ARRET
N°
[E]
[H]
C/
[S] VEUVE [N]
[N]
[N]
PM/SGS
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU HUIT JUIN
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 18/04338 - N° Portalis DBV4-V-B7C-HDTS
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS DU TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [F] [E]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 6]
Madame [B] [H]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentés par Me VARLET subtituant Me Gonzague DE LIMERVILLE, avocat au barreau D'AMIENS
APPELANTS
ET
Madame [W] [S] VEUVE [N]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Sabine DECAIX, avocat au barreau de SENLIS
INTIMEE
Madame [P] [N] assignée à étude le 07/11/2022
née le 20 Janvier 1982 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Caroline FOULON, avocat au barreau de SOISSONS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/009958 du 12/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)
Monsieur [L] [Y] [N]
né en à nationalité Française
[Adresse 3]
Centre Pénitentiaire
[Localité 5]
Assigné à personne le 15/11/2022
PARTIES INTERVENANTES
DEBATS :
A l'audience publique du 06 avril 2023, l'affaire est venue devant M. Pascal MAIMONE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 juin 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 08 juin 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
M. [F] [E] et Mme [B] [H] (ci-après les consorts [E]-[H])sont propriétaires d'une maison d'habitation sise à [Adresse 7] et leur jardin jouxte celui appartenant à M. [O] [N] et Mme [W] [S] épouse [N], lesquels résident au [Adresse 4].
Un procès verbal de bornage a été réalisé le 19 décembre 2015.
Les parties s'opposant sur la question de savoir si la clôture installée par M. et Mme [N] se trouve ou non en limite de propriété, par actes d'huissier délivrés le 21 décembre 2016, les consorts [E]-[H] ont fait assigner M. et Mme [N] devant le tribunal de grande instance de Senlis pour entendre au visa des articles 646 et 1240 du code civil.
[O] [N] est décédé le 2 juillet 2017. La procédure n'a pas été régularisée à l'encontre de ses héritiers de [O] [N] et s'est poursuivie à l'encontre de Mme [W] [S] veuve [N].
Par jugement du 30 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Senlis a :
-Rejeté la demande des consorts [E]-[H] tendant à voir condamner Mme [W] [S] veuve [N] à démonter la clôture litigieuse ;
-Rejeté la demande des les consorts [E]-[H] tendant à voir condamner Mme [W] [S] veuve [N] à leur régler la somme de 2 280 € correspondant au coût de réalisation du bornage ;
-Rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires des consorts [E]-[H] ;
-Rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires de Mme [W] [S] veuve [N];
-Rejeté la demande des les consorts [E]-[H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné in solidum les consorts [E]-[H] à régler à Mme [W] [S] veuve [N] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné in solidum les consorts [E]-[H] en tous les dépens, à l'exclusion des frais de constat de l'huissier de justice du 24 février 2017 ;
-Rejeté le surplus des demandes de chaque partie ;
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 novembre 2018, les consorts [E]-[H] ont interjeté appel de ce jugement en dirigeant leur appel à l'encontre de [O] [N] et de Mme [W] [S] veuve [N]. A l'initiative de la cour, une mesure de médiation a été mise en oeuvre mais n'a pas permis aux parties de trouver une solution au conflit qui les oppose.
Par ordonnance du15 juin 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 23 juin 2022.
A l'issue des plaidoiries, la cour a invité les parties à justifier au cours du délibéré que suite au décès de son époux Mme [W] [S] veuve [N] est devenue l'unique propriétaire de l'immeuble situé [Adresse 4].
Le 8 juillet 2022, le conseil de Mme [W] [S] veuve [N] a annoncé être dans l'attente d'un justificatif notarial attestant de ce que Mme [W] [S] veuve [N] est devenue l'unique propriétaire du bien litigieux, suite à une donation au dernier vivant.
Le 20 juillet 2022, il a transmis à la cour une attestation immobilière dressée par Maître [X] [K], notaire, le 8 juin 2018 suite du décès de [O] [N]. Aux termes de cette attestation que:
-Mme [W] [S] veuve [N] a renoncé au bénéfice de la donation entre époux dont elle disposait et a déclaré opter pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession de [O] [N] ;
-M. [L] [N] et Mme [P] [N], enfants du défunt issus de son union avec Mme [W] [S] veuve [N] sont habiles à se dire et se porter héritiers des biens dépendant de la succession de [O] [N].
Par arrêt avant dire droit du 15 septembre 2022, la cour a en conséquence, rabattu l'ordonnance de clôture et renvoyé la cause et les parties devant le conseiller de la mise en état pour permettre aux consorts [E]-[H] de régulariser la procédure à l'égard de M. [L] [N] et Mme [P] [N].
Régulièrement assignée Mme [P] [N] a constitué avocat.
Régulierement assigné M. [L] [N] n'a pas constitué avocat.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 6 mars 2023, les consorts [E]-[H] demandent à la cour de :
-Les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel.
-Dire et juger recevable mais mal fondée Mme [W] [S] veuve [N] en son appel incident.
-L'en débouter.
En conséquence,
-Infirmer le jugement entrepris,sauf en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires formulé par Mme [W] [S] veuve [N].
Statuant à nouveau :
-Condamner in solidum Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] à démonter la clôture litigieuse sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
-Condamner in solidum Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] à leur payer la somme de 2280 euros correspondant au coût de réalisation du bornage.
-Condamner in solidum Mme [W] [S] veuve [N] M. [L] [N] et Mme [P] [N] à leur payer la somme de 5000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.
-Condamner Mme [W] [S] veuve [N] à leur régler la somme de 4000 euros en réparation de leur préjudice moral.
-Condamner in solidum Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] à leur régler la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-Condamner in solidum Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 13 mars 2023, Mme [W] [S] veuve [N] demande à la cour de :
-Voir confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les consorts [E]- [H] de l'ensemble de leurs demandes, les a condamnés à une indemnité article 700 et aux entiers dépens.
-La déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
-Voir infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté les prétentions indemnitaires formulées, dans un souci manifeste d'apaisement qui n'a pas dissuadé les consorts [E]- [H] de régulariser appel, et de faire perdurer la procédure introduite dans le seul but de nuire,
-Condamner solidairement les consorts [E] à lui payer les sommes suivantes :
. Dommages et intérêts (articles 1240 s. du code civil) : 1,00 €
. Frais de remise en état de l'abri de jardin : 1.000 €
. Dommages et intérêts pour procédure abusive : 5.000 €
. Article 700 du code de procédure civile en cause d'appel : 2.000 €
-Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 27 janvier 2023, Mme [P] [N] Mme [W] [S] veuve [N] demande à la cour de:
-Confirmer, en ce qu'il déboute les consorts [E]-[H] de leurs demandes et en ce qu'il les condamnés à une indemnité article 700 et aux entiers dépens, le jugement entrepris ;
-Condamner solidairement les consorts [E]-[H] à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner les consorts [E]-[H] aux entiers dépens.
Par ordonnance du 22 mars 2023, la clôture a été de nouveau prononcée et l'affaire a été renvoyée pour plaidoiries à l'audience du 6 avril 2022.
M. [L] [N] ayant été assigné par acte d'huissier remis à sa personne, conformément aux dispositions de l'article 474 alinéa premier du code de procédure civile, il convient de statuer par décision réputée contradictoire.
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur la demande au titre de la clôture :
En première instance, Mme [W] [S] veuve [N] a produit un procès-verbal de constat établi le 24 février 2017 par Maître [R], huissier de justice, d'où il ressort qu'elle a implanté sa clôture conformément aux délimitations prévues par le procès-verbal de bornage du 19 décembre 2015 dressé entre les parties.
Devant la cour, en cause d'appel les consorts [E]-[H] produisent un procès-verbal de constat du 25 mars 2019 dressé par Maître [U], huissier de justice, qui établit que lorsque l'on tire un fil entre les bornes B14 et B 12, par endroits la clôture de Mme [W] [S] veuve [N] empiète de plus de 30 cm sur le fonds des consorts [E]-[H].
Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [E]-[H] de leur demande tendant à ce que Mme [W] [S] veuve [N] soit condamnée à démonter la clôture litigieuse et il convient de condamner Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] à rectifier leur clôture entre les bornes B14 et B12 de telle sorte qu'elle n'empiète plus sur la propriété des consorts [E]-[H].
Pour parfaire l'exécution de cette mesure, il n'apparaît pas nécessaire de l'assortir d'une mesure d'astreinte mais il convient de prévoir que Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] disposeront d'un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision pour y procéder.
Sur la demande au titre des frais de bornage :
Lors de l'établissement du procès-verbal de bornage du 19 décembre 2015 dressé entre les parties les consorts [E]-[H] se sont engagés à supporter les frais de bornage et non à faire l'avance des frais de bornage.
Ils ne peuvent donc légitimement réclamer que Mme [W] [S] veuve [N] M. [L] [N] et Mme [P] [N] soient condamnés à supporter ces frais au motif qu'ils n'auraient pas scrupuleusement respecté le bornage litigieux.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [E]-[H] de leur demande au titre des frais de bornage.
Sur la demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :
La perte de jouissance de sa propriété en raison d'un empiétement de 30 cm par endroit d'une clôture située en fonds de propriété est infime et doit être indemnisée par l'allocation de dommages et intérêts à la hauteur de l'importance effective du trouble de jouissance subi dont il n'est même pas établi qu'il résulte d'un empiétement excédant au total un mètre carré.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les consorts [E]-[H] de leur demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et il convient de condamner in solidum Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] à payer aux consorts [E]-[H] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance.
Les consorts [E]-[H] ne justifiant pas du préjudice moral qu'ils allèguent, le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêt pour préjudice moral.
Sur la demande reconventionnelle au titre de la réparation de l'abri de jardin :
En cause d'appel, les photographies produites et les courriers échangés entre les parties établissent que suite à l'autorisation qui leur a été donnée par Mme [W] [S] veuve [N] d'enlever les poteaux de clôture fixés à son abri de jardin celui-ci a été endommagé et il est produit un devis de réparation à hauteur de 1012 euros.
Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [W] [S] veuve [N] de sa demande de condamnation des consorts [E]-[H] à lui payer à ce titre la somme de 1000 € réclamée au titre du seul redressage de l'abri et il convient de condamner in solidum les consorts [E]-[H] à payer à Mme [W] [S] veuve [N], la somme de 1000 € au titre du redressage de l'abri de jardin.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de dommages et intérêts de 1€ toutes causes de préjudices confondues pour intrusions d'enfants, criaillement des oies, odeurs nauséabondes de leurs déjections, tentatives d'appropriation de terrain, calomnie, préjudice moral et de vue :
L'endommagement de son abri de jardin qui est seul démontré a incontestablement causé à Mme [W] [S] veuve [N] des tracasseries engendrant un préjudice moral qui justifie que lui soit alloué la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] [S] veuve [N] de sa demande de 1€ à titre de dommages et intérêts et il convient de condamner in solidum les consorts [E]-[H] à payer à Mme [W] [S] veuve [N] la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts à titre de préjudice moral.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Les consorts [E]-[H] prospérant partiellement en leurs demandes, ils ne sauraient être considérés comme ayant agi abusivement en justice.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Mme [W] [S] veuve [N].
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, il convient :
-d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [E]-[H] aux dépens de première instance ;
-d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [E]-[H] à
payer à Mme [W] [S] veuve [N] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance ;
-de dire que chacune des parties supportera la charge de ses dépens tant de première instance que d'appel ;
-de débouter les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la procédure de première instance que celle d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :
Infime le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les consorts [E]-[H] de leur demande au titre des frais de bornage, de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Mme [W] [S] veuve [N] ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne in solidum Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] à rectifier leur clôture entre les bornes B14 et B12 de telle sorte qu'elle n'empiète plus sur la propriété des consorts [E]-[H] dans le délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision ;
Condamne in solidum Mme [W] [S] veuve [N], M. [L] [N] et Mme [P] [N] à payer aux consorts [E]-[H] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ;
Condamne in solidum M. [F] [E] et Mme [B] [H] à payer à Mme [W] [S] veuve [N] la somme de 1000 € au titre de la réparation de son abri de jardin;
Condamne in solidum M. [F] [E] et Mme [B] [H] à payer à Mme [W] [S] veuve [N] la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts à titre de préjudice moral ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE