ARRET
N°
S.A. COFIDIS
C/
[D]
[P]
Société FORCE ENERGIE
[Y]
VA/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT HUIT MARS
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/03501 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IE6P
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
S.A. COFIDIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 12]
[Localité 6]
Représentée par Me Christian LUSSON de la SCP LUSSON ET CATILLION, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant la SELARL INTERBARREAUX PARIS-LILLE HAUSSMANN KAINIC HASCOËT HÉLAIN
APPELANTE
ET
Monsieur [F] [D]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Madame [O] [P] épouse [D]
née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentés par Me Antoine CANAL, avocat au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Samuel HABIB, avocat au barreau de PARIS
Société FORCE ENERGIE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
Assignée à domicile le 23 août 2021
INTIMES
Maître Me [Y] [H] associé de la SELARL [Y]-PECOU, agissant ès-qualités de mandataire ad litem de la société FORCE ENERGIE
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 8]
Assigné à secrétaire le 25 juillet 2022
PARTIE INTERVENANTE
DEBATS :
A l'audience publique du 24 janvier 2023, l'affaire est venue devant M. Vincent ADRIAN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 28 mars 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
M. [F] [D] et son épouse, Mme [O] [P] épouse [D] ont fait l'objet d'un démarchage par un commercial de la société Force Energie, M. [C], aux fins de pose à leur domicile d'un ensemble de panneaux photovoltaïques à raccorder au réseau ERDF.
Un bon de commande a été signé à cet effet le 13 mars 2017 pour 12 panneaux, avec raccordement au réseau ERDF à la charge de l'entreprise, plus travaux de 'renforcement de la charpente' et travaux d''isolation toiture et murs extérieurs', pour un montant total de 24 500 €.
Le même jour à été conclu à la diligence du technicien, M. [C], un contrat de crédit avec la société Cofidis agissant sous l'enseigne Projexio pour le montant de 24 500 € remboursable en 144 mensualités au taux effectif global de 2,96 %.
Le 27 mars 2017, les panneaux ont été installés.
Le 6 avril 2017, M. [D] régularisait une demande de déblocage des fonds par le prêteur au visa notamment que les démarches de raccordement au réseau avaient bien été 'engagées'.
Le 5 août 2017, M. [D] protestait auprès de Force Energie de ce qu'il devait payer les mensualités alors que le raccordement n'était pas effectué et qu'il n'avait pas reçu la subvention de 7 000 € annoncée par le commercial, M. [C].
La société Force énergie a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 29 mai 2018, Maître [H] [Y] étant désigné en qualité de liquidateur.
Par actes des 3 et 9 juin 2020, M. et Mme [D] ont fait assigner la société Force énergie et la société Cofidis devant le tribunal judiciaire de Compiègne aux fins, à titre principal, de :
-voir suspendre le contrat de crédit,
-voir résoudre ou annuler le contrat principal de vente et d'installation,
-voir résoudre ou annuler le contrat de crédit,
-voir la société Cofidis condamnée à leur payer la somme de 4 747,05 € au titre de leur préjudice financier, 3 000 € au titre d' un préjudice économique et 3 000 € au titre d' un préjudice moral.
Par jugement du 26 mai 2021, le tribunal a :
-suspendu le contrat de crédit,
-écarté la résolution du contrat,
-prononcé l'annulation du contrat pour diverses irrégularités dans le bon de commande,
-constaté l'annulation subséquente du contrat de crédit,
-écarté la demande de restitution du capital formée par Cofidis en raison des fautes commises par celle-ci,
-ordonné à la société Cofidis de restituer les sommes versées par les emprunteurs, non chiffrées,
-écarté les demandes complémentaires des époux [D] visant un préjudice financier (devis de démontage des panneaux pour 4 747,05 €), un préjudice économique et de trouble de jouissance,
-reçu la demande d'indemnisation d'un préjudice moral à hauteur de 1 000 €.
La société Cofidis a relevé appel de ce jugement.
La société Force Energie, après clôture de la liquidation judiciaire, s'est vue désigné un mandataire ad hoc en la personne de Maître [H] [Y], lequel ne s'est pas constitué, malgré une assignation à comparaître avec signification des conclusions par la société Cofidis, le 25 juillet 2022 (délivrée à personne morale). L'arrêt sera réputé contradictoire à son égard.
Vu les conclusions d'intimé n° 3 notifiées par M. et Mme [D] visant à la confirmation du jugement en ce qu'il a déchu la société Cofidis de sa demande de restitution du capital et a ordonné à celle-ci de restituer les mensualités versées par eux.
Ils demandent l'infirmation du jugement sur les points sur lesquels ils ont été déboutés en première instance et sollicitent :
- 4 747,05 € au titre de leur préjudice financier,
- 4 000 € au titre de leur préjudice économique,
- 3 000 € au titre de leur préjudice moral.
A titre subsidiaire ils demandent à ce que la cour prononce la déchéance du droit aux intérêts du crédit affecté et à ce qu'ils puissent reprendre le paiement mensuel des échéances du prêt.
Vu les conclusions d'appelant n° 3 notifiées par la société anonyme Cofidis le 30 mars 2022 visant à faire réformer le jugement sur les conséquence de la nullité des conventions.
La société demande la condamnation de M. et Mme [D] à lui 'rembourser le capital emprunté d'un montant de 24 500 € au taux légal, à compter de l'arrêt à intervenir, en l'absence de préjudice'.
Elle précise qu'elle 'ne remet pas en cause la nullité et les fautes qui lui sont reprochées', mais estime que les époux [D] ne justifient pas d'un préjudice.
A titre subsidiaire, elle demande à ce qu'ils soient condamnés à lui rembourser le somme de 22 247,46 € (avec intérêts) au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, après déduction d'un devis .
L'instruction a été clôturée le 5 octobre 2022.
MOTIFS
Les dispositions du jugement qui ont :
-suspendu le contrat de crédit,
-écarté la résolution du contrat,
-prononcé l'annulation du contrat pour diverses irrégularités dans le bon de commande,
-constaté l'annulation subséquente du contrat de crédit,
ne sont pas remises en cause, malgré l'assignation à comparaître du représentant de la société Force Energie, et seront confirmées.
Par ailleurs, la société Cofidis précise qu'elle 'ne remet pas en cause la nullité et les fautes qui lui sont reprochées', mais estime que les époux [D] ne justifient pas d'un préjudice.
Il est exact que le premier juge a refusé d'accorder la restitution du capital au vu des fautes commises par la société de crédit sans caractériser le préjudice causé par ces fautes (manquement au devoir de vigilance, cautionnement moral de la société Force énergie utilisant des procédés fallacieux, déblocage des fonds au vu d' une attestation stéréotypée, déblocage des fonds avant raccordement).
Les points I, II et III de la discussion des conclusions des époux [D] sont donc sans objet.
1. Sur la restitution du capital et les préjudices subis par M. et Mme [D].
La société Cofidis demande à titre principal la restitution du capital, soit, pour elle, la somme de 24 500 €, ce qui est le montant du capital emprunté.
Les époux [D] s'y opposent et sollicitent en outre la condamnation de la société de crédit à leur payer :
- 4 747,05 € au titre de leur préjudice financier (restauration de la toiture),
- 4 000 € au titre de leur préjudice économique (perte de revenu et trouble dans les conditions d'existence),
- 3 000 € au titre de leur préjudice moral.
Les époux [D], qui ont fait suspendre l'exigibilité de leur contrat de crédit par le premier juge, rappellent qu'en tout état de cause ils ont payés 34 échéances d' un montant de 249,51 €, au titre des mensualités du 10 mai 2018 au 10 février 2021, soit un montant de 8 483,34 €, dont il doit être tenu compte, ce sur quoi la société Cofidis reste taisante. Au besoin, donc, il en sera tenu compte.
Le capital à restituer par les époux [D] serait donc de 16 016,66 €.
Deux arrêts du 11 mars 2020 de la Cour de cassation sont venus préciser les contours des conséquences de la faute commise par la société de crédit qui a financé un contrat principal irrégulier (Civ. 1ère, 11 mars 2020, deux arrêts, n°18-26189 et n°19-10870).
L'emprunteur qui obtient l'annulation du contrat principal, l'annulation du contrat de crédit, consécutive à celle-ci, et la reconnaissance de la faute du prêteur, 'demeure tenu de restituer ce capital, dès lors qu'il n'a subi aucun préjudice causé par la faute de la banque'.
'Il en résulte, énonce la Cour, que pour approuver, par un motif de pur droit substitué, la cour d'appel qui a condamné l'emprunteur à rembourser les fonds, si la banque a commis une faute en s'abstenant de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de verser les fonds empruntés, l'emprunteur n'établit pas avoir subi de préjudice consécutif à cette faute, de sorte qu'il demeure tenu de rembourser le capital emprunté ( arrêt n° 18-26.189).'
D'autres arrêts ont confirmé qu'il appartenait à l'emprunteur de justifier de ce que la ou les fautes de la société de crédit lui ont causé un préjudice lequel conduit à une compensation avec la dette de restitution du capital.
Il est acquis en l'espèce que la nullité du contrat de vente et d'installation ne conduira à aucune restitution, la société Force énergie ayant été liquidée, la procédure clôturée, et aucune demande en ce sens n'étant alléguée.
Contrairement à ce que les époux [D] soutiennent, rien ne les contraint à devoir démonter les panneaux et à restaurer leur toiture, dès lors qu'aucun dysfonctionnement des panneaux n'est allégué et que les plaintes de M. [D] portaient uniquement sur la défaillance de l'entreprise à procéder au raccordement, lequel peut toujours être réalisé.
Il n' y a donc pas lieu de faire droit à leur demande de condamnation de la société Cofidis à une somme de 4 747,05 € correspondant au devis d'une entreprise Lelu (pièce 15) pour dépose des panneaux et reconstitution de la toiture.
Sur ce point le jugement sera confirmé.
Ils maintiennent avoir subi un préjudice consistant dans le défaut de raccordement au réseau ERDF et produisent en ce sens une attestation d'un électricien, M. [M] [J] (pièce 25) selon laquelle lors de sa visite à domicile le 11 février 2021, il a constaté l'absence de raccordement de l'installation solaire photovoltaïque au réseau électrique'.
Quoique cette lettre ne soit pas, en effet, une attestation au sens strict, elle a valeur de preuve, l'artisan ayant fait un certificat avec cachet, en-tête de l'entreprise et signature qui engage son professionnalisme.
La société Cofidis produit l'historique (pièce 16) du dossier de raccordement par la SICAE de l'Oise, compétente dans ce secteur, qui s'arrête en juin 2017 à cause du chèque émis par Force énergie revenu sans provision. Le coût était à l'époque de 2 252, 54 €, à actualiser donc.
Il y a lieu de retenir de ce chef un préjudice de 3 500 €.
Par ailleurs, les époux [D] ont manqué de revendre de l'électricité, ce qui peut être évalué à une somme de 1 500 € en tenant compte du fait qu'ils avaient la possibilité de faire faire le raccordement plus tôt, laquelle somme sera donc accordée au titre du préjudice dit économique.
Pour le surplus, il convient de confirmer le jugement qui a pertinemment relevé la coopération de Cofidis à la réalisation d' un préjudice moral par la société Force énergie, utilisant de faux labels et faisant des promesses fallacieuses, notamment de réduction d'impôt, provoquant déception, sentiment de tromperie chez les clients et nécessité de s'engager dans un procès long et coûteux, lequel préjudice moral doit être porté à la somme de 2 000 €, au lieu des 1 000 € accordés par le premier juge.
2. Sur les demandes d' indemnisation formées par les époux [D].
Celles-ci ont été examinées et partiellement satisfaites au point 1 du présent arrêt.
Pour mémoire, il est alloué 3 500 € au titre du préjudice dit matériel, 1 500 € au titre du préjudice dit économique et 2 000 € au titre du préjudice moral.
3. Sur les dépens et les frais irrépétibles.
Bien qu'obtenant partiellement gain de cause en appel, la société Cofidis sera condamnée aux dépens d'appel et à une indemnité pour frais irrépétibles, son comportement ayant contribué à obliger les époux [D] à saisir la justice.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort,
Vu le jugement rendu le 26 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Compiègne,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
-suspendu le contrat de crédit,
-écarté la résolution du contrat,
-prononcé l'annulation du contrat pour diverses irrégularités dans le bon de commande,
-constaté l'annulation subséquente du contrat de crédit,
-ordonné à la société Cofidis de restituer les sommes versées par les emprunteurs, non chiffrées,
-écarté la demande complémentaire des époux [D] visant un préjudice financier (devis de démontage des panneaux pour 4 747,05 €),
-statué comme il l'a fait sur les dépens et les frais irrépétibles,
L'infirme sur le surplus, statuant à nouveau,
Condamne M. [F] [D] et Mme [O] [P] épouse [D] à restituer à la société Cofidis la somme de 16 016,66 € au titre du capital restant dû, déduction faite des échéances payées,
Condamne la société Cofidis à payer à M. [F] [D] et à Mme [O] [P] épouse [D] les sommes de 3 500 € (préjudice dit matériel), 1 500 € (préjudice dit économique) et 2 000 € (préjudice moral) de dommages et intérêts au titre des préjudices subis par M. et Mme [D],
Ordonne la compensation entre les deux sommes,
Dit que le solde dû par M. et Mme [D] portera intérêts au taux légal,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Cofidis aux dépens d'appel et à payer la somme de 1 500 € à M. [F] [D] et à Mme [O] [P] épouse [D] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT