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11/05/2023 | FRANCE | N°21/04097

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 11 mai 2023, 21/04097


ARRET



















S.A.S. SUDALP





C/



S.A.S. FD ELECT 60









OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 11 MAI 2023





N° RG 21/04097 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGCT



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 12 NOVEMBRE 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE







S.A.S. SUDALP p

rise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 9]





Représentée par Me Alexis DAVID substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101







ET :







INTIMEE







S.A.S. FD ...

ARRET

S.A.S. SUDALP

C/

S.A.S. FD ELECT 60

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 11 MAI 2023

N° RG 21/04097 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGCT

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 12 NOVEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. SUDALP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Alexis DAVID substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

ET :

INTIMEE

S.A.S. FD ELECT 60 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Renaud DEVILLERS, avocat au barreau de BEAUVAIS

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Avril 2023.

GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 11 mai 2023.

Le 11 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.

DECISION

Par acte sous seing privé du 31 août 2016, la société Diac Location (SA), exerçant sous l'enseigne 'Overlease', a consenti à la société Sudalp (SAS), sise à [Adresse 10]) et exerçant une activité de supermarché sous l'enseigne 'Super U', un contrat de location longue durée (24 mois) portant sur un véhicule de marque 'Renault', modèle 'Master Fourgon' (n° de série VF1MA000456382437), immatriculé '[Immatriculation 6]', destiné à la location.

Selon facture n°11131 du 12 septembre 2017 d'un montant de 278,59 euros TTC, le garage Auto'Mobile, sis à [Localité 9] et mandaté par la SAS Sudalp, a effectué des opérations systématiques d'entretien sur le véhicule concerné (index kilométrique : 29.192 km).

Par acte sous seing privé du 12 janvier 2018, la SAS Sudalp a consenti à la société FD Elect 60, sise à [Localité 9], exerçant une activité d'installation électrique dans tous locaux et représentée par son président, M. [N] [T], un contrat de location portant sur le véhicule précité, du 13 janvier 2018 au 20 janvier 2018, pour un montant total estimé de 470 euros TTC correspondant à un kilométrage de 2.200 km.

Le 13 janvier 2018, M. [T] a signé une fiche d'état des lieux arrêtant l'index kilométrique du véhicule loué au départ à 37.784 km.

Le 15 janvier 2018, une avarie moteur a été constatée par M. [N] [T], alors que le véhicule loué était arrêté sur la commune de [Localité 5].

La société [Localité 7] Dépannage a remorqué et livré le véhicule loué au garage Renault Retail, sis à Montpellier (34071).

La SAS Sudalp a déclaré un sinistre (n°41800313) auprès du service protection juridique de son assureur, la compagnie Allianz.

Le 19 février 2018, un ordre de mission est adressé au [Adresse 4] (GME) par la compagnie Allianz, afin d'organiser une expertise amiable et contradictoire, laquelle s'est tenue le 23 mars 2018, au garage Renault Retail de [Localité 7] :

- en présence notamment de représentants de la SAS Sudalp et du garage Auto'mobile;

- et en l'absence de M. [T], ainsi que de l'expert automobile mandaté par ce dernier.

Le 28 mai 2018, le cabinet d'expertise automobile [Localité 8] (agence de [Localité 7] 1), mandaté par l'assureur de la SAS Sudalp, a déposé un rapport, dont les conclusions n'ont pas été acceptées par la SAS FD Elect 60.

Par actes d'huissier des 12 et 15 octobre 2018, la SAS Sudalp a fait assigner la SAS FD Elect 60, la SARL Garage Auto'mobile et la SA Diac Location devant le Président du tribunal de commerce de Beauvais, afin de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

Suivant ordonnance contradictoire du 15 novembre 2018, le Président du tribunal de commerce de Beauvais a notamment désigné en qualité d'expert, M. [I] [Y], avec pour mission :

- d'entendre les parties et tout sachant, et de se faire communiquer tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission ;

- de se rendre au garage Renault Retail - Atelier Mécanique, sis à [Localité 7], lieu de stationnement du véhicule de marque Renault, immatriculé [Immatriculation 6];

- de décrire l'état du véhicule et si possible l'historique du véhicule, ses conditions d'utilisation et d'entretien depuis sa mise en circulation et le cas échéant, de vérifier si elles ont été conformes aux prescriptions du constructeur ;

- d'examiner les dysfonctionnements et/ou anomalies techniques visées dans l'assignation et dans le rapport d'expertise amiable du cabinet d'expertise [Localité 8], de les décrire et de préciser notamment s'ils rendent ou non le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné;

- de déterminer la ou les causes, ainsi que l'origine des dysfonctionnements et/ou anomalies constatées et leur imputabilité ;

- de rechercher s'ils trouvent leur origine suite à une malfaçon ou non façon d'un intervenant, à un défaut d'utilisation ou bien à/dans une situation antérieure à l'acquisition ;

- de décrire, dans l'hypothèse où le véhicule serait techniquement réparable, les travaux nécessaires pour y remédier et d'en chiffrer le coût ;

- d'analyser les préjudices invoqués en rassemblant les éléments propres à en établir le montant;

- de s'expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis;

- et de dresser un rapport à déposer au greffe du tribunal dans les cinq mois de la consignation de la provision, fixée à 2.000 euros sur la rémunération de l'expert, et devant être consignée au greffe du tribunal par la SAS Sudalp.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 29 mai 2019.

Les parties ne parvenant pas à une résolution amiable du litige, la SAS Sudalp a fait assigner la SAS FD Elect 60 devant le tribunal de commerce de Beauvais aux fins notamment de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer :

- la somme de 23.048,77 euros au titre des frais de remise en état du véhicule immatriculé [Immatriculation 6];

- la somme de 1.285,12 euros au titre des frais de démontage pour expertises du véhicule;

- la somme de 1.500 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule;

- et la somme de 9.995 euros HT au titre des frais d'immobilisation du véhicule.

Suivant jugement contradictoire du 12 novembre 2020, le tribunal de commerce de Beauvais a reçu la SAS Sudalp en sa demande et l'a dite bien fondée pour partie, a condamné la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp la somme de 17.500 euros au titre des frais de remise en état du véhicule immatriculé [Immatriculation 6] mais l'a déboutée de ses autres demandes d'indemnisation.

Il a condamné la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de tous les dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 73,22 euros TTC et a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La SAS Sudalp a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour le 30 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante remises le 8 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS Sudalp demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a dite bien fondée pour partie, a condamné la SAS FD Elect 60 à lui payer la somme de 17.500 euros au titre des frais de remise en état du véhicule immatriculé [Immatriculation 6] et l'a déboutée de ses autres demandes d'indemnisation et statuant à nouveau de condamner la SAS FD Elect 60 à lui payer les sommes de 23.011,08 euros, au titre des frais de remise en état, la somme de 1.285,12 euros au titre des frais de démontage pour expertises amiables, la somme de 1.500 euros au titre des frais de gardiennage et la somme de 9.995 euros HT à la SAS Sudalp au titre des frais d'immobilisation du véhicule immatriculé [Immatriculation 6].

Elle demande à la cour de débouter la SAS FD Elect 60 de son appel incident et de la condamner à lui payer la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, de référé et d'appel, y compris les frais de l'expertise judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident remises le 14 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés,la SAS FD Elect 60 demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer 17.500 euros à la SAS Sudalp, outre 1.500 euros pour les frais irrépétibles et les dépens et statuant à nouveau, de débouter la SAS Sudalp de ses demandes, faute de rapporter la preuve que la concluante est à l'origine de la casse du moteur du véhicule loué et en toute hypothèse, de juger que la SAS Sudalp a commis une faute dans l'exécution de ses obligations de bailleur, en mettant à disposition de la concluante un véhicule non conforme puisqu'ayant subi une avarie et n'étant pas suffisamment pourvu en Adblue et en huile moteur qui sont des fluides nécessaires pour le faire fonctionner et de la débouter de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur le quantum des condamnations, de débouter la SAS Sudalp de ses autres demandes, et de fixer subsidiairement le préjudice d'immobilisation comme équivalent par jour au 1/ 1000 ème de la valeur vénale du véhicule, soit 17.500 euros, et ce sur une période qui ne saurait excéder un mois, la SAS Sudalp disposant de la trésorerie nécessaire pour pouvoir procéder à la réparation du véhicule sans attendre un délai d'un an.

Elle demande enfin la condamnation de la SAS Sudalp à lui payer une indemnité de procédure de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023, l'affaire ayant été renvoyée pour plaider à l'audience du 14 février 2023.

SUR CE

Sur la responsabilité de la SAS FD Elect 60 et la conformité du véhicule loué à sa destination

La SAS Sudalp s'en remet aux conclusions du rapport définitif de l'expert judiciaire, ainsi qu'à la motivation du jugement entrepris pour faire valoir que l'intimée est seule responsable de la casse du moteur du véhicule litigieux et de ses conséquences dommageables, étant souligné que l'avarie en cause résulte d'un double défaut d'utilisation par le gérant de la SAS Elect 60, à savoir l'ajout de liquide 'Adblue' dans le circuit de lubrification du véhicule, étant précisé que l'intimée n'a pas remis en cause la fourniture par la concluante de deux bidons de cinq litres de cet additif en amont du trajet lors des opérations d'expertise judiciaire, cet ajout étant conjugué à la décision de poursuivre sa route sur une distance de 87 km suite à l'allumage sur le tableau de bord du véhicule d'une alerte faisant état d'une anomalie moteur.

Le bailleur remarque enfin que l'intimée reproche à l'expert judiciaire de ne pas avoir répondu à plusieurs éléments d'interrogation, ni exploré diverses hypothèses alternatives sur les causes du sinistre, alors qu'elle n'a formulé aucun dire en ce sens, ni contesté les termes du pré-rapport d'expertise.

En retour l'intimée prétend que l'expertise judiciaire ne rapporte la preuve d'aucune mauvaise utilisation du véhicule par son gérant.

Sur les circonstances de fait du litige, la SAS FD Elect 60 soutient qu'avant de prendre la route, M. [T] a fait l'appoint de liquide 'Adblue', par l'ajout des 3/4 d'un bidon de cinq litres qu'il s'est procuré par lui-même, qu'il circulait de nuit sur l'autoroute vers [Localité 7], à environ 70 km de son point d'arrivée, lorsqu'un témoin orange est apparu sur le tableau de bord de véhicule et qu'après avoir contacté un service d'assistance lui proposant un délai d'intervention de trois heures, il a décidé de poursuivre et de finir sa route, que le moteur a continué de fonctionner normalement, malgré une perte de puissance, jusqu'à la fin du trajet.

Elle ajoute qu'à la restitution du véhicule, il a informé le loueur de l'incident survenu en cours de route.

L'intimée précise, concernant le déroulement de l'expertise judiciaire que son conseil n'a pas été en mesure de la représenter lors de la réunion du 12 février 2019, en raison d'une incompatibilité d'agenda et que le rapport final lui impute la responsabilité de la destruction du bloc moteur par l'ajout d'additif 'Adblue' dans le circuit de lubrification, s'appropriant ainsi la thèse et les conclusions du rapport d'expertise amiable commandité par l'assureur de la SAS Sudalp, sans indiquer pourquoi il fallait rajouter de l'huile moteur, ni expliquer comment du liquide 'Adblue' de couleur bleu aurait pu être confondu avec de l'huile moteur de couleur marron, ni enfin de quelle manière le véhicule a pu continuer à fonctionner pendant 70 km, malgré un manque de lubrification.

Au visa des articles 1721 et 1728 du code civil, la SAS FD Elect 60 prétend que l'avarie moteur procède d'un défaut d'entretien par la SAS Sudalp, au motif que lors de la conclusion du contrat de location, le véhicule litigieux était inadapté à l'accomplissement d'un trajet de 2.200 km (aller-retour [Localité 3]-[Localité 7]), et était donc non-conforme à sa destination, compte tenu de son utilisation intensive depuis sa dernière révision du 12 novembre 2017 (8.500 km parcourus en deux mois).

Elle fait valoir que la preuve d'une mauvaise utilisation de ce véhicule par son gérant, en particulier de ce qu'il aurait versé par erreur du liquide 'Adblue', non pas dans le réservoir prévu à cet effet, doté d'un bouchon bleu, situé du côté passager, à l'opposé de celui du carburant diesel, mais dans le circuit de lubrification, situé sous le capôt du moteur, n'est pas rapportée en l'espèce, sachant que la fourniture prétendue par le bailleur, en amont du trajet, de deux bidons de cinq litres de liquide 'Adblue', qui auraient disparu depuis, n'est pas mentionnée dans le contrat de location, ni démontrée par aucun des éléments versés aux débats, ce qui suffit à établir que M. [T] était dans l'impossibilité de polluer l'huile moteur par le versement d'un additif, dont il ne disposait pas.

L'intimée reproche enfin à l'expert judiciaire de ne pas avoir relevé les niveaux de liquide 'Adblue' et de l'huile moteur au moment du dysfonctionnement ni examiné d'autres hypothèses de pollution du circuit de lubrification, telles que la mauvaise qualité initiale de l'huile moteur ou l'ajout de liquide 'Adblue' postérieurement à la restitution du véhicule à [Localité 7], étant rappelé qu'aux termes de son rapport, cet ajout est intervenu peu de kilomètres avant le dysfonctionnement.

Selon l'article 1103 du code civil : 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

Selon l'article 1104 du code civil : 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public'.

Selon l'article 1721 du code civil il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.

Selon l'article 1728 du code civil le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus'.

Selon l'article 1730 du code civil : 'S'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure'.

Il est admis qu'un état des lieux établi contradictoirement par un bailleur et un preneur, constate une situation de fait jusqu'à preuve contraire et selon l'article 1731 du code civil s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

Selon l'article 1732 du code civil il répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

Il est admis qu'il appartient au preneur de prouver que les dégâts ont eu lieu sans sa faute, et non au bailleur de prouver que la faute alléguée du locataire est la cause de son préjudice.

Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier d'une facture n°11131 du 12 septembre 2017 d'un montant de 278,59 euros TTC, que le garage Auto'Mobile, sis à [Localité 9] et mandaté par la SAS Sudalp, a effectué des opérations systématiques d'entretien, consistant notamment à contrôler et compléter les niveaux d'huile et d'urée ('Adblue' fourni par le client) du véhicule litigieux, alors que ce dernier affichait un index kilométrique de 29.192 km pour une première mise en circulation le 29 novembre 2016 et du contrat de location du 12 janvier 2018, que le véhicule affichait un index kilométrique de 37.784 km au départ, soit le 13 janvier 2018 à 18h05, ce qui est confirmé par la fiche 'état des lieux véhicule utilitaire et minibus' du même jour et signée par M. [T], laquelle ne mentionne pas les niveaux d'huile et d'urée, ni la fourniture de liquide 'Adblue' par le bailleur.

Aux termes du rapport d'expertise amiable et contradictoire du 28 mai 2018 la SAS Sudalp atteste avoir fourni deux bidons de cinq litres d'additif 'Adblue' avec flexible à M. [T], ce que la SAS FD Elect 60 dément, étant ajouté qu'aucun de ces deux bidons n'a été retrouvé dans le véhicule, de sorte qu'il perdure une zone d'ombre sur la mise à disposition et le devenir de cet additif.

Il résulte également de cette expertise que le moteur du véhicule litigieux est affecté de dommages internes importants le rendant impropre à son usage en l'état et que l'avarie résulte d'une pollution anormale de la charge d'huile moteur par l'adjonction d'un tout autre produit, étant précisé que cette mixité a entrainé une viscosité anormalement élevée de l'huile, lors de l'utilisation du véhicule, laquelle a entrainé une importante altération métallurgique du turbo compresseur et de l'attelage mobile du moteur.

Deux échantillons distincts de la charge d'huile ont été contradictoirement prélevés pour analyse du laboratoire 'Adela', dont il ressort, que les dépôts dans le carter d'huile sont la conséquence d'une pollution anormale par un produit autre que de l'huile, dont la concentration ne permet pas d'en déterminer l'origine exacte, étant ajouté cependant que l'adjonction accidentelle d'additif de type 'Adblue' n'est pas à exclure, l'évaporation de la fraction aqueuse de ce produit par effet thermique pouvant laisser perdurer une phase urée propre à créer une rétention de dépôts carbonés.

Il est conclu au fait que la destruction du moteur ne résulte pas d'une défectuosité de cette pièce, ni de la dernière intervention du garage Auto'Mobile et que l'origine des dommages causés au moteur résulte d'un défaut accidentel d'entretien, aggravé par l'utilisation du véhicule en l'état, étant observé que M. [T] déclare avoir poursuivi sa route malgré les premières alertes de dysfonctionnement du moteur, ce qui est confirmé par le calculateur de gestion du moteur, qui indique que le véhicule a parcouru 87 km, suite à l'apparition de l'indicateur de panne, alors que les dommages causés auraient pu être moindres si des mesures conservatoires avaient été prises dès l'allumage du voyant et du message d'alerte sur le tableau de bord.

Enfin le niveau du réservoir d'additif 'Adblue' était au minimum au jour de l'examen.

Aux termes du rapport d'expertise judiciaire du 29 mai 2019 il est constaté que le carter de distribution du véhicule en cause est maculé d'huile polluée à la consistance anormale; les cylindrées paraissent correctes, à l'exception des parties supérieures des fûts recouverts de dépôts carbonés; des dépôts d'huile et des amalgames carbonés sont présents dans la tubulure; une étiquette de vidange est présente (Huile activa SW 30 WEO ECS, 29.192 km); un dépôt de type cristaux est visible au niveau de l'orifice de remplissage d'huile moteur, la cloche de filtre à huile et le filtre sont obstrués par un mélange épais, le moteur et le turbocompresseur sont hors d'usage, étant observé que le premier présente des traces de grippage et le second un jeu axial anormal, ces défauts constituant une avarie mécanique majeure (casse moteur) rendant le véhicule impropre à sa destination.

Selon l'expert le dysfonctionnement procède d'un défaut de lubrification majeur, causé par une forte dégradation de la qualité du lubrifiant (viscosité anormale) consécutive à une pollution par l'adjonction d'un liquide inapproprié, dont il a résulté, par endroits (carter de distribution, cloche de filtre à huile), des amalgames graisseux.

Un échantillon d'huile a ainsi été prélevé pour analyse par un laboratoire spécialisé, dont il ressort, la présence d'eau au-dessus de celle constatée par des condensations, étant ajouté que la présence de dépôts cristallins assimilables à du sel au niveau de l'orifice de remplissage d'huile peut correspondre à du liquide 'Adblue'.

De plus l'expert considère que le dysfonctionnement mécanique majeur n'est pas lié à l'intervention du garage Auto'Mobile chargé de l'entretien du véhicule, lequel a été effectué selon les normes du constructeur, ni à un défaut de conception du moteur par le constructeur, mais au dernier trajet réalisé, l'huile ayant été polluée peu de temps et de kilomètres avant l'avarie, étant observé, d'une part, qu'un tel niveau de pollution ne permet pas à un moteur de fonctionner correctement sur une longue distance, et d'autre part, que le véhicule a parcouru 87 km après l'allumage du voyant gestion moteur sur le tableau de bord, ce qui a provoqué une aggravation des dommages.

Il en résulte que la distance accomplie entre le début du trajet de M. [T] et l'enregistrement du dysfonctionnement dans le calculateur de gestion du moteur, soit 732 km, est trop élevée pour que la pollution de l'huile soit intervenue antérieurement au départ.

Au surplus M. [T] indique avoir fait un ajout de liquide 'Adblue' dans son entrepôt, environ 3/4 d'un bidon.

Les conclusions du rapport d'expertise judiciaire concordent avec celles de l'expertise amiable contradictoire et imputent au preneur la responsabilité exclusive de l'avarie mécanique majeure causée au véhicule de location litigieux, survenue le 15 janvier 2018 lors du trajet [Localité 3]-[Localité 7] effectué par le gérant de la SAS FD Elect 60, aux motifs que cette avarie résulte de la pollution du circuit de lubrification du moteur par l'adjonction d'un liquide, dont l'identité n'est pas connue avec certitude, mais compatible avec de l'additif 'Adblue', à peu de temps et de distance du déclenchement d'un témoin d'alerte sur le tableau de bord, au 732ème kilomètre du parcours effectué par M. [T], étant souligné que le choix de ce dernier de continuer à utiliser le véhicule sur une distance de 87 km, malgré la persistance du voyant attestant d'un dysfonctionnement du moteur, conjugée à une baisse de puissance de l'engin, a aggravé les dommages mécaniques au point de rendre le moteur et le turbocompresseur du véhicule hors d'usage à l'issue du trajet.

L'intimée, qui se contente d'alléguer sans preuve que les dégradations du véhicule concerné procèdent d'un mauvais entretien par le bailleur, antérieurement à la conclusion du contrat de location d'espèce, et plus précisément d'une lubrification défectueuse en raison d'un niveau d'huile insuffisant, voire d'une pollution de cette huile suite à l'ajout d'additif 'Adblue' postérieurement à la restitution du véhicule, par un tiers inconnu, ne verse aux débats aucune pièce susceptible de renverser la présomption de responsabilité contractuelle du preneur édictée par l'article 1732 précité du code civil, s'agissant des dégradations qui arrivent pendant sa jouissance de la chose louée.

A l'inverse, la SAS Sudalp justifie du bon entretien du véhicule litigieux à la date de sa remise au preneur, comme cela est confirmé par les deux rapports d'expertise déposés dans le cadre du présent litige.

Par ailleurs, l'absence de certitude des experts consultés, quant à savoir, premièrement, si le circuit de lubrification du moteur a été pollué par de l'additif 'Adblue' ou par un autre liquide, et deuxièmement, si le bailleur a fourni ou non de l'additif 'Adblue' au preneur avant son départ, ne sont pas de nature à exonérer la SAS FD Elect 60 d'un manquement présumé à son obligation d'user de la chose louée raisonnablement, conformément à sa destination et aux circonstances, dès lors qu'aux termes du rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions, identiques à celles du pré-rapport de M. [Y] et dont les termes n'ont fait l'objet d'aucun dire, ni d'aucune observation des parties avant leur confirmation définitive l'indicateur de panne est apparu sur le tableau de bord alors que le gérant de la SAS FD Elect 60 avait déjà effectué 732 km au volant du véhicule litigieux, l'agravation des conséquences dommageables de cette panne résulte du choix de M. [T] de ne pas avoir stoppé le véhicule, mais d'avoir continué à l'utiliser sur une distance de 87 km et la cause du sinistre, savoir la pollution de l'huile moteur par l'addition d'un liquide manifestement inadapté, est forcément intervenue lors du trajet effectué par le preneur au vu de l'impossibilité pour le moteur de fonctionner avec un circuit de lubrification aussi dégradé sur une distance de plusieurs centaines de km.

Dans ces conditions et à défaut de preuve contraire, il convient de débouter l'intimée de sa demande d'exonération de responsabilité et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que cette dernière est l'unique responsable de l'avarie en cause.

Sur les demandes indemnitaires de la SAS Sudalp

L'appelant sollicite l'indemnisation de quatre chefs de préjudice consécutifs à la mauvaise utilisation du véhicule par la SAS FD Elect 60, savoir la réparation mécanique du véhicule, le démontage du moteur pour les besoins de l'expertise amiable, les frais de gardiennage facturés par la société Renault Retail de [Localité 7] et la perte d'exploitation générée par l'immobilisation du véhicule, soit l'impossibilité de le louer pendant une période arrêtée à douze mois.

Il est admis, au visa du principe de réparation intégrale et de l'article 1732 précité du code civil, que les dommages et intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

Sur le coût de la remise en état mécanique

Les premiers juges ont plafonné l'indemnisation de la SAS Sudalp, au titre de son préjudice matériel de remise en état, à hauteur de 17.500 euros correspondant à la valeur vénale du véhicule litigieux au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, soit après sinistre.

La SAS Sudalp prétend à l'infirmation du jugement entrepris sur ce point, étant précisé qu'en 2018, l'expert judiciaire évaluait le coût des réparations à hauteur d'une somme de 20.075,34 euros TTC, finalement portée à 23.011,08 euros selon devis de la société Renault Retail, actualisé en fin d'expertise (mi-2019) et accepté par la concluante.

L'appelante ajoute que le rapport de l'expert judiciaire indique une valeur vénale au jour de l'expertise de 17.500 euros, selon un barème applicable à un véhicule libre de droit, alors que d'une part, la valeur vénale pertinente en pareil cas doit être arrêtée au jour de l'avarie, laquelle s'élève à 19.500 euros TTC en l'espèce et d'autre part que le véhicule litigieux appartient au crédit-bailleur, la SA Diac Location, de sorte que la concluante n'était pas libre de le vendre en l'état, mais devait le lui restituer en état de fonctionnement, sous peine d'avoir à lui verser des pénalités financières importantes, en vertu du contrat de location de longue durée applicable, ce qui l'obligeait à engager les réparations nécessaires, dont le coût correspond à la réalité de son préjudice au titre de la remise en état mécanique.

La SAS FD Elect 70 fait valoir à titre subsidiaire, la réduction de la demande indemnitaire portant sur les frais de remise en état mécanique à de plus justes proportions, dès lors que la somme réclamée de 23.011,08 euros, au titre du remplacement du bloc moteur par un exemplaire neuf, excède la valeur vénale du véhicule litigieux, fixée à 17.500 euros par l'expert judiciaire et que l'obligation du preneur de répondre des dégradations intervenues pendant la location ne s'étend pas à la remise à neuf de la chose louée.

Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier:d'un devis non-daté de la société Renault Retail Group [Localité 7] (réf. 166779/K), accepté par la SAS Sudalp à une date également indéterminée, mais indiquant le 3 juillet 2019 comme 'date entrée atelier', que le coût de remplacement du bloc moteur turbo s'est élevé à une somme totale de 23.048,77 euros TTC et d'une facture n°715589 du 8 octobre 2019 adressée à la SAS Sudalp, que la société Renault Retail Group [Localité 7] a effectué sur le véhicule d'espèce des prestations de réparation suite à expertise pour une somme totale de 23.011,08 euros TTC.

Aux termes du rapport d'expertise amiable et contradictoire du 28 mai 2018 les remplacements du moteur et du turbo compresseur sont les seules solutions techniques et économiques envisageables, au vu du défaut de lubrification relevé, le montant des travaux de remise en état au 28 mai 2018, selon devis de la société Renault Retail Group, s'élève à 20.075,34 euros TTC et la valeur de remplacement à dire d'expert du véhicule s'élève à 15.850 euros HT, pour une valeur résiduelle de 5.498 euros HT.

Aux termes du rapport d'expertise judiciaire du 29 mai 2019, les travaux de remise en état à cette date, selon devis de la société Renault Retail Group, s'élèvent à 20.075,34 euros TTC, étant précisé que la valeur de marché du véhicule est inférieure à cette somme, soit 17.500 euros TTC toujours à cette date, ou 19.500 euros TTC au jour de l'avarie.

La SAS Sudalp, qui n'était pas propriétaire, mais locataire de longue durée, n'avait pas la libre disposition du bien sinistré, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir procédé à la vente du bien litigieux, ni d'avoir attendu l'issue des mesures d'expertise diligentées, en l'absence d'accord des parties, avant d'engager des travaux de remise en état rendus nécessaires par la restitution dudit bien au crédit-bailleur, la SA Diac Location ni opposé un plafonnement de l'indemnisation par la valeur vénale du véhicule d'espèce, dès lors qu'il ne résulte aucun profit pour l'appelante à l'indemniser intégralement des prestations qui lui ont été facturées à hauteur de 23.011,08 euros TTC par la société Renault Retail Group [Localité 7] le 8 octobre 2019, au titre de la remise en état du véhicule d'espèce, alors même que les pièces sinistrées par la faute de la SAS FD Elect 60, qui étaient d'occasion au jour du sinistre, ont été remplacées par des pièces neuves.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a plafonné la condamnation de l'intimée à 17.500 euros et de condamner la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp la somme de 23.011,08 euros au titre des frais de remise en état du véhicule litigieux.

Sur les frais de gardiennage et le coût de démontage du bloc moteur

Les premiers juges ont débouté l'appelante de ce chef d'indemnisation au motif que rien ne l'empêchait de remettre en état le véhicule endommagé et de le relouer ou de restituer ce véhicule au crédit-bailleur, en tout cas de mettre fin au contrat de crédit-bail.

La SAS Sudalp sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de l'intimée à lui rembourser des sommes engagées pour la bonne exécution des opérations d'expertise amiable, savoir 1.500 euros, au titre des frais de gardiennage acquittés à la société Renault Retail, dans les locaux de laquelle le véhicule se trouvait immobilisé depuis le mois de janvier 2018, outre 1.285,12 euros, au titre du démontage du bloc moteur, étant précisé qu'il lui était impossible de faire réparer le véhicule, tant que l'origine et les causes du sinistre n'avaient pas été expertisées, une première fois par le cabinet d'expertise automobile [Localité 8], puis une seconde fois par l'expert judiciaire et dans l'intervalle, de restituer un véhicule endommagé au crédit bailleur sachant que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice économique dans l'intérêt du responsable.

La SAS FD Elect 70 fait valoir à titre subsidiaire, que les demandes indemnitaires de l'appelante portant sur les frais de gardiennage, le coût de démontage du bloc moteur et l'immobilisation du véhicule litigieux ne sont pas recevables, dès lors qu'elles ne procèdent pas d'une faute de la concluante et que rien n'empêchait la SAS Sudalp de remettre en état le véhicule litigieux et de le relouer sans attendre, ni de le restituer au crédit-bailleur ou de mettre fin au contrat de crédit bail.

Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier de deux devis non-datés de la société Renault Retail Group [Localité 7] (réf. 166779/K), acceptés par la SAS Sudalp à une date également indéterminée, mais indiquant le 3 juillet 2019 comme 'date entrée atelier' que le coût de la dépose et de l'ouverture du moteur pour expertise s'est élevé à une somme totale de 1.285,12 euros TTCet que des frais d'encombrements ont été évalués à hauteur de 1.500 euros TTC.

Aux termes du rapport d'expertise amiable et contradictoire du 28 mai 2018, les frais d'assistance à expertise de démontage du groupe moteur s'élèvent à 1.070 euros HT.

Aux termes du rapport d'expertise judiciaire du 29 mai 2019, les frais de démontage du moteur antérieurs à l'expertise judiciaire sont de 1.285,20 euros TTC, auxquels pourront s'ajouter d'éventuels frais de gardiennage.

Comme indiqué ci-avant, il ne peut être reproché à la SAS Sudalp de ne pas avoir procédé à la vente du bien litigieux, ni d'avoir attendu l'issue des mesures d'expertise diligentées, en l'absence d'accord des parties, avant d'engager des travaux de remise en état rendus nécessaires par la restitution du véhicule litigieux à la SA Diac Location.

Bien qu'ils ne constituent pas des pertes intervenues pendant la jouissance du preneur, au sens de l'article 1732 précité du code civil, les frais assumés par l'appelante de dépose et d'ouverture du bloc moteur en vue des opérations d'expertise amiable et contradictoire, ainsi que de gardiennage du véhicule litigieux jusqu'au lancement des opérations d'expertise judiciaire, sont la conséquence des dégradations causées par la faute du preneur en violation de son obligation d'user de la chose louée raisonnablement, conformément à sa destination, au sens de l'article 1728.1° précité du code civil.

Dès lors que l'appelante n'en retire aucun profit, il y a lieu de l'indemniser intégralement des prestations de démontage et de gardiennage acceptées par elle selon devis de la société Renault Retail Group [Localité 7], pour des montants respectifs de 1.285,20 euros TTC et 1.500 euros TTC.

Il convient par suite d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Sudalp de ses autres demandes d'indemnisation et de condamner la SAS FD Elect 60 à payer à l'appelante la somme de 1.285,20 euros au titre des frais de dépose et d'ouverture du moteur, ainsi que la somme de 1.500 euros au titre de frais de gardiennage.

Sur la perte d'exploitation du véhicule

L'appelante prétend à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la SAS FD Elect 60 à lui verser la somme de 9.995 euros HT au titre de la perte d'exploitation du véhicule pendant la durée de 12 mois séparant la date du sinistre, en janvier 2018, et la date contractuelle de sa restitution au crédit-bailleur, prévue fin janvier 2019, étant souligné que le montant de cette indemnité a été calculé par l'expert-comptable de la concluante et procède d'une évaluation de la perte de chiffre d'affaires à hauteur de 832,87 euros HT par mois, sur la base des seules données d'activité du supermarché de [Localité 9] (Super U) qu'elle exploite.

L'intimée soutient en retour que le préjudice d'immobilisation revendiqué par la SAS Sudalp n'est pas justifié dans son quantum, ni par une quelconque faute de la concluante, aux motifs que l'expert-comptable du bailleur fonde son estimation sur la moyenne nationale du chiffre d'affaires mensuel réalisé pour ce type de véhicule par les supermarchés sous enseigne 'Super U', alors qu'il existe de fortes disparités d'une région à une autre, et que seules les activités de location de l'appelante doivent être prises en considération et qu'il est admis par la jurisprudence que le préjudice mensuel d'immobilisation doit être calculé selon la méthode suivante : valeur vénale / 1000 x 30 jours; ce qui aboutit en l'espèce à une somme de (17.500 / 1.000 x 30 =) 525 euros TTC par mois.

Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier d'une attestation de M. [X] [E], ès qualités d'expert-comptable, du 30 janvier 2019, que le montant du chiffre d'affaires moyen réalisé par la SAS Sudalp sur la location U des véhicules relevant de la même catégorie (11m3) que celle du véhicule litigieux, a été de 832,87 euros HT par mois sur l'année 2017.

Aux termes du rapport d'expertise judiciaire du 29 mai 2019, le préjudice de perte d'exploitation consécutif à l'immobilisation du véhicule est évalué par l'expert-comptable de la SAS Sudalp à 832,87 euros HT par mois depuis janvier 2018.

Il est admis, au visa de l'article 1730 précité du code civil, que le bailleur n'a pas à faire l'avance du coût des travaux de remise en état incombant au preneur, de sorte que les juges ne peuvent réduire l'indemnité due au bailleur au titre de l'impossibilité de relocation avant l'exécution desdits travaux, au motif que le propriétaire pouvait les faire effectuer, le cas échéant avec autorisation judiciaire.

Contrairement à ce que prétend la SAS FD Elect 60, l'estimation de l'expert-comptable du bailleur ne repose pas sur la moyenne nationale du chiffre d'affaires mensuel réalisé pour ce type de véhicule par les supermarchés sous enseigne 'Super U', mais sur les seules activités de location de l'appelante.

Bien qu'il ne constitue pas une perte intervenue pendant la jouissance du preneur, au sens de l'article 1732 précité du code civil, le préjudice subi par l'appelante au titre de l'immobilisation du véhicule litigieux pendant une période de 12 mois, entre la date du sinistre et la date de restitution théorique du véhicule au crédit-bailleur, est de nouveau la conséquence des dégradations causées par la faute du preneur en violation de son obligation d'user de la chose louée raisonnablement, conformément à sa destination, au sens de l'article 1728.1° précité du code civil.

Dès lors, il y a lieu, conformément au principe de réparation intégrale, d'indemniser la SAS Sudalp de son préjudice de perte d'exploitation du véhicule endommagé à raison de son immobilisation sur une période réduite à 12 mois, sur demande de cette dernière, entre les mois de janvier 2018 et 2019, dont le montant est justifié à hauteur de 9.995 eurs HT par une attestation circonstanciée de l'expert-comptable faisant état d'une perte de chiffre d'affaires mensuel de 832,87 euros HT.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Sudalp de ses autres demandes d'indemnisation et de condamner la SAS FD Elect 60 à payer à l'appelante la somme de 9.995 euros au titre des frais d'immobilisation du véhicule concerné.

Sur les demandes accessoires

L'intimée, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'aux dépens de l'instance de référé et aux frais de l'expertise judiciaire, étant précisé que le jugement entrepris l'a condamnée aux entiers dépens, sans préciser leur contenu, alors que la SAS Sudalp sollicitait déjà en première instance l'inclusion des dépens de l'instance de référé et frais de l'expertise judiciaire dans les dépens.

Enfin, il ne parait pas inéquitable de condamner la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris excepté en ce qu'il a condamné la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp la somme de 17.500 euros au titre des frais de remise en état du véhicule immatriculé [Immatriculation 6] et débouté la SAS Sudalp de ses autres demandes d'indemnisation;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp la somme de 23.011,08 euros , avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre des frais de remise en état du véhicule litigieux ;

Condamne la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp la somme de 1.285,20 euros , au titre des frais de dépose et d'ouverture du moteur et la somme de 1.500 euros au titre de frais de gardiennage le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp l a somme de 9.995 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre des frais d'immobilisation du véhicule concerné;

Y ajoutant,

Condamne la SAS FD Elect 60 à payer à la SAS Sudalp la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SAS FD Elect 60 aux dépens d'appel, ainsi qu'aux dépens de l'instance en référé et aux frais de l'expertise judiciaire;

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/04097
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.04097 ?
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