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23/03/2023 | FRANCE | N°20/03659

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 23 mars 2023, 20/03659


ARRET

























S.C.I. PARIS BRESLES









C/







S.A.S. UNILEVER FRANCE

SA ING LEASING FRANCE













FLR



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 23 MARS 2023





N° RG 20/03659 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZU5





JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 09 MARS 2020


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PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.C.I. PARIS BRESLES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]





Représentée par Me Marcel DOYEN de la SCP MONTIGNY DOYEN, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 24

Plaidant par ...

ARRET

S.C.I. PARIS BRESLES

C/

S.A.S. UNILEVER FRANCE

SA ING LEASING FRANCE

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 23 MARS 2023

N° RG 20/03659 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZU5

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 09 MARS 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.C.I. PARIS BRESLES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Marcel DOYEN de la SCP MONTIGNY DOYEN, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 24

Plaidant par Me Elizabeth OSTER, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

S.A.S. UNILEVER FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me DAVID substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me Christine EYMRI, avocat au barreau de LILLE

SA ING LEASING FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

Plaidant par Me Fanny CALLEDE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Janvier 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le 23 Mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Pour financer l'acquisition d'un ensemble immobilier (plateforme logistique automatisée) sur la commune de Bresles (60510), la Sci Paris-Bresles a passé la 8 avril 2005, avec la Sa Ing Lease France devenue la Sas Ing leasing France, un contrat de crédit bail d'une durée de 12 ans se décomposant en deux périodes (une première de 9 ans au terme de laquelle la Sci disposait de la faculté de lever l'option d'achat et une seconde de 3 ans permettant la poursuite du crédit-bail en cas de non levée de l'option).

En garantie de la bonne exécution de toutes les obligations pendant la durée de la construction et d'installation du matériel, le paiement des frais de dossier et plus généralement de toutes les sommes dues tant au titre du contrat de crédit bail immobilier que du contrat de bail matériel, la Sci Paris Bresles s'est engagée à remettre en gage une somme de 2 509 000 €.

Le même jour la Sci Paris Bresles a consenti à la Sas Unilever France un bail commercial (Ing lease est intervenue à cet acte) et à la société Ing Lease la cession de sa créance de loyers et charges (cession enregistrée à la recette des impôts le 13 avril 2005 et signifiée par acte d'huissier du 10 mai 2005 à la société Unilever). Les sommes ainsi perçues étant affectées au règlement du loyer et des charges afférentes au crédit bail immobilier.

Dans ces circonstances, et sur interrogation de la société Unilever France, la Sci Paris-Bresles a demandé à cette dernière de payer le dépôt de garantie, directement à la société Ing lease France.

Le jour même la société Unilever France a viré à la société Ing lease une somme de 2 509 000 €.

La livraison des bâtiments est intervenue le 17 novembre 2006, la Sas Unilever France a pris possession des lieux et réglé les loyers entre les mains de la société Ing Lease France.

En raison de la réalisation de travaux complémentaires d'amélioration, des avenants ont été régularisés tant au titre du crédit-bail, que du bail commercial, donnant lieu également à cession de créance se cumulant avec les cessions antérieures, le dépôt de garantie étant porté à 2 675 488,37 €.

Par acte d'huissier du 12 mai 2015, la Sas Unilever France a donné congé à la Sci Paris Bresles à effet du 16 novembre 2015 et les locaux ont été restitués à cette date.

La Sci Paris Bresles n'a pas levé l'option d'achat.

Le 13 septembre 2016 la Sa Unilever a demandé à la Sa Ing lease France la restitution du dépôt de garantie en vain puis le 21 novembre 2016 auprès de la Sci Paris Bresles en vain également.

Par acte d'huissier du 13 juin 2017, la Sas Unilever France a fait assigner la Sci Paris Bresles, ainsi que la Sa Ing Leasing France, devant le tribunal de grande instance de Beauvais devenu le tribunal judiciaire aux fins notamment de les voir condamner conjointement et solidairement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 2.675.488,37 € (au titre du dépôt de garantie) avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2016, capitalisés par année entière, 10000 € à titre de dommages et intérêts, 2.000 € à titre de résistance abusive.

Suivant jugement contradictoire du 9 mars 2020, le tribunal judiciaire de Beauvais a sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

-condamné la Sci Paris Bresles à payer à la Sas Unilever France la somme de 2.675.488,37 € au titre du remboursement du dépôt de garantie outre intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016, 2.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par sa résistance abusive et 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-débouté la Sas Unilever France de sa demande principale en paiement à l'encontre de la société Ing Leasing France, dit en conséquence sans objet la demande en garantie de la société Ing Leasing France à l'encontre de la Sci Paris Bresles, débouté la SAS Unilever France de sa demande de dommages et intérêts liée à l'absence de remboursement en temps et heure du dépôt de garantie ;

- débouté la Sci Paris Bresles de sa demande en garantie à l'encontre de la société Ing Leasing France et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sci Paris Bresles à payer à la société Ing Leasing France la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la Sas Unilever France, ainsi que la société Ing Leasing France du surplus de leurs prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sci Paris Bresles aux dépens .

La Sci Paris Bresles a relevé appel de cette décision par déclaration du 16 juillet 2020.

Suivant ordonnance du 20 mai 2021, le conseiller de la mise en état a débouté les sociétés Unilever France et Ing Leasing France de leur demande de radiation de l'appel et les a condamnées aux dépens de l'incident.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 30 décembre 2021, expurgées des demandes de 'dire et constater ' et de celles qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la Sci Paris Bresles demande à la cour de dire que seule la société Ing leasing France est tenue de rembourser le dépôt de garantie à la société Unilever France, d'infirmer le jugement entrepris du chef de toutes les condamnations prononcées à son encontre et statuant à nouveau de débouter les sociétés Ing Leasing France et la Sas Unilever France de toutes leurs demandes.

Subsidiairement de condamner la société Ing Leasing France à l'indemniser du préjudice en raison des fautes contractuelles ou délictuelles commises à hauteur des condamnations qui pourraient être prononcées à son endroit et très subsidiairement de la garantir de toutes condamnations prononcées en faveur de la société Unilevers France.

En tout état de cause de condamner la société Unilever France et Ing Leasing à lui payer 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile.

Aux termes de ses conclusions remises le 24 février 2021, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la Sas Unilever France demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Subsidiairement de condamner en conséquence la Sa Ing Leasing France à lui rembourser la somme de 2.675.488,37 €, avec intérêts au taux legal ;

En tout état de cause de débouter les sociétés Sci Paris Bresles et la Sa Ing Leasing France de leurs demandes à son encontre et de condamner la Sci Paris Bresles à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'appel et de l'incident.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 7 février 2022, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la Sa Ing Leasing France demande à la cour de débouter la Sci Paris Bresles de ses demandes tendant à l'infirmation du jugement dont appel, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- condamné la Sci Paris Bresles à payer à la Sas Unilever France les sommes de 2.675.488,37 € au titre du remboursement du dépôt de garantie portant intérêts de retard, 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par sa résistance abusive et 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la Sas Unilever France de sa demande principale en paiement à l'encontre de la concluante ;

- débouté la Sas Unilever France de sa demande de dommages et intérêts liée à l'absence de remboursement en temps et heure et du dépôt de garantie ;

- débouté la Sci Paris Bresles de sa demande en garantie à l'encontre de la concluante et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sci Paris Bresles à payer à la concluante la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SAS Unilever France du surplus de ses prétentions ;

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la concluante du surplus de ses prétentions

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la Sci Paris Bresles aux dépens.

Statuant à nouveau, de débouter purement et simplement la Sas Unilever France et la Sci Paris Bresles de l'ensemble de leurs prétentions à son encontre, de condamner solidairement la Sas Unilever France et la Sci Paris Bresles ou, subsidiairement, la Sci Paris Bresles seule, à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir abusé de leurs droits et de condamner la Sci Paris Bresles à lui verser une somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

A titre subsidiaire de condamner la Sci Paris Bresles à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée au bénéfice de la Sas Unilever France ;

- de condamner la Sci Paris Bresles à lui verser une somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 19 janvier 2023.

SUR CE :

Sur la demande de restitution du dépôt de garantie

Il est admis que la société Unilever est créancière d'un dépôt de garantie, qu'elle est seule à avoir qualité et intérêt à soutenir une demande de condamnation au paiement, de sorte que la Sci Paris Bresles n'est pas recevable à demander la condamnation de la société Ing Leasing France.

La Sci Paris Bresles soutient qu'elle a été condamnée à tort au paiement du dépôt de garantie verse par la société Unilever France alors qu'elle n'en est pas débitrice. Elle fait valoir que l'opération de crédit bail et le contrat de bail commercial sont interdépendants et constituent une opération unique, qu'à défaut d'avoir levé l'option le contrat de crédit-bail est venu à échéance le 16 novembre 2015 et qu'en application de l'article 25 du contrat de bail commercial, la Sa Ing Leasing France est seule tenue au remboursement du dépôt de garantie sollicité par la Sas Unilever France au motif qu'elle a repris cet engagement selon la commune volonté des parties.

Elle explique que le tribunal sous couvert d'interprétation, a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 25 du bail en violation de l'article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable aux faits de la cause.

Elle affirme que le crédit bailleur est seul tenu de restituer le dépôt de garantie au motif que dans le cadre de son intervention au contrat de bail (article 25), il s'est expressément engagé dans l'hypothèse où le preneur ne lèverait pas l'option ou en cas de résiliation du crédit-bail à reprendre à sa charge les obligations du bail, qu'il ne s'agit pas d'une simple indication mais d'un véritable engagement.

Elle fait également valoir que la Sa Ing Leasing France a reconnu devoir rembourser le dépôt de garantie dans sa lettre du 22 mai 2015, qu'il y a eu un accord tripartite sur les stipulations de l'article 25 du bail commercial, sans qu'il faille conclure un nouvel engagement, au sens de l'ancien article 1271 du code civil.

Elle soutient que le développement de la société Ing leasing France portant sur la convention de gage-espèce est inopérant car les termes de cette dernière ne contredisent pas ceux de l'article 25 dont elle demande l'application, considérant que par cet article le crédit bailleur s'est engagé à rembourser le dépôt de garantie et que le courier du 11 mars 2005 dont se prévaut le crédit bailleur bien antérieur à la convention et qui n'est qu'un simple projet ne permet pas de mettre à sa charge le remboursement du dépôt de garantie.

Elle ajoute que le courier de la banque Palatine ne démontre pas qu'elle se reconnaît débitrice du dépôt de garantie mais qu'il s'agit d'une recherche de financement pour le cas où elle lèverait l'option d'achat de l'ensemble.

La Sas Unilever France prétend que la Sci Paris Bresles est débitrice à son endroit du dépôt de garantie dès lors que la désignation de la Sa Ing Lease France comme tiers désigné pour recevoir le paiement n'emporte pas novation, conformément à l'article 1340 du code civil. Elle explique que le montant du gage-espèce et du dépôt de garantie étant de même valeur la Sci Paris Bresles, afin d'éviter une double opération, lui a demandé de payer directement le dépôt de garantie à Ing lease. Elle affirme que cette circonstance ne permet pas de remettre en cause l'engagement de la Sci Paris Bresles de restituer le dépôt de garantie comme le prévoit le bail commercial.

La Sa Ing Leasing France fait valoir qu'elle n'est pas débitrice du dépôt de garantie à défaut d'en être le dépositaire, que l'article 25 du bail ne lui a pas transféré l'obligation de restituer le dépôt de garantie qui demeure l'obligation du bailleur, que telle est la commune intention des parties qui doit être recherchée en cas de difficulté d'interprétation. Elle en conclut que l'article 25 du bail ne trouve pas à s'appliquer. Elle précise que si le locataire lui a remis le montant du dépôt de garantie directement c'est en raison d'un accord de paiement intervenu, évitant à la Sci Paris Bresles de payer la somme due au titre de la convention de gage-espèce, sans la libérer de l'obligation de restituer le dépôt de garantie à la société Unilever France.

***

A titre liminaire il est précisé que la mention au dispositif des conclusions de la Sci Paris Bresles tendant à dire et constater que les contrats de crédit-bail immobilier et mobilier, ainsi que le contrat de bail commercial concourent à une opération unique et qu'ils sont donc interdépendants, n'est pas une prétention mais un moyen de sorte que la fin de non recevoir élevée par la société Ing leasing France tirée de la nouveauté de la demande en appel est écartée.

En l'espèce, le montage contractuel (crédit bail consenti par Ing lease à la Sci Paris Bresles, bail commercial consenti par la Sci Paris-Bresles à Unilever France et cession de créance de la Sci Paris Bresles au profit d'Ing lease tous en date du 8 avril 2005) tel que repris dans l'exposé des faits, avait pour objet de permettre le financement de la construction d'un important ensemble industriel, les loyers et charges payés par le locataire étant affectés au paiement des échéances du crédit bail. La finalisation de ce montage faisait suite à d'importantes négociations ayant abouti à un accord consacré dans un envoi daté du 11 mars 2005 signé par les représentants de la société Ing Lease et M. [V] pour la Sci Paris Bresles le 20 mars 2005.

Contrairement à ce que soutient la Sci Paris-Bresles le document du 11 mars 2005 comporte les termes d'un accord portant sur les modalités de l'opération ayant abouti à l'établissement des actes définitifs constituant l'ensemble contractuel.

Aux termes de l'article 15 du contrat de bail commercial il était prévu le versement par la société Unilever France en garantie des obligations issues du bail d'un dépôt de garantie au profit de la Sci Paris Bresles. En application de l'article 25 intitulé 'intervention du crédit bailleur' et après avoir pris connaissance des termes du bail et les avoir approuvés, la société Ing lease France s'est engagée pour le cas où la Sci Paris Bresles ne lèverait pas l'option d'achat conférée par les termes du crédit-bail immobilier et dans le cas où il serait résilié pour quelque cause que ce soit à reprendre les obligations du bail.

Ces articles sont clairs et ne trouvent pas à être interprétés à savoir que dans le premier le preneur remet un dépôt de garantie au bailleur à charge pour ce dernier de le restituer en fin de bail et que dans le second le crédit bailleur s'engage à reprendre les obligations du bailleur en cas de non levée de l'option d'achat par ce dernier ou de résiliation du crédit bail.

Cet article 25 confère au preneur un véritable droit au bail dans l'hypothèse où la Sci Paris Bresles perdrait sa qualité de bailleur. Cependant en l'espèce cet article ne trouve pas à s'appliquer dans la mesure où le preneur a donné congé et ne prétendait donc pas à un maintien dans les lieux.

Il ne permet pas plus de mettre à la charge du crédit-bailleur une obligation de restitution du dépôt de garantie dans cette hypothèse.

C'est donc à tort que la Sci Paris-Bresles soutient que cet article fait peser sur la société Ing leasing France venant aux droits de la société Ing lease France l'obligation de restituer le dépôt de garantie versé par la société Unilever France.

Par ailleurs, il est établi que la société Unilever a versé le montant du dépôt de garantie prévu à l'article 15 du bail commercial et que dans le cadre d'un accord avec le bailleur elle a versé directement cette somme au crédit bailleur. La société Paris-Bresles ne contredit pas sérieusement qu'elle a demandé à la société Unilever France de procéder ainsi pour lui éviter d'avoir à payer le gage-espèces du même montant à la société Ing lease.

Outre le fait que la société Unilever avait connaissance de cet accord (auquel elle n'était pas partie) comme elle le relate dans ses écritures, évitant à la société Paris-Bresles de décaisser le montant du gage-espèces, cet accord ressort également du courrier adressé par la société Ing lease à la Sci Paris Bresles, contenant un paragraphe relatif aux modalités de l'opération de financement approuvées le 20 mars 2005 par M. [V] pour la Sci.

Ce courrier contient un paragraphe intitulé 'modalités de versement du compte Gage espèces' prévoyant que le dépôt de garantie sera versé directement à Ing lease France pour le compte de la Sci Paris-Bresles qui sera seule responsable de sa restitution.

Cette disposition est complétée par une mention aux termes de laquelle : 'la constitution de ce gage espècse ou la cession des sommes dues ne vaudra en aucune cas libération de votre obligation de restitution du dépôt de garantie, ni obligation pour Ing lease de restitution de tout ou partie de ce dépôt'.

L'intention des parties est donc extrêmement claire, ce montage permettant ainci à la Sci Paris -Bresles de ne pas appauvrir sa trésorerie du montant du gage-espèces couvert par le montant du dépôt de garantie de même valeur.

D'ailleurs la Sci Paris-Bresles était tellement consciente de l'obligation qui pesait sur elle de restituer ce dépôt de garantie dans les termes de l'article 15 du bail commercial, qu'alors que la société Unilever France donnait congé et que se posait éventuellement la question du rachat du crédit-bail, elle a inclu dans sa demande de financement présentée à la banque Palatine le montant dû à ce titre.

Ainsi c'est par le mécanisme de la délégation de paiement que la société Unilever France a exécuté ses obligations vis à vis de son bailleur, délégation qui ne permet pas de remettre en cause les obligations de la Sci Paris-Bresles qui a juridiquement perçu le dépôt de garantie à charge de le conserver et de le restituer.

Contrairement à ce que soutient la Sci Paris Bresles la mention contenue dans le courrier du 22 mai 2016 que lui a envoyé la société Ing lease, aux termes de laquelle ' dans l'hypothèse ou vous ne souhaiteriez pas lever l'option d'achat nous vous remercions de nous l'indiquer de manière à ce que nous puissions prévoir les modalités de restitution des baux et contrats en cours et éventuellement le versement du dépôt de garantie' ne s'analyse pas en une reconnaissance de l'obligation de restitution du dépôt de garantie litigieux mais consiste à attirer l'attention du représentant de la Sci Paris-Bresles sur le fait qu'en cas de non levée de l'option il conviendra d'en tirer les conséquences sur les contrats en cours comprenant les baux et éventuellement le versement d'un dépôt de garantie en application de l'article 25 du bail commercial conférant un véritable droit au bail au preneur.

En conséquence le jugement dont appel est confirmé en ce qu'il a condamné la Sci Paris-Bresles à payer à la société Unilever France la somme de 2 675 488,37 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de 10 octobe 2016.

Sur la demande de garantie

La Sci Paris-Bresles soutient que dans l'hypothèse où serait mis à sa charge l'obligation de restituer à la société Unilever France le dépôt de garantie qu'elle a versé en exécution du bail commercial, la société Ing leasing France doit la garantir de cette condamnation en raison des fautes commises par cette dernière lui causant préjudice.

Elle affirme que la société Ing leasing France a commis trois fautes consistant en une rédaction défectueuse de l'article 25 du bail commercial, en l'envoi d'un courrier daté du 22 mai 2015 l'induisant en erreur et en ne la mettant pas en garde et en ne la conseillant pas de façon suffisante sur la nature financière du contrat de crédit-bail immobilier qui est un contrat complexe.

Elle soutient qu'en sa qualité de rédacteur d'acte la société Ing lease a commis une faute en ne veillant pas à 'l'efficacité juridique de la clause 25 ' à défaut de prévoir une reprise globale par le crédit bailleur des obligations du bailleur issues du bail commercial même en cas du rupture du bail commercial.

Elle fait également grief au crédit bailleur de l'avoir induit en erreur sur les obligations mises à sa charge, en lui envoyant le courrier du 22 mai 2015.

La société Ing leasing France soutient que cette demande présentée pour la première fois en cause d'appel est irrecevable en application de l'article 564 du code de procedure civile car elle n'a pas vocation à se compenser avec d'autres sommes, ni à faire écarter ses prétentions ni à faire juger la question née de l'intervention d'un tiers ou de la survenance et de la revelation d'un fait nouveau.

Sur le fond elle soutient n'avoir commis aucune faute dans la rédaction de l'article 25 du bail commercial qui n'est que la retranscription de l'accord des parties se trouvant dans les échanges précontractuels.

Elle affirme ne pas avoir induit en erreur la Sci Paris-Bresles en lui envoyant le courrier daté du 22 mai 2015 dans la mesure où ce dernier ne fait qu'aborder le cas des contrats en cours en cas de non levée de l'option.

Enfin elle fait remarquer que le contrat de crédit bail immobilier n'est pas l'objet du litige mais la restitution d'un dépôt de garantie au terme d'un bail commercial, le sort des sommes dues en exécution du crédit bail immobilier faisant l'objet d'un autre litige disjoint du présent et pendant devant le tribunal judiciaire de Beauvais.

Sur la recevabilité de la demande de garantie

La Sci Paris Bresles a été déboutée de sa demande de garantie dirigée contre la société Ing leasing France par les premiers juges de sorte que cette demande n'est pas nouvelle en appel et est par conséquent recevable.

Sur le bien fondé de la demande de garantie

En l'espèce l'article 25 du contrat de bail qui avait pour objet de garantir un véritable droit au bail au preneur en cas de résiliation du crédit bail ou de non levée de l'option par la Sci Paris-Bresles est parfaitement rédigé et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle dans le courrier du 22 mai 2015 la société Ing lease a attiré l'attention de la Sci Paris Bresles sur les conséquences juridiques à envisager sur les contrats en cours en cas de non levée de l'option par elle.

Prévoir une obligation de reprise par le crédit bailleur des obligations du bailleur en cas de rupture du bail commercial est juridiquement insensé dans la mesure où il n'est pas possible de reprendre les engagements au titre d'un contrat qui n'existe plus.

En conséquence la faute dans la rédaction de l'article 25 du contrat de bail commercial n'est pas établie et le courrier daté du 25 mai 2015 n'était pas de nature à induire en erreur la Sci Paris-Bresles sur les obligations mises à sa charge.

La Sci Paris-Bresles fait également grief à la société Ing lease, débitrice à son endroit d'une obligation de mise en garde et de conseil à raison de la complexité du contrat de crédit bail immobilier, de ne pas avoir rempli ses obligations.

La faute tirée du manquement à l'obligation de mise en garde ou de conseil étant constituée de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit bail immobilier, si elle peut fonder une demande indemnitaire aboutissant à l'allocation de dommages et intérêts susceptibles de se compenser avec les sommes dues en exécution dudit contrat, elle ne peut fonder une demande de garantie tirée de l'obligation de restituer une somme en exécution d'un bail commercial qui est un acte juridique distinct et ne concerne pas les mêmes parties.

En conséquence la demande de la Sci Paris-Bresles tendant à la garantir de sa condamnation en restitution d'un dépôt de garantie en exécution d'un bail commercial, fondée sur les supposés manquements de la société Ing leasing France dans ses obligations précontractuelles de mise en garde et d'information lors de l'émission de l'offre contractuelle portant sur le contrat de crédit bail immobilier, est rejetée comme mal fondée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Ing lease demande la condamnation de la société Unilever et de la Sci Paris-Bresles à lui payer une somme de 5 000 € de dommages et intérêts et subsidiairement que cette condamnation soit prononcée à l'endroit de la Sci Paris-Bresles seule.

Elle fait valoir qu'elle a été abusivement attraite en justice par la société Unilever et que c'est en raison de la résistance fautive de la Sci Paris-Bresles à restituer le dépôt de garantie qu'elle a été poursuivie et que cette circonstance fonde sa demande indemnitaire.

L'exercice du droit d'agir en justice ne peut à lui seul fonder une condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive. A défaut pour la société Ing lease de caractériser la faute commise par la société Unilever et Paris-Bresles faisant dégénérer leur action en abus de droit d'agir en justice, sa demande de dommage et intérêts (principale et subsidiaire) pour procédure abusive est rejetée.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante la Sci Paris-Bresles supporte les dépens d'appel et est condamnée à payer à la société Unilever France la somme de 3 000 € et à la société Ing leasing France la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseiller de la mise en état ayant déjà statué sur le sort des dépens dans le cadre de l'ordonnance d'incident du 20 mai 2021 la société Unilever France est déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictiore rendu par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Beauvais du 9 mars 2020;

Y ajoutant ;

Déboute la société Ing leasing France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure et résistance abusive ;

Condamne la Sci Paris Bresles à payer à la société Unilever France la somme de 3 000 € et à la société Ing leasing France la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile ;

Déboute la société Unilever France de sa demande portant sur les dépens de l'incident.

Condamne la Sci Paris-Bresles aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/03659
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;20.03659 ?
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