ARRET
N°
[C]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE
TRESORERIE DE [Localité 9]
MS/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU DEUX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04491 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISIW
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L'EXECUTION DE BEAUVAIS DU TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [K] [C]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représenté par Me DAVID substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS
APPELANT
ET
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me DENIS substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS
TRESORERIE DE [Localité 9] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 9]
Assignée à secrétaire le 08/11/2022
INTIMEES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 28 février 2023 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
Sur le rapport de Mme Myriam SEGOND et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 mai 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 02 mai 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant offre préalable acceptée le 31 mars 2015, réitérée par acte notarié le 7 avril 2015, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Brie Picardie (la banque) a consenti à M. [C] (l'emprunteur) un prêt immobilier d'un montant de 170 000 euros, remboursable en 240 échéances au taux nominal annuel de 2,47 %.
Suite à des impayés, la banque a, par lettre recommandée avec avis de réception postée le 10 novembre 2020, mis en demeure l'emprunteur de payer la somme de 17 838,42 euros, soit 4 853,04 euros correspondant aux mensualités échues impayées du prêt immobilier depuis le mois de juillet 2020 et 12 985,38 euros correspondant au découvert d'un compte de dépôt à vue, dans un délai de quinze jours, sous peine de déchance du terme.
Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 2 décembre 2020, la banque a prononcé la déchance du terme des deux prêts et réclamé la somme totale de 159 102,04 euros, soit 146 043,03 euros au titre du prêt immobilier et 13 059,01 euros au titre du découvert.
Le 25 novembre 2021, la banque a délivré à l'emprunteur un commandement de payer valant saisie immobilière.
Par acte du 15 mars 2022, la banque a assigné l'emprunteur et le Trésor public-Trésorerie de [Localité 9], créancier inscrit, en vue de l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Beauvais.
A l'audience d'orientation du 6 juillet 2022, l'emprunteur a demandé d'être autorisé à vendre son bien à l'amiable, invoquant un projet de vente à réméré en cours d'étude de sa banque. Le juge de l'exécution a invité l'emprunteur à produire en cours de délibéré un mandat de vente ou une proposition de vente à réméré. L'emprunteur a remis des documents au greffe le 22 août 2022.
Par jugement d'orientation du 31 août 2022, le juge de l'exécution a :
- dit que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Brie Picardie est munie d'un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et devenue régulièrement exigible par anticipation,
- constaté la dénonciation effective de la saisie immobilière au Trésor public-Trésorerie de [Localité 9], créancier inscrit,
- mentionné que le montant retenu de la créance s'établit à la somme totale de 146 989,24 euros en principal, intérêts et accessoires, sous réserve des intérêts au taux contractuel de 2,47 % l'an à compter du 4 septembre 2021 sur la somme de 133 771,89 euros,
- ordonné la vente forcée du bien,
- dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
Par déclaration du 17 octobre 2022, l'emprunteur a formé un appel tendant à l'annulation du jugement puis les 4 et 8 novembre 2022, a assigné à jour fixe la banque et le Trésor public en vue de l'audience du 28 février 2013.
L'emprunteur a parallèlement saisi la juridiction du premier président aux fins de sursis à exécution de la décision du juge de l'exécution, demande dont il a été débouté par une ordonnance du 23 février 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 21 février 2023, l'emprunteur demande à la cour :
- d'annuler le jugement,
- à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement,
- statuant à nouveau, d'autoriser la vente amiable des biens saisis et fixer la valeur du bien en dessous duquel il ne pourra être vendu,
- débouter la banque,
- condamner la banque à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que le jugement d'orientation est nul pour violation du principe de la contradiction car le jugement n'a pas tenu compte des documents remis à la demande du juge. Il sollicite, à titre subsidiaire, l'infirmation du jugement et l'autorisation de vendre son bien à l'amiable.
Par conclusions du 6 janvier 2023, la banque demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter l'emprunteur,
- condamner l'emprunteur à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle réplique que le juge de l'exécution n'était pas tenu de mentionner la note en délibéré remise par l'emprunteur, cela d'autant plus que la pièce produite ne caractérise pas une intention réelle de celui-ci de vendre amiablement son bien. Elle conclut, pour cette raison, à la confirmation du jugement d'orientation en l'absence de toute autre pièce communiquée en cause d'appel.
MOTIVATION
1. Sur la demande d'annulation du jugement
Vu les articles 442 et 445 du code de procédure civile,
Selon le premier texte, le juge peut inviter les parties à fournir des explications de droit ou de fait qu'il estime nécessaire ou à préciser ce qui paraît obscur.
Selon le second, aucune disposition n'impose au juge de mentionner dans sa décision les notes en délibéré, qu'elles soient ou non demandées par le président (2e Civ, 6 juin 2013, n° 11-27198).
En l'espèce, à l'audience d'orientation, le premier juge a invité l'emprunteur à produire en cours de délibéré un mandat de vente ou une proposition de vente à réméré. Une attestation de la société Patrimonium indiquant que le projet de vente était en cours d'étude a été remise au greffe le 22 août 2022. Le jugement du 31 août suivant n'a pas mentionné la pièce. Il indique qu' « à la date du délibéré, le greffe de la juridiction n'a été rendu destinataire d'aucun des éléments annoncés par [K] [C] » et en a tiré la conséquence qu'il convenait d'ordonner la vente forcée.
Or, d'une part, le jugement n'avait pas à mentionner la pièce remise en cours de délibéré. D'autre part, le document fourni par l'emprunteur n'était pas conforme à la demande du juge, un projet de vente en cours d'étude n'équivalant pas à un mandat de vente ou une proposition de vente, de sorte que celui-ci a pu considérer que les documents annoncés n'avaient pas été fournis.
La demande d'annulation du jugement sera rejetée.
2. Sur la demande d'infirmation du jugement
Vu les articles R. 322-15, alinéa 2, et R. 322-21 du code des procédures civiles d'exécution,
Lorsqu'il autorise la vente amiable, le juge s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.
Le juge de l'exécution qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente.
Il ressort du procès-verbal de description du 17 décembre 2021, annexé au cahier des conditions de vente du 11 mai 2022, que le bien immobilier saisi est une maison située à proximité du centre de la commune de [Localité 9]. L'huissier note que cette commune, dotée de commerces et services de première nécessité, est située à proximité de l'hôpital de [Localité 6], de la ville de [Localité 11] et de l'entrée de l'autoroute A1 reliant [Localité 10] à [Localité 8]. La maison est d'une surface habitable de 179,99 m2 et comporte 5 pièces sur deux étages, outre les commodités et un grenier au 2ème étage. Le terrain mesure 6400 m2 et comporte deux dépendances. Le raccordement aux réseaux d'assainissement est conforme selon une attestation de Suez Eau France du 17 décembre 2021. Selon le diagnostic de performance énergétique du même jour, le logement est classé F. L'installation électrique est vétuste. Les diagnostics ont permis de repérer des matériaux de la liste B de l'annexe 13-9 du code de la santé publique contenant de l'amiante ainsi que des revêtements dégradés contenant du plomb (classe 3).
Le bien immobilier a été acquis au prix de 170 000 euros selon acte notarié du 7 avril 2015. Le cahier des conditions de vente du 11 mai 2022 fixe la mise à prix à la somme de 35 000 euros.
L'emprunteur justifie de diligences auprès de la société Patrimonium afin de vendre le bien immobilier à réméré.
Compte tenu de la situation géographique du bien, de son attractivité malgré la nécessité de travaux et des diligences accomplies par l'emprunteur, il convient d'autoriser la vente à l'amiable.
En l'absence d'estimation actualisée, le prix plancher sera fixé à la somme de 35 000 euros prévue dans le cahier des conditions de vente.
Le jugement d'orientation est infirmé en ce sens.
3. Sur les frais du procès
Le jugement doit être confirmé en qu'il a dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe. Il en sera de même pour les dépens d'appel.
L'équité justifie de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,
Rejette la demande d'annulation du jugement,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a ordonné la vente forcée du bien immobilier saisi,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
Autorise [K] [C] à vendre à l'amiable le bien immobilier pour un prix qui ne saurait être inférieur à la somme de 35 000 euros,
Dit que le prix de vente sera consigné à la Caisse des dépôts et consignations conformément à l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution,
Dit qu'à réception du présent arrêt, le juge de l'exécution devra fixer la date de l'audience de rappel dans un délai qui ne peut excéder quatre mois et taxera les frais de poursuite à la demande du créancier poursuivant conformément à l'article R. 322-21, alinéas 2 et 3, du code des procédures civiles d'exécution;
Dit que les dépens seront compris dans les frais taxés,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT