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01/06/2023 | FRANCE | N°21/01544

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 01 juin 2023, 21/01544


ARRET







[A]

[Z]

S.A. ALLIANZ IARD (EX AGF IART)





C/



S.A. ENEDIS

S.A.S. ENGENERING GESTION TRAVAUX POUR MAISONS INDIVIDUEL LES - ENGESTRAMI

S.A. AVIVA ASSURANCES




















































































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COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU PREMIER JUIN

DEUX MILLE VINGT TROIS





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/01544 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IBH4



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS DU QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT ET UN





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur...

ARRET

[A]

[Z]

S.A. ALLIANZ IARD (EX AGF IART)

C/

S.A. ENEDIS

S.A.S. ENGENERING GESTION TRAVAUX POUR MAISONS INDIVIDUEL LES - ENGESTRAMI

S.A. AVIVA ASSURANCES

CD/SGS/DK

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU PREMIER JUIN

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/01544 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IBH4

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS DU QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [F] [S] [A] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administrateur légal de ses enfants mineurs [D] [R] [A] née le 05 juin 1998, [T] [U] [A] née le 08 mai 1999 et [N] [E] [A] né le 21 avril 2007

né le 15 Octobre 1973 à [Localité 9] (02)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Madame [R] [Y] [Z] épouse [A] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administratrice légale de ses enfants mineurs [D] [R] [A] née le 05 juin 1998, [T] [U] [A] née le 08 mai 1999 et [N] [E] [A] né le 21 avril 2007

née le 27 Août 1973 à [Localité 10] (02)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

S.A. ALLIANZ IARD (EX AGF IART), agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d'AMIENS

Plaidant par Me Eric MANDIN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

ET

S.A. ENEDIS, agissant poursuites et diligences en son représentant domicilié audit siège

[Adresse 11]

[Localité 8]

Représentée par Me Amandine HERTAULT de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau d'AMIENS

Plaidant par Me Manuel BUFFETAUD, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. ENGENERING GESTION TRAVAUX POUR MAISONS INDIVIDUEL LES - ENGESTRAMI, agissant poursuites et diligences en son représentant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne BOLLIET de la SCP GOSSARD BOLLIET MELIN, avocat au barreau de COMPIEGNE

S.A. AVIVA ASSURANCES, agissant poursuites et diligences en son représentant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Pierre BACLET de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS

Plaidant par Me Marie DUFOYER, avocat au barreau de BEAUVAIS

INTIMEES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 30 mars 2023 devant la cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Sur le rapport de Madame Christina DIAS DA SILVA et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 juin 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 01 juin 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Par acte sous seing privé du 27 octobre 2007, M. [F] [A] et son épouse Mme [R] [Z] ont conclu avec la société Engenering Gestion Travaux pour Maisons Individuelles (ci-après la société Engestrami), assurée auprès de la société Aviva Assurances, un contrat de construction d'une maison individuelle située au [Adresse 4] à [Localité 1]. Ils ont souscrit auprès de la société Allianz IARD une police d'assurance multirisques habitation qui a pris effet le 19 mai 2009.

Le procès verbal de réception avec réserves a été signé le 30 juillet 2009, le constructeur émettant une attestation de conformité concernant l'installation électrique.

Par actes sous seing privés des 9 mars et 3 avril 2009 les époux [A] avaient conclu avec la société Avatherm l'installation dans leur maison de deux systèmes de pompe à chaleur.

À compter de février 2012 les époux [A] ont sollicité la société Le Froid Nivard pour la maintenance de leurs systèmes de pompe à chaleur.

Le 10 février 2012 un incendie a détruit une grande partie de leur maison.

Les époux [A], agissant en leur nom et ès qualités de représentants légaux de leurs 3 enfants mineurs (les consorts [A]), ainsi que leur assureur la SA Allianz IARD, ont fait assigner les sociétés Engestrami et Le Froid Nivard ainsi que leurs assureurs et le liquidateur de la société Avatherm et ont obtenu du juge des référés la désignation d'un expert judiciaire, par ordonnance du 20 avril 2012, afin qu'il détermine l'origine du sinistre et donne son avis sur la responsabilité du sinistre.

Les opérations d'expertise ont été étendues à la société SMABTP assureur de la société Avatherm, puis à la société Picardie Isolation, intervenue en qualité de sous-traitante de la société Engestrami et son assureur, et à la société ERDF par ordonnance du 15 février 2013.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 2 juillet 2015.

Suivant exploits délivrés les 24 juin, 7 et 11 juillet 2016 les consorts [A] et leur assureur la SA Allianz IARD ont fait assigner les sociétés Engestrami, ERDF et Aviva Assurances en indemnisation de leur préjudice subi du fait du sinistre survenu le 10 février 2012.

Saisi par la société ENEDIS, anciennement dénommée ERDF, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 18 janvier 2018, déclaré irrecevable sa demande de contre expertise.

Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Soissons a :

- débouté les époux [A] et la société Allianz IARD de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté la société ENEDIS venant aux droits de ERDF de sa demande d'expertise,

- débouté toutes les parties de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum les époux [A] et la société Allianz IARD aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 12 mars 2021, les époux [A] et la société Allianz IARD ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 19 septembre 2022, les époux [A] et leurs enfants [D], [T] et [N] [A] ainsi que la SA Allianz IARD en sa qualité d'assureur multirisque habitation des époux [A] demandent à la cour de :

- recevoir les époux [A] en leur nom personnel et ès qualités d'administrateurs légaux de leur enfant mineur [N], leurs autres enfants devenus majeurs [D] et [T] [A] ainsi que leur assureur recevables en leur appel et les déclarer bien fondés,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de l'intégralité de leurs demandes,

- rejeter comme n'ayant pas été présentée devant le conseiller de la mise en état la fin de non recevoir tirée de l'absence de subrogation par paiement d'Allianz IARD,

- à défaut,

- déclarer recevable l'action subrogatoire d'Allianz IARD en application des dispositions alternatives des articles L 121-12 du code des assurances, 1251 3ème du code civil dans sa rédaction applicable au fait de l'espèce devenu 1346 du code civil et le principe général du droit suivant lequel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui,

- statuant à nouveau,

- à titre principal,

- les recevoir en leur action en application de l'article L 121-12 du code des assurances,

- entériner les conclusions de l'expert judiciaire M. [L],

- condamner en conséquence ENEDIS anciennement dénommée ERDF à payer à la société Allianz IARD la somme de 323 903 euros,

- condamner ENEDIS à régler au titre du préjudice matériel et immatériel aux époux [A] la somme de 114 584,70 euros sauf à porter cette somme à celle de 438 487,70 euros s'il était jugé qu'Allianz IARD ne peut prétendre à une action subrogatoire faute de paiement, outre aux époux [A] ès nom et ès qualités de représentants légaux de leur enfant mineur [N] à chacun la somme de 20 000 euros au titre des souffrances morales endurées ainsi qu'aux deux enfants devenues majeures [D] et [T] [A],

- fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé du 15 février 2013 avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil et ce pour toutes les demandes indemnitaires,

- condamner la société ENEDIS à verser à la société Allianz IARD la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire,

- à défaut,

- juger que l'origine du sinistre se situerait dans les installations électriques réalisées par la société Engestrami,

- condamner la société Engestrami au visa des articles 1792 et suivants du code civil, le désordre ayant rendu la chose impropre à sa destination,

- juger que les dommages corporels, matériels et immatériels subis par les maîtres d'ouvrage sont de nature à engager la responsabilité du constructeur en application des articles 1792 et suivants du code civil,

- juger qu'il y aurait lieu, le cas échéant de retenir du chef des préjudices moraux subis par les enfants les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,

- condamner in solidum Engestrami, son assureur de responsabilité décennale Aviva IARD à payer à la société Allianz IARD la somme de 323 903 euros, aux époux [A] celle de 114 584,70 euros au titre des dommages matériels et immatériels et celle de 20 000 euros au titre du préjudice moral à chacun des consorts [A] avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2013 et avec le bénéfice de l'anatocisme outre la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel.

Ils soutiennent que les demandes présentées par la société Allianz IARD sont recevables sur le fondement de l'article L121-12 du code des assurances puisqu'elle a indemnisé ses assurés en exécution du contrat d'assurance multirisques habitation et se trouve subrogée dans les droits des consorts [A].

Ils indiquent qu'il y a lieu d'entériner les conclusions de l'expert judiciaire qui a dit que la société ENEDIS était responsable du sinistre puisque l'origine de l'incendie se situait au niveau des composants de liaison entre le câble d'alimentation ERDF et le compteur ERDF et donc sur un ouvrage réalisé par ENEDIS.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 28 octobre 2022, la société ENEDIS anciennement dénommée ERDF demande à la cour de :

- à titre principal,

- sur la recevabilité des demandes des appelants,

- constater la défaillance de la société Allianz IARD dans l'apport de la preuve du règlement effectif des indemnités d'assurances pour lesquelles elle se prétend subrogée,

- la déclarer irrecevable au titre de son action fondée sur la subrogation légale de l'article L 121-12 du code des assurances et de l'article 1346 du code civil et l'en débouter,

- la déclarer irrecevable au titre de son action fondée sur la subrogation conventionnelle et l'en débouter,

- la déclarer irrecevable au titre de son recours indemnitaire fondé sur la théorie de l'enrichissement injustifié et l'en débouter,

- constater que la demande de condamnation de la société ENEDIS à payer aux époux [A] la somme complémentaire de 323 000 euros présentée pour la première fois à titre subsidiaire en cause d'appel dans le cadre de leurs conclusions récapitulatives n° 4 est irrecevable car nouvelle et frappée de prescription depuis le 5 juillet 2020,

- la déclarer irrecevable,

- subsidiairement si la cour estime que la société Allianz IARD apporte la preuve du règlement effectif des indemnités entre les mains des époux [A] ou de tiers, par délégation de paiement,

- constater l'absence de concomitance entre les règlements prétendument effectués entre le 26 juillet 2012 et le 10 octobre 2013 pour un montant total de 41 135,94 euros et la quittance subrogative signée par les époux [A] le 6 décembre 2013,

- en conséquence déduire de l'assiette de la subrogation la somme de 41 135,94 euros,

- sur le fond,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Allianz IARD et les époux [A] et leurs enfants de l'ensemble de leurs demandes,

- débouter la société Allianz IARD et les époux [A] et leurs enfants de leurs demandes formées contre elle sur le fondement de l'article 1792 et suivants du code civil,

- les débouter de leurs demandes dès lors que la preuve de la cause certaine et irréfragable de l'incendie n'est pas démontrée par le rapport d'expertise judiciaire,

- débouter les co-intimés des demandes présentées à l'encontre de ENEDIS,

- condamner la société Allianz IARD à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sous le bénéfice de la distraction,

- à titre subsidiaire, uniquement si la société Allianz IARD est jugée recevable en son action et si la cour entérine le rapport d'expertise de M. [L],

- déduire de l'assiette de cette indemnisation la somme de 41 135,94 euros au titre des règlements qui seraient intervenus avant la régularisation de la quittance subrogative par les époux [A] le 6 décembre 2013,

- limiter l'indemnisation à verser à la société Allianz IARD à la somme de 281 644,66 euros,

- débouter les consorts [A] de leur demande indemnitaire de 20 000 euros par personne au titre du préjudice de jouissance,

- limiter l'indemnisation due au titre de la perte de contenu à la somme de 72 044 euros chiffrée à dire d'expert dans le cadre de l'expertise judiciaire,

- constater leur carence dans la charge de la preuve du chiffrage du surplus de ce poste indemnitaire,

- limiter leur préjudice de jouissance à la somme de 15 068 euros,

- fixer après déduction des indemnités immédiates et différées perçues de la société Allianz IARD l'indemnisation globale de leurs préjudices non indemnisés à la somme de 17 434,50 euros,

- dire et juger que les intérêts au taux légal ne pourraient commencer à courir le cas échéant qu'à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise [L] le 2 juillet 2015,

- débouter la société Allianz IARD de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle invoque l'irrecevabilité des demandes de la société Allianz IARD au motif d'une part que la preuve de la subrogation de cet assureur n'est pas rapportée faute d'établir la réalité du paiement effectif de l'indemnité d'assurance aux consorts [A] et d'autre part en raison de la prescription du recours subsidiaire présenté par les époux [A].

Elle soutient que la demande subsidiaire des époux [A] en indemnisation de leur préjudice est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile comme étant nouvelle en cause d'appel.

Sur le fond elle conclut à son absence de responsabilité dans l'incendie litigieux. Elle indique qu'il ne fait aucun doute que l'incendie est d'origine électrique ; que le point de départ du sinistre est localisé sur le mur intérieur droit du garage du pavillon des époux [A] ; que l'expert, qui n'est pas un spécialiste des incendies, se trompe cependant sur la cause du sinistre et qu'il aurait été opportun qu'un sapiteur en incendie soit nommé aux cotés de M. [L].

Elle ajoute que l'absence de démonstration d'une cause certaine de l'incendie qui lui serait imputable doit conduire la cour à débouter les appelants de leurs demandes dirigées contre elle.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 13 décembre 2021, la société Engestrami demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- y ajoutant,

- débouter les consorts [A], les sociétés Allianz IARD, Aviva et ENEDIS de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner in solidum tout succombant à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sous le bénéfice de la distraction.

Elle fait valoir que l'expert judiciaire a exclu la responsabilité du constructeur dans la survenance de l'incendie considérant qu'aucun désordre de nature décennal n'était à l'origine de celui-ci. Elle ajoute qu'elle n'est pas non plus responsable du sinistre sur le fondement de la responsabilité de droit commun.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 16 décembre 2021, la société Aviva Assurances demande à la cour de :

- déclarer les appelants mal fondés en leur appel dirigé contre elle ou la société Engestrami,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [A] et la société Allianz IARD de leurs demandes présentées à l'encontre de la société ENEDIS et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [A] et la société Allianz IARD de leurs demandes présentées à l'encontre de la société Engestrami et de la société Aviva Assurances,

- débouter toute partie de toutes demandes présentées à son encontre,

- à titre subsidiaire,

- dire qu'en application des conditions particulières du contrat d'assurance l'indemnité au titre du préjudice moral ne pourrait être mise à la charge de la société Aviva Assurances à hauteur d'une somme supérieure à 40 000 euros sous déduction de la franchise contractuelle de 2 300 euros opposable,

- dans tous les cas,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 3 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu'aux dépens sous le bénéfice de la distraction.

Elle fait valoir qu'au vu du rapport d'expertise judiciaire l'incendie a trouvé son origine dans un ouvrage réalisé par ERDF de sorte que la responsabilité de ce sinistre et ses conséquences incombent entièrement à ENEDIS.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2022 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 26 janvier 2023, date à laquelle elle a été envoyée au 30 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la recevabilité des demandes de la société Allianz

L'article L 121-12 du code des assurances dispose :

'L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.

Par dérogation aux dispositions précédentes, l'assureur n'a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l'assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes.'

En l'espèce la société Allianz produit aux débats en pièce 25 la lettre d'acceptation signée par les époux [A] concernant les indemnités qui leur ont été réglées par leur assureur ensuite de l'incendie de leur maison, cette lettre d'acceptation contenant quittance subrogative.

Les appelants produisent aussi en pièce 26 le protocole de transaction entre la société Allianz IARD et les époux [A] relativement audit sinistre survenu le 10 février 2012.

Il est encore versé aux débats la police d'assurance souscrite par les époux [A] complétée par les conditions générales et particulières ainsi que les copies écran des versements qui ont été effectués dans le cadre du sinistre à ses assurés qui reconnaissent les avoir reçus.

Il s'ensuit que contrairement aux affirmations de la société ENEDIS il est établi que la société Allianz IARD se trouve subrogée dans les droits de ses assurés les époux [A] de sorte que son action est recevable.

- sur la responsabilité du sinistre

L'article 1147 ancien du code civil applicable à la cause dispose :

' Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.'

L'expert judiciaire a, aux termes de ses opérations après avoir organisé plusieurs réunions et répondu aux dires des parties, conclu que 'l'origine de l'incendie se situe au niveau des composants de liaison entre le câble d'alimentation ERDF et le compteur ERDF (le tout ouvrage ERDF).' Ainsi la cause électrique du sinistre est prouvée, celle-ci ayant trouvé son origine dans un élément électrique installé par ERDF.

Vainement la société ENEDIS soutient qu'il n'a pas pu être établi si le feu a pris naissance sur les installations électriques privatives des époux [A] ou sur les installations de distribution et de comptage qui se trouvaient sous la responsabilité d'ERDF puisque l'expert a expliqué clairement que l'origine de l'incendie se situait sur l'ouvrage d'ERDF dont il a considéré qu'il était en cause dans la survenance du sinistre après les constatations effectuées sur les lieux, constatations qu'il a détaillées précisément à compter de la page 30 de son rapport.

L'expert a, répondant aux dires des parties, considéré que la zone de surchauffe sur la partie privative 'n'a rien à voir avec la cause de l'incendie, puisque n'ayant pu se produire qu'après le départ de l'incendie. On note également que seuls les compteurs ERDF et disjoncteur d'abonné sont descendus aussi bas par rapport à leur position d'origine, indiquant par là qu'ils étaient nécessairement à proximité des premiers échauffements, donc du départ d'incendie. (...) À nouveau je conclus que cette zone de surchauffe n'a pu exister qu'après le départ d'incendie et se trouve donc sans rapport avec le départ de l'incendie.' (Page 38 du rapport).

Il rappelle en page 39 qu' 'aucune trace de départ n'a été identifiée dans la partie privative du TGBT mais bien dans la partie comptable sous responsabilité ERDF', ajoutant que le raisonnement développé par le cabinet [I] mandaté par le conseil d'ERDF s'appuie sur des contre-vérités, contredites par les constatations faites physiquement sur place et que certaines affirmations du cabinet [I] sont remises en cause par la note des experts [G] et [H] sollicités par l'avocat de ERDF. Il explique que ces deux experts ont rédigé des conclusions sans s'être rendus sur place et sur la base des constatations erronées du cabinet [I].

La société ENEDIS ne peut valablement soutenir que l'expert judiciaire s'est montré hâtif et incomplet dans ses investigations et c'est au contraire par un travail minutieux et l'examen des lieux et de l'ensemble des éléments produits par les parties qu'il a pu conclure que l'incendie avait pour origine le raccordement de la maison des époux [A] au réseau ERDF relevant de la seule responsabilité de la société ENEDIS.

La cause de l'incendie est ainsi établie sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise.

L'expert précise que l'origine de la défaillance affectant l'ouvrage ERDF est un défaut de sertissage affectant le fouet de phase, utilisé dans le raccordement du tableau de comptage ERDF au câble d'alimentation ERDF, la mauvaise connexion du conducteur de phase au raccordement étant la conséquence d'un défaut de fabrication qui a provoqué un sertissage incorrect du fil d'aluminium.

Il est ainsi établi que la société ENEDIS n'a pas respecté son obligation contractuelle de résultat consistant à raccorder, correctement et sans danger, la maison des époux [A] au réseau électrique et qu'elle a commis une faute puisque le raccordement du tableau de comptage ERDF au câble d'alimentation électrique du réseau, à l'origine de l'incendie, était défectueux en raison d'un défaut de sertissage affectant le fouet de phase utilisé.

La société ENEDIS doit donc être condamnée à indemniser les consorts [A] et la société Allianz subrogée dans les droits de ses assurés des conséquences dommageables de l'incendie causé par sa faute. Le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions.

Les demandes présentées par la société Allianz et les consorts [A] à titre subsidiaire à l'encontre de la société Engestrami et son assureur deviennent sans objet.

- sur l'évaluation du préjudice

- sur le préjudice moral des consorts [A]

Il est constant que l'incendie est survenu vers 4 heures du matin le 10 février 2012. M. et Mme [A] ont été réveillés en pleine nuit par l'une de leurs filles qui était malade, ce qui leur a permis de constater qu'il n'y avait plus d'électricité dans la maison, de voir que le tableau électrique était en feu et d'évacuer les lieux.

Les consorts [A] ont vu leur maison presque entièrement détruite par l'incendie et ont dû être relogés.

Ils ont subi un préjudice moral justifiant l'allocation de la somme de 5 000 euros à chacun d'eux.

La société ENEDIS doit donc être condamnée à leur verser cette somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les époux [A] et leurs enfants.

- sur le préjudice matériel

L'expert judiciaire a chiffré le préjudice matériel au titre de la reconstruction et de la maîtrise d'oeuvre de la maison. Il doit être procédé à l'actualisation de l'évaluation de ce préjudice, le chiffrage réalisé par l'expert datant de juillet 2015.

Les appelants justifient du coût des travaux de reconstruction incluant l'assurance dommages ouvrages par la production de la facture d'un montant de 183 452 euros, du remplacement de l'ancienne antenne détruite (280 euros), du nouveau branchement internet (69 euros), du coût de la réexpédition du courrier ( 24,50 euros) et de celui du raccordement électrique (708,85 euros).

La société ENEDIS est fondée à s'opposer au paiement des travaux d'amélioration dès lors que leur coût n'a aucun lien de causalité avec sa faute contractuelle. Ainsi la maison sinistrée intégrait dans son emprise le garage alors que celle qui a été reconstruite bénéficie d'une augmentation de la surface utile de 151 m² à 178 m². Dès lors il convient d'écarter les postes liés à la construction d'un garage (22 329,60 au titre de la réalisation du garage, celle de 1 026 euros au titre de la taxe d'aménagement correspondant à la nouvelle taxe garage et celle de 137 euros au titre de la redevance archéologique suivant nouvelle taxe fondation) ainsi que les frais de bornage (1 140 euros) et les frais de réalisation du mur de clôture (9 350 euros) qui n'ont aucun lien de causalité avec l'incendie. Il en est de même s'agissant de la somme de 5 800 euros correspondant au devis [C] & Fils pour la remise en état et création d'une pelouse dont il n'est pas justifié qu'il concerne des travaux en lien de causalité avec l'incendie survenu, n'ayant d'ailleurs pas été évoqué lors de l'expertise judiciaire.

La société ENEDIS est encore fondée à s'opposer au paiement de la somme de 756 euros réclamée au titre du bâchage dès lors que ce poste de préjudice n'est nullement justifié, aucune facture n'ayant été communiquée en cours d'expertise ni à hauteur de cour.

S'agissant de l'indemnisation du contenu de la maison, les appelants sollicitent la somme de 111 076 euros. Cependant le contenu de la maison a été chiffré à dire d'expert au contradictoire des parties à la somme de 72 044 euros, la société Allianz ayant elle-même validé ce montant sans qu'il soit pris en compte une quelconque vétusté. Les consorts [A] ne produisent aucune pièce permettant de remettre en cause cette évaluation de sorte que ce poste de préjudice doit être évalué à la somme de 72 044 euros.

Les autres postes de préjudice matériel (honoraires d'expert d'assuré 14 451 euros, frais démolition et déblai 22 992 euros, mise en sécurité nettoyage 10 740 euros, le diagnostic réalisé par [J] 2 990 euros, les constats d'huissier 1 178 euros,

l'assurance de la maison incendiée jusqu'au 15 avril 2015 987,75 euros et l'assurance à maîtrise d'ouvrage selon facture 13 000 euros), justifiés par les pièces produites aux débats ne sont pas remis en cause par la société ENEDIS.

Les consorts [A] ont encore subi un préjudice de jouissance à compter du jour du sinistre soit le 10 février 2012 jusqu'au 9 juin 2015, date à laquelle ils ont réintégré leur logement après reconstruction ainsi qu'il ressort du procès verbal de réception (pièce 19). Au vu de la surface de leur maison justifiant une valeur locative mensuelle de 700 euros, ce préjudice, distinct de leur préjudice moral, sera indemnisé par l'allocation de la somme de 28 000 euros (700 X40 mois).

Le préjudice matériel subi par les consorts [A] à la suite de l'incendie de leur maison s'élève donc à la somme totale de 353 146,35 euros.

Au vu du protocole d'accord signé entre les époux [A] et leur assureur le 6 décembre 2013 joint au rapport d'expertise judiciaire la société Allianz leur a versé la somme de 323 903 euros.

Dès lors la société ENEDIS doit être condamnée à payer à la société Allianz, subrogée dans les droits des époux [A], la somme de 323 903 euros et aux époux [A] celle de 29 243,35 euros (353 146,35 -323 903).

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter 2 juillet 2015, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, comme le propose la société ENEDIS dans ses conclusions. La capitalisation des intérêts échus sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

- sur les frais de procédure et les dépens

La société ENEDIS qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de l'expertise judiciaire.

L'équité commande de la condamner à verser à la société Allianz IARD la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Allianz IARD sera quant à elle condamnée à verser à la société Engestrami la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les frais de procédure exposés par la société Aviva Assurance doivent rester à sa charge de sorte que sa demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau ;

Déclare la société Allianz recevable en son action ;

Déclare la société ENEDIS responsable du sinistre survenu le 10 février 2012 ;

Condamne la société ENEDIS à payer à la société Allianz la somme de 323 903 euros au titre du préjudice matériel ;

Condamne la société Enedis à payer aux époux [A] la somme de 29 243,35 euros au titre de leur préjudice matériel ;

Condamne la société ENEDIS à payer à M. [S] [A] et Mme [R] [Z] épouse [A] chacun la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;

Condamne la société ENEDIS à payer aux époux [A] ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [N] [A] la somme de 5 000  euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la société ENEDIS à payer à Mme [D] [A] et à Mme [T] [A], chacune, la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 2 juillet 2015 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société ENEDIS à payer à la société Allianz IARD la somme de 6 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Allianz IARD à payer à la société Engestrami la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Aviva Assurances de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ENEDIS aux dépens de première instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire ainsi qu'aux dépens d'appel recouvrés selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01544
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.01544 ?
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