ARRET
N°
[X]
[E]
C/
S.A.S. BATIMENT 2000
MS/SGS/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU ONZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/03773 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQ2X
Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON DU SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [P] [X]
né le 11 Janvier 1973 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me DORE substituant Me DELAVENNE de la SCP EMERGENCE AVOCATS, avocats au barreau de LAON
Madame [M] [E]
née le 14 Juillet 1978 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me DORE substituant Me Damien DELAVENNE de la SCP EMERGENCE AVOCATS, avocats au barreau de LAON
APPELANTS
ET
S.A.S. BATIMENT 2000 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie-Annick GILLET-HAUQUIER, avocat au barreau de LAON
INTIMEE
DEBATS :
A l'audience publique du 14 février 2023, l'affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 11 avril 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 6 novembre 2013, Mme [E] et M. [X] ont confié à la société Bâtiment 2000 la construction d'une maison individuelle, les maîtres de l'ouvrage conservant à leur charge les travaux d'assainissement.
Les travaux ont débuté le 15 mars 2014.
Le 3 février 2015, suite à l'innondation de la partie basse de l'habitation en raison d'une vanne ayant cédé, la société Bâtiment 2000 a été chargée de travaux complémentaires de drainage intérieur et dallage du sous-sol qui ont été facturés le 3 mars 2015 au prix de 1 800 euros TTC.
La réception a été prononcée le 20 mars 2015 avec des réserves qui ont été précisées par un procès-verbal de constat d'huissier du 26 mars 2015, relatives notamment à un problème d'humidité du garage au sous-sol.
Mme [E] et M. [X] ont sollicité du juge des référés du tribunal judiciaire de Laon une mesure d'expertise et par ordonnance du 16 décembre 2015, M. [W] a été désigné en qualité d'expert.
M. [W] a déposé son rapport le 30 juillet 2016.
Par acte du 10 janvier 2022, Mme [E] et M. [X] ont sollicité du juge des référés du tribunal judiciaire de Laon une nouvelle mesure d'expertise, se prévalant d'une aggravation des désordres liés à la remontée de la nappe phréatique conduisant à une innondation régulière du sous-sol.
Par ordonnance du 6 juillet 2022, le juge des référés a débouté Mme [E] et M. [X] et les a condamnés aux dépens.
Par déclaration du 2 août 2022, Mme [E] et M. [X] ont fait appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 7 octobre 2022, Mme [E] et M. [X] demandent à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance,
- d'ordonner une mesure d'expertise,
- de condamner la société Bâtiment 2000 à leur payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que :
- leur demande d'une seconde mesure d'expertise est justifiée par un motif légitime d'établir la preuve des désordres,
- les désordres sont distincts de ceux ayant donné lieu à la première mesure puisqu'ils consistaient initialement en de simples flaques et humidité omniprésente et qu'il s'agit désomais de véritables innondations,
- le premier rapport d'expertise comporte des développements insuffisants sur l'origine de tels désordres.
Par conclusions du 4 novembre 2022, la société Bâtiment 2000 demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance,
- condamner Mme [E] et M. [X] au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
- la demande d'une seconde mesure d'expertise, qui ne vise qu'à palier l'insuffisance du premier rapport portant déjà sur les désordres d'humidité, n'est pas justifiée par un motif légitime,
- les problèmes d'innondation rencontrés sont liés à une défectuosité des travaux d'assainissement que Mme [E] et M. [X] s'étaient, de leur propre aveu, réservés.
MOTIVATION
Vu l'article 145 du code de procédure civile ;
Il résulte de ce texte que la demande de désignation d'un nouvel expert, motivée par l'insuffisance des diligences accomplies par l'expert précédemment commis en référé, relève de la seule appréciation du juge du fond (2e Civ., 24 juin 1998, n° 97-10638, 2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-16.501).
En revanche, le juge des référés reste compétent pour statuer sur une demande de levée des scellés ordonnées par une précédente ordonnance et de désignation d'expert, dès lors que les nouvelles mesures sollicitées ne sont fondées ni sur l'irrégularité ni sur l'insuffisance de l'exécution de la mesure initialement ordonnée mais tendent uniquement à en assurer l'efficacité (2e Civ., 21 janvier 2010, n° 09-10618).
En l'espèce, le rapport d'expertise initial du 30 juillet 2016 mentionne les désordres d'humidité dans le sous-sol. L'expert constate, en pages 10 à 12, la présence d'humidité résiduelle dans le sous-sol avec des traces sombres sans ruisselllement ni percolation ainsi qu'un mauvais agencement du dispositif d'assainissement à l'extérieur, le caniveau au bas de la rampe étant raccordé à un puits de perte implanté en partie haute du terrain, ce qui peut entraîner le refoulement vers le caniveau de l'eau qui peut ainsi pénétrer dans le sous-sol. Il conclut, en pages 16 et 17, que la responsabilité des maîtres de l'ouvrage est engagée puisqu'ils se sont réservés les travaux d'aménagement du terrain et de raccordement des réseaux, l'entrepreneur étant responsable d'un manquement à son devoir de conseil. Il évalue ainsi la part de responsabilité de chacun à 85% pour les premiers et 15% pour le second.
Il en résulte que l'expert a accompli des diligences relatives aux désordres d'humidité dans le sous-sol, en a déterminé l'origine et retenu un partage de responsabilité.
Mme [E] et M. [X] allèguent que les désordres actuels sont distincts de ceux examinés par l'expert. Ils fournissent un courrier de la maire de la commune de [Localité 5] du 1er décembre 2020 visant à autoriser Mme [E] à rejeter les eaux de la nappe phréatique vers le fossé communal. Une attestation de la société Ingénierie du bâtiment et des travaux publics du 17 mars 2022 indique que le drainage périphérique extérieur de l'habitation n'est pas raccordé à un exutoire, que le drainage posé dans le garage ne dispose pas d'exutoire et que le puisard dans la cour ne s'infiltre pas.
Si ces éléments démontrent une aggravation de l'état d'humidité du sous-sol, susceptible de justifier des investigations complémentaires, l'insuffisance alléguée du précédent rapport ne peut pas constituer un motif légitime de désignation d'un nouvel expert par le juge des référés.
Il ne peut être soutenu que la nouvelle mesure d'expertise demandée tendrait à assurer l'efficacité de la mesure initiale puisque la mission du nouvel expert serait la même. Il s'agit en réalité d'une demande de contre-expertise qui ne relève pas du juge du référé mais du juge du fond.
L'ordonnance est confirmée.
Mme [E] et M. [X] perdant le procès, l'ordonnance sera confirmée en sa disposition relative aux dépens. Ils seront, en outre, condamnés aux dépens d'appel et à payer à la société Bâtiment 2000 la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
Condamne [P] [X] et [M] [E] aux dépens d'appel,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne [P] [X] et [M] [E] à payer à la société Bâtiment 2000 la somme de 1 000 euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT