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25/05/2023 | FRANCE | N°22/03437

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 25 mai 2023, 22/03437


ARRET

























[D]









C/







S.E.L.A.R.L. EVOLUTION













FLR



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 25 MAI 2023





N° RG 22/03437 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQFK





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 01 JUILLET 2022



APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET A

VIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [T] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représenté par Me Jean-michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat au barreau d'A...

ARRET

[D]

C/

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 25 MAI 2023

N° RG 22/03437 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQFK

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 01 JUILLET 2022

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [T] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 95

Plaidant par Me Stephan REIFEGERSTE, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LABLIPOMI, agissant poursuites et diligences en son rprésentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Audrey BOUDOUX D'HAUTEFEUILLE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 90

Ayant pour avocat plaidant, la SCP BEJIN-CAMUS, avocats au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Mars 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Le 25 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SARL LAB.L.IMPOMI créée en septembre 2009 ayant pour gérant M. [T] [D] a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 20 octobre 2017, la SELARL Grave-Randoux devenue la SELARL Evolution étant désignée en qualité de liquidateur judicaire et la date de cessation des paiements arrêtée le 30 juin 2017.

La SELARL Evolution en qualité de liquidateur de la SARL LAB.L.IPOMI a assigné M. [T] [D], devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin par acte d'huissier en date du 29 septembre 2020 aux fins de voir prononcer à son endroit une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans.

Par jugement du 1er juillet 2022 le tribunal de commerce a prononcé une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 5 ans à l'encontre de M. [T] [D] et l'a condamné à payer à la SELARL Evolution ès-qualités de liquidateur de la SARL LABL.IMPOMI la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 8 juillet 2022 M. [T] [D] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises le 9 mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [T] [D] demande à la cour de déclarer que les exceptions de nullité tirées de l'irrégularité de la déclaration d'appel et de la caducité de la déclaration d'appel irrecevables et mal fondées, d'infirmer le jugement dont appel, subsidiairement de l'exonérer de toute sanction et en tous cas de condamner la SELARL Evolution à payer à M. [T] [D] la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

Par conclusions remises le 22 décembre 2022, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SELARL Evolution en qualité de liquidateur de la SARL LAB.L.IMPOMI demande à la cour de déclarer nulle la déclaration d'appel,de déclarer irrecevable l'appel, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant de condamner M. [T] [D] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Par avis en date du 23 janvier 2023, communiqué aux parties, le ministère public requiert au regard de la modération de la sanction prononcée, la confirmation du jugement.

SUR CE :

Sur la déclaration d'appel

S'il revient au président de chambre de se prononcer sur la caducité de l'appel, ce dernier ne tient pas des articles 905-1 et 905-2 le pouvoir de se prononcer sur une exception de procédure.

L'intimée a opposé l' exception tirée de la nullité de la déclaration d'appel dans ses premières conclusions remises au greffe à l'intention de la cour.

En revanche elle n'a pas saisi le président d'une demande de déclaration de caducité de l'appel.

Partant si l'intimée est recevable à opposer in limine litis devant la cour la nullité de la déclaration d'appel elle ne l'est plus à demander la caducité de la déclaration d'appel.

Cependant elle est mal fondée à opposer la nullité de la déclaration d'appel dans la mesure où le caractère erroné de l'adresse ne l'a pas privée de la possibilité de se constituer avocat et de présenter une défense.

En conséquence l'exception tirée de la nullité de la déclaration d'appel est écartée.

Sur la demande de sanction

L'appelant fait grief aux premiers juges d'avoir prononcé une mesure d'interdiction de gérer à son endroit alors qu'il n'a commis aucune faute pouvant fonder une telle sanction.

Il explique que s'il devait effectuer la déclaration de cessation des paiements de la société qu'il dirigeait au plus tard le 15 août 2017, le fait de l'avoir effectuée le 13 octobre 2017 n'est pas fautif dans la mesure où il bénéficiait d'un moratoire avec l'administration fiscale qui n'a été dénoncé que le 11 octobre 2017. Il fait valoir que tout au plus le retard peut être qualifié de simple négligence.

En outre il fait remarquer également que c'est à tort que le liquidateur se prévaut pour fonder sa demande, d'une poursuite abusive d'activité à des fins personnelles en raison d'une augmentation de l'insuffisance d'actif de façon substantielle entre le 28 février 2015 et le 28 février 2017 alors qu'aucun fait antérieur à la date de cessation des paiements ne peut fonder la sanction.

Enfin il affirme que la preuve d'actes contraires à l'intérêt social constitutifs de détournement d'actif n'est pas rapportée et il ajoute que le liquidateur ne l'a jamais interrogé sur les actes litigieux dont il se prévaut.

L'intimée demande la confirmation du jugement au motif que le retard à effectuer la déclaration de cessation des paiements est délibéré et ne peut donc être qualifié de simple négligence.

Elle fait notamment valoir que l'appelant connaît le droit des procédures collectives pour avoir déjà fait bénéficier une société qu'il dirigeait d'une procédure de liquidation judiciaire, que le moratoire n'a été accordé par l'administration fiscale qu'à la condition de payer les sommes dues à l'URSSAF, que la société LAB.L.IPOMI n'a payé aucune somme et qu'en tout état de cause cette situation ne la privait pas de faire régulariser par son dirigeant une déclaration de cessation des paiements.

Elle soutient également que la preuve de la poursuite d'une activité déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements est démontrée par l'étude des chiffres entre le 28 février 2015 et le 28 février 2017 qui objective une augmentation croissante de l'insuffisance d'actif constituée notamment des rémunérations diverses et variées de M. [D].

Elle fait remarquer que ce n'est qu'en raison de la caducité du moratoire que M. [D] s'est décidé à effectuer la déclaration de cessation des paiements de sorte que sa mauvaise foi est établie et que l'importance du passif n'est que la conséquence de son entêtement à poursuivre l'activité et qu'en outre il est démontré qu'il a effectué avec le crédit de la société des paiements au profit de son épouse, de la SCI Saint-André dont il est le gérant, SCI elle-même associée de la SCI Le Royeux propriétaire des locaux loués par la liquidée.

Aux termes de l'article L.653-4 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

L'article L.653-8 prévoit que :

Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

(...)

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

La date de cessation des paiements de la SARL LAB.I.IPOMI a été définitivement arrêtée au 30 juin 2017 suite à la déclaration de cessation des paiements réalisée le 13 octobre 2017.

Cette déclaration de cessation des paiements fait suite au prononcé le 11 octobre 2017, de la caducité du plan de règlement accordé par la commission des chefs de services financiers (CCSF) le 23 juin 2017.

En effet, dans chaque département existe un conseiller départemental à la sortie de crise qui accueille et oriente les entreprises en situation de fragilité financière, interlocuteur qui respecte un strict cadre de confidentialité, il propose une solution adaptée et opérationnelle à chaque entreprise, en fonction de sa situation en s'appuyant, le cas échéant, sur les services de la médiation du crédit de la Banque de France, de la médiation des entreprises ou pour orienter les chefs d'entreprises vers le bon acteur.

Dans ce cadre l'entreprise qui a des difficultés à régler une créance fiscale et sociale a la possibilité de saisir la CCSF en constituant un dossier contenant notamment les trois derniers bilans et la situation de trésorerie.

C'est dans ce contexte que la SARL LAB.L.IPOMI qui rencontrait des difficultés à faire face à son passif fiscal et social a saisi cette commission qui dans sa séance du 23 juin 2017 lui a accordé un plan de règlement conditionné au paiement des parts salariales dues à l'URSSAF.

Dans ces circonstances, compte tenu du caractère confidentiel de cet accompagnement destiné à permettre la sortie de crise d'une entreprise, accompagnement accordé notamment sur la base des trois derniers bilans, la SARL LAB.L.IPOMI a pu légitimement penser que sous la protection de la CCSF elle n'avait pas à effectuer une déclaration de cessation des paiements et ce d'autant que si elle parvenait à payer la part salariale due à l'URSSAF elle pouvait bénéficier d'un plan d'apurement rappelant notamment qu'elle réalisait un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 870 000 € et qu'elle employait 19 salariés.

D'ailleurs le passif vérifié de la société, à hauteur de 435 050,03 € est constitué de 11 créances dont 6 créances relatives à des dettes fiscales et sociales pour une somme globale de 390 242,92 € et plus particulièrement de deux créances de l'AGS d'un montant global de 142 677,37 € correspondant aux sommes avancées dans le cadre de la liquidation pour licencier les 19 salariés de la structure.

Ces chiffres caractérisent le fait que la société n'arrivait plus à faire face au coût des charges salariales.

En conséquence le fait de déclarer l'état de cessation des paiements le 13 octobre 2017 soit 2 jours après le prononcé de la caducité du plan accordé par la CCSF et moins de deux mois après la date retenue par le tribunal pour fixer la date de cessation des paiements, est insuffisant à établir la faute intentionnelle de ne pas respecter le délai de 45 jours prévu par la loi pour le faire.

Par ailleurs il n'est pas plus démontré que M. [D] en sa qualité de gérant de la société a poursuivi volontairement et dans son intérêt personnel une activité déficitaire dans la mesure où son chiffre d'affaires était stable. Les comptes de résultat renseignent essentiellement sur le fait que la masse salariale était très importante de sorte que la poursuite d'activité profitait aux personnes employées par cette société, situation qui a généré un important passif social à l'égard de l'URSSAF notamment.

Les rémunérations du dirigeant reprises dans le rapport du liquidateur judiciaire à hauteur de 33 200 € par an soit 2 766 € par mois ne peuvent être qualifiées d'excessives au regard des chiffres repris plus haut et du temps investi dans l'exploitation d'une société comprenant 19 salariés.

Par ailleurs la somme globale de 2 000 € payée à Mme [D] en trois versements de 200, 900 et 900 €, comportant la mention « remboursement » sur les relevés bancaires de la société correspondent à des remboursements de frais exposés pour la société et non dans l'intérêt personnel de Mme [D].

Seule la somme de 7 011,44 € payée à la SCI Saint-André non liée contractuellement avec la liquidée est injustifiée.

Si cette somme a contribué à accroître le passif de la SARL, son montant comparé au passif fiscal et social, constitue une négligence insuffisante à caractériser une faute de gestion.

Partant les fautes de gestion alléguées n'étant pas démontrées et la SARL Evolution en sa qualité de liquidateur de la SARL LAB.L.IPOMI étant déboutée par un arrêt distinct de sa demande au titre de l'insuffisance d'actif dirigée contre M. [T] [D] dirigeant de droit, il sera dit n'y avoir lieu à sanction dans les termes de l'article L.653-8 du code de commerce.

Partant le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective et il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Déclare recevable mais mal fondée l'exception tirée de la nullité de la déclaration d'appel ;

Déclare irrecevable la demande tendant à déclarer l'appel caduc ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à prononcer une mesure d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [T] [D] ;

Dit que chaque partie gardera la charge des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 22/03437
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.03437 ?
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