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25/05/2023 | FRANCE | N°22/03579

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 25 mai 2023, 22/03579


ARRET

























S.A.S. [18]









C/







S.E.L.A.R.L. [8]

S.A.S. [13]













OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 25 MAI 2023





N° RG 22/03579 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQOT





ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 30 JUIN 2022







PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A.S. [18], agissant poursuites et diligenses en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]





Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

...

ARRET

S.A.S. [18]

C/

S.E.L.A.R.L. [8]

S.A.S. [13]

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 25 MAI 2023

N° RG 22/03579 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQOT

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 30 JUIN 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. [18], agissant poursuites et diligenses en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me BOUREAU, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. [8], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la SAS [13] suivant jugement rendu par le Tribunal de Commerce de SAINT-QUENTIN le 23 avril 2021, agissant poursuites et diligenses en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

Ayant pour avocat plaidant, Me Dominique ROUSSEL, avocat au barreau de REIMS

S.A.S. [13], agissant poursuites et diligenses en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 2]

Assignée à personne morale, le 28 septembre 2022

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Mars 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le 25 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La [13] - [13] (SAS), créée en 1971 et sise à [Localité 6] ), est spécialisée dans les domaines de la maçonnerie générale et du gros oeuvre de bâtiment.

Selon deux marchés de travaux régularisés le 18 décembre 2014, les sociétés '[17]' et '[16]', intervenant chacune en qualité de maître d'ouvrage dans le cadre d'un partenariat entre les sociétés [7] ([12]) et [10] (SA), ont confié à la SAS [13], deux lots intitulés 'Gros oeuvre' relatifs à la construction d'un ensemble de logements touristiques (hébergements individuels et collectifs) avec divers équipements et bâtiments annexes (Le 'Village').

La société '[15]' (SAS) a été désignée comme maître d'ouvrage délégué.

Parallèlement aux opérations de construction, les ouvrages ont fait l'objet de ventes en l'état futur d'achèvement.

Concomitamment à ces ventes, les propriétaires ont conclu des baux commerciaux avec la société '[15]' (SAS), qui exploite l'ensemble du Village.

Le centre de loisirs a ouvert ses portes au public en août 2017, le Village étant actuellement exploité sous la marque '[15]' par la SAS [15].

Se prévalant de désordres constatés par l'exploitant lors des opérations de livraison des ouvrages et postérieurement, plusieurs sociétés, dont la SAS [18], ainsi que les SNC [17] et [16] ont fait assigner en référé-expertise plusieurs sociétés, dont la SAS [13], devant le Président du tribunal de grande instance de Paris, afin de voir expertiser la matérialité et l'imputabilité des désordres dénoncés, par actes d'huissier séparés des 30, 31 juillet et 1er août 2018.

Suivant ordonnances de référé du 22 novembre 2018, le Président du tribunal de grande instance de Paris a notamment ordonné une mesure d'expertise judiciaire et désigné M. [N] [D] à cet effet, avec pour mission de chiffrer les coûts afférents à la reprise des désordres et de se prononcer sur les responsabilités au titre des désordres dénoncés.

Se prévalant de désordres constatés postérieurement à ces deux premières ordonnances plusieurs sociétés, dont la SAS [18], ont fait assigner en référé-expertise plusieurs sociétés, dont la SAS [13], devant le Président du tribunal de grande instance de Paris, afin de voir étendre les opérations d'expertise en cours à ces nouveaux désordres, ainsi qu'à de nouvelles parties, par actes d'huissier du 23 juillet 2019.

Suivant ordonnances de référé du 5 novembre 2019 et du 20 février 2020, le Président du tribunal judiciaire de Paris a étendu les opérations d'expertise à l'ensemble des désordres allégués par les demanderesses, ainsi qu'à de nouvelles parties.

Par actes d'huissier du 15 novembre 2019, plusieurs sociétés, dont la SAS [18], ont fait assigner plusieurs sociétés, dont la SAS [13], devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins notamment de les voir condamner in solidum à leur verser une somme de 70.000.000 euros HT, sauf à parfaire, correspondant à la réparation de leur entier préjudice, tant matériel qu'immatériel, trouvant son origine ou sa cause dans les réserves, désordres et malfaçons et non façons affectant les ouvrages objets de l'expertise judiciaire diligentée, tels que listés aux termes des ordonnances des 22 novembre 2018, 5 novembre 2019 et 20 février 2020, ainsi que dans les deux actes introductifs d'instance à l'origine de ces ordonnances.

Suivant jugement du 28 janvier 2021, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a notamment ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS [13], fixé au 10 novembre 2020 la date de cessation des paiements, désigné la SELARL [14] en qualité d'administrateur judiciaire et désigné la SELARL [9] en qualité de mandataire judiciaire.

Par LRAR du 25 mars 2021, la SAS [18] a déclaré entre les mains de la SELARL [9], ès qualités, une créance à titre chirographaire à hauteur de 100.000.000 euros, dont 30.000.000 euros au titre de la reprise des désordres, et 70.000.000 euros au titre des préjudices immatériels consécutifs aux désordres repris.

Suivant jugement du 23 avril 2021, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a notamment converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire de la SAS [13] et désigné la SELARL [9] en qualité de mandataire liquidateur.

Par actes d'huissier du 28 mai 2021, les sociétes [17] et [16] ont fait assigner le mandataire liquidateur de la SAS [13], dans chacune des instances introduites au fond, devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par LRAR du 8 juin 2021, le mandataire liquidateur a indiqué à la SAS [18] que la créance déclarée faisait l'objet d'une contestation totale et l'a invitée à justifier de sa créance.

En retour, la SAS [18] a déclaré maintenir sa déclaration de créance en totalité.

Suivant ordonnance sur créance contestée n° 6532022028343 du 30 juin 2022, le juge-commissaire à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS [13] du tribunal de commerce de Saint-Quentin a notamment dit que la demande d'admission au passif se heurte à une contestation sérieuse, renvoyé la SAS [18] à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois de la notification de la décision, à peine de forclusion, dit qu'il sera sursis à l'admission de la SAS [18] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS [13] dans l'attente de l'issue de l'instance au fond à engager et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.

La SAS [18] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 juillet 2022.

L'appelante a fait signifier à la SAS [13] sa déclaration d'appel, l'avis de fixation et l'ordonnance de fixation à bref délai par acte d'huissier du 28 septembre 2022, délivré à personne morale et ses conclusions d'appelante, outre le bordereau des pièces communiquées, par acte d'huissier du 10 octobre 2022, délivré à personne morale.

La SAS [13] n'a pas constitué avocat.

Selon avis du 23 janvier 2023, le ministère public requiert la réformation de l'ordonnance entreprise, étant précisé :que le juge commissaire a sursis à statuer, alors que l'article L624-2 du code de commerce ne prévoit aucune autre possibilité pour le juge commissaire, si ce n'est de rejeter ou d'admettre la créance ou bien de constater, soit qu'il existe une instance en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence de sorte qu'il nest pas possible de surseoir à statuer.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante remises le 8 février 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS Village nature tourisme demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de surseoir à statuer sur l'admission de sa créance déclarée au passif de la SAS [13] et sur son quantum en l'attente du jugement à intervenir du tribunal judiciaire de Paris et de dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée remises le 14 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SELARL [8], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS [13], demande à la cour de déclarer irrecevable l'appel de la SAS Village nature tourisme, comme ne justifiant d'aucun intérêt à agir, en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et de condamner la SAS Village nature tourisme à lui payer, ès qualités, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été fixée à bref délai pour plaider à l'audience du 16 mars 2023.

SUR CE,

L'appelante fait valoir que le juge commissaire a fait une application erronée de l'article L624-2 du code de commerce, aux motifs qu'à la date d'ouverture de la procédure collective, une instance au fond entre les parties était déjà pendante devant le tribunal judiciaire de Paris, étant ajouté que cette juridiction devra statuer, dans le cadre de cette instance, toujours en cours, sur les condamnations à intervenir, sur les conclusions du rapport d'expertise à intervenir et sur le montant de la créance déclarée par la SAS [18] nature au passif de la liquidation judiciaire de sorte qu'il appartenait au juge-commissaire de constater l'existence de l'instance en cours entre les parties devant le tribunal judiciaire de Paris et de surseoir à statuer sur l'admission de la créance contestée au passif de la procédure collective dans l'attente de l'issue de cette instance au fond.

Elle fait observer que si le sursis à statuer a été ordonné ce n'est qu'à la condition de justifier de l'initiation d'une instance au fond dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'ordonnance sous peine de forclusion et qu'en conséquence l'objet et l'intérêt du présent appel est de voir corriger l'erreur commise par le juge-commissaire n'ayant pas pris en compte l'instance en cours.

L'intimée prétend en retour que la SAS [18] sollicite un sursis à statuer sur l'admission de sa créance que le juge-commissaire a déjà prononcé explicitement, étant ajouté que le défaut de constat, par ce dernier, de l'existence d'une instance en cours devant le tribunal judiciaire de Paris, reste sans incidence sur le litige, comme sur son résultat si bien que l'appelante ne justifie d'aucun intérêt à agir, au sens de l'article 31 du code de procédure civile.

En application de l'article L 624-2 du code de commerce au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire si la demande d'admission est recevable , décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours , soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.

En l'absence de contestation sérieuse le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

A défaut d'admettre ou de rejeter la créance le juge-commissaire peut donc constater soit qu'une instance est en cours soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.

L'instance en cours est une instance au fond intentée avant le jugement d'ouverture contre le débiteur et qui tend à obtenir de la juridiction saisie au principal une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance.

Face à une telle instance en cours le juge-commissaire doit en relever d'office l'existence et il est alors dépourvu de son pouvoir juridictionnel et se trouve donc privé de son pouvoir de statuer sur l'existence et la nature de la créance déclarée .

Dessaisi sans être incompétent, il est privé du pouvoir d'admettre ou de rejeter la créance.

Par son ordonnance de constatation de l'instance en cours revêtue de l'autorité de la chose jugée, le juge-commissaire vide sa saisine.

Lorsque la créance est fixée à l'issue de l'instance en cours, il appartient au créancier de demander au greffier du tribunal de commerce son inscription au passif de la société en procédure collective

Lorsque le juge-commissaire relève l'existence d'une contestation sérieuse, il désigne la partie tenue de saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à peine de forclusion et sursoit à statuer jusqu'à la forclusion ou jusqu'à ce que la contestation soit tranchée . Une fois la contestation tranchée il se prononce sur l'admission ou le rejet de la créance .

Les conséquences de ces deux décisions pouvant être prises par le juge-commissaire sont donc bien distinctes notamment quant aux suites réservées .

En effet lorsqu'est constatée l'existence d'une contestation sérieuse il convient que le créancier saisisse la juridiction désignée dans le délai d'un mois à peine de forclusion et le juge-commissaire n'est pas dessaisi alors que lorsqu'il est constaté l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire est véritablement dessaisi, et toute demande nouvelle devant lui pour les mêmes créances est irrecevable.

En conséquence la SAS [18] a bien un intérêt à agir à l'encontre de la décision entreprise quant à la position adoptée par le juge-commissaire qu'elle estime erronée et son appel doit être déclaré recevable.

Le juge-commissaire a retenu que seule une expertise était en cours dans le cadre du contentieux de la construction et que cette expertise ne pouvait constituer une instance en cours.

Il est certain qu'une procédure de référé ne peut constituer une instance en cours.

Toutefois en l'espèce la SAS[18] justifie de l'existence d'une instance en cours engagée sur le fond le 19 novembre 2019 à l'encontre notamment de la SAS [13] au titre des désordres affectant les travaux par elle réalisés et donc en lien direct avec la déclaration de créance.

Elle justifie que la procédure est toujours en cours, renvoyée en mise en état devant le tribunal judiciaire de Paris.

Cette procédure introduite après le référé expertise et durant le cours de l'expertise saisit néanmoins le tribunal judiciaire du contentieux relatif aux désordres affectant les travaux et à la responsabilité des constructeurs dont la SAS [13] sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.

Il s'agit bien d'une procédure au fond intentée le 15 novembre 2019 soit avant le jugement d'ouverture contre le débiteur et qui tend à obtenir de la juridiction saisie au principal une décision définitive sur le montant et l'existence de la créance déclarée et relative à la réparation des désordres affectant les travaux.

Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant de nouveau de constater l'existence d'une instance en cours et de dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer.

Il convient de débouter les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition de la décision au greffe,

Déclare recevable l'appel formé par la SAS [18] ;

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate l'existence d'une instance en cours relative à la créance déclarée par la SAS [18];

Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer;

Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/03579
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.03579 ?
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