fixe la créance de la société l'Immobilière d'Ile de France au passif de la société Télécoise à la somme totale de 96 640 , 33 € à titre chirographaire outre la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/03179
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.03179 ?
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