ARRET
N°
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C/
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VA/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT TROIS MAI
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04381 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISB5
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Madame [Z] [R] [I] épouse [T]
née le 21 Juillet 1954 à LILLE
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 6]
Monsieur [A] [V] [H] [I]
né le 07 Octobre 1959 à FOURMIES
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 3]
Représentés par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS
APPELANTS
ET
Madame [S], [L] [I]
née le 14 Février 1956 à FOURMIES
de nationalité Française
[Adresse 21]
[Adresse 5]
[Localité 20]
Assignée à étude le 26/10/2022
Monsieur [E] [W] [C] [I]
né le 15 Décembre 1957 à FOURMIES
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 16]
Assigné à étude le 26/10/2022
INTIMES
DEBATS :
A l'audience publique du 21 mars 2023, l'affaire est venue devant M. Vincent ADRIAN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 23 mai 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mm Vitalienne BALOCCO, greffier.
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DECISION :
Par assignation selon la procédure accélérée au fond devant le président du tribunal judiciaire de Laon, en date du 7 juillet 2021, Mme [Z] [I] et M. [A] [I], en leur qualité de propriétaire indivis de certains biens immobiliers venant de leurs parents décédés, ont sollicité l'autorisation de les vendre, malgré le défaut de consentement de leurs frère [E] [I] et de leur soeur [S] [I].
Les quatre enfants sont les héritiers, chacun pour un quart (pièce 2), des biens de leurs parents décédés en 1992 pour leur père et en 2019 pour leur mère.
Il s'agit pour eux de vendre :
-deux parcelles de terrain cadastrées ZM [Cadastre 1] et D [Cadastre 2], à usage de pré, attenantes à la maison familiale et à son jardin, sise [Adresse 7] dans le Nord (59), maison occupée par [E] [I], et sises à la même adresse, évaluées, indiquent-ils, à 5 000 € pour la ZM [Cadastre 1] et à 1 000 € pour la D [Cadastre 2],
-d'autre part, une petite maison d'habitation évaluée 20 000 €, sise également à [Adresse 15] et un chalet, évalué 25 000 ,€ sis encore à [Adresse 17], reçu en donation par leur mère,
-enfin, d'un appartement situé aux Baléares, copropriété '[Adresse 22]' à [Localité 18], acquise par leur mère, [K] [B], le 14 avril 1994, évalué selon eux à 350 000 €.
Les défendeurs n'ont pas constitué avocat en première instance.
Par jugement du 14 juin 2022, dont Mme [Z] [I] et M. [A] [I] ont relevé appel, le tribunal judiciaire de Laon les a débouté de leurs demandes.
Le tribunal a relevé que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve d'un péril, ni d'un refus de passer un acte 'faute pour eux de produire ne serait-ce que des lettres d'intention de candidats acquéreurs compatibles avec des évaluations contradictoires de ces biens'.
La cour se réfère aux conclusions des appelants par visa.
Vu les conclusions d'appelant n° 1 notifiées par les consorts [Z] et [A] [I] le 21 octobre 2022, visant à l'infirmation du jugement pour des moyens qui seront exposés dans le corps de la discussion.
Ils reprennent leurs demandes pour les biens suivants :
-deux parcelles de terrain attenantes à la maison familiale sise [Adresse 7] dans le Nord (59), occupée par [E] [I], et sises à la même adresse, évaluées, indiquent-ils, 5 000 € et 1 000 €,
-d'autre part d'une petite maison d'habitation évaluée 20 000 € sise également à [Adresse 15] et d' un chalet, évalué 25 000 € sis encore à [Adresse 17], reçu en donation par leur mère,
-enfin, d'un appartement situé aux Baléares, copropriété '[Adresse 22]' à [Localité 18], acquise par leur mère, [K] [B], le 14 avril 1994, évalué 350 000 €.
Les consorts [S] et [E] [I] n'ont pas comparu. La déclaration d'appel et les conclusions leur ont été signifiées, à domicile pour l'un et l'autre, le 26 octobre 2022.
L'arrêt sera rendu par défaut.
L'instruction a été clôturée le 21 mars 2023, jour de l'audience.
MOTIFS
Selon l'article 815-5 du code civil 'un indivisaire peut-être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d' un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun. (...) L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorité de justice est opposable à l'indivisaire dont le consentement fait défaut'.
Il a été jugé que l'autorisation de justice prévue à l'article 815-5 exige la preuve que le refus opposé par l'un des indivisaires met en péril l'intérêt de tous les coïndivisaires et pas seulement que l'opération est avantageuse, [Localité 20], 25 janvier1983, cité note 2 sous l'article 815-5 du code civil Dalloz; que l'appréciation de l'intérêt commun est souveraine; que la notion d'intérêt commun, faisant exception au principe de l'unanimité, devait être interprétée strictement (note 3 idem).
Il peut s'agir par exemple de payer les droits de succession, de payer les dettes de l'indivision, de soustraire le bien aux poursuites d'un créancier d'un indivisaire, de faire échec au refus de renouvellement d'un bail rural.
Le cas échéant, en cas d' 'urgence', lorsque la vente est 'requise par l'intérêt commun', l'autorisation peut être donnée sur le fondement de l'article 815-6 du code civil.
Selon les appelants, c'est le cas en l'espèce, car les biens 'se délabrent', 'engendrent des frais' et 'se déprécient'.
Il est de fait que les biens génèrent de l'impôt foncier et, pour les deux petites maisons d'[Localité 16], récemment évaluées par le notaire de [Localité 19] à 20 000 € et à 25 000 € (pièces 9 et 11), continuent leurs 'forte dégradation au fil des ans' selon les propros de M. [E] [I] (pièce 20, sa réponse non datée à la sollicitation des appelants par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2020).
Il y exprimait d'ailleurs son intérêt pour racheter ces deux biens, ce à quoi il n'a pas donné suite.
Si le silence ne vaut pas consentement, la non-comparution en première instance et en appel de [S] et de [E] [I] constitue un indice de ce qu'ils n'ont pas d'intérêt significatif à faire valoir contre la vente de ces deux maisonnettes en cours de détérioration et des deux terrains d'[Localité 16], qui sont à usage de pré.
Un acquéreur, Mme [U] [D], s'est porté acquéreur en septembre 2022 pour le prix de 60 000 € pour les deux maisonnettes (pièces 36 et 37).
Il n'y a aucun inconvénient à y joindre les deux terrains à usage de pré, attenants à l'ancienne maison familiale du [Adresse 7], en l'absence de toute manifestation d' intérêt de l'un ou l'autre des indivisaires, sachant qu'aucun n'allègue entretenir ceux-ci et que leur vente laissera intact le jardin de la maison.
S'agissant de l'appartement des Baléares, aucun des deux indivisaires non-comparants n'a indiqué dans sa réponse respective être intéressé (pièces 20 et 21). Il est de fait que les relations de mauvaise qualité entre eux entraine la paralysie de tout effort de vente depuis 2019. L'appartement génère des charges, soit un solde 8 715 € en juin 2019 (pièce 17), charges qui n'ont pu qu'augmenter depuis.
Chacun des indivisaires, et l'indivision elle-même, a intérêt à tirer un prix, le meilleur prix de ces biens plus ou moins abandonnés. Une indéniable urgence se manifeste désormais, en 2023. Aucun inconvénient à la vente n'est signalé.
Il y a donc lieu dans l'intérêt commun de l'indivision, et en l'état, désormais, d'une certaine urgence, d'en autoriser également la vente.
Il sera fait droit aux demandes.
Le jugement sera infirmé.
Les prix de vente minima proposés sont adaptés au regard des évaluations et seront retenus.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par défaut, en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laon le 14 juin 2022,
Autorise Mme [Z] [I] épouse [T] et M. [A] [I] à vendre et à signer seuls les actes relatifs à la vente des biens suivants :
-deux parcelles de terrain cadastrées ZM [Cadastre 1] et D [Cadastre 2], à usage de pré, sises [Adresse 7], à un prix qui ne saurait être inférieur à 3 000 € pour la première et 500 € pour la seconde,
-une maison d'habitation sise [Adresse 15] (59), cadastrée C [Cadastre 8] et C [Cadastre 9], au prix minimum de 12 000 €,
-un chalet sis [Adresse 14] (59), cadastré C [Cadastre 10] et C [Cadastre 11], à un prix qui ne saurait être inférieur à 15 000 €,
-un appartement situé aux Baléares, copropriété '[Adresse 22]', n° [Adresse 4] à [Localité 18] (Baléares, Espagne), acquis par [K] [B] le 14 avril 1994, à un prix qui ne saurait être inférieur à 285 000 €,
Dit que les prix de vente devront être confiés au notaire chargé de la liquidation de la succession, consigné par lui, et soumis au partage de la succession, total ou partiel.
Condamne Mme [S] [I] épouse [T] et M. [E] [I] aux dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 2 000 € aux appelants en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT