ARRET
N°
S.A.R.L. GÉNÉRATION COUVERTURE SOLAIRE G.C.S
C/
E.U.R.L. CABINET [B]
OG
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 30 MAI 2023
N° RG 21/03950 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFZP
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 22 JUIN 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. GÉNÉRATION COUVERTURE SOLAIRE G.C.S représentée par son gérant, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 95 et ayant pour avocat plaidant Me Sandra BERDUGO, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMEE
E.U.R.L. CABINET [B] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101 et ayant pour avocat plaidant Me LAVAULT, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 21 Mars 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Mai 2023.
GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction et assistée de Mme BALOU Hanniel, greffier stagiaire.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 30 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.
DECISION
La SARL GCS couverture, spécialisée dans les travaux de couverture, charpente et isolation, a confié à l'EURL Le cabinet [B] une mission de tenue complète de sa comptabilité comprenant notamment l'établissement des fiches de salaire et l'établissement des déclarations auprès des organismes sociaux, les déclarations des résultats auprès de l'administration fiscale et les déclarations de TVA et ce à compter du 1er juin 2010.
Par courrier recommandé en date du 28 mai 2014 la SARL GCS couverture a mis fin à la mission de la société Le cabinet [B] avec effet au 30 juin suivant.
La société GCS a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les déclarations fiscales relatives à la TVA portant sur la période du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016 et a fait l'objet d'un redressement d'un montant de 56521 euros au titre des droits, de 6010 euros au titre des intérêts de retard, de 5652 euros au titre des majorations pour le retard dans les déclarations et 3203 euros au titre des amendes pour défaut d'auto-liquidation de la TVA.
Par acte en date du 5 février 2020 la SARL GCS couverture a fait assigner l'EURL Le cabinet [B] devant le tribunal de commerce de Compiègne aux fins de le voir condamner à réparer les préjudices résultant du redressement.
Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 22 juin 2021 ses demandes ont été déclarées irrecevables comme forcloses.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 juillet 2021 la SARL GCS couverture a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions remises le 29 décembre 2022 la SARL GCS couverture demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré son action irrecevable et en ce qu'elle l'a condamnée au paiement d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et statuant à nouveau de la dire recevable en son action, de déclarer la société Le cabinet [B] responsable des conséquences préjudiciables des vérifications opérées par l'administration fiscale et du redressement intervenu et en conséquence de la condamner à lui payer la somme de 37366 euros au titre de son préjudice matériel et la somme de 3000 euros au titre de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure en date du 7 novembre 2019 .
Elle demande enfin une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le remboursement de la somme de 1500 euros versée au titre de la condamnation intervenue avec exécution provisoire en première instance et la condamnation de la société Le cabinet [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions remises le 12 janvier 2022 l'EURL Le cabinet [B] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et à titre subsidiaire de déclarer l'action irrecevable comme prescrite.
A titre infiniment subsidiaire elle demande que la SARL GCS couverture soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à lui payer une somme de 2500 euros sur le fondement de l'artice 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2023.
SUR CE,
Sur la forclusion
La société Le cabinet [B] soutient que les conditions générales de la lettre de mission prévoient deux délais pour agir soit un délai de forclusion de trois mois à compter de la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre et un délai de prescription de 5 ans à compter du premier jour de l'exercice au cours duquel est né le sinistre et que les conditions générales qui font partie intégrante de la lettre de mission sont opposables aux parties.
Elle fait valoir que la société GCS couverture a nécessairement eu connaissance du sinistre à compter de la proposition de rectification du 29 septembre 2016 et qu'à défaut d'avoir agi au plus tard le 29 décembre 2016, son action doit être déclarée irrecevable car tardive.
Elle ajoute que cette clause édictant un délai préfix de trois mois a été à plusieurs reprises validée par la jurisprudence.
Elle fait observer qu'il résulte de l'examen de la lettre de mission qu'elle comporte les conditions générales et comprend deux signatures dont l'une est située juste au-dessus des conditions générales qu'au demeurant la société GCS couverture ne pouvait ignorer dès lors qu'elle les verse elle-même aux débats et qu'elle a résilié la mission dans les formes prévues dans les conditions générales.
La société GCS couverture soutient que les conditions générales prévoyant le délai de forclusion lui sont inopposables car si elles figurent à la suite des conditions particulières elles ne sont ni signées ni paraphées et il n'y est pas fait référence dans la lettre de mission .
Elle fait valoir qu'elles ne lui ont pas été explicitées et qu'elle ne les a pas acceptées.
Elle rappelle que faute d'avoir été acceptées les conditions générales prévoyant une clause d'aménagement de la forclusion sont inopposables au client ce qui résulte désormais de l'article 1119 du code civil.
Elle ajoute qu'elle a bien formalisé sa réclamation auprès de la société le cabinet [B] par courrier recommandé en date du 6 octobre 2016 soit dans les trois mois de la notification du contrôle fiscal.
Au regard de la date de signature de la lettre de mission les dispositions de l'article 1119 du code civil issues de l'ordonnance du 10 février 2016 ne sont pas applicables.
Les conditions générales ne peuvent s'imposer aux parties que si elles sont incluses dans le contrat ce qui suppose leur connaissance par les parties et leur acceptation.
Il est admis que lorsque toutes les clauses d'un contrat sont contenues dans le même document, le consentement exprimé à propos des conditions particulières laisse présumer celui sur les conditions générales
En l'espèce il résulte de l'examen de la lettre de mission dont un exemplaire est produit par la SARL GCS couverture elle-même que les conditions particulières et les conditions générales ne forment qu'un seul et même document et que si seules les conditions particulières décrivant précisément l'étendue de la mission sont signées au sein même des conditions générales de la mission qui suivent directement la signature du client figure une annexe récapitulant la répartition des tâches entre le cabinet d'expertise comptable et le client en application des conditions particulières. Les conditions générales divisées en plusieurs paragraphes comportent des clauses parfaitement lisibles dont les titres sont soulignés, permettant au client de s'y référer sans difficulté.
La connaissance des conditions générales par la SARL GCS couverture est établie et la présomption de leur acceptation résultant de l'inclusion des conditions générales au sein de la lettre de mission et de la signature des conditions particulières est renforcée par la production de ces conditions générales par la société GCS couverture et l'application par celle-ci des modalités de résiliation de la mission prévues par les conditions générales.
Dans ces conditions il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les conditions générales opposables à la SARL GCS couverture.
En application de ces conditions générales en leur article intitulé 'responsabilité' il est prévu que toute demande de dommages et intérêts ne peut être produite que pendant une durée de cinq ans commençant à courir le premier jour de l'exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande et que cette demande doit être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance du sinistre.
La notification en date du 29 septembre 2016 de la proposition de rectification à la suite de la vérification de la comptabilité ou au plus tard la réponse de l'administration fiscale aux observations formées par la SARL GCS couverture ayant maintenu les rectifications proposées le 15 novembre 2016 constituent le point de départ du délai de préfix de trois mois, la SARL GCS couverture ayant alors pleinement connaissance du sinistre.
La lettre adressée par la SARL GCS couverture le 6 octobre 2016 témoigne d'ailleurs de sa pleine connaissance de ce sinistre.
Ce courrier recommandé mettant en cause la responsabilité de l'EURL Le cabinet [B] au titre d'un manquement à une obligation de conseil et lui demandant de lui faire part de ses intentions ne permet pas pour autant de faire obstacle à l'acquisition de la forclusion.
Il sera observé qu'au demeurant la mission de l'EURL Le cabinet [B] ayant pris fin le 30 juin 2014, le sinistre est né avant cette date et le délai de prescription de cinq ans a couru compter de l'exercice suivant soit le 1er janvier 2015 et ainsi l'action en responsabilité introduite le 5 février 2020 est prescrite.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action en responsabilité engagée par la SARL GCS couverture à l'encontre de l'EURL Le cabinet [B] irrecevable.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner la SARL GCS couverture qui succombe en son appel aux entiers dépens d'appel et de la condamner à payer à l'EURL Le cabinet [B] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision entreprise ;
Y ajoutant,
Condamne la SARL GCS couverture aux entiers dépens d'appel ;
Condamne la SARL GCS couverture à payer à l'EURL Le cabinet [B] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,