ARRET
N°
[U]
[L]
C/
[L]
[E]
E.A.R.L. [L]
S.E.L.A.R.L. SELARL EVOLUTION
CV
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 06 AVRIL 2023
N° RG 22/02413 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOJH
ORDONNANCE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON EN DATE DU 05 MAI 2022
APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC
EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Madame [I] [U]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Marc ANTONINI de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
Monsieur [S] [L]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Marc ANTONINI de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIMES
Monsieur [D] [L]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Patrice DUPONCHELLE de la SCP VAN MARIS-DUPONCHELLE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 106
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006059 du 11/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)
Madame [J] [E] épouse [L]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Patrice DUPONCHELLE de la SCP VAN MARIS-DUPONCHELLE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 106
E.A.R.L. [L]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Non représentée
S.E.L.A.R.L. SELARL EVOLUTION
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-françois DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON
DEBATS :
A l'audience publique du 26 Janvier 2023 devant :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction et Mme DAVRIL Diana, greffier stagiaire
MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général
PRONONCE :
Le 06 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.
DECISION
Par jugement en date du 14 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Laon a prononcé la liquidation judiciaire de l'Earl [L], de M.[D] [L],de Mme [J] [E] épouse [L] et de M.[S] [L] et a autorisé la poursuite d'activité jusqu'au 31 mars 2021 .
Par requête enregistrée le 20 octobre 2020, la Selarl Grave Randoux , agissant en qualité de liquidateur judiciaire, a sollicité l'autorisation de procéder à la vente judiciaire du matériel d'exploitation et du cheptel dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire .
Par ordonnance en date du 5 mai 2022 , le juge- commissaire a:
-ordonné la vente de gré à gré du cheptel de bovins dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de l'Earl [L], de M.[D] [L], de Mme [J] [E] épouse [L] et de M.[S] [L] au profit du Gaec Reconnu [X] moyennant la somme de 16 660 € payable comptant entre les mains du liquidateur judiciaire .
-ordonné la vente judiciaire du matériel d'exploitation dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de l'Earl [L] de M.[D] [L], de Mme [J] [E] épouse [L] et de M.[S] [L] par le ministère de la SCP Guizetti -Collet, commissaire-priseur à Reims.
-dit n'y avoir lieu à notifier la présente ordonnance aux créanciers.
-dit que la présente ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l'Earl [L], Mme [J] [E] épouse [L], M.[D] [L], M.[S] [L] , Mme [I] [U] et par lettre simple à M.[K] Romby et à la Selarl Evolution .
Mme [I] [U] et M.[S] [L] ont interjeté appel de la décision le 16 mai 2022 .
Le dossier a été fixé à bref délai par ordonnance en date du 21 juin 2022 .
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 25 janvier 2023 , Mme [I] [U] et M.[S] [L] demandent à la Cour de :
-infirmer l'ordonnance en date du 5 mai 2022 .
Statuant de nouveau ,
-ordonner la vente de gré à gré du cheptel de bovins dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de l'Earl [L], de M.[D] [L],de Mme [J] [E] épouse [L] et de M.[S] [L] au profit de Mme [I] [U] moyennant la somme de 17 000 € payable comptant entre les mains de liquidateur judiciaire .
-ordonner la vente de gré à gré du matériel d'exploitation dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de l'Earl [L], de M.[D] [L], de Mme [J] [E] épouse [L] et de M.[S] [L] au profit de Mme [I] [U] moyennant la somme de 23 000 € payable comptant entre les mains de liquidateur judiciaire .
-condamner in solidum la Selarl Evolution ès qualités de liquidateur,Mme [J] [L] et M.[D] [L] à leur payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance .
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 12 septembre 2022, M.[D] [L] et Mme [J] [E] épouse [L] demandent à la Cour de :
-débouter purement et simplement M.[S] [L] et Mme [I] [U] de leur appel .
-confirmer l'ordonnance entreprise et ordonner la vente de gré à gré du cheptel dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire dont il s'agit au profit du Gaec reconnu [X] pour le prix de 16 660 € et la vente aux enchères du matériel d'exploitation .
-condamner les appelants aux dépens qui seront recouvrés conformément à la législation sur l'aide juridictionnelle ainsi qu'à une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit des exposants qui bénéficient d'une aide juridictionnelle partielle .
La Selarl Evolution agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de l'Earl [L], de Mme [J] [E] épouse [L], de M.[D] [L] et de M.[S] [L] demandent à la Cour de :
-confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions .
-débouter les appelants de leurs fins, droits, moyens et conclusions.
-condamner les appelants au paiement de la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
-les condamner aux entiers dépens.
Le dossier a été communiqué au Ministère Public. Celui-ci a, le 19 décembre 2022, sollicité la confirmation de la décision entreprise .
Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile .
SUR CE
Sur les ventes du cheptel et du matériel
Mme [I] [U] et M.[S] [L] exposent que si Mme [U] est la compagne de M.[S] [L] , elle n'est cependant pas la dirigeante de l'entreprise liquidée,qu'elle n'est pas frappée par une des interdictions visées à l'article L 642-3 du Code de Commerce , que dans ces conditions,l'offre présentée par Mme [U] est parfaitement recevable et qu'il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a écarté cette offre .Ils font valoir qu'il est dans l'intérêt des créanciers que les biens de la société placée en liquidation judiciaire soient vendus au prix le plus élevé,que M.[X] a proposé un prix de rachat du cheptel de 16 660 € et un prix de rachat du matériel de 20 000 € mais que lors de l'audience , Mme [U] a proposé des prix plus élevés soit 17 000 € pour le cheptel et 23 000 € pour le matériel , que de plus le commissaire-priseur a évalué à la valeur de 47 175 € le matériel issu de l'exploitation , qu'une partie du matériel est d'ailleurs en mauvais état, qu'il convient d'ordonner la vente de gré à gré tant du cheptel que du matériel , au profit de Mme [I] [U] pour un montant de 17 000 € concernant le cheptel et de 23 000 € pour le matériel .
M.[D] [L] et Mme [J] [E] épouse [L] font valoir qu'[S] [L] est un des dirigeants de l'entreprise faisant l'objet de la liquidation judiciaire , qu'il ne peut donc être cessionnaire d'éléments d'actifs de l'entreprise , qu'il a été indiqué en première instance que la dépréciation de la valeur du cheptel était due à un mauvais entretien depuis la prise en charge de celui-ci par M.[L] et Mme [U] ce qui a entrainé une intervention des services vétérinaires , démontrant leur inaptitude à élever du bétail, que Mme [U] n'est pas agricultrice mais travaille dans un Ehpad .Ils soulignent que l'acquéreur qui bénéficie de l'autorisation de cession est en capacité de s'occuper du cheptel puisqu'il s'agit d'un Gaec agricole présentant la compétence requise,que si la proposition de Mme [U] est légèrement supérieure à celle du candidat retenu, il a été noté par le tribunal qu'il y avait eu une multiplicité d'offres et d'augmentation de ces dernières au fur et à mesure du temps mais que la valeur restait très inférieure à celle proposée par le commissaire-priseur, qu'il convenait donc de confirmer l'ordonnance tant pour la vente de gré à gré du cheptel au profit du Gaec [X] que pour la vente aux enchères du matériel .
La Selarl Evolution précise que le cheptel a été évalué par le commissaire-priseur en valeur d'exploitation à 75 000 € et en valeur de réalisation à 37 500 € , que le matériel a été prisé quant à lui pour un montant de 108 650 € en valeur d'exploitation et 47 175 € en valeur de réalisation, que pendant la poursuite d'activité qui avait confiée à M.[S] [L],l'attention de la Selarl Evolution a été attirée à de nombreuses reprises sur la situation déplorable de l'exploitation, de nombreux bovins étant morts par manque des soins, que sur 140 animaux dénombrés en 2018 , il n'en restait plus que 93 , qu'elle a dû en urgence saisir le tribunal d'une requête afin d'être autorisée à vendre de gré à gré le cheptel ainsi que le matériel .Elle souligne que Mme [U] a présenté plusieurs offres mais qu'elle ne dispose ni de la capacité agricole ni des moyens matériels lui permettant de poursuivre l'élevage , qu'elle est la compagne de M.[L] et que son offre permettrait en réalité à M.[L] à qui la procédure de liquidation judiciaire a été étendue de poursuivre l'exploitation de la ferme , qu'il s'agit d'animaux et que l'intérêt de la liquidation ne s'apprécie pas seulement au regard des sommes susceptibles d'être recueillies, que par ailleurs , le défaut d'entretien du cheptel est tel qu'il n'existe plus aucune production de lait.
Elle ajoute concernant le matériel que le tribunal a constaté que les offres étaient multiples, augmentant au fur et à mesure des propositions mutuelles, justifiant ainsi le recours aux enchères , permettant de fixer au plus juste une valeur de marché .
En application de l'article L 642-19 du Code de Commerce, le juge- commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques , soit autorise, aux prix et conditions qu'il détermine , la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu'elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci .
Selon l'article L 642-20, les cessions d'actifs réalisées en application des articles L 642-18 et L 642-19 sont soumises aux interdictions prévues au premier alinea de l'article L 642-3 .Toutefois, le juge- commissaire peut , sur requête du Ministère Public, y déroger et autoriser la cession à l'une des personnes visées à ce texte à l'exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l'un quelconque de ses patrimoines .
Le juge- commissaire peut être saisi, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, aux fins d'accorder la même dérogation pour les cessions d'actifs mobiliers de faible valeur nécessaires aux besoins de la vie courante et de biens faisant partie d'une exploitation agricole ainsi que pour la vente aux enchères publiques ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers .
Selon l'article L 642-3, ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire , ni les parents ou alliées jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure, ne sont admis directement ou par personne interposée à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d'acquérir dans les cinq années suivant la cession tout ou partie des biens compris dans cette cession directement ou indirectement ainsi que d'acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai , au capital de cette société .
Toutefois lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinea à l'exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l'un quelconque de ses patrimoines .
Il est constant que Mme [I] [U] est la compagne de M.[S] [L] et que le cheptel avait été confié à M.[L] pendant la procédure. Si le couple produit des attestations dont les auteurs indiquent que M.[L] et sa compagne ont continué à s'occuper du troupeau et ont essayé de faire face à une situation difficile, notamment financière , il est établi par l'ensemble des pièces produites tant par les appelants que par le mandataire judiciaire,que l'état du cheptel a décliné de façon notable, les bêtes ne recevant pas suffisamment de nourriture et de soins vétérinaires appropriés, ce qui a abouti à la perte de plusieurs vaches puis à la suspension des qualifications sanitaires nécessaires notamment en matière de brucellose bovine par arrêté du 10 octobre 2022 , l'administration ayant constaté suite à un contrôle effectué le 21 juin 2022 , l'absence de réalisation des prophylaxies obligatoires pour la brucellose bovine et la rhinotrachéite infectieuse dans les délais prescrits. Ainsi que le souligne le mandataire judiciaire , il s'agit d'animaux, le prix offert ne peut être un critère suffisant pour leur acquisition, l'acquéreur doit être en mesure de pourvoir à leurs besoins alimentaires et sanitaires , et force est de constater que le cheptel est important (plus de 90 animaux ) .Aucun élément ne permet de remettre en cause la capacité du Gaec Reconnu [X] à prendre en charge ces animaux, de sorte que son offre a pu à juste titre être retenue par le juge commissaire pour le prix de 16 660 € , la décision sera donc confirmée en ce qu'elle a ordonné la vente de gré à gré du cheptel moyennant la somme de 16 660 € au profit de Gaec Reconnu [X].
S'agissant du matériel , il doit être rappelé que sa valeur de réalisation a été estimée à 47 175 €, l'offre de Mme [U] était de 23 000 € , le juge commissaire a pu à juste titre considérer que cette offre restait très en deça de celle indiquée par le commissaire-priseur et qu'au regard de la multiplicité des offres, de l'augmentation de celles ci au fur et à mesure du temps et des propositions faites, qu'il convenait d'ordonner la vente judiciaire du matériel par un commissaire-priseur afin d'obtenir un prix plus avantageux , il convient donc de confirmer l'ordonnance sur ce point également .
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n'apparait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais non compris dans les dépens .Il y a lieu de mettre les dépens de la présente instance à la charge de Mme [I] [U] et de M.[S] [L] qui succombent en leurs prétentions .
PAR CES MOTIFS
La Cour , statuant par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe ,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions .
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile .
Condamne M.[S] [L] et Mme [I] [U] aux dépens d'appel .
Le Greffier, La Présidente,