La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2023 | FRANCE | N°19/00718

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 01 juin 2023, 19/00718


ARRET







[E]

Société CONTINENT AIRCRAFT TRUST N°556

S.A.R.L. NAKOSTECH





C/



S.A.R.L. AEROLITHE MAINTENANCE

S.A.R.L. AEROLITHE























































































VBJ/SGS/VB





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU PREMIER JUIN

DEUX MILLE VINGT TROIS





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/00718 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HF3W



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS DU VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [M] [E] agissant tant en ...

ARRET

[E]

Société CONTINENT AIRCRAFT TRUST N°556

S.A.R.L. NAKOSTECH

C/

S.A.R.L. AEROLITHE MAINTENANCE

S.A.R.L. AEROLITHE

VBJ/SGS/VB

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU PREMIER JUIN

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/00718 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HF3W

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS DU VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [M] [E] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de bénéficiaire exclusif du Trust Continent Aircraft n°556

né le 26 Avril 1958 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

CONTINENT AIRCRAFT TRUST N°556 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8] USA

S.A.R.L. NAKOSTECH, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentés par Me Isabelle MAIGRET de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS

Plaidant par Me Valérie BLOCH, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

ET

S.A.R.L. AEROLITHE MAINTENANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

S.A.R.L. AEROLITHE , agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentées par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant par Me Jérôme BERNS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 30 mars 2023 devant la cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Sur le rapport de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 1er juin 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 1er juin 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Le 12 juillet 2007, la société américaine Cirrus Aircraft a vendu à M.[E] un avion type SR22. Le moteur de l'avion, modèle de 1965, avait été modifié avant livraison, le 30 mai 2007, par l'application d'un turbo STC avec supplément de certification. Le fournisseur et l'installateur du turbo est la société Tornado Allay Turbo.

S'agissant d'un appareil américain dont le propriétaire doit, selon les lois fédérales, être américain, l'avion a été transféré à un trust américain Continent Aircraft Trust 556 dont M.[E] est le bénéficiaire exclusif.

La société Nakostech, dont M.[E] est gérant, utilisait l'appareil dans le cadre de son activité et réglait les factures d'entretien et de maintenance.

La société Aérolithe exerce une activité commerciale et représente la société Cirrus Aircraft en France.

La société Aérolithe Maintenance assure une activité de maintenance des appareils qui lui sont confiés. Aucun contrat de maintenance n'a été formellement conclu avec cette société pour l'entretien de l'appareil litigieux mais elle a réalisé l'ensemble des visites de contrôle jusqu'en mai 2011.

L'appareil acquis par M.[E] a rencontré plusieurs problèmes dès son acquisition: défaillance totale des turbos à l'été 2007, problèmes de pots d'échappement en 2008 et dysfonctionnement des 6 cylindres du moteur nécessitant leur remise à neuf. A compter de 2009, M.[E] a fait part à la société Aérolithe Maintenance de problèmes de vibration, de température excessive et de consommation excessive d'huile.

Invoquant des dégâts importants du moteur susceptibles de causer une rupture, révélés au cours de l'intervention d'une nouvelle société de maintenance, M.[E] a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre, par ordonnance du 5 juillet 2012, une mesure d'expertise judiciaire. L'expert, M.[R], a déposé son rapport le 30 avril 2013.

Saisi par assignations délivrées les 15 et 16 juillet 2013 à la requête de M.[E], de Continent Aircraft Trust 556 et de la société Nakostech à l'encontre de la société Aérolithe et de la société Aérolithe Maintenance aux fins de paiement des sommes correspondant au coût du remplacement du moteur de l'avion, des frais engagés, du préjudice de jouissance, du préjudice moral, du préjudice de mise en danger, le tribunal de grande instance de Senlis a, par jugement en date du 23 janvier 2018, ainsi statué :

-déboute M.[E], la société Continent Aircraft Trust 556 et la société Nakostech de leurs demandes indemnitaires à l'encontre de la société Aérolithe et de la société Aérolithe Maintenance,

-déboute la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance de leur demande reconventionnelle en paiement de factures,

- condamne in solidum M.[E], la société Continent Aircraft Trust 556 et la société Nakostech à payer à la société Aérolithe Maintenance et la société Aérolithe la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejette toute demande plus ample ou contraire des parties,

-condamne in solidum M.[E], la société Continent Aircraft Trust 556 et la société Nakostech aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Gillet.

M.[E], la société Continent Aircraft Trust 556 et la société Nakostech ont interjeté appel de cette décision le 1er février 2019.

Par arrêt avant dire-droit en date du 20 mai 2021, la cour d'appel d'Amiens, s'estimant insuffisamment informée, a ordonné une nouvelle expertise initialement confiée à M. [Y] qui a ensuite été remplacé par M.[F] avec mission, après avoir pris connaissance du rapport d'expertise de M.[R] et de ses annexes,

-de se faire communiquer par les parties :

*le manuel d'utilisation POH Ciruus SRT22T

*le manuel d'utilisation moteur Tornado Alley

*les carnets d'entretien de l'avion et du moteur,

*le bulletin SB03-3 du 28 mars 2003 publié par le fabricant du moteur

*et tout document qu'il estimerait utile.

-s'agissant de l'appareil :

*décrire l'équipement de l'avion s'agissant du contrôle de la pression d'admission, du contrôle de la richesse du mélange fuel/flow et de la température,

*indiquer à la cour, les préconisations du constructeur quant aux valeurs limites de pression d'admission en vol et de température moteur ainsi que de toute valeur qu'il estimerait utile,

*préciser l'action du pilote sur ces paramètres dans les différentes phases de vol et les recommandations en cas de dépassement des valeurs recommandées,

*préciser s'il existe des réglages du moteur préconisés (ou d'usage en cette matière) rendant impossibles les dépassements de pression d'admission par le pilote,

* décrire le phénomène d'augmentation de la température susceptible d'altérer les cylindres, en préciser les causes,

* dire s'il est possible de faire voler l'appareil avec une pression d'admission trop élevée en maintenant une température de fonctionnement du moteur inférieure au maximum autorisé grâce au réglage fuel/flow

-s'agissant de l'entretien de l'appareil :

*préciser les préconisations d'entretien de l'appareil (rythme des visites, contenus des procédures d'entretien)

*dire si la dernière visite technique de l'avion effectuée par la société Aérolithe Maintenance l'a été conformément aux procédures d'entretien applicables,

*dire si un défaut de pression du cylindre 3 a été relevé lors de cette visite technique et si cela pouvait laisser présumer un défaut d'usure, et le cas échéant s'il apparaît que la société Aérolithe Maintenance en a informé M.[E],

*dire si une visite des 50H après le 12 mai 2011 aurait permis d'éviter la panne moteur et préciser si l'absence de cette visite des 50H et la poursuite des vols a été de nature à aggraver le dommage au moteur,

-s'agissant de l'utilisation de l'appareil :

*reprendre les paramètres des vols effectués par l'appareil en distinguant ceux effectués avant le 12 mai 2011 et ceux effectués entre le 12 mai 2011 et le 31 décembre 2011,

* indiquer les heures de vol de l'appareil pour chacune des deux périodes,

*dresser un tableau comparant pour chaque vol les paramètres recueillis avec les valeurs de référence préconisées par le constructeur,

*en considération de ces éléments et des photographies figurant au rapport d'expertise préciser si la dégradation possiblement déjà engagée en mai 2011 trouve sa source dans les conditions des vols effectués par M.[E], et/ou des deux vols du technicien de la société Aérolithe Maintenance et s'est trouvée aggravée par les vols suivants,

*dire si les paramètres relevés dans le procès verbal de constat du 12 novembre 2018 ( pièce 63 de M.[E]) correspondent aux prescriptions du manuel de maintenance.

-d'une manière plus générale, déterminer les causes du dysfonctionnement du moteur et fournir tout élément techniques et de faits de nature à déterminer les responsabilités encourues.

L'expert a déposé son rapport le 2 mai 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mars 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 30 mars 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 10 octobre 2022, M.[E], Continent Aircraft Trust N° 556 et la SARL Nakostech demandent à la cour de :

Vu les articles 1147, 1382 et 1384 du Code civil,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Dans leurs versions applicables en l'espèce,

-Ordonner le retrait des débats des pièces n° 40, 41 et 43 communiquées par la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance le 31 août 2020,

-Juger M.[E], Continent Aircraft Trust N°556 et la SARL Nakostech recevables et bien fondés en toutes leurs demandes.

En conséquence,

-Condamner solidairement la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance à verser la somme de 70557,23 euros à M.[E] en réparation du préjudice financier subi, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner solidairement la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance à verser la somme de 41 825,30 euros à la société Nakostech en réparation du préjudice financier subi avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner solidairement la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance à verser à M.[E] la somme de 97 750 euros en réparation du trouble de jouissance subi, en raison de l'impossibilité absolue d'utiliser son avion avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner solidairement la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance à payer à M.[E] la somme de 100 000 euros de dommages intérêts en réparation de son préjudice spécifique tenant à la mise en danger de sa personne avec intérêts au taux légal à compter de

l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner solidairement la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance en tous dépens, qui comprendront les frais d'expertise, tous frais de constat d'huissier, ainsi qu'au paiement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Subsidiairement, si la cour ne retenait pas la responsabilité d'Aerolithe,

-Condamner la société Aérolithe Maintenance à verser la somme de 70557,23 euros à M.[E] en réparation du préjudice financier subi avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner la société Aérolithe Maintenance à verser la somme de 41 825,30 euros à la société Nakostech en réparation du préjudice financier subi avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner la société Aérolithe Maintenance à verser à M.[E] la somme de 97 750 euros en réparation du trouble de jouissance subi, en raison de l'impossibilité absolue d'utiliser son avion avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner la société Aérolithe Maintenance à payer à M.[E] la somme de 100 000 euros de dommages intérêts en réparation de son préjudice spécifique tenant à la mise en danger de sa personne avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé expertise du 13 février 2012,

-Condamner la société Aérolithe Maintenance qu'au paiement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

-Condamner la société Aérolithe Maintenance en tous les dépens, qui comprendront les frais d'expertise, tous les frais de constats d'huissier,

En tout état de cause,

-Débouter la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance de leurs demandes reconventionnelles.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 22 novembre 2022, la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance demandent à la cour de :

-Déclarer Monsieur [M] [E], la société Nakostech et Continent Aircraft Trust N° 556 recevables mais mal fondés en leur appel.

-Déclarer la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance recevables et fondées en leur appel incident.

-Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[E], Continent Aircraft Trust N°556 et la SARL Nakostech de leurs demandes indemnitaires à l'encontre de la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum M.[E], Continent Aircraft Trust N° 556 et la SARL Nakostech à payer à la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance, la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il débouté la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance de leur demande reconventionnelle en paiement de factures.

Et statuant à nouveau,

Vu l'article 564,

-Juger les appelants irrecevables en leur demande fondée sur les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil ;

-Condamner la société Nakostech à payer à la société Aérolithe Maintenance la somme de 16 429,39 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

-Condamner in solidum M. [M] [E], la société Nakostech et Continent Aircraft Trust N° 556 à payer la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance une somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 1382 ancien du code civil.

-Condamner in solidum M. [M] [E], la société Nakostech et Continent Aircraft Trust N° 556 à payer à la société Aérolithe une somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner les mêmes sous la même solidarité à payer à la société Aérolithe Maintenance, une somme de 30 000 euros en application en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-Les condamner sous la même solidarité aux dépens d'appel dont distraction est requise au profit de Me Guyot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA COUR

Sur les demandes des appelants

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

À défaut conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.

Ainsi, l'appelant doit-il, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel.

Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, a été affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ. 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié). La Cour de cassation a, considérant que cette obligation fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle, jugé que son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

Cependant en l'espèce

-cette décision de la Cour de cassation a été rappelée par les intimées, en page 11 de leurs conclusions régulièrement signifiées le 22 novembre 2022 mentionnant l'arrêt du 17 septembre 2020 et l'exigence de la formulation d'une demande d'infirmation dans les conclusions. La société Aérolithe Maintenance et la société Aerolithe ont expressément conclu que la confirmation du jugement était susceptible d'être encourue ;

-les appelants, qui avaient précédemment conclu le 10 octobre 2022, avaient donc la possibilité procédurale d'y répondre, étaient informés du risque encouru et pouvaient en tout état de cause régulariser leurs conclusions. Ils n'ont ni répliqué sur ce point, ni modifié le dispositif de leurs conclusions ;

-ce sont les appelants eux mêmes qui ont sollicité le 9 mars 2023 que l'affaire soit clôturée, sans répliquer aux conclusions des intimées ni régulariser le dispositif de leurs conclusions.

Ainsi, dès lors que les appelants, auxquels avait été expressément rappelé dans des conclusions régulièrement signifiées le risque de confirmation en l'absence de demande d'infirmation dans le dispositif de leurs conclusions, disposaient de la possibilité procédurale de les régulariser, leur droit au procès équitable a été respecté.

Ainsi, M.[E], Continent Aircraft Trust N° 556 et la SARL Nakostech ne demandant pas dans le dispositif de leurs conclusions l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont ils recherchent l'anéantissement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes.

Les pièces n° 40, 41 et 43 des sociétés Aérolithe et Aérolithe Maintenance communiquées le 31 août 2020 ayant été produites à l'appui des conclusions au fond tendant à la confirmation du jugement, la demande de retrait des débats de ces pièces est sans objet.

Sur les demandes reconventionnelles des intimées

La société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance ont formé appel incident à l'encontre du jugement qui les a déboutées de leur demande en paiement contre la société Nakostech de 3 factures mais aux termes de leurs conclusions d'appelantes elles sollicitent la condamnation de la société Nakostech en paiement de 2 factures au bénéfice de la seule société Aérolithe Maintenance.

La société Aérolithe Maintenance soutient que la société Naskotech est débitrice à son égard de la somme de 16 429,39 euros correspondant à deux factures:

-facture N°M11024 du 18/02/2011, d'un montant de 14371,51 euros correspondant à la visite des 100 heures réalisée en février 2011, sur laquelle a été versé un acompte de 8000 euros,

-facture N°M11103 du 17/05/2011, d'un montant de 10057,88 euros correspondant à la visite annuelle de mai 2011.

Elle soutient que la société Naskotech ne peut contester ces factures dès lors qu'elle a versé un acompte sur la première et qu'elle avait donné son accord sur le devis qui lui avait été adressé pour la seconde.

La société Naskotech conclut que les pièces produites sont insuffisantes pour justifier la demande en paiement. Elle s'étonne de ce que des pièces lisibles aient été « miraculeusement » retrouvées à moins d'un mois de la clôture de la procédure alors que celle-ci est en cours depuis plusieurs années.

Elle soutient que selon la Cour de cassation ni le principe ni le montant d'une dette contractuelle ne peuvent se déduire valablement de factures, relevés de comptabilité, lettres de relance, mises en demeure émanés exclusivement du demandeur en paiement: dès lors que les devis et factures produites ne sont ni signées ni acceptées, elles ne sont pas exigibles.

En tout état de cause, dès lors que ces factures correspondent à des visites de maintenance pour lesquelles l'expertise a révélé des fautes graves commises par la société de maintenance, elle est fondée à invoquer l'exception d'inexécution de l'article 1219 du Code civil, l'inexécution de l'obligation de maintenance étant particulièrement grave en l'espèce.

Les visites techniques

Il résulte du rapport d'expertise et des pièces 27, 29, 30 et 45 des appelantes que les deux visites techniques litigieuses sont mentionnées sur le log book c'est à dire sur le journal de bord de l'avion.

Par ailleurs la société Nakostech ne conteste pas avoir réglé partie du prix en versant 8000 euros sur la somme totale de 14 371,51 euros pour la visite des 100H réalisée en février 2011. Et il résulte du mail de M.[E] du 2 mai 2011 qu'il a accepté le devis de la visite annuelle de mai 2011.

La société Naskotech est donc mal fondée à soutenir que les factures ne correspondent pas à des visites techniques effectivement réalisées sur l'avion.

Le respect des procédures applicables lors des visites techniques

Dans les contrats synallagmatiques conclus avant 2016, il est de jurisprudence constante que le débiteur d'une obligation peut invoquer l'exception d'inexécution pour refuser de s'exécuter lui même. L'article 1219 du code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016 prévoit désormais qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette exécution est suffisamment grave.

En l'espèce, il résulte de l'expertise que les intervenants de la société Aérolithe Maintenance n'ont pas justifié de leur certification FAA et Tornado/ Allay pour effectuer les visites techniques et les réparations, que les maintenances n'ont pas été réalisées au travers de cartes de travail alors que selon l'expert, qui n'est pas utilement contredit sur ce point, il s'agit d'un usage afin de s'assurer de la progression pas à pas des opérations techniques et qu'aucune suite n'a été donnée à la valeur basse de la compression qui avait été relevée sur le cylindre 3 en mai 2011 alors qu'elle était le signe d'un début de dégradation grave.

Force est donc de constater que les visites dont la société Aérolithe maintenance sollicite le paiement n'ont pas été exécutées dans les règles de l'art et que les manquements sont suffisamment graves pour justifier l'exception d'inexécution invoquée par la société Nakostech.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance de leur demande en paiement de factures,

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constituant pas en soi une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice ni une quelconque résistance abusive, en l'absence de justification d'un préjudice spécifique, il convient de rejeter la demande reconventionnelle d'indemnisation formée à ce titre par la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt justifie que les dépens de la procédure d'appel incluant les frais d'expertise soient mis à la charge de la société Aérolithe et de la société Aérolithe Maintenance et qu'elles soient déboutées de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Senlis le 23 janvier 2018 ;

Y ajoutant

Déclare sans objet la demande de retrait des débats des pièces n° 40, 41 et 43 communiquées par la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance le 31 août 2020, du fait de la confirmation prononcée ;

Déboute la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Déboute la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Aérolithe et la société Aérolithe Maintenance aux dépens d'appel incluant les frais d'expertise ordonnée par la cour d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00718
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;19.00718 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award